Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Stanislas Rodanski

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Marcelin Hogier
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MessageSujet: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyLun 21 Fév 2011 - 10:22

Stanislas Rodanski

(pseudonyme de Bernard Glucksman)
Né en 1927 et mort en 1981 à Lyon.

Stanislas Rodanski 1948-r10
Rodanski (1947)

Déporté en 44-45. Retour en France, à Lyon puis Paris où il monte pour vivre l'aventure surréaliste. Il rencontre alors Claude Tarnaud, Alain Jouffroy et Sarane Alexandrian : les quatre jeunes hommes forment alors, selon Alexandrian, un "quatuor insolite qui scandalisera la vieille garde surréaliste". Déchante (lui et les autres d'ailleurs) quand il assiste à sa première réunion du groupe - des vieux en costumes assis autour d'une table parlant de choses bien peu poétiques !! Membre fondateur de la revue Néon, dont il trouve le titre.
Dès 1948, lors de l'affaire Brauner, le "quatuor insolite" est exclu du groupe surréaliste. A cette période, Rodanski fréquente également Gracq et Jacques Hérold.
Après l'exclusion du groupe, vit entre Lyon et Paris ; série d'interpellations et de séjours en prison, premier passage par l'institution psychiatrique. S'engage chez les paras, mais déserte rapidement. De nouveau vie précaire entre Lyon et Paris. Finalement, en 1954, il entre de son plein gré à l'hôpital psychiatrique Saint Jean de Dieu, à Lyon, où il décède.

Stanislas Rodanski Rodans10
Rodanski à Saint Jean de Dieu, en 1975

" " " "Carrière littéraire" " " " : durant la période surréaliste, il publie dans Néon. Son premier livre, La victoire à l'ombre des ailes, paraît au Soleil Noir en 1975, préfacé par Gracq. Seule préface jamais écrite par Gracq pour un auteur vivant,, de même que la seule émission de radio à laquelle Gracq participera fut une émission en hommage à Rodanski (si jamais quelqu'un en a l'enregistrement, qu'il nous en fasse profiter respect ).
Hormis ses publications de la période surréaliste, La victoire à l'ombre des ailes et quelques publications d'inédits distillées dans des revues, tous les parutions (en revue ou livres) de Rodanski sont posthumes (voir une bibliographie assez complète ici). Signalons en plus Requiem for me, paru en 2009 aux Éditions des Cendres, et deux petits volumes chez L'arachnoïde, La nostalgie sexuelle et Le cours de la liberté. Sur l'établissement du texte de ce dernier titre, voir toutefois les critiques de François-René Simon, actuellement responsable du classement du fonds Rodanski à la BLJD, ici.
Un personnage mystérieux et fascinant, hanté par la figure de Lancelot, marqués par les maudits de l'avant-garde littéraire du XXe siècle : Jacques Vaché, Roger Gilbert-Lecomte, Antonin Artaud. Un poète de l'absolu, une écriture hallucinée, marqué par les arts de son époque (cinéma us de série B, jazz), quelque chose de très puissant dont on ne ressort pas indemne.
Alain Jouffroy a fait de Rodanski le héros de son roman Le temps d'un livre, sous le personnage d'Ivan.
Pour les curieux, deux lettres de Rodanski à Breton (avant-avant dernière ligne des vignettes sur gauche) sur le site andrebreton.fr.

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Dernière édition par Marcelin Hogier le Ven 25 Fév 2011 - 10:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMar 22 Fév 2011 - 23:02

tu aurais rien qu'un tout petit extrait ? c'est très intriguant !
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Marcelin Hogier
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMar 22 Fév 2011 - 23:48

Voici trois textes intégralement en ligne en mode images sur un blog :

Gai Venin (que j'apprécie tout particulièrement)
Béatitude des limbes
Horizon perdu

Sur googlebooks, une large partie de Spectr'acteur (dans la réédition chez Ginko, première édition Deleatur)

Pour finir, parce qu'il est tard, La Nuit verticale, dans le recueil Des proies aux chimères, p. 224 de l'édition Bourgois.

