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| Pierre Bordage | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Pierre Bordage Jeu 6 Jan 2011 - 15:48 | |
| Pierre Bordage, né le 29 janvier 1955 à La Réorthe, en Vendée, est un auteur de science-fiction français. Les œuvres de Pierre Bordage possèdent des thèmes récurrents. Ses héros sont toujours amenés à développer leur part spirituelle, et à découvrir une force intérieure qui les rend capables d'affronter toutes les épreuves. D'après lui, « il y a un danger dans la quête spirituelle qui est de se sentir supérieur aux autres. Le but n'est pas de devenir parfait, mais de s'accepter tel que l'on est, d'apprendre à se connaître soi-même, à s'explorer avec amour. Celui qui se regarde lui-même avec compassion, avec tolérance, peut enfin comprendre les autres ». Pierre Bordage aborde fréquemment le thème de la religion et de la déformation du message des prophètes, tout particulièrement dans L'Évangile du serpent. Il s'oppose aux dogmes, aux clergés, et tout particulièrement au fanatisme, mettant en avant la profonde différence entre les messages des Évangiles et les agissements de l’Église. Dans Les guerriers du silence, c'est au matérialisme qu'il s'oppose : « La volonté de possession, l’avoir, le paraître, est un aveu de peur. Et la peur nous conduira un moment ou l’autre vers le pouvoir impérial universel ». Ses ouvrages de science-fiction lui ont valu de nombreux prix, parmi lesquels: * Grand Prix de l'Imaginaire et Prix Julia Verlanger en 1994 pour Les Guerriers du Silence. * Prix Cosmos 2000 en 1996 pour La Citadelle Hyponéros. * Prix Tour Eiffel en 1997 pour le cycle de Wang . * Prix Paul-Féval décerné par la Société des gens de lettres en 2000 pour Les Fables de l'Humpur. Source : wikipédia Je vous renvoie d'ailleurs sur ce site en ce qui concerne la biographie impressionnante de l'auteur
Dernière édition par sentinelle le Jeu 6 Jan 2011 - 15:58, édité 2 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Pierre Bordage Jeu 6 Jan 2011 - 15:49 | |
| Porteurs d'âmesQuel est le point commun entre Léonie, achetée enfant au Libéria, séquestrée et prostituée avant de s’enfuir à vingt ans pour se retrouver clandestine et sans papier dans les rues de Paris - Edmé, inspecteur qui découvre un épouvantable charnier dans la Marne – Cyrian, fils de bonne famille, étudiant à l’Ecole européenne supérieure des Sciences et nouveau venu dans la confrérie estudiantine aux allures d’organisations secrètes appelée « les Titans » ? L’existence du translateur, une machine à transférer les âmes, secret jalousement gardé par les membres de la confrérie des Titans. Quel est ce groupuscule aux multiples tentacules, présent à toutes les sphères du pouvoir ? Quelle portée une telle invention pourrait-elle apporter au monde ? Pouvoir transférer son âme dans un autre corps aurait de multiples conséquences : immortalité de l’âme, nouveau outil d’espionnage, autant de raisons pour ne pas ébruiter l’invention, jusqu’ici destinée aux seuls membres huppés de la confrérie en mal de sensations fortes qui se payent un voyage de quatre jours dans un autre corps comme d’autres se payeraient un voyage spatial. Mais comment choisir ces corps sans divulguer ce secret ? En remettant une somme rondelette aux mendiants, clandestins et autres paumés de la ville en échange d’une soi-disant expérience médicale d’une durée de quatre jours. Léonie, femme dans le besoin depuis qu’elle s’est enfuie, sera l’un de ces vaisseaux humains qu’empruntera Cyrian au cours de son deuxième voyage corporel. Lorsque Léonie sera récupérée par ses geôliers et que les possibilités de Cyrian pour réincorporer son enveloppe se réduisent comme peau de chagrin, il ne reste qu’une seule chose à faire : se dévoiler complètement en tant que passager du vaisseau corporel et devenir la seconde voix du corps porteur… Roman d’anticipation doublé d’un thriller polyphonique dans lequel nous accompagnons ces trois personnages avec beaucoup de plaisir, sur un rythme alerte qui ne connaît pas de temps mort, au style fluide et efficace, Pierre Bordage délaisse les implications qu’aurait une telle découverte scientifique pour mieux explorer les sensations et émotions engendrées lorsqu’une âme