Karine Tuil

C'est pour se consacrer à l'écriture que Karine Tuil abandonne sa thèse de droit, portant sur la réglementation des campagnes électorales dans les médias. Suite à un premier roman remarqué sorti en 2000, 'Pour le pire' ou la cruelle déconfiture d'un mariage, c'est avec le succès de son deuxième ouvrage, en 2001, qu'elle se décide enfin à vivre de sa plume. 'Interdit' est en effet sélectionné pour le Goncourt et chacune de ses oeuvres est dès lors suivie avec intérêt.

L'ironie, la tragi-comédie et le burlesque de sa plume se retrouvent d'abord dans 'Du sexe féminin' en 2002 puis en 2003 dans 'Tout sur mon frère' qui explore les effets pervers de l'autofiction. Confirmation encore du talent atypique de Karine Tuil en 2005, avec 'Quand j'étais drôle' et l'histoire de cet humoriste victime de francophobie au pays du hamburger. Pourtant, en 2007, elle quitte le burlesque pour la gravité en signant 'Douce France', un livre coup de poing sur les centres de rétention administrative pour immigrés sans papiers. Alternant avec toujours autant de talent entre sujet lourd de sens et cynisme joyeux, Karine Tuil se bâtit un parcours remarquable et remarqué.
(Source : evene)

Douce France
Grasset


Je l'avais entendue parler de ce livre, pour lequel elle avait fait une enquête détaillée, enfin aussi détaillée qu'il lui a été autorisé, puisqu'elle n'a eu le droit de visiter qu'un seul centre de rétention administrative, et le plus moderne.

Une romancière,fille de juifs immigrés, se laisse presque volontairement enfermer dans un de ces centres. Elle a perdu ses papiers , pourrait appeler sa famille mais préfère se prétendre roumaine et sans papiers.
Les quelques jours vécus dans ce centre ( avec retour manu militari en Roumanie...) lui fourniront l'occasion d'abord d'analyser ce appelons ça phénomène de société , et bien sûr de se poser des questions sur sa propre identité. A partir de quand cesse t-on d'être immigré quelque part, suffit-il de chercher à tout prix à gommer ses différences comme l'ont fait ses parents pour se sentir chez soi?

Roman documenté ou document romancé? Peu importe, c'est honnête et lucide tant dans la description des inepties administratives que du manque de solidarité entre toutes les communautés .

Tu piques ma curiosité, Marie! Je ne connaissais pas cette auteure!

Moi aussi!
Je viens de noter Douce France dans ma LAL...

J'ai Quand j'étais drôle qu'une amie m'a donné mais je ne l'ai pas encore lu; j'ai entendu pas mal d'avis divergents sur ce roman.

Six mois, six jours

Citation :

Juliana Kant, première fortune allemande, femme froide, retenue, secrète, mariée, a une aventure amoureuse avec un homme qui a tout du prédateur sexuel, Herb Braun. Au bout de quelques mois, d’un hôtel l’autre, d’un rendez-vous clandestin l’autre, l’homme menace de révéler à la presse leur liaison : tous leurs ébats ont été filmés. La milliardaire dénonce le gigolo. On l’emprisonne, la morale est presque sauve, l’argent bien gardé. Une affaire de mœurs ? Une coucherie prosaïque qui tourne au chantage sordide ?

Six mois, six jours est le roman le plus ambitieux de Karine Tuil. Une plongée dans l'Allemagne des grands industriels, l'histoire d'une dynastie au passé trouble, marquée par la collaboration avec le régime nazi. Karine Tuil n'a pas connu cette période, elle a le droit, en tant que romancière, de s'attaquer à un tel sujet, mais on est troublé par le côté lapidaire et rapide de ce livre qui se présente sous la forme d'une auto-fiction.

Le style est alerte et ne s'embarrasse pas de circonvolutions : droit au but, tel est le leitmotiv de Karine Tuil, qui aborde son sujet avec la légèreté d'un Panzer. C'est le fond qui pose problème. Tout commence avec l'escapade érotique d'une des femmes les plus puissantes d'Allemagne et le chantage, puis le scandale qui s'ensuit. Du coup, c'est l'attitude de sa famille durant la guerre qui remonte à la surface. Une lignée d'industriels aux relations sans équivoque avec le 3ème Reich.

C'est déjà beaucoup, mais la romancière en profite pour faire le portrait de Magda Goebbels et évoque le père adoptif, juif, de la susdite. Ce qui nous vaut trente dernières pages complètement déconnectées de la matière première du livre. Karine Tuil part d'un fait divers pour remonter à la deuxième guerre mondiale, jusqu'aux camps de concentration. Malgré une langue frénétique, Tuil nous entraîne vers des thèmes qui semblent la dépasser, sur lesquels on ne peut écrire à la légère.

Difficile de suivre l'auteure jusqu'au bout de son propos. Elle est plus à l'aise pour décrire les petites histoires que pour s'attaquer à la Grande. La dernière partie de son roman semble complètement à côté, qui plus est bâclée et réductrice. Sur une dissertation, on aurait écrit : "Hors sujet."

