Herman Koch [Pays-Bas]

Oui, mais Harelde écrit si bien qu'il arrive à persuader les gens de lire ce qu'il juge être le pire bouquin (et puis il y a des bonnes critiques sur ce fil quand même... et à la base, l'idée me plaisait...)

Le post d'Harelde m'a effectivement beaucoup fait rire, d'autant qu'il n'est pas totalement injustifié . Je me dis que commençant ce roman un autre jour, avec une humeur différente,il me serait peut-être aussi tombé des mains . Je me dis aussi que ç'aurait été dommage, car il n'a finalement, malgré tout, beaucoup plu et également intéressée. Sans nier les arguments d'Harelde, je pense sincèrement que certains d'entre nous , moins attachés au style littéraire, peuvent tirer plaisir de ce livre

Bon alors en résumé à s'abstenir si on privilégie avant tout les qualités littéraires d'un ouvrage.

Arabella a écrit:

Bon alors en résumé à s'abstenir si on privilégie avant tout les qualités littéraires d'un ouvrage.

Mais les citations d'Harelde étaient bien amusantes... Si jamais le livre se présente devant moi, dans une bibliothèque... pourquoi pas y jeter un oeil... (masochisme ou sadisme, je ne sais pas...).
Et puis, il y a eu des critiques positives plus haut sur le fil.

Je sens que tu piaffe déjà à l'idée de faire un commentaire assassin du bouquin surtout.

Arabella a écrit:

Je sens que tu piaffe déjà à l'idée de faire un commentaire assassin du bouquin surtout.

Tu m'as percé à jour !

-Le diner-

Eh bien, quel livre! Voilà un roman qui aura fait parler de lui parmi les parfumés et c'est très bien car cela rajoute à la curiosité initiale que l'on a suite au très bon commentaire de Topocl. Reconnaissons déjà l'habilité de Herman Koch à nous présenter le topo. On part de la vision de Paul, personnage central du roman, son côté ironique, sa façon de déglinguer son snob de frère, homme de gauche au coeur à droite (pense t'on) qui nous apparaît d'emblée comme l'homme à abattre, trop clinquant et sûr de lui. Paul au contraire nous situe sa vie plus modeste, son "bonheur ordinaire", entouré de sa petite famille, bien dans sa tête, et par opposition plus proche d'une certaine vérité (pense t'on) On rit de ses descriptions, le décorum, l'extrême obséquiosité du personnel, l'annonce du menu: on y est complètement. L'auteur s'amuse et en rajoute un max sur l'ensemble, nous prenant à partie, et nous détournant en même temps du vrai problème. C'est là que certains peuvent lâcher car l'humour basé sur les détails souvent saugrenus risque de bloquer. Dans mon cas il a plutôt aiguisé mon appétit et j'ai avalé les amuses gueules avec délice, me réjouissant à l'avance de la suite. Agréable sensation du chaos qui se prépare sous les apparences de courtoisie...

Le dérapage quand il arrive (il se passe un petit moment quand même et Koch abuse parfois de ces détails, admettons) nous prend violemment et surtout à revers. On reste saisi, brutalement bousculé dans une réalité glaçante qui aborde les choses de front. Que deviennent les bonnes consciences affichées lorsque le sordide gît devant nos portes? Qu'en est il de la responsabilité quand ce sont nos enfants qui en sont les acteurs? Comment y faire face sans faux semblants et en toute honnêteté? Le ton devient grinçant, on quitte la comédie légère pour l'étude de moeurs, avec ce qu'elle comporte de glauque et de pervers. Sous les vernis de bonne conscience ne se cache pas toujours le meilleur. Aveuglement, déni, mauvaise foi et compromissions minables pour préserver à tout prix une apparence de légitimité. C'est terriblement dérangeant, imaginer jusqu'où peut aller un homme à priori soucieux d'une éthique pour sauver l'image des siens, et bien sûr par là même la sienne. Un récit donc lourd et qui va loin, qui nous laisse effectivement avec plein d'interrogations (ce que j'avais aimé dans We need to talk about Kevin) et qui nous tend un miroir peu flatteur de nos sociétés corrompues par le bien être et l'absence de considération de ceux qui ont raté la marche à suivre.