s’immisce dans un corps étranger. Ou comment notre personnalité et notre façon d’envisager la vie se trouvent bousculées lorsque nous voyons à travers les yeux mais également les souvenirs, ressentis, perceptions d’une personne totalement à l’opposé de soi. Au fond, ce roman est avant tout un plaidoyer pour la tolérance et l’acceptation de la différence : critique de notre société qui prône l’exclusion et le repli sur soi en nous faisant découvrir la vie des sans-papiers et des laissés pour comptes alors que la richesse serait à portée de main si nous prenions la peine de lever nos barrières pour oser aller à la rencontre de l’autre. A noter, l’auteur termine ce roman en laissant présager une suite probable… à suivre donc. Editions Au Diable Vauvert, ISBN 2846261334, 05/2007, 501 pages Existe en poche. |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Lun 19 Mar 2012 - 15:32 | |
| Aïe aïe aïe... Pas joyeuse ma découverte de Bordage... Mort d’un clone (2012) Dommage que la mort du clone ne se soit pas doublée de la mort du bonhomme. Martial Bonneteau, 48 ans, clone au service de la société, décide un beau jour de ne plus être une énième copie. Une première question se pose : un véritable clone aurait-il pu avoir la conscience de n’être qu’un clone ? Ne faut-il pas être un peu plus qu’un clone pour croire que l’on en fait partie ? Questions qui ne méritent pas d’être posées dans le cadre de cette lecture revendiquant l’absence de prise de tête. Restons légers et décontractés, tout dans l’esprit jeune et branché affirmé par Pierre Bordage. De clone triste vêtu en costard, passons en clone sado-macho qui se promène, une putain au bout de la laisse. Comment peut-on passer aussi facilement d’un extrême à un autre ? Mieux vaut ne pas trop s’attarder sur le personnage dans l’espoir d’en apprendre davantage. Sans doute vaut-il mieux le regarder de très loin. Dans les premières pages, le contact entre Martial Bonneteau et sa victime (le lecteur qui s’est perdu entre les pages de son récit) s’effectue de manière relativement civilisée. Même s’il apparaît que Martial souffre d’un déficit de matière grise, il résulte de cette carence une naïveté et une gentillesse débonnaire, à la limite de la bêtise, qui le fait paraître sympathique. La crétinerie peut parfois avoir ses avantages. Martial s’acharne sur sa femme et ses enfants (quoique sa fille Laurence semble susciter en lui des désirs incestueux) mais on ne s’étonne pas trop de cette virulence exercée sur ses proches. Après tout, nous savons que Martial, pauvre momie empêtrée dans ses bandelettes, désire accéder à l’infini de la vie éternelle, et que cette aspiration doit naître de la base étriquée de son foyer-sarcophage. Après la famille pourrie, il nous semble également bien normal que Martial s’attaque à son travail et plus encore, au métro qui le conduit à ce bagne quotidien. Même si cette descente en règles des lieux privilégiés de la servitude volontaire ne tisse pas avec l’originalité, l’écriture de Bordage relève le niveau. Les néologismes, mots-valises et digressions foisonnent et pourraient presque nous faire croire que Martial détient un fond d’excentricité prometteur. Accroché à cet espoir, le lecteur plante ses griffes dans la chair (ténue) de l’histoire et assiste aux nombreuses bravades de Martial, toutes plus ridicules que les autres : « Aujourd’hui, j’ai été à la salle de bains avant ma bonne femme ! » « Aujourd’hui, j’ai pas pris le métro et j’ai fait une promenade ! » « Aujourd’hui, j’ai pas obéi à mon patron ! » « Aujourd’hui, je suis rentré plus tôt que prévu à la maison ! ». Petit garçon de 48 ans va-t-il enfin grandir, laisser se déployer les potentialités que les premières dizaines de pages nous laissaient espérer ? Oui ? Non ? Non… Alors que Martial avait décidé d’abandonner sa peau de clone-travailleur, il revêt sa peau de clone-jouisseur, dans une parodie de lutte des classes extrêmement simplifiée. Martial en avait marre de se faire baiser tout le temps, il a décidé qu’il baiserait tout le temps les autres. Pauvre éjaculateur précoce qui se faisait fouetter par sa femme, il deviendra un pro du pieux grâce aux talents de guérisseuse d’une prostituée africaine sobrement intitulée Mamasa. Marre de devoir