O Solitude
ce titre est celui d' un poème de Katherine Fowler Philips, qui été mis en musique par Henry Purcell.
Partant de son expérience personnelle de la solitude, notamment après un chagrin d'amour, et aussi face à l'écrirure et dans la lecture, Catherine Millot a rédigé un ouvrage qui est dans la catégorie « roman », qui se lit aussi aisément qu'un roman (profond et érudit tout de même!), mais qui tient aussi de l'autobiographie et de l'essai (accessible et brillant essai d'une psychalalyste).
Catherine commence par relater une croisière en voilier en Méditerranée, direction la Sicile. … Au bout du voyage, le bonheur de l'écriture:
« Ecrire, c’est toujours renouer avec le fond, le grand silence originel ».
Et sur la mer, la lecture de Proust la ramène à sa propre expérience, douloureuse, de l'amour qui l'a rendue à sa solitude. Une solitude sans bienfait . Angoissante. Génératrice d'une puissante mélancolie.
Seul l’art, dit Catherine Millot , accomplit les promesses d'éternité que promet généralement l'amour sans pouvoir les tenir, « seul, il peut rédimer ce qu’il y a d’impossible dans l’amour ».
Créer, donc. Il le faut. Et la création nécessite la solitude. Une solitude épanouie, sereine. Que certains réussissent mieux que d'autres à trouver. Et qui s'inscrit dans l'enfance.
Roland Barthes et William Henry Hudson notamment lui enseignent la quiétude que l'on peut trouver dans la solitude, les livres aussi, l'écriture...la nature enfin...
« Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient. Les personnages de romans, et les auteurs qui devinrent bientôt mes personnages de prédilection, étaient mes amis, mes compagnons de vie. Companion-books. Dans les heures d’esseulement et d’abandon, comme dans les heures de solitude épanouie ou dans celles où je jouissais d’une présence à mes côtés, lire fut toujours l’accompagnement — comme on dit en musique — indispensable.
Lire c’est comme une rencontre amoureuse qui n’aurait pas de fin. Ici, pas d’arrachement, mais une succession sans rupture, voire une coexistence heureuse de liens multiples, durant parfois toute la vie. Cela commence par un coup de foudreour un livre. Alors je lis tout de son auteur, j’aime tout de lui. Puis vient l’accomplissement de l’amour qu’est l’écriture. Écrire, pour moi, veut dire élire un de ces compagnons de prédilection, un peu comme on se décide à s’engager dans une liaison qui durera des mois, voire des années, jusqu’à ce que son fruit arrive à terme.
Mais écrire, c’est aussi s’engager dans une ascèse qui, d’ailleurs, comporte son plaisir propre. Il faut inventer à sa mesure, ses rythmes, ses rites, ses règles de vie, un cadre et une discipline, sans omettre de préserver la part due au lien avec les autres, car, dans l’ascétisme, il faut se garder des excès, tous les ascètes le savent. Roland Barthes l’a très bien vu, qui s’est longuement interrogé sur les modes de vie solitaires, l’aménagement des relations nécessaires avec les autres, qu’il souhaitait le plus légères possible afin de préserver le temps qu’il faut pour écrire, c’est-à-dire pour laisser la solitude s’épanouir. »
Son essai nous permet de croiser Pascal, Descartes, Quignard, Musil, Berg, Bela Tarr, Colette, Caspar David Friedrich , Bernanos, Bernard Shaw, Edgar Poe, Goethe, Sôseki,, Freud, Heidegger, Lacan, Baudelaire...et il donne le goût d'apprivoiser la solitude et le silence, de s'arrêter dans la contemplation.
Gros coup de coeur pour moi de cette rentrée littéraire!