Tranchant, sans appel, je trouve que ce livre, même s'il n'est pas d'un style irréprochable, mérite largement qu'on s'y arrête. Merci Topocl de m'y avoir incitée en tout cas, un très bon moment que je conseille aussi aux autres, vous risqueriez de rater quelque chose...

Spoiler:

Mon plus grand ratage de 2011.
Je n'ai pas pu, mais on m'a convaincu que j'étais passé à côté de quelque chose de très fort. Et je le regrette.
Et ton commentaire, Aériale, me conforte encore dans cette idée.


Mais une seconde tentative n'est pas, pour le moment, envisagée.

Merci, Aériale, tu me rassures car je dois dire que Harelde (j'en suis sûre) et Epi (je crois) avaient fini par me faire douter de mes capacités de jugement… Grâce à toi et avec toi, en effet, je dis lisez le dîner qui, sans être grand livre, ne manquera pas de vous déstabiliser !.(Vous avez peut-être remarqué que depuis quelque temps je n'osais plus le dire)
J'ai beaucoup aimé tes « pense t'on » dans ton commentaire car l'un des propos du livre c'est cela : la surface des choses et ce qu'il y a derrière

Harelde a écrit:

Mon plus grand ratage de 2011.
Je n'ai pas pu, mais on m'a convaincu que j'étais passé à côté de quelque chose de très fort. Et je le regrette.

Dommage Harelde, mais oui, parfois certains livres ne sont tout simplement pas fait pour nous.

Topocl, il ne faut plus douter! De mon côté je suis toujours tes prescriptions avec intérêt

topocl a écrit:

J'ai beaucoup aimé tes « pense t'on » dans ton commentaire car l'un des propos du livre c'est cela : la surface des choses et ce qu'il y a derrière

J'ai aussi bien aimé cette manière de retourner la vision du problème. C'est à la fois subtile et assez caustique.
Un livre que je penserais à offrir autour de moi (sauf à nos deux réfractaires )

Aeriale a écrit:

[Topocl, il ne faut plus douter!

On ne se refait pas!

Pas beaucoup aimé Le dîner qui affiche trop clairement sa volonté de créer un vrai malaise. C'est bien joli de vouloir montrer le caractère primitif et monstrueux de chacun d'entre nous mais cette évocation est d'une complaisance qui fait froid dans le dos. Koch s'amuse avec le lecteur, lui dissimule des faits, distille ses effets au compte goutte. Il y a là comme une mécanique théâtrale en mouvement bien huilée pour faire grincer les dents. Trop polie pour être véritablement honnête.

Après le talentueux résumé de Topocl sur Le Dîner de Koch, il n'y a rien à ajouter !

Je complète donc mon point de vue en quelques lignes :

Un gros sentiment de malaise dû à l'insoutenable complaisance de Paul et de son épouse, envers leur fils Michel, chacun à sa façon. Ce n'est pas plus reluisant du côté de Serge et de sa femme, chaque couple cherchant à défendre son rejeton à n'importe quel prix. La lâcheté. La lâcheté qui induit la complicité. Et, pire encore, à pousser le vice pour transformer un drame horrible en "incident", ou plutôt en non-événement. Et inciter, avec des sous-entendus, à encore plus de violence encore pour tendre vers ce but. On n'en finit pas dans cette spirale infernale.

topocl a écrit:

Le style n’est pas extrêmement travaillé,

Pas très modeste de se citer, mais je me suis relue et j'adore mon art de l'euphémisme , n'est ce pas Harelde (qui a autre chose à faire en ce moment!)?