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Sujet: Homero Aridjis [Mexique] Sam 11 Fév 2012 - 19:51
Homero Aridjis est né le 6 avril 1940 au Mexique, à Contepec (dans le Michoacán, état dans lequel les sommets recouverts du sapin mexicain, l’oyamel, accueillent chaque année plusieurs millions de papillons monarques, à la suite de leur longue migration de près de 5000 km à partir du sud du Québec, entre autres).
La réserve des papillons monarques dans le Michoacan :
Citation :
Homero Aridjis est l’un des plus célèbres écrivains latino-américains. Plusieurs de ses 37 œuvres de poésie et de prose ont été traduits en plus de douze langues. Il a notamment reçu le Prix de la nouvelle pour « 1492, La vie et l’époque de Juan Cabezon de Castille » et « Les yeux pour voir autrement : Poèmes choisis ». Son travail a reçu d’importants prix littéraires au Mexique, en Italie, en France, aux Etats-Unis et en Serbie.
En qualité de Président du Groupe des 100, une association d’écrivains d’artistes et de scientifiques sur l’environnement, fondée en 1985, il a reçu le Prix UNEP Global 500, le Prix de l’Orion Society’s John Hay « pour une réussite littéraire sur les relations entre l’homme et la nature », le Prix annuel de l’Ecologie du magazine Latin Trade, le Prix « Force pour la nature » du Natural Resources Council et le Prix du millénaire Croix verte / Mikhaïl Gorbatchev du leadership international de l’écologie qu’il a obtenu avec la collaboration de son épouse, Betty Ferber.
Homero Aridjis assume actuellement les fonctions d’Ambassadeur, Délégué permanent du Mexique auprès de l’UNESCO. Au cours de sa carrière diplomatique, il a également occupé les postes d’Ambassadeur du Mexique en Suisse et d’Ambassadeur du Mexique aux Pays-Bas. Il a également travaillé comme professeur invité dans les universités de Columbia, New-York, Indiana et Californie à Irvine, où il a occupé la Chaire Nichols en Sciences humaines et la Public Sphere.
Entre 1997 et 2003, il a été Président de l’International PEN, l’organisation internationale des écrivains, dont il est actuellement le Président honoraire. Depuis 1994, il a été éditorialiste pour le journal mexicain, Reforma, traitant les questions politique, culturelle, littéraire et environnementale. (Babelio)
Citation :
La poésie d’Aridjis, chargée d’émotion, s’est d’abord exprimée chez ce lecteur assidu de Dante, dans de longs poèmes romancés, comme "Perséphone" (1967), texte circulaire qualifié par André Pieyre de Mandiargues de « nouveau Chant de Maldoror », où l’amour et la mort se conjuguent sur fond de légendes mythologiques classiques qui, dans les œuvres postérieures d’Aridjis, cèderont la place au chamanisme et aux mythes précolombiens. D’une grande richesse métaphorique dans ses premiers recueils, sa poésie a évolué vers une plus grande concision et une simplicité discursive clairement assumée. C’est son exploration du roman historique qui l’a fait connaître du grand public, grâce à une saga autour des persécutions religieuses dans l’Espagne de 1492 et de la découverte du Nouveau Monde : "1492, les aventures de Juan Cabezon de Castille et Mémoires du Nouveau Monde". L’obsession de l’Apocalypse réapparaît dans "Le seigneur des derniers jours", évocation de l’An Mil à Cordoue et dans "La légende des soleils", où le lecteur est projeté dans un Mexico de 2027, au bord du désastre. Dans "La zone du silence", Aridjis orchestre avec brio une enquête policière. L’élaboration d’un roman à l’intérieur même de son propre livre et une quête philosophique, qu’il situe dans un désert mexicain, mystérieux et envoûtant. Son exaltation des prodiges de la nature et du miracle de la rencontre amoureuse va de pair avec la dénonciation d’une violence barbare, associée au narcotrafic, thème repris dans une des nouvelles de "La santa muerte". (Claude Fell) (Source CNL)
Traductions en français :
Poèmes solaires, préface de Yves Bonnefoy, trad. par Ivan Alechine, éd. Mercure de France, 2009 La zone du silence, trad.par Christilla Vasserot, éd. Mercure de France, 2005 (publié avec le soutien du Centre national du livre) La sardine, illustrations de Antonio Seguis, éd. Fata Morgana, 2000 Des yeux d’un autre regard, Ojos de otro mirar, trad. par Émile Martel, éd. Ecrits des forges, 1999 Le temps des anges, trad. par Jean-Claude Masson, éd. Gallimard, 1997 Le seigneur des derniers jours : visions de l’an mil, trad. par Irma Sayol, éd. Seuil, 1996 La légende des soleils, trad. par Irma Sayol, éd. Seuil 1994 1492, mémoires du Nouveau Monde, trad. par Irma Sayol, éd. Seuil, 1992 1492, les aventures de Juan Cabezon de Castille, trad. par Jean-Claude Masson, éd. Seuil, 1990
En 2007, son engagement pour la défