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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Jon Fosse [Norvège] Mar 13 Déc 2011 - 19:02
Jon Fosse
Citation :
Jon Fosse est un écrivain norvégien, né le 29 septembre 1959 à Haugesund. D'abord romancier et essayiste, il écrit également des poèmes et des livres pour enfants. Il est désormais mondialement connu surtout en tant que dramaturge.
Jon Fosse est né sur la côte ouest de la Norvège. Il débute avec son premier texte Raudt, svart (Rouge, noir) en 1983. Il publie une quinzaine d'écrits avant de venir au théâtre. Sa première pièce, Et nous ne serons jamais séparés, est montée et publiée en 1994. Il reçoit le prix Ibsen en 1996 pour Quelqu'un va venir. Il vit actuellement à Bergen. Ses écrits (romans, nouvelles, poésie, essais et pièces de théâtre) ont été traduits dans plus de quarante langues, et ses pièces ont été montées par les plus grands metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Claude Régy, Patrice Chéreau...).
Il est considéré comme l'un des plus grands auteurs contemporains et a été décoré de l'Ordre national du Mérite français en 2007.
Découverte majeure pour moi après la lecture de Melancholia I et Melancholia II qui évoquaient le peintre schizophrène Lars Hertervig (et adapté à l'opéra par le compositeur contemporain G.F.Haas) puis la diffusion hier soir de sa pièce Rêve d'Automne mise en scène par Patrice Chéreau.
Cet écrivain et dramaturge a créé un univers théâtral poétique très puissant et profondément original même s'il n'est pas sans évoquer ceux de Beckett ou de Pinter qui rencontreraient celui de Tchekhov. On a le sentiment en découvrant un roman ou une pièce de Jon Fosse d'entrer dans un monde à la fois extrêmement banal, quotidien, anecdotique, aux personnages et situations réduits à leur dimension presque archétypale, et en même temps incroyablement profond, essentiel, un peu fantomatique, entre vie et mort, réalité et fantasmes, concret et immatériel. Les protagonistes qui n'ont le plus souvent pas de nom (l'homme, la femme, l'enfant, la mère, la fille, le garçon, elle, lui, le voisin...) évoluent dans des espaces bien délimités (un cimetière, la cour d'une vieille maison...) et en même temps presque éthérés, à la limite de l'abstraction. Ils savent où ils sont tout en étant égarés, ils ressentent certaines émotions puis leur contraire... On est frappé par la coexistence de préoccupations très pragmatiques et triviales avec des phrases récurrentes, lancinantes, qui trahissent des obsessions mentales avec certains tics de langage comme il en va dans les échanges quotidiens, et de phrases inhabituelles qui donnent l'impression que le flux de conscience se libère, que les pensées intimes s'expriment alors qu'on les dissimule habituellement. Il y a un glissement inattendu pour le spectateur comme pour le personnage d'une pensée à une autre avec une impression de décalage ou de contradiction. Il y a donc une forme de confusion ou de malaise qui s'installe mais qui paradoxalement ne nous maintient pas à distance. Car on ressent surtout viscéralement des tensions parfois extrêmes entre les personnages dont on perçoit les enjeux intuitivement plus qu'on ne peut les analyser. On touche à l'inconscient d'une humanité errant dans des espaces mystérieux malgré leur banalité et préoccupés par des rituels troublants dans leur simplicité même. Il en résulte une poésie et une sorte de mélancolie indescriptibles par les mots. L'espace théâtral devient une forme d'art très pur qui touche au plus profond de notre fragilité existentielle. Les plus grands metteurs en scène ne cessent de revenir à Jon Fosse comme Claude Régy et Patrice Chéreau et on comprend pourquoi.
Rêve d'Automne
Qu'est-ce qu'on fait ici?
Un homme et une femme qui se sont aimés par le passé se retrouvent par hasard dans un cimetière. Ils s'attirent et se repoussent avant que n'entrent en scène les parents de cet homme qui viennent pour enterrer la grand-mère, puis son ex-épouse qui lui annonce la mort de leur fils. Vivants et morts coexistent sur scène comme s'il n'y avait pas de frontière entre les uns et les autres. Chacun exprime ses préoccupations immédiates en même temps que des pensées plus violentes qui semblent s'échapper comme si l'espace mental entre les personnages libérait leur inconscient. L'homme et la femme se retrouvent pris par une sorte de réseau d'influences psychiques qui conditionnent leurs actions, les enferment ou les libèrent. Parents et ex-épouse deviennent progressivement presque menaçants en voulant empêcher puis en favorisant le rapprochement de cet homme et de cette femme. Comme si nous n'étions pas maître de nos choix et de nos actes. L'écriture crée une sorte d'hypnose qui aide à passer de l'autre côté des apparences. On pénètre progressivement un espace poétique qui dépasse l'ensemble de ces pensées individuelles qui se cognent, se repoussent puis s'attirent. C'est une expérience magique qui procure des sensations très intenses et bouleversantes. On rit, on pleure, on a peur, on se console et on se rassure...
Chéreau adopte un choix de mise en scène radicalement opposé à celui de Claude Régy ou même apparemment à celui de sa récente adaptation d'une autre pièce de Fosse "Je suis le vent". On pourrait s'attendre à un minimalisme et une désincarnation dans le jeu des acteurs alors qu'il préfère illustrer toutes ces émotions contradictoires ou ambivalentes avec une charge émotionnelle très forte. Notamment l'attraction/répulsion érotique entre Pascal Grégory et Valéria Bruni Tedeschi qui donne droit à une chorégraphie sidérante. Ils sont géniaux tous les deux. Et de fait on est immédiatement aspiré par l'action qui se déroule sur scène. Et pourtant il est bien difficile de capter l'attention sur la durée à la télévision. Ici c'est fascinant du début à la fin. Les morts se déplacent sur scène dans des décors qui reprennent l'espace d'origine au musée du Louvre (où la pièce a été créée). En guise de pierres tombales on voit les vides laissés par des tableaux disparus. A la fin du spectacle on ne sait plus si cet homme et cette femme sont encore vivants ou s'ils sont eux aussi des fantômes qui habitent ce lieu depuis toujours, répétant inlassablement leur ronde d'amour et la douleur de la séparation. Car les gens qu'on a aimés et qui s'éloignent de nous sans être morts sont aussi des fantômes qui hantent nos vies.
C'est un des plus beaux moments de théâtre que j'aie pu voir même si c'était sur un écran de télé. Et je vais guetter toutes les productions des pièces de Jon Fosse après les avoir lues (ainsi que ses romans). Je reviendrai sur Melancholia.
Extraits:
Dernière édition par Marko le Mar 13 Déc 2011 - 21:47, édité 1 fois
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mar 13 Déc 2011 - 20:28
J'ai trouvé ce commentaire du metteur en scène Claude Régy sur la pièce "Variations sur la mort" mais qui pourrait aussi bien s'appliquer à toute son oeuvre:
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 14 Déc 2011 - 0:49
Pour ceux qui utilisent leur écran d'ordinateur pour regarder des films... Le lien de rediffusion de la pièce sur Arte: Rêves d'Automne
Les musiques utilisées pendant le spectacle qui parlent presque toutes d'amour et de douleur de la séparation.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 14 Déc 2011 - 9:41
Merci pour ce fil Marko auteur que j'avais "oublié" en quelque sorte, j'ai entendu pour la première fois il y a bien dix ans de lui, une critique allemande que j'aprrécie beaucoup parlait de lui, je pense que c'était au moment qu'on le publiait pour la première fois chez eux (ou elle en parlait pour la première fois, je ne suis plus trop sûre) en tout cas, je l'ai lu et garde un bon souvenir.. bien que je le mets dans la catégorie d'auteurs pour lesquels on doit avoir le bon moral pour les lire
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 14 Déc 2011 - 9:53
kenavo a écrit:
en tout cas, je l'ai lu et garde un bon souvenir.. bien que je le mets dans la catégorie d'auteurs pour lesquels on doit avoir le bon moral pour les lire
C'est vrai en partie (il y a aussi un certain humour) mais c'est surtout qu'il montre parfaitement par le langage l'étrangeté et la fragilité de l'existence. Nous sommes tous des êtres flottants dans un espace qui n'a pas de sens à notre échelle humaine. Il n'est pas le premier à le faire mais il apporte une poésie et une mélancolie particulièrement pures. A la fin de cette pièce j'étais vraiment bouleversé avec le sentiment qu'il avait parfaitement saisi cet état d'âme du deuil et et du manque à travers cette porosité entre le monde des morts et celui des vivants.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 14 Déc 2011 - 10:04
tout à fait d'accord avec toi.. et je me rappelle bien de son écriture à part.. tu m'as redonné envie de le lire, et puisqu'il a très bien été traduit en allemand, j'ai déjà passé la commande
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 14 Déc 2011 - 11:41
kenavo a écrit:
tu m'as redonné envie de le lire, et puisqu'il a très bien été traduit en allemand, j'ai déjà passé la commande
Moi aussi! J'ai envie de lire son roman "Matin et soir" notamment.