La Nuit verticale

Que je sois – la balle d’or lancée dans le Soleil levant.
Que je sois – le pendule qui revient au point mort chercher la verticale nocturne du verbe.
Que je sois – l’un et l’autre plateau de la balance, le fléau. La période comprise entre les deux extrêmes de la saccade universelle qui est le battement de coeur suivant celui dont on peut douter au possible et tout attendre de son anxieux « rien ne va plus ».
Je lance au possible ce défi : Que je sois la balle au bond d’un instant de liberté.
Je lance ce cri – que je sois la balle de son silence.
Mon départ s’appelle toujours, tous les jours et tous les instants du grand jour. Mon retour à jamais, éternelle verticale nocturne, point mort, égal à lui-même, que l’autre franchit – toujours.
Qui suis-je?
Toujours le même revenant, ce qui revient à dire encore un autre.

Have a good night !

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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMer 23 Fév 2011 - 1:20

Voilà un auteur que je connais de nom et dont j' ai entendu parler depuis longtemps...
Peut etre par un surréaliste, ou plus surement par Julien Gracq ou encore par Nadeau qui connait
plus que bien les surréalistes...
En tout cas, c' est toujours bien de remettre au jour un écrivain plus qu' insolite dans son parcours...
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptySam 31 Mar 2012 - 20:08

Stanislas Rodanski 2-267-10
Écrits

Publié chez Chritian Bourgois, le recueil ne reprend pas l'intégralité de ce que publia l'auteur mais entend néanmoins lui laisser la parole avec l'essentiel de ces très particulières pierres angulaires que sont La victoire à l'ombre des ailes, Lancelo et la chimère, Des proies aux chimères (poèmes), Le rosaire des voluptés épineuses (étrange théâtre) et les quelques autres textes, articles ou lettres.

Et c'est d'abord la préface de Julien Gracq qui a donc connu Rodanski. Une préface qui prend le temps de revenir sur le surréalisme et la période historique et politique de l'après-guerre et ce à fin de nous faire apercevoir un peu de cette situation et de la signification que pouvait avoir un regard obsessionnel pour un surréalisme défait de la politique mais en proie aux mouvements du temps et à un tourbillon d'images et de plus tourmentés courants de fond.

La première nouvelle, cette Victoire à l'ombre des ailes est une histoire d'amour évanescente dans une moiteur pacifique de mauvaise histoire d'espionnage abrutie d'alcool et de fragrances exotiques. Les poses cinématographiques et inconséquentes s'ajoutent aux images qui disparaissent alors que les ombres ne cessent de revenir. Une ombre surtout, celle de la femme, un rêve qui l'éloigne d'elle-même et laisse le héros, dur à cuire halluciné, à ces méditations et poses définitives. Une folle histoire, quelque peu brutale, au romantisme réjouissant. Entre le tournage de cinéma, l'opération commando et le retour échappatoire sans fin. L'inquiétude tout de même du souvenir d'une morte.

Lancelo et la chimère, Lancelo le double, c'est un peu la même histoire entre Paris et Megève et avec un autre cinéma et une part plus grande à l'attente. Attente, imagination du possible et trahisons de l'acte face au possible. Les coïncidences attendues, les faits rêvés ... toujours la femme. Un certain dandysme mais une fuite. Arrivé à ce stade de confusion où l'imaginaire (ce n'est pas le mot) explique le réel, la frontière du tangible devient très effacée. La chronologie comme les faits et les états est incertaine, pourtant il n'y a pas vraiment de doute, le réel s'éloigne et avec lui cet impossible rencontre d'un idéal mouvant et de la femme, mystérieuse. Tout dans une attente, un éloignement, un reculement en fait devant le moment où tout pourrait se rejoindre ou ne pas se rejoindre, une infinie prospective, champ de tous les possibles. Écriture sans entrave, récit, rêve, méditation précise. Des images intérieures et d'autres extérieures d'attitudes ou d'aspirations. Et autobiographie. Sincère à l'esprit. Le regard lucide sur l'imagination de sa vie (celle de chacun) n'est ni une justification, ni une mise à nue, pas non plus un témoignage... une transparence qui ne peut plus qu'exister dans cette forme particulière et perméable. Le vertige est bien réel et au delà de ce qui revient en pensée au lecteur, et c'est une forme réappropriation, il y a un changement. Le concret est moins opaque et derrière c'est encore difficile à dire.

