Akinari Ueda

(Portrait de Akinari, par Koga Bunrei)

Akinari Ueda pourrait être un héros de roman:

Il naît en 1734 d’une courtisane et d’un père inconnu. Adopté par un couple de marchands, il contracte la variole à 4 ans et en garde une paralysie des doigts qui l’empêche de bien calligraphier, une malédiction pour un lettré. Il a d’abord une vie de plaisirs de débauché qui l’insatisfait. A la mort de son père, il est contraint d’être marchand et d’épouser une femme qu’il n’a pas choisi mais qui se révèle être un grand équilibre pour lui. Il voit le magasin brûler et ruiné, il décide de devenir lettré. Mais la nécessité le pousse à parfaire ses études pour devenir médecin en médecine chinoise et à exercer ce métier. Très sensible, il y est trop consciencieux, mettant sans arrêt en doute ses compétences (évidemment limitées à l’époque !) et refusant ses échecs et à la mort d’une jeune patiente, il cesse son activité et mène une vie instable où il écrit, vivant à Kyoto dans les temples ou chez des disciples. Il devient peu à peu aveugle et a après la mort de sa femme une existence misérable mais publiant tout de même toujours de nouveaux travaux d’éruditions. Il meurt en 1809.

Les Contes de pluie et de lune est son œuvre la plus célèbre et la plus aboutie.

Ah oui, un vrai roman, sa vie ! Bashô a été transformé en héros de manga ou de nouvelles (et sans doute de roman), il n'y a pas grand chose à romancer dans la biographie de Akinari Ueda pour avoir un bon matériau...
(je me suis permis d'ajouter un portrait)

Les contes de pluie et de lune

Akinari a attaché une grande importance à son recueil de contes qu’il a mis 8 ans à polir. Avec cette œuvre, il inaugure dans la littérature japonaise une genre nouveau, le yomibon, « livre de lecture ». Mais c’est aussi un ouvrage qui prend ses racines dans les œuvres classiques antérieurs, comme l’illustre le titre Ugetsu-monogatari, le nom Monogatari étant normalement réservé aux classiques entre le IXème et le XVème siècle. Comme beaucoup d’œuvres du Japon, on retrouve dans le livre des influences du théâtre du nô.

Dans la plupart des contes de l’Ugetsu, la lune et la pluie joue un grand rôle dans la préparation de l’atmosphère. Le style d’Akinari est très concis, il procède par succession d’images plutôt que par associations logiques, ce qui est parfois saisissant. Il y a dans son œuvre aussi un certain humour, qui par exemple le fait écrire en préface : « En l’an 5 de Meiwa (1768), vers la fin du printemps, une nuit alors que la pluie cessait et que la lune était brouillé, près de ma fenêtre, j’ai composé ces récits »...

Un exemple de conte de l’Ugetsu : L’impure passion d’un serpent

Toyoo, fils de famille désoeuvré rencontre lors d’une averse une belle femme à qui il propose son parapluie, façon de pouvoir la revoir. Il lui rend visite et apprend qu’elle est une jeune veuve fortunée. Elle lui déclare très directement sa flamme: il est conquis et séduit. La jeune personne lui offre un sabre en or avant de le laisser partir demander à son père l’autorisation de se marier. L’objet attire l’attention de la famille de ce dernier et se révèle être un objet volé. Clamant son innocence, Toyoo veut retourner dans la riche demeure de la veuve avec les policiers mais il n'y trouve qu’une maison en ruine et inhabitée… Finalement acquitté, il s’en va vivre loin pour se faire oublier mais la belle réapparaît et lui déclare plus que jamais son amour…

Je ne voudrais pas trop continuer à raconter pour ceux qui aimeraient lire le conte …aussi je laisse le titre comme clé pour les autres.

Un conte qui mêle fantastique et réalité (comme tous les autres), violence et poésie, ensorcellement et vérité. Le style est tel que souvent tout s’imbrique et que nous avons avec délice du mal à démêler le rêve étrange de la réalité. +

Complètement déroutant mais super !