Citation :
Un roman en deux parties : une brève première montre la naissance de Johannes, le fils du pêcheur Olaï et de sa femme Marta. La deuxième partie semble évoquer une journée de Johannes devenu vieux, mais avec quelque chose d'inhabituel : sur la grève, il aperçoit son ami Peter mort depuis des années et embarque avec lui sur son bateau. Un texte sur les moments clés que sont la naissance et la mort.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Dim 12 Fév 2012 - 21:09
Au théâtre actuellement:
Violet dans une mise en scène de Bérangère Vantusso avec des marionnettes/mannequins hyperréalistes.
Citation :
Violet parle de la fragilité, de la violence, de la complexité de l’adolescence. La pièce met en scène 5 adolescents. Les garçons ont créé un groupe de musique et répètent dans les sous-sols de l’usine abandonnée où leurs pères ont sans doute travaillé jadis. Ils viennent d’acheter leurs instruments, ne savent pas encore en jouer. Et avec eux, il y a la fille. Amoureuse…
Bérangère Vantusso explore une théâtralité où se rencontrent marionnettes, comédiens et compositions sonores, au service des écritures contemporaines. Avec la présence sur scène des marionnettes hyperréalistes créées par Marguerite Bordat, étranges personnages trop grands, marionnettes à l’image du réel, s’ouvre un espace de jeu troublant. La langue de Jon Fosse, auteur de la pièce, est propice au déplacement du réel car elle porte déjà en elle ce doute sur ce qui « est » vraiment. Le vocabulaire est épuré, les répliques sont courtes et méticuleusement découpées, les mots se répètent trop souvent pour être « vrais ». Mais la puissance des sentiments qui sous-tend les échanges contient les germes d’une révolte.
Avec ce spectacle à la plastique étonnante, porté par une musique omniprésente, il s’agit de rendre compte de la fragilité d’être, de l’immense besoin d’amour et de reconnaissance qui précèdent l’explosion.
14 février au Creusot 29 février au 2 mars à Metz 8 au 10 mars à Cergy-Pontoise 20 mars à Epinal 22mars à Verdun 5 au 15 avril à Saint-Denis.
2 lieux en région parisienne. Je devrais pouvoir arriver à le voir...
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 28 Nov 2012 - 10:21
Après avoir lu l'adaptation en BD - ici, j'ai bien envie de lire aussi le texte de sa pièce de théâtre Quelqu'un va venir. J'ai vu qu'il y a des extraits sur YouTube, étrangement c'est une pièce qui est fort en mots, fort dans les images de la BD, mais d'après ses extraits, ne me donne pas envie d'aller la voir au théâtre
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:25
Marko a écrit:
J'ai envie de lire son roman "Matin et soir" notamment.
Citation :
Un roman en deux parties : une brève première montre la naissance de Johannes, le fils du pêcheur Olaï et de sa femme Marta. La deuxième partie semble évoquer une journée de Johannes devenu vieux, mais avec quelque chose d'inhabituel : sur la grève, il aperçoit son ami Peter mort depuis des années et embarque avec lui sur son bateau. Un texte sur les moments clés que sont la naissance et la mort.
Adaptation théâtrale de ce roman du 28 janvier au 8 février sur Nancy... Au cas où!
Citation :
Matin et Soir est le récit de deux journées extra-ordinaires de la vie de Johannes, un marin-pêcheur : celle de sa naissance et, de nombreuses années plus tard, celle de sa mort. Deux journées de passage. Au soir de sa vie, tout se passe comme d'habitude ou presque : Johannes se lève, déjeune, fume une cigarette et soudain, il se sent si léger, les objets semblent flotter dans l'air. Sur la grève, il rencontre son ami Peter puis sa femme Erna. Et pourtant... Peter et Erna sont morts depuis bien longtemps. Sa fille Signe le croise mais ne le voit pas... Le passage, l'entre-deux, cette zone de déséquilibre et d'action, celle de l'étonnement, du surgissement du fantastique dans la banalité du quotidien. C'est cet endroit qui sera exploré par le frottement de l'écriture poétique de Jon Fosse aux bruissements du monde, par la confrontation de l'espace musical d'Hervé Birolini, l'univers magique de Benoît Dattez et la présence de Christine Koetzel, seule actrice en scène pour donner vie à tous les absents.