Le dialogue du Rosaire des voluptés épineuses, deuil et rencontre, même histoire, mêmes personnages dans une théâtralité éthérée ou rôde une criante violence aux marges. Un tableau romantique, un autre avec la morte, le souvenir et l'imaginaire. Il y a cette attention qui n'est pas tant vers soi, l'auteur, que vers l'autre à travers l'image mensongère, plus ou moins. C'est bizarre, entêtant. Et après les poèmes, c'est toujours cette même histoire.

Les textes qui suivent prennent encore des détours et des images pour se rapprocher ponctuellement de leur objet (pourtant c'était déjà là en substance). Et l'internement judiciaire et cette mort, cette morte, déterminante.

Oui, il y a aussi l'incertitude du crime et l'ombre de la... folie. Néanmoins c'est l'écriture d'un lecteur (et autres) et d'un homme attentif qui a choisi et exprimé une présence particulière du surréalisme, sa présence première peut-être, et là il aura dépassé l'apparence pour rendre mêlé le moment.

Une expérience à part entière, indéniable et irrévocable, après c'est trop tard, parfois ludique, parfois difficile à lire, à suivre surtout... mais une très grande beauté. ça va très loin avec et sans les faux-semblants. Et c'est précis. ça fait un peu peur. Et c'est magnétique.

Je pensais le fil un peu plus vieux que ça et dans ma mémoire je l'attribuais à bellonzo (le cinéma ? ... et pas que), et je me souviens de l'acquisition de l'ouvrage peu longtemps après et du temps passé à le voir sur l'accoudoir du canapé.

Il faudrait ajouter des extraits mais que dire qui s'approcherait de quelque chose de significatif... il n'est pas question que d'images, pour reprendre un mot que j'aime et aux tendances portemanteau, que ce soient celles du surréalisme, du romantisme, d'une modernité ou d'un amour des figures, pas non plus l'imagination déliée. Il y a un rapport au déterminisme (pour reprendre cette fois un mot intéressant de la soirée d'hier), ce qui doit être par soi ou l'extérieur, et en face il y a une liberté. L'attente, l'imagination autrement (mais là encore pas une image de l'imagination), le rapport à l'action. Cette expression minutieuse et obstinée de ce rapport se révèle une action. Et un sens du surréalisme.

Je suis très reconnaissant à Marcelin Hogier pour ce hasard forcément particulier.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptySam 31 Mar 2012 - 21:27

Ca m'intrigue... Je note.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyDim 1 Avr 2012 - 20:03

Extrait de La victoire à l'ombre des ailes :