-L'invention de nos vies-



Résumé de l'éditeur

Citation :

Sam Tahar semble tout avoir : la puissance et la gloire au barreau de New York, la fortune et la célébrité médiatique, un « beau mariage »...
Mais sa réussite repose sur une imposture. Pour se fabriquer une autre identité en Amérique, il a emprunté les origines juives de son meilleur ami Samuel, écrivain raté qui sombre lentement dans une banlieue française sous tension.
Vingt ans plus tôt, la sublime Nina était restée par pitié aux côtés du plus faible. Mais si c était à refaire ?
À mi-vie, ces trois comètes se rencontrent à nouveau, et c est la déflagration...

...

Citation :

Avec le mensonge on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir

Un roman qui nous tient en haleine et nous embarque dans une intrigue bien ficelée sur des thèmes d'actualité tels que la course à la réussite, les problèmes d'identité communautaire, le racisme.. et qui débouche sur un autre plus vaste: celui des faux semblants et de l'image que l'on veut donner. Peut on renier ses racines sans se perdre soi-même? Et surtout peut-on atteindre la perfection sans s'aliéner à des diktats qui finissent toujours par dévorer nos âmes?

C'est un sujet ambitieux mené allègrement sur plus de 500 pages qui se lit agréablement, bien que certains effets de style dont cette manie des astérisques pour nous renvoyer à des indications sans aucun intérêt m'ait assez agacée. Quant à la chute, elles sont souvent décevantes lorsque l'on s'attaque à pareil enjeu.
Au final j'ai lu ce livre sans déplaisir mais je ne peux pas dire qu'il m'ait transportée outre mesure, il m'a manqué un chouïa d'authenticité.

NB: Ce livre fait partie de la Liste Inter mais ce ne sera pas mon favori

J'ai lu l'invention de nos vies ce qui m'a permis de découvrir cet auteur. J'ai aimé cette histoire originale et apprécié le style efficace de cet auteur

Je viens de terminer Interdit :



Le résumé d'Amazon :

Citation :

Un survivant d'Auschwitz, apprend de la bouche d'un rabbin qu'il n'est pas juif selon la loi de Moïse. Traqué en tant que juif pendant la seconde guerre mondiale, le voici rejeté par les siens. Il se retrouve alors en proie à une véritable crise identitaire.

L'écriture est assez drôle, très acide. Le roman donne lieu à des développements qui m'ont fait penser à cette phrase de Romain Gary : "La différence entre les Allemands héritiers d'une immense culture et les Simbas incultes, c'est que les Simbas mangeaient leurs victimes, tandis que les Allemands les transformaient en savon. Ce besoin de propreté, c'est la culture." (La Danse de Gengis Cohn). A comprendre : quand c'est dit par Gary c'est drôle, quand c'est dit par Dieudonné c'est monstrueux

Je ne pense pas avoir l'estomac fragile (en travaillant sur Drieu la Rochelle j'ai bouffé de l'antisémitisme et de la misogynie au kilomètre) mais là ça fait un peu trop... Un passage sur son épouse enceinte :

Citation :

Aucune femme ne me désirait plus. Et, chaque soir, en me couchant, je butais sur le corps de Simone qui gisait telle une charogne au milieu d'une route.
Lorsque le médecin nous annonça que tout rapport sexuel était prohibé, je ne pus me retenir de l'étreindre. Il ne s'agissait pas d'une prescription médicale mais bien d'une mesure de compassion. Dès que Simone s'approchait de moi, je la repoussais, invoquant l'avis médical. Elle se résignait; je la rassurais, elle serait bientôt délivrée.
- Après l'accouchement, tu retrouveras ton corps d'avant.
- Tu es si gentil, répliqua-t-elle, alors que ma remarque était une incitation au suicide.

Le narrateur a soixante-et-onze ans, on a donc droit à un récit détaillé de ses érections molles - heureusement à l'hospice une aide-soignante a pitié de lui, elle lui fournit une prostituée africaine qui évidemment lui vole sa montre en or. Il y en a pour tout le monde : on apprend que les Asiatiques (ou les Brésiliennes, je ne sais plus) sont "soumises". Bref, évidemment (?) c'est du second degré, mais 150 pages de poncifs racistes c'est un peu long, même si c'est bien écrit et assez enlevé au niveau de la narration.

Un avis mitigé, donc - je ne l'achèterai pas, je ne le relirai pas, mais j'ai parfois souri et je l'ai lu quasiment d'une traite.

D'après ce que tu dis Agnès, il vaut peut-être mieux se satisfaire de ses romans plus légers !!?? Et ta citation de Romain Gary, quoique fort grinçante, me donne envie de relire cet auteur !

Shanidar, le pire c'est que je ne suis pas certaine que ça ne se veuille pas léger en un sens Je comptais consacrer mon été entier à Gary mais une grosse commande à livrer pour septembre m'est tombée dessus alors comme ce n'est pas la lecture de Gary qui paiera mes factures j'ai renoncé - régale-toi et lis à ma santé si tu veux bien