Infos réservation : 28 Janvier 2014 20h30 29 Janvier 2014 20h30 30 Janvier 2014 19h 31 Janvier 2014 20h30 01 Février 2014 19h 04 Février 2014 19h 05 Février 2014 19h 06 Février 2014 20h30 07 Février 2014 19h 08 Février 2014 20h30
Egalement: projet d'adaptation d'un autre de ses récents romans: Insomnie
David Léon, Hélène Soulié a écrit:
REVERIE SUR INSOMNIE / Jon Fosse Création 2014 / 2015
C'est assez rare que l'on ne puisse lâcher un livre des mains.
Les mots, le récit, se déroulent, et nous voilà pris, comme pris à la gorge. Pris dans un souffle, un remous haletant.
Marche dans la ville, traversée en bateau, errance, portes frappées, musique dans les cafés, sur les places la nuit.
La nuit ne nous quitte pas. Nous ne quittons pas la nuit.
Je ne sais pourquoi les deux livres se confondent, se mêlent, L'homme sans postérité de Adalbert Stifter, et Insomnie de Jon Fosse.
Les paysages peut-être. La pensée, les pensées intérieures sans doute, les traversées en barques, l'idée du meurtre aussi.
Ce qui est rare, c'est la description, involontaire, mais qui agit en soi, (sur le lecteur), de l'indistinction entre l'intérieur, et l'extérieur, entre le dialogue rêvé, et le dialogue réel.
Je suis assis dans le train, je regarde par la fenêtre, les images de la journée défilent, les conversations, les mots de la journée, en même temps que les conversations des gens autour, dans le train, réel.
Insomnienous entraine au bord de cette frontière, l'indistinction entre l'espace dans lequel on rêve, et l'espace ou l'on vit.
La lecture du texte nous place dans ces trous, des appels d'air. Soudain on réalise qu'on se trouve en fait dans le corps qui rêve d'Asle, ou le corps qui rêve d'Alida.
Le glissement dans la frontière s'opère par une phrase, un mot parfois, un blanc dans l'espace de la page.
C'est quelque chose de la folie que raconte Fosse.
J'entends par folie, " un espace fou", qui nous est à tous commun : nous rêvons tous, nous entendons tous des voix, dans nos rêves. Comme nous nous parlons à nous-mêmes. Nous sommes tous fous , au fond. Lacan dit « Tout le monde est fou ». Il parlerait de " fou dans le langage" je crois bien. " Tous fous dans le langage", pourrait-on dire.
Jon Fosse raconte je crois, parle, de l'espace fou de l'écriture. Par le corps d'Asle et par le corps d'Alida. Dans le glissement constant d'une frontière à l'autre. Voix des dedans, voix des dehors. Mêlées. Fusionnées.
Avec un amour fou l'un pour l'autre qui là-dedans, se dit. Héroïquement presque. Avec les moyens du bord tout le temps. J'entends aussi les voix de Jon Fosse dans Insomnie, comme des grandes voix naïves, portées par Asle et Alida.
Comme la voix de Mathis dans Les oiseaux de Tarjei Vesaas.
Comme les voix pures et naïves (souvent au bord des larmes) de la mère, de la sœur, du jeune homme dansL'homme sans postérité.
Voix élémentaires. Gestes les plus simples, les plus bruts, les plus humains.
Je repense aussi à Duras qui parle du meurtre comme d'une des voix possibles vers la possibilité de s'atteindre soi. Le meurtre comme l'écriture.
" C'est difficile de parler de ça" elle dit.
Asle et Alida fuient, se réfugient, veillent.
Nous sommes dans la tête et dans le corps de leur insomnie.
Qui reste l'insomnie de l'écriture en somme.
Centrés sur la nécessité, les nécessités premières.
La pureté de l'écriture fait parler cette naïveté, cette innocence j'entends.
Jusqu'à la brutalité d'une porte frappée.
