Jean-Claude Pirotte [Belgique]

Merci Constance ! Une pensée vivante c' est encore une petite flamme qui éclaire les souvenirs.
Et c' est aussi et surtout, la lecture de ses livres...

Je pense souvent à eux, les écrivains morts, qui n' auront plus jamais l' occasion de s' exprimer,
Sinon par leurs écrits, mais qui tombent souvent dans l' oubli. D' où l' idée parfois d' ouvrir un fil
pour eux ou de les choisir comme auteurs du mois.

pour vivre ici nous n’avons qu’un amour si pauvre
pour vivre ici dans la rumeur du Bois des Pauvres
écouter l’oiseau triste alarmé les voix sourdes
des fantômes leurs pas lents sur les lichens morts
 
nous sommes là créatures sans feu ni lieu
parmi les souffles amers des poitrines creuses
dans les allées du vent les dentelles du gel
et les mots bredouillés de la misère veuve
 
sous la glace du Temps les reflets déchirés
d’une mémoire à jamais tue et méprisée
pour vivre ici dans l’abandon des aubes
ainsi nous connaissons le désastre et la paix
 
« Veilleurs », in Passage des ombres, La Table ronde, 2008

tu ne sauras jamais qui je suis
dit l’enfant je passe mon chemin
je vais vers les prairies lointaines,
où l’herbe chante à minuit près des saules
qui pleurent car c’est ainsi
que s’ouvre à mon cœur la musique fidèle
et que le monde enfin commence à vivre
et que je commence à mourir
tu ne me verras pas vieillir
ni ne reconnaîtras mon ombre
adossée au talus là où le sentier noir
se perd dans un fouillis d’épines
et les étoiles des compagnons blancs
 
tu as beau regarder sans cesse derrière
toi comme si tu craignais l’orage
et que tu te hâtais poursuivi par l’éclair
jamais tu ne surprendras mon sourire
tendrement cruel comme celui d’un tueur triste
 
Veilleurs, Passage des ombres, La Table ronde, 2008

Bel hommage. Une découverte à faire, sans doute.