Citation :
Et la paix nocturne d'Honolulu se referma sur ces mots. Festival. Festival. Ombres chinoises. Poupée vraiment esseulée par les étoiles qui tombaient tranquillement loin de tout, je me sentais enfin café au lait depuis que je m'étais éclipsé. Une sorte de croissant de lune croustillait nonchalamment dans le firmament, bientôt sous du kapok découpé je levais la tête pour retourner la vision de cette chose curieuse, instinctivement en réponse. Quand un vrai coup de poing de statue de la Liberté m'étendit pour le compte. Il faisait noir. Une liane se dénouait sans fin. Une peur noire qui coulait lentement dans Honolulu disait une voix. Je me déroulai d'un mouvement à l'autre, vérifiai prudemment mes articulations, projeté, tournoyant, rattrapé au fond de la vaste Packard noire qui faisait de l'épouvante dans Honolulu. Comme deux boîtes mes yeux s'ouvrirent. Je vis le capitonnage du plafond. J'étais bercé, étendu sur la banquette arrière. Le plafonnier répandait sa lumière en douceur. Agenouillé auprès de la banquette l'Australien Franck parlait d'une voix égarée. Des bandes de fumées bleues stagnaient, contre les rideaux tirés.
- C'est impossible... impossible... faisait l'Australien Franck. Jamais arrivé ça.
La radio se mit soudain de la partie, diffusant le programme de nuit, en sourdine. Je reconnus Superman de Miles Davis.
- Voyons voir un peu, reprit Franck en tournant sa casquette dans l'autre sens.
- Petit vieux... alors... dit quéque chose. Je t'ai pris pour le corniaud qui nous a fait chier toute la journée. Faut pas m'en vouloir Lancelo.
J'étais revenu à moi depuis un bon moment et je laissais faire en me marrant doucement. Doucement, sans faire de bruit, la grande boite de conserve s'en allait, à la façon de cette histoire, son chemin.
Je n'avais plus envie de bouger, la chose en moi s'éveillait et s'endormait, la fleur s'ouvrit enfin, je m'assis. Je vis Franck s'asseoir. Il y avait au fond de l'auto un énorme livre en faux marbre et un flambeau en toc. On se cala comme on put de part et d'autres des accessoires fauchés chez les cinéastes. La grande Packard se mit à tanguer curieusement. Jim était au volant et Mac Borgé regardait rêveusement le spectacle. Jim conduisait insolemment à la Carol Blandish, donnant de léger coups de volant il étendait au bord de la rue les ivrognes qui sortaient des cabarets. Tout était tenu dans ce luxueux anneau, et plus personne n'avait peur des cow-boys. Chacun sait que la Packard ne fait aucun cahot. Autrement dit tout était OK. Plus de mines d'oiseaux écrasés pour se coller sur les glaces.
On s'arrêta dans un endroit désert, on camoufla l'auto volée, on fourra les accessoires dans les buissons. Le sang aurait le temps de sécher sur la carrosserie avant que les flics aient vent de la chose.

et j'en profite pour partager l'adresse de ce blog auquel notre compère Marcelin n'est pas étranger : http://stanislas-rodanski.blogspot.fr/

c'est celui de l'association Stanislas Rodanski. et plus ça va, plus on se dit que les associations font aussi pour les auteurs qui risqueraient de disparaitre noyers on ne sait comment dont on ne sait quoi. Plus encore, et j'espère qu'il en dira deux mots, c'est un attrait bien vif qui l'a mené là ! C'est dire que ce n'est pas une lecture anodine.

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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyDim 1 Avr 2012 - 21:52

Ca sent les tendances surréalistes...
N'empêche, si je veux le lire, il faudra que je sois vraiment disponible. Ca a l'air très dense.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyDim 1 Avr 2012 - 21:56

Ce passage n'est pas ce qu'il y a de plus difficile à suivre et est représentatif par certains côtés mais pas tous. je reviendrai avec d'autres extraits.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyLun 2 Avr 2012 - 10:48

