Julien Gracq

Citation :

Je crois que ce que je préfère chez Julien Gracq ce sont ses descriptions comme plus personne ne sait en écrire

A chaque relecture du Château D'Argol c'est mon sentiment. Le château, les décors prennent littéralement vie. On a chaud du soleil, froid du vent, on est ému de la découverte d'un cimetière, des corps nus dans l'eau, on est fatigué de l'effort à nager plus loin encore.

Citation :

les personnages ne m’apparaissent pas dans leur vérité. Ils m’ont paru superficiels et vides.

Il y a aussi chez Gracq ce sentiment persistant de l'homme ridicule par rapport au paysage, le personnage est littéralement happé, noyé dans son environnement. C'est une explication de "l'action" du Rivage des Syrtes, des faits du Château d'Argol, ou encore de sa pièce le Roi Pêcheur, etc.
Mais dans un Beau Ténébreux, il faut voir la réécriture, le vis à vis, et le recul des romans qui ont plus dans les années 20-30. Il y a toujours la description de l'oisiveté, de personnages confortablement installés dans la vie.
Et puis il y a ce qu'on en ressent, les personnages nous ennuient. Leur oisiveté nous ennuie. Comme Emma de Bovary nous fait rire par sa superficialité, par son oisiveté aussi.
Je pense que le sentiment de lecture que tu as n'est pas innocent, que c'est aussi une part de la volonté de Gracq.

Cela dit, il faut replacer le roman dans son contexte, il sort en 1945 je crois, après guerre. Le topos que représente l'histoire n'est donc pas verrouiller, roder, connu par cœur. Il y a eu Cocteau, Radiguet et autres Jacob et Cie, mais il n'y a pas eu encore de personnages étouffés dans leurs environnements.

Il n'y a pas encore eu de personnages pantin, de personnages soumis au mouvement des contextes, à la fluctuation du temps sur leurs perceptions. On réécrit encore le lieu commun du héro parfait adjuvant. Et je crois que Gracq le fait définitivement très bien.

lekhan a écrit:

Il y a aussi chez Gracq ce sentiment persistant de l'homme ridicule par rapport au paysage, le personnage est littéralement happé, noyé dans son environnement.

Et puis il y a ce qu'on en ressent, les personnages nous ennuient. Leur oisiveté nous ennuie.
Je pense que le sentiment de lecture que tu as n'est pas innocent, que c'est aussi une part de la volonté de Gracq.

Tu asraison...De cela je ne doute absolument pas...
Et pour ce qui est de mon ressenti , aurant je peux apprécier sa description d'une flamme...autant j'ai eu du mal avec l'oisiveté des personnages...

Un beau ténébreux.

Petites précisions:
Le projet de ce roman est né dès 1940 au camp d'Elsterhorst où Julien Gracq était prisonnier.
Le livrea été écrit en 1942 mais il n'est paru qu'après la Libération, en février 1945.
Le roman a reçu un accueil chaleureux de la critique qui le rattacha au Surréalisme.

Bien que l'auteur de ce livre n'est pas Julien Gracq, je pense que ce livre a quand même sa place dans ce fil - parce que de la première à la dernière page il n'y a qu'un sujet à trouver dans ces pages: Julien Gracq!

Citation :

Présentation de l'éditeur
Julien Gracq est sans conteste au nombre des écrivains que j'admire le plus. Je l'ai découvert au lycée en 1976. Je l'ai lu ensuite et l'admiration s'est installée, inentamable. Je lui ai écrit plus tard et j'ai écrit sur son travail. Ma première visite à Saint-Florent-le-Vieil, sur les bords de la Loire, remonte à février 1992. D'autres l'ont suivie, régulières, ferventes. Un jour - c'était en février 1998 - j'ai éprouvé le besoin de raconter le cours d'une de ces journées désamarrées du flux ordinaire des jours. Comme cela, sans désir d'effraction, loin du prosaïsme du reportage, simplement pour rendre témoignage. C'est le sens de ce récit qui narre quelques heures entre deux trains, au bord du fleuve, un jour d'hiver glacial et lumineux, en compagnie du dernier des très grands, quelques heures magnifiques et aimantées qui restent pour moi comme une leçon de littérature et de vie

Je m'étais promis de lire 2 auteurs de notre sélection du mois - me voyant dans l'impossibilité de lire Julien Gracq pour l'instant lui-même, j'ai opté pour cette alternative - et j'en ressors tout à fait enchanté.
Juste un petit sentiment de tristesse - le fait de ne pouvoir plus rencontrer Julien Gracq comme l'a fait Philippe le Guillou. Mais ses mots m'ont rendu possible de me retrouver avec les deux à table et d'écouter leur conversation....

Citation :

me voyant dans l'impossibilité de lire Julien Gracq pour l'instant lui-même, j'ai opté pour cette alternative

S'il y a besoin de prêt, je peux toujours envoyer le Rivage des Syrtes. (le reste étant en Pléiade je ne pourrais le prêter)

lekhan a écrit:

Citation :

me voyant dans l'impossibilité de lire Julien Gracq pour l'instant lui-même, j'ai opté pour cette alternative

S'il y a besoin de prêt, je peux toujours envoyer le Rivage des Syrtes. (le reste étant en Pléiade je ne pourrais le prêter)

Non, non... ce n'était pas dans ce sens que mon 'impossibilité' était
J'ai un peu trop de stress (déménagement, situation au travail...) autour de moi et puisque je trouve que Gracq est un auteur où on a besoin d'un peu de tranquillité.. de silence.. je ne voulais pas le lire "comme ça entre deux"
Mais merci pour ton offre...

kenavo a écrit:

Bien que l'auteur de ce livre n'est pas Julien Gracq, je pense que ce livre a quand même sa place dans ce fil - parce que de la première à la dernière page il n'y a qu'un sujet à trouver dans ces pages: Julien Gracq!

