Mishima de Paul Schrader
Je n'avais pas revu "Mishima" depuis sa sortie en 1985. A l'époque j'y étais allé essentiellement pour la musique de Philip Glass car je ne connaissais presque rien de ses romans. Autant dire que je n'avais pas compris grand chose mais il m'en était resté cette sensation mêlée de recherche esthétique théâtrale parfois un peu kitsch, d'érotisme, de perversité, de solitude, de folie... et les boucles cycliques de Glass dont j'écoutais le disque en permanence. Une ambiance un peu bricolée, mélange de raffinement et de mauvais goût, que je n'ai retrouvée plus tard que dans "The Pillow book" de Peter Greenaway en plus planant et expérimental.
Alors qu'est-ce que ça donne aujourd'hui à la lumière de ce que j'ai lu de Mishima ? A savoir tout ce qui est dans le film à l'exception du roman "La Maison de Kyoko" qui n'a jamais été traduit du japonais suite à son échec et à cause de son sujet sulfureux qui évoque une relation sado-masochiste entre un homme et une femme.
Paul Schrader a donc choisi de contourner l'obstacle du Biopic standardisé en entremêlant des éléments biographiques et des extraits d'oeuvres emblématiques qui reflètent et éclairent les obsessions et l'univers mental de Mishima. Le fil conducteur étant la journée qui conduit Mishima à son Seppuku. Les accords de Philip Glass créant une sorte de suspens lancinant et presque continu.
Les parties abordées sont donc la biographie de Mishima en quelques séquences en noir et blanc (enfance, adolescence, maturité) avec des citations de
Confession d'un masque,
Le Pavillon d'or pour le rapport entre beauté et destruction,
La maison de Kyoko pour la perversité des relations sociales,
Chevaux échappés pour le Patriotisme, le Seppuku comme dernier passage à l'acte à la fois grotesque et grandiose mais dont le sens complexe apparaît multiple et cohérent au regard de son oeuvre qui en est pratiquement le mode d'emploi...
Pour quelqu'un qui n'a jamais lu Mishima, le film risque de paraître confus et trop abstrait mais il peut permettre d'approcher son univers, de le ressentir de l'intérieur à défaut de le comprendre. C'est une porte d'entrée possible. Les éléments biographiques étant ce qu'il y a de plus réaliste et incarné, les extraits de romans étant à l'inverse théâtralisés en adoptant en partie les codes du théâtre traditionnel avec un artifice revendiqué.
Si à l'inverse on est devenu un adapte de Mishima le film risque de décevoir car il donne le sentiment d'être un zapping un peu superficiel des meilleurs moments. Un résumé maladroit, souvent mal joué et illustré de façon discutable malgré quelques plans vraiment inspirés. Il parvient difficilement à communiquer la beauté et la puissance de cette oeuvre d'un poète et d'un rêveur nourri de multiples contradictions. Il y a quand même quelques moments qui touchent un point sensible. L'ensemble reste à la limite du clinquant et du bricolé mais il n'est pas totalement inutile. C'était une mission tellement impossible de rendre compte de la planète Mishima! Il ne s'en sort pas si mal.