sacrifier son estime pour le plaisir des autres ? Il jouira de l’art d’enterrer la fierté de ses victimes devant l’accomplissement de son contentement personnel. Exploité au boulot ? Il profitera des activités de prostitution de sa fille pour faire fortune. Et si vous trouvez que le thème de la prostitution revient de manière un peu trop récurrente dans cette histoire, sachez que dans le langage de Bordage, elle est synonyme d’accomplissement…masculin. Une fois cette digne lutte des classes accomplie, Martial s’estime sauvé. Il n’est plus clone. Le lecteur, disposant d’un peu plus de recul que le personnage dont il lit les péripéties, froncera les sourcils, pas très convaincu. Il a devant les yeux le portrait d’un de ces millions de personnages qui peuplent le monde : le clone-individualiste, modèle adulte de l’enfant capricieux qui veut tout, tout de suite. Enfant qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et qui trouve les défauts des autres ignobles lorsqu’ils sont à peine capables de rivaliser avec les siens. Enfant qui veut jouer le gros dur mais qui nous révèle sa niaiserie larmoyante et dégoûtante au détour d’un passage qui viendra hanter n’importe quel lecteur ayant franchi le cap « Harlequin ». Enfant amoureux de la nature qui place de manière très originale sa rédemption dans une communion mystico-bobo avec les éléments de la forêt. Rats, petits serpents, oisillons, fleurettes et vaguelettes se mêleront dans un brouhaha assourdissant pour faire ressurgir la véritable nature de Martial, qui semble toute concentrée au niveau de son vit fraîchement raccommodé par l’art africain. S’il vous plaît, tuez le clone mais prenez aussi Martial ! Mort d’un clone est un manifeste à la préservation des copies conformes. Elles sont peut-être molles et passives, d’après Bordage, mais le seul crime qu’elles commettent ne concerne personne d’autre qu’elles-mêmes. Tandis que l’homme dé-cloné, non content de revendiquer ce qu’il croit être sa nouvelle liberté, sabote toutes les existences qui passent à sa portée, et celle du lecteur n’échappe malheureusement pas à la règle… | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Lun 19 Mar 2012 - 15:53 | |
| Allez, la preuve par des extraits maintenant. Côté clichés de la bonne et gentille guérisseuse noire qui fait des miracles dans le domaine de l'éjaculation précoce. Il paraît que plus c'est gros, plus on se marre, mais franchis une certaine limite, ça rend surtout très, très las : - Citation :
- Le nez de Martial se planta dans le sillon de ses seins. Une énorme femme noire se tenait derrière elle, sapée à l’africaine, boubou orange vif et turban vert acide. Difficile de distinguer, dans la masse, les mamelles du ventre, les fesses des cuisses, le cou du dos.
« J’t’ai amené Mamasa ! Mamasa l’a dit qu’elle pourrait peut-être faire quelque chose pour toi. Manifestations de la crise adolescente tardive de Martial (48 ans quand même, je le rappelle, c'est un peu tard pour faire son adolescence boutonneuse de bêta qui ricane devant les veux adultes grisonnants) : - Citation :
Félicité l’avait ensuite entraîné dans les boutiques des ruelles jouxtant la rue Saint-Denis, où, collégiens en maraude, ils s’étaient refait une virginité vestimentaire ponctuée de fous rires et d’essais franchement désastreux. Elle avait troqué sa mini-jupe bleue contre une minijupe en cuir bordeaux, puis avait pris congé, boulot maquereau dodo, extorquant à Martial la promesse formelle de venir le voir de temps en temps. Il avait promis bien volontiers, éperdu de reconnaissance, et ils s’étaient embrassés comme de vrais amants, sous les regards de passants interloqués par ce curieux mélange labial d’un clone blanc quinquagénaire aux allures d’ex-fonctionnaire et d’une fille noire à la dégaine de pute. La scène capable de rivaliser avec la série des Harlequin (en un peu plus trash quand même : la drogue n'est pas un sujet que tous les auteurs se risquent à aborder, et Bordage est sans doute fier de se démarquer de ce point de vue-là !) - Citation :
- Sous la table, Laurence releva une manche de son chemisier noir, puis, brusquement, elle tendit son bras dénudé en direction de son père. De petits cratères rouges striaient la peau tendre de la saignée.