Et comment!...

Je pensais aussi ajouter sur ce fil ce qu'ont pu écrire d'autres auteurs sur Julien Gracq ou des évocations de leurs rencontres avec Julien Gracq...

Un extrait du magnifique Au Château d'Argol:

Citation :

Albert passa toute la journée du lendemain dans le cabinet qu’il s’était aménagé dans la plus haute des tours du château, et d’où son œil plongeait sur la forêt. Son esprit était occupé de vagues et indistinctes rêveries : la forêt à la veille de cette visite attendue lui paraissait multiplier ses retraites, faire briller de secrets cheminements ; une présence imminente la pénétrait toute comme une vie légère dont l’étincellement de ses feuilles parut être à Albert le symbolique témoin. Les salles vides du château attendirent que cette présence les peuplât, dans un pesant ensommeillement : le bruit d’un pas sur les dalles, un craquement des panneaux de chêne, le choc d’une abeille contre une vitre retentirent alors jusqu’au fond du cerveau comme un signal longtemps convoité. Il parut bizarrement à Albert que ce château somnolent dût être visité, ou périr, comme un château de légende entraînant sous ses décombres ses énigmatiques serviteurs endormis.

La première page manuscrite:

Un entretien:

https://www.dailymotion.com/video/xwjtu_julien-gracq-entretien_blog

[edit]Voilà le lien corrigé

lekhan a écrit:

https://www.dailymotion.com/video/xwjtu_julien-gracq-entretien_blog

Lien corrigé.

Merci Lekhan...Je regarde (et surtout écoute) dès que je peux...

Julien Gracq lègue ses écrits à la BNF

Citation :

Julien Gracq, qui s'est éteint le 22 décembre 2007, a légué par testament "les manuscrits de ses ouvrages publiés ainsi que ses manuscrits inédits ou partiellement inédits au moment de sa mort" à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ce legs a été qualifié d'"exceptionnel" par Bruno Racine, président de la BNF. Julien Gracq a désigné comme son exécuteur testamentaire Bernhild Boie, universitaire d'origine allemande, qui est l'éditrice de Gracq dans la Pléiade. Elle détient le droit moral et de divulgation de l'oeuvre.


Parmi les textes inédits figurent trente-cinq carnets numérotés et datés par l'auteur, dont il a expressément demandé qu'ils ne soient pas publiés avant vingt ans. Il laisse également "un roman inachevé assez volumineux", dont l'existence était connue, précise Bernhild Boie. Dans le legs se trouvent d'autres textes inédits que Gracq n'avait pas souhaité publier et qui seront inventoriés par Bernhild Boie. Le fonds comprend aussi les brouillons des principaux romans de Gracq (Un beau ténébreux, La Littérature à l'estomac, Le Rivage des Syrtes, Un balcon en forêt), excepté celui d'Au château d'Argol, écrit pendant la guerre, et de nombreuses copies honnêtes (texte donné à la frappe puis corrigé de façon manuscrite par l'auteur). En revanche, il y a très peu de correspondances, excepté des lettres d'André Breton. José Corti demeure l'éditeur des oeuvres de Julien Gracq.

Une copie numérique des manuscrits des oeuvres publiées du vivant de Gracq sera transmise à la Bibliothèque universitaire d'Angers. Celle-ci a par ailleurs vocation à recueillir tous les travaux universitaires et les traductions. L'écrivain a fait plusieurs autres dons. Lui, dont les critiques soulignaient souvent "l'éloignement par rapport aux publications contemporaines", a souhaité que sa maison de Saint-Florent-le-Vieil soit transformée en résidence pour jeunes écrivains. Il a fait don de sa bibliothèque à la bibliothèque municipale de Saint-Florent et de son appartement parisien à la Croix-Rouge.
Alain Beuve-Méry

Source: Le Monde

Merci Kenavo de l'information...
Chouette!...Je connais le cadeau que je me ferai offrir pour mes 77 ans si je suis toujours là et si je peux encore lire...

Citation :

De quelle manière écrivez-vous ? Je veux dire : comment se présente une page de votre manuscrit ?

– Rien ne vous sera caché : j’écris comme presque tout le monde, en commençant par le début et en finissant par la fin ; la seule exception s’est produite quand j’ai écrit une fois une pièce de théâtre. J’écris lentement et laborieusement, un peu en boule de neige. La phrase se charge presque toujours, à peine ébauchée, de rejets et d’incidentes qui tendent à proliférer et qu’il me faut ensuite élaguer en partie. Je rature mal. Presque toujours, pendant que je travaille à une phrase, je jette dans la marge une amorce ou un fragment qui concernent la phrase suivante : une espèce d’appât.

In Entretiens.

http://www.revue-placepublique.fr/Sommaires/Videos/videogracq1.html

Hommage à Gracq en présence de Viel, Chaillou et Michon.

lekhan a écrit:

http://www.revue-placepublique.fr/Sommaires/Videos/videogracq1.html

Hommage à Gracq en présence de Viel, Chaillou et Michon.

Merci Lekhan...Une émission pour les Nantais?...
J'ai regardé dix minutes, j'y reviendrai à cette vidéo...J'espère que le propos des auteurs est intéressant parce que l'animateur...
Tu l'as regardée ?