Bonjour à tous,

Merci Animal de relancer ce fil sur Rodanski par cette très belle présentation des textes du volume des Écrits !
Effectivement, j'ai pris la comète Stanislas de plein fouet, et elle ne me quitte plus depuis lors. C'est par l'étude d'une autre comète surréaliste (Jacques Vaché) que j'ai découvert Rodanski, qui s'est identifié à l'auteur des Lettres de guerre. Un hasard objectif cette découverte, en quelque sorte. Et immédiatement, une écriture qui s'est imposée à moi, une voix qui résonnait dans mon esprit, une fois le livre refermé - au début, j'ai fait comme tout le monde, j'ai emprunté ce qu'il y avait de Rodanski à la médiathèque de ma ville, un seul titre en tout et pour tout, le volume Bourgois. A la fois monumental et en même temps part infime de l’œuvre de Stan.
La bibliographie en fin du volume référençait tellement de textes aux titres évocateurs que j'ai vite éprouvé l'impérieux besoin de les lire tous. Récolter l'ensemble de ces textes n'a pas été le plus simple, tant Rodanski est resté méconnu, publié dans des revues introuvables, ces publications des années 1970 comme on n'en fait plus - ou si peu. Quelques volumes, parus chez des éditeurs presque aussi confidentiels que l’œuvre de Stan. Et à chaque fois, de fabuleuses découvertes, notamment son journal, écrit par Rodanski alors qu'il n'a que 16 ans, juste avant d'être déporté, puis repris une fois revenu de l'enfer.
Petit florilège de phrases tirées de son journal ou publiées après sa mort dans ces "revues introuvables" :

Citation :
Allume ton regard à la dynamite plutôt qu'à la poudre aux yeux.

Citation :
Mourir, dormir un peu sans rêver.

Citation :
Je suis trop exigent pour vivre.

Citation :
A la tête d'un corps constitué des aspects de personnalité, l'auteur est séparé de ce qui le manifeste. Décapitée, la tête assiste à la vie des fantômes de son corps

Deux extraits de poèmes en prose :

Citation :
J'implore la venue des mondes d'autre terre
Du fond du royaume incertain
Je suis prisonnier à longueur de journée
Triste à pleurer, les journées à venir
Je suis possédé à force d'homme
Marchant sur des pas enfouis

Citation :
Sans mots pour emplir le vide creusé d'attente
Où sombre le désespoir des siècles
Je suis seul au bord du monde
Que nie enfin mon esprit
De tous temps parvenu au terme
Je suis seul en moi meurt le monde
Je suis seul au monde d'amour
Moi l'univers entier de ses voiles vibrantes
O ma nuit éternelle
Reine couronnée de ténèbres
Diadème au dessus des constellations pâlies

Deux extraits qui permettent d'entrevoir une autre facette moins connu de l’œuvre de Rodanski, moins marqué par le surréalisme peut-être, que je ne saurai vraiment bien qualifier : une poésie existentielle, mystique... je ne sais d'ailleurs pas trop s'il est utile la ranger dans une catégorie.
Il faudrait citer d'autres passages, notamment des quelques lettres actuellement disponibles de Rodanski. Très peu sont publiées, mais par chance, ses deux premières lettres à André Breton figurent sur le site qui présente la collection du fondateur du surréalisme. Je les avais seulement signalée dans mon premier message ci-dessus, voici deux extraits que je ne résiste pas à citer ici :

Citation :
S'il y a encore à Paris un lieu qui soit commun à deux hommes, un homme qui soit en secret de ce lieu - je crois vous écrire justement car alors vous êtes cet homme [...]. Pour moi, il y a un monde et une vie à faire, car j'ai dix-neuf ans, je refuse ma solitude morale et je refuse aussi l'amitié des imbéciles.
Citation :

Je tiens à dire seulement ce qui suit : quand au prix d’exercices longtemps répétés on parvient à la voyance c’est la religion, réalité en absence dissimulée dans la boîte à casiers sans fin de ce monde fait ainsi.
Mais au moyen d’une substance on obtient parfois la conception du réel – alors c’est la révolte qui veut le monde fait autre. [...] Je ne suis pas encore fou.

Tellement passionné - vous l'aurez compris -, j'ai ouvert un blog pour partager mes lectures rodanskiennes, au moment même où deux Lyonnais qui ont connu et régulièrement fréquenté Rodanski à la fin de sa vie préparaient une manifestation en hommage au poète. Internet a fait le reste, et le blog signalé par Animal.