« Tu sais ce que c’est, ça ? » Sa voix charriait le malheur. Un brouillon de terrible compréhension se forma dans la tête de Martial. « J’me pique ! T’entends ? Je-me-pique ! » [ok on a compris, chut] […] Le cœur de Martial se serra, seul organe capable de réagir sur l’instant. Immobilité glacée que mit à profit Laurence pour vider son sac : « J’me drogue, si tu préfères [on avait compris]: Depuis huit mois. Ca coûte beaucoup de fric. Ils m’ont proposé une brique pour ce tournage. Avec ça j’pouvais voir venir pendant quelque temps. C’était ça ou dealer. En revendre quoi. » En même temps que les remous torrentiels des mots, les larmes coulaient à nouveau, sillonnaient les joues, escaladaient le menton, retombaient en flaques sur la nappe en papier. Attention, les affronts continuent : - Citation :
Je me sens très bien, quoique fatigué, je suis majeur, vacciné, et j’ai envie de dormir. Où est le problème ? Heureusement, la gentille nature, belle et généreuse (comme dans les pubs pour les cosmétiques) est là pour aider Martial à se retrouver: - Citation :
Il se déshabillait, s’allongeait sur son tapis de mousse et se gorgeait de l’extraordinaire vitalité exsudée par chaque brin d’herbe, chaque plante, chaque caillou, chaque insecte. En compagnie de ses récents amis, la vipère rouge et ses vipéreaux, il s’abreuvait de soleil. Elle autorise même les amants à batifoler dans une scène d'un symbolisme douteux. Remarquez la précision presque mécanique du déroulement du coït : - Citation :
- Son odeur se répandit entre les effluves de chaleur, d’eucalyptus et de pin. Les mains rampèrent sur la face interne de ses cuisses, remontèrent le long de sa vulve, les doigts glissèrent sur les poils pubiens collés par la transpiration. Le bassin de Johanna bascula vers l’avant, ses reins se creusèrent. Elle se désarticulait complètement pour favoriser l’éclosion des pétales de sa féminité.
[…] La main de Johanna vint se poser sur le pénis de Martial, inondé de plaisir. Il savait que sa partenaire éprouvait la même sensation que lui, que, par sa paume qui effleurait ses testicules, par ses doigts qui se refermaient sur son gland, elle s’incarnait dans sa propre virilité. Et Bordage continue à braver tous les interdits en nous prouvant que, oui, décidément, les immigrants récents sont plus sympas qu'on veut bien nous le faire croire : - Citation :
Il prenait ses repas du soir dans l’immense cuisine, en compagnie de la châtelaine et de ses employés, une famille marocaine, père, mère, enfants débordant d’éclats de rire et de coups de gueule. […] Les Marocains, et particulièrement la mère, semblaient apprécier la présence de Martial, lui réservaient toujours les meilleures parts de leur succulent tajine, le plus gros morceau de gâteau, lui offraient le thé à la menthe et l’environnaient de somptueux sourires. Encore une petite blague anti-racistes : - Citation :
- La Bourguignonne et son bon sens populaire avaient deviné que des évènements pas très catholiques, ni même protestants, juifs ou musulmans, secouaient sérieusement le petit monde des « stagistes », tous des bizarres, ces Parisiens.