Et d'un possible meurtre.
Nous ne saurons pas si le meurtre est rêvé, fantasmé, sublimé. Nous ne savons pas s'il faut tuer ou écrire.
Les rêves d'Olav(1) qui poursuivent l'Insomnie creusent davantage les frontières encore. Mais l'angoisse a alors pris la place à l'innocence.
(1) Les rêves d'Olav de Jon Fosse – traduction de Terje Sinding – Suite de l'histoire d'Asle et Alida – à paraître prochainement
Extrait d'Insomnie:
Asle et Alida arpentaient les rues de Bjorgvin, Asle portait à l'épaule deux ballots renfermant tout ce qu'ils possédaient et il tenait à la main l'étui contenant le violon qu'il avait hérité de son père Sigvald, et Alida était chargée de deux sacs de provisions, et cela faisait plusieurs heures qu'ils arpentaient les rues de Bjorgvin à la recherche d'une chambre, mais il n'y avait pas moyen de trouver une chambre à louer ; non, disaient les gens, on n'a pas de chambre à louer, non, disaient les gens, tout ce qu'on a est déjà loué, voilà ce que disaient les gens, et Asle et Alida se voyaient obligés de continuer à arpenter les rues, à frapper aux portes et à demander si on pouvait leur louer une chambre, mais nulle part il n'y avait de chambre à louer, et où aller, où s'abriter du froid et de l'obscurité de cette fin d'automne, quelque part ils trouveraient bien une chambre à louer, et heureusement qu'il ne pleuvait pas, mais bientôt il se mettrait sûrement à pleuvoir et ils ne pourraient pas continuer à errer comme ça, et pourquoi les gens refusaient-ils de les héberger, était-ce parce qu'on voyait qu'Alida allait bientôt accoucher, ce n'était plus qu'une question de jours, ou parce qu'ils n'étaient pas mariés et ne formaient pas un couple légitime, mais ça, ce n'était pourtant pas inscrit sur leur figure, bien sûr que non, ou peut-être que ça l'était quand même, car si les gens ne voulaient pas les héberger il devait bien y avoir une raison, pourtant ce n'était pas par refus du mariage que Asle et Alida s'étaient passés de la bénédiction du pasteur, comment auraient-ils trouvé le temps et l'occasion de se marier, ils venaient d'avoir dix-sept ans et ils n'avaient pas les moyens de se marier dans les formes, mais dès qu'ils le pourraient ils se marieraient devant le pasteur et ils feraient une fête avec maître de cérémonie et musiciens et tout ce qu'il fallait, seulement ce n'était pas pour tout de suite, ça devait attendre, et de toute façon ils étaient heureux comme ils étaient, mais pourquoi refusait-on de les héberger, qu'est-ce qu'on leur reprochait, peut-être que ça les aiderait de penser qu'ils étaient bénis par le pasteur, car s'ils le pensaient eux-mêmes, les gens ne s'apercevraient pas aussi facilement qu'ils vivaient dans le péché, et maintenant ils avaient frappé à tant de portes et demandé à tant de gens s'ils pouvaient leur louer une chambre et personne n'avait voulu les héberger et ils ne pouvaient pas continuer à errer comme ça, la nuit tombait, c'était la fin de l'automne, il faisait déjà noir et bientôt il se mettrait sûrement à pleuvoir.
Dernière édition par Marko le Mer 15 Jan 2014 - 22:43, édité 1 fois
églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:33
Oh ça donne envie ! Et pourquoi ne pas proposer une lecture commune ? Par contre, pas de livres en poche , dommage .
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:35
J'ai envie de commander "Insomnie". Et j'ai "Matin et Soir" à disposition...
églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:41
Si nous sommes suffisamment nombreux pour une lecture commune , j'agrandis ma PAL très rapidement ! Mais quoi qu'il en soit je le lirai un jour ou l'autre ..... Je viens de regarder : aucun livre à la bibliothèque départementale de Savoie !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:45
Il faudrait une prochaine rencontre parfumée dans une ville où ils passent une de ses pièces ou une adaptation de roman (il y en a souvent)
églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
Sujet: Re: Jon Fosse [Norvège] Mer 15 Jan 2014 - 22:49
Marko a écrit:
Il faudrait une prochaine rencontre parfumée dans une ville où ils passent une de ses pièces ou une adaptation de roman (il y en a souvent)