Voilà voilà.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyLun 2 Avr 2012 - 17:02

Belle entreprise de réhabilitation ! Il y a des auteurs comme Rodanski dont on entend parler depuis X années, comme Calet, Bove, Ramuz, Bousquet, Jean Malaquais, Forton , Roland Cailleux, Henri Guérin, ou encore Antoinette Peské ou Marcelle Sauvageot, pour ne citer que quelques auteurs francophones...

Grace à la passion inlassable de quelques éditeurs (Phébus, Allia, L' Arbre vengeur, L' Aube, Le Temps qu' il fait...) et à la curiosité obstinée de libraires puis de quelques lecteurs, des livres connaissent ainsi une nouvelle vie.Stanislas Rodanski 807321
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyLun 2 Avr 2012 - 22:08

Merci beaucoup. bonjour

Citation :
moins marqué par le surréalisme peut-être, que je ne saurai vraiment bien qualifier : une poésie existentielle, mystique... je ne sais d'ailleurs pas trop s'il est utile la ranger dans une catégorie.


Oui, c'est qu'il n'y a pas vraiment de genre en dehors de l'état premier du texte. Le surréalisme n'apparait pas comme un but, peut-être passe-t-il à proximité, par instants, et pourtant c'est là aussi que ça fait sens dans la rupture avec un surdéterminé.

C'est étrange et beau, fascinant sans qu'on sache complètement pourquoi (le vertige n'y est pas pour rien), une écriture presque auto-suffisante, presque.
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMar 3 Avr 2012 - 21:04

Bonsoir à tous les deux et merci pour vos messages !

En effet Bix, sans ces éditeurs passionnés, accéder à ces auteurs serait un véritable casse-tête. Tu cites Allia, qui effectivement fait un travail remarquable, je pense notamment à leur dernière réédition d'un magnifique texte de Roger Gilbert-Lecomte, Mr. Morphée empoisonneur public.
Animal, tu as parfaitement formulé ce que je ne parvenais pas à clairement exprimer ! Une poésie presque autosuffisante, sans critères formels d'appartenance à tel ou tel courant. Seulement l'expression d'un état d'âme.
Du reste, ce qui est étonnant chez Rodanski, c'est cette capacité de passer d'une écriture très typée/codifiée (La Victoire à l'ombre des ailes et Lancelo et la Chimère pour évoquer deux "types" différents et caractéristiques de Rodanski) à cette écriture presque auto-suffisante comme tu le dis. Sans compter ses deux réponses à la revue de François Di Dio, Soleil Noir Position, toutes deux reprises dans le volume Bourgois, qui sont des textes théoriques, des sortes d'essais philosophiques. Et quand on sait qu'elles ont été rédigées alors que Rodanski était interné à Villejuif, dans la section "malades dangereux", ça laisse sans voix.

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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMar 3 Avr 2012 - 22:05

un court extrait de la lettre au Soleil Noir a propos de la révolte, dont la démonstration est une évolution qui suit un chemin précis avec un regard perdu mais transparent sur cette sensation de piège de l'esprit, comme une trahison de principe. je ne saurai trop quoi en dire ce soir, ce passage quand même...

Citation :

La révolte, cette poésie si naturelle, est maintenue dans un cadre de constance auprès de l'abandon. Elle s'y dessine et se portrait toujours elle-même, fût-ce dans un tableau lacéré. Je vous livrerai donc, ainsi, les problèmes que vos questions posent. Au demeurant, ayant décidé de nous entendre à ce sujet épineux, résolus à faire parler la Grande Voix, il faut vous dire que depuis Sade, depuis Laclos, depuis qu'on lit du Sade et du Laclos ensuite, les phrases comportent une autre entente, un monde qui suppose une intrigue dans le verbe, un jeu à double sens pour tout dire : à la fenêtre de l'été, les lilas frémissent et le monde comme un œil en se fermant sur son image, la nature qui souffre avec complaisance ces regards de paniques, déjà meurtriers, chavirent dans un lac sourd et glauque. C'est le piège, immobile comme une eau vide. Le reflet.
La révolte, à la fois sentiment et mouvement de l'esprit, catégorique, est à l'origine pure de toute tache. Elle naît spontanément lorsque se réalisent certaines conditions, que vous savez puisqu'elles sont dans l'histoire des faits. La conception de l'univers tyrannique de l'homme est responsable de sa révolte ; la conception du tyran de l'homme : l'absolu.
Tyrannie, pureté.
L'esprit se trouve déjà pris, alors qu'au départ il n'était question que de générosité, de réparations d'injustices. L'être est pris au piège de sa révolte et la pire extrémité se justifiera encore, quand l'homme devrait se perdre parce que dans les conditions intolérables, être humain est devenu injustifiable.