Dommage que Bordage ne soit pas aussi virulent à dénoncer la misogynie et le mépris des femmes qui se distinguent dans de nombreux passages. A la question : "qu'est-ce qu'une femme belle?", Bordage répond : - Citation :
Sa peau naturellement mate se drapait dans un bronze du plus bel effet. Un serre-tête maintenant fermement sa tignasse sur sa nuque. Cela faisait bien longtemps, voire une éternité, que Martial n’avait pas eu le plaisir et le privilège de voir son visage en entier. Ses seins gonflés d’ivresse palpitaient sous la mince étoffe de son débardeur. - Citation :
- C’est fou ce qu’elle avait pu maigrir en une petite semaine, Madame. Elle n’avait pas encore réintégré sa silhouette de 18 ans, mais elle naviguait à vue dans les eaux potables d’avant le cataclysme boulimique.
Vieux crouton sinistre doit être croqué par belles minettes souriantes. C'est naturel, Bordage s'y connaît avec les jeunes. Sauf lorsqu'il essaie de parler en utilisant ce qu'il imagine être leur langage : - Citation :
- Jeff n’en finissait pas d’être épaté par Martial, ce mec, un vieux quoi, qui ne payait pas de mine, qui se prétendait guérisseur, j’te jure, et qui sortait avec une blonde vachement mignonne et super bien roulée.
Tout ça, c'est le désastre. Mais je vous ai réservé le pire pour la fin. Vous pouvez éclater de rire, c'est permis :
Ses cheveux dorés brillaient comme les rayons d’un soleil intérieur et dans ses yeux se reflétait un ciel d’azur vibrant et lumineux.
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Lun 19 Mar 2012 - 16:10 | |
| Je reconnais tout de même quelques bons passages dans ce roman. Un style original et une écriture qui, malheureusement, ne se trouve pas valorisée lorsqu'on en comprend le sens. Des descriptions glauques et bien lourdes qui créent un amoncellement baroque: - Citation :
La chaleur lourde de ce mois de juin, les rafales d'odeurs corporelles, les aisselles suantes, les parfums décomposés, les poubelles parisiennes non ramassées se conjuguaient pour créer une moiteur de jungle tropicale, une puanteur de ménagerie à l'abandon. - Citation :
« Pousse-toi donc ! Et allez ! Et tire la chasse d’eau quand tu pises ! Et aère quand tu pètes ! Et combien de fois est-ce que je devrai te le répéter ! » Et ses bourrelets emmaillotés tremblaient d’indignation sous la salve des vitupérations. Et l’une de ses mains rose charcutier grattait furieusement sa fesse droite qui en rougissait d’aise sous le tissu diaphane et les centimètres carrés de cellulite. - Citation :
[…] la chape de béton qui recouvrait son identité profonde s’était fracturée et, en dessous, dans la fosse obscure, grouillaient les monstres qui peuplaient les soubassements de son âme et dont les tentacules, les trompes, les cornes se glissaient lentement par les fissures. Le Martial Bonneteau refoulé à coups de talon éducatifs et destructifs dans les oubliettes de l’inconscient commençait à ressurgir, précédé d’une sarabande fantomatique et effrayante. En décidant de combattre ceux qu’il considérait comme ses ennemis de l’extérieur, Martial se rendait compte qu’il excitait également ses bestiaux de l’intérieur, qu’en sortant des ornières, il ouvrait des brèches pour l’ultime adversaire pressenti, lui-même. Et c’était cet adversaire-là, encore à l’état larvaire, qui lui fichait une trouille carabinée.
Le début du livre se caractérise par de nombreuses définitions des éléments qui caractérisent la vie de clone-Martial. Elles sont souvent réalisées en de bons mots : - Citation :
Le sommeil : bienheureux, sublime oubli de soi-même ou béatitude par contrainte physiologique. - Citation :
Cadeau de mariage : forme répandue de terrorisme familial. - Citation :
Air libre : air surchargé d’oxydes de carbone et de plein d’autres vacheries à nom scientifique, et criblé de hautes tours scintillantes comme d’autant de miradors géants. C'est peut-être mon attirance pour le kitsch et le mauvais-goût qui me permet tout de même d'apprécier des passages de la sorte : - Citation :
D’un mouvement de tête, il retourna le cadavre et lui déchira l’abdomen avec les dents. Du museau, il fouilla dans les viscères encore chauds. Le fumet fétide des excréments se répandit hors des boyaux crevés, il ne s’en soucia pas, il lapa avidement les poches de sang disséminées autour des muscles et des organes, puis, lorsqu’il eut réussi à extraire le cœur et le foie, ses morceaux préférés, il s’assit tranquillement sur ses pattes arrière et les dévora avec appétit. Leur goût en était à la fois fade et piquant, amer et doucereux. | |
| | | Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
| Sujet: Re: Pierre Bordage Lun 19 Mar 2012 - 17:10 | |
| Un auteur que je n'ai plus lu depuis de nombreuses années et ce dernier commentaire de Colimasson ne me le fait pas regretter. Toutefois, je garde le très bon souvenir d'un de ses bouquins: "Les fables de l'humpur" dans lequel le thème des manipulations génétiques est abordé de façon originale. Bordage invente pour l'occasion un langage particulier et projette la SF dans l'atmosphère opaque du moyen age... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Lun 19 Mar 2012 - 19:19 | |
| Il est peut-être meilleur dans le domaine de la S.F. Il faut dire que Mort des clones aurait dû ne jamais être publié (ça faisait quinze ans qu'il était dans les placards). Finalement, ce n'était peut-être pas si anodin que ça... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Pierre Bordage Mar 20 Mar 2012 - 9:54 | |
| Je n'ai lu que Porteurs d'âmes jusqu'à présent et j'en ai gardé un bon souvenir dans le genre. Maintenant il faut toujours se méfier des auteurs prolifiques, il vaut mieux faire le bon choix comme on dit et ce n'est pas toujours évident. |
| | | sylvain- Envolée postale
Messages : 129 Inscription le : 29/05/2011
| Sujet: Re: Pierre Bordage Ven 23 Mar 2012 - 21:18 | |
| la série "Historico-fatastique" (Fantasy historique) qu'il à écrit, " L'Enjomineur" est tout bonnement grandiose.. un cycle de trois tomes recouvrant trois dates clés de la révolution Française sont sortit - l'action se situe à la fois dans la Capitale, dans le Paris révolutionnaire pris dans la tourmente de la terreur, et aussi en Vendée, terre natale de Bordage, à l'époque de la Chouanerie. ça se lit sans désemparer - parmi les rares livres qu'il m'est arrivé de lire en marchant tant le récit est mené de main de Maître.. Pierre BORDAGE est un immense conteur et un grand styliste. voici la trilogie: L'Enjomineur : 1792 L'Enjomineur : 1793 L'Enjomineur : 1794 tous parus en livre de poche Quatre mois de recherches historiques ont été nécessaires à Pierre Bordage pour rédiger cette trilogie, où par ailleurs aucun mot inusité en 1792 n'est censé apparaitre je n'aurais qu'un mot: Précipitez vous sur ces livres... nuits blanches garanties ! PS: "Enjomineur" signifie "Sorcier" en patois Vendéen | |
| | | Chymère Sage de la littérature
Messages : 2001 Inscription le : 21/07/2013 Age : 41 Localisation : Dijon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Mer 24 Juil 2013 - 16:40 | |