Il va se rapprocher à sa manière d'une condition humaine, de sensations et de sentiments. je crois aussi que dans cette lecture j'ai retrouvé une forme de ce qui m'avait marqué dans la lecture de la Tentation de l'occident, sur l'image héroïque ou salvatrice du martyr. (possible aussi que je mélange et superpose d'autres choses ces temps-ci).
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MessageSujet: Re: Stanislas Rodanski   Stanislas Rodanski EmptyMer 25 Juil 2012 - 21:59

Le cours de la liberté (éd. L'arachnoïde, 2010)

Une autre forme de ville ? Une autre ville, Lyon et Villeurbanne. La préface de Gracq pour l'autre livre influence se rapprochement mais il n'y a pas que ça. Autrement une méditation étrange sur Lyon, sur une présence à la ville et sans elle, un voyage dans les rues et le temps et un voyage sur une mer intérieure sur lequel souffle un obscur vent libertaire. De la prose précise à la poésie la plus pure le sens s'échappe par moments tout en voisinant avec les sens les plus évidents. Peut-être le seul auteur pour lequel je serai tenté de parler de poison de l'écriture, et d'y croire. Ce n'est pas un occasionnel surréalisme parallèle, c'est un chemin ou un passage qui devient autre, qui est autre. L'expérience avec.

Je regrette de ne pas connaître Lyon pour mieux m'y retrouver mais cette escapade quoique brève n'en laissera pas moins des germes. Le mélange est imparable : ville, temps, solitude, méditation, errance et le lancinant retour de la liberté, la liberté contre la forme et la liberté avec l'autre... femme, ville, esprit, fantôme peut-être ? Rodanski est précis mais s'échappe toujours avant que tout ne devienne irrémédiablement figé.

Citation :
Partout alentour baignant les choses, la lumière de la liberté traverse l'espace qui s'ouvre à elle dans les temps futurs constituant ainsi les années de la lumière soluble dans l'avenir.
Mais dans les artères de la ville traversées par une intense circulation réglée par l'instant grégaire - la foule humaine est liée par un serment qui s'oublie, liant le peuple citadin avec des cordes de servitude terrestre nouée de forces contraires à la joie. Noir complot tramé au fil des eaux tissées avec le drap fantôme du suaire des aveugles.
Écoutez la voix solitaire du destin que nous subissons en commun :
Nous bâtissons les murs du passé qui nous emprisonne avec les lois imposées de l'avenir. L'espoir est bâillonné par la crainte des choses futures qui sont pourtant les seules - flamme de notre pureté. Le fantôme de la vie vient avec les mains du désespoir inerte ligoter nos raisons d'être vivants sans craindre la vie. Nous adorons la force de notre inertie qui nous enfonce dans la pourriture humaine en nous donnant droit de cité au nom de notre lâcheté - seul droit d'être cités parmi les traitres.

Citation :

Nous subissons un destin commun
Nous bâtissons les murs de notre prison
Nous asservissons notre espoir à notre faiblesse
Prisonniers du passé nous codifions l'avenir
D'accord avec les fantômes de la vie
L'édifice aux mains de chimère ligote nos raisons d'être au monde
Nous baillons avec la voix des foules dérivantes
Nous adorons la force de notre inertie
Nous redoutons la terreur de notre révolte
Nous avons droit de cité au nom de notre lâcheté
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