| Pierre Bordage est un de mes auteurs préférés, je pense... J'ai beaucoup aimé la trilogie de L'Enjomineur, en effet... le mélange entre l'historique et le fantastique est particulièrement réussi, comme le langage de l'époque, on se croirait vraiment immergé dans cette époque troublée et violente. Et en plus, ça pourrait faire de superbes films... (même s'il faudra un peu de sous pour les effets spéciaux, et ça c'est pas gagné... ). Sinon, j'ai particulièrement aimé Les Fables de l'Humpur, juste magnifique... Et la trilogie phare des Guerriers du Silence. (et il faut dire qu'il a également un certain talent pour trouvé des titres qui sonnent bien). Mais ce que j'aime particulièrement chez Bordage, c'est sa façon de dépeindre des personnages en quête... d'eux-mêmes, d'amour, de rédemption, ou d'une certaine spiritualité libérée des dogmes qui l'étouffe... et ils ne sont jamais ni totalement mauvais, ni totalement bon. Même le pire des salauds peut toujours se racheter dans ses livres. Et personnellement, je n'ai jamais trouvé que cette quête perpétuelle de l'humanité dans l'homme était naïve, bien au contraire... Il sait rendre ses univers et ses personnages vivants, et l'on peut toujours très facilement s'identifier à eux, ce qui confère un certain pouvoir thérapeutique à ces ouvrages (j'ai toujours eu l'impression que c'était le genre de livres qui nous rendait un peu meilleurs). | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Pierre Bordage Jeu 25 Juil 2013 - 9:36 | |
| Je note L'Enjomineur en tout cas |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Pierre Bordage Mer 22 Oct 2014 - 21:40 | |
| Une histoire naïve, ce qui fera sûrement son charme pour certains lecteurs. Ceux qui aiment Le Petit Prince y trouveront probablement ce petit quelque chose qui me passe complètement à côté. Bordage balance des vérités et des impressions sur la guerre, l'amour, la solitude, l'incompréhension... tout ce qui fait que fait que l'humain se rend malheureux, et n'arrive pas à atteindre une certaine sérénité. Un livre qui dit qu'il faut être à l'écoute de soi, de l'autre, du monde qui nous entoure. Que l'homme est trop renfermé sur lui-même et sur le monde matériel, et qu'il n'est pas en phase avec le monde, encore moins avec les autres. Le petit garçon croisera toute sorte de personnes, changera leur regard sur certaines choses, peut-être leur vie, on n'est sur de rien, puisqu'il ne fait que passer. Et d'ailleurs, que change t-il ? on ne sait pas trop. Bordage ne se complique pas à donner des réponses aux questions récurrentes du livre... Frustration. Je ne suis pas vraiment la bonne lectrice pour ce type de livre. Ce regard naïf sur le monde, ces belles idées tellement new age, la morale, la leçon de vie. La simplicité de l'écriture, l'humour, et les différentes péripéties du livre permettent de ne pas tellement s'ennuyer même si me fond du livre lasse quelque peu. | |
| | | Chymère Sage de la littérature
Messages : 2001 Inscription le : 21/07/2013 Age : 41 Localisation : Dijon
| Sujet: Re: Pierre Bordage Jeu 23 Oct 2014 - 11:26 | |
| - Citation :
- Un livre qui dit qu'il faut être à l'écoute de soi, de l'autre, du monde qui nous entoure.
Que l'homme est trop renfermé sur lui-même et sur le monde matériel, et qu'il n'est pas en phase avec le monde, encore moins avec les autres. En même temps... les humains font tellement d'efforts pour ne pas entendre ces vérités, qu'il est parfois nécessaire de le redire. Et il faut être bien naïf à mon sens pour imaginer que l'on va améliorer son sort et celui de l'humanité en passant à côté (en fait... il ne s'agit pas que d'améliorer son sort en fait... mais il y a plus grave et plus profond que cela). Pour le reste, je n'ai pas lu ce livre précisément donc je ne peux pas trop dire... Cependant, nous vivons une époque cynique, matérialiste et désabusée, qui raille un peu trop facilement les "belles idées" (ben oui, elles demandent de faire un peu des efforts pour se changer soi-même). Et je trouve ça triste. En fait non, pas que triste. Profondément désolant... Pour moi, ce n'est pas enfoncer des portes ouvertes que de le dire. C'est ouvrir des portes que d'aucun font en sorte de refermer sans arrêt... | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Pierre Bordage Ven 24 Oct 2014 - 10:08 | |
| Je suis probablement irrécupérable pour les "belles idées".
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| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Pierre Bordage Ven 24 Oct 2014 - 10:46 | |
| Queenie, pour quelqu'un d'un peu moins irrécupérable que toi, est ce que tu dirais que c'est irrémédiablement cucul? (En somme puis-je l'offrir à Mlle topocl ou vaut-il mieux la renvoyer à sa lecture du Petit Prince?) | |
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| Sujet: Re: Pierre Bordage | |
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| | | | Pierre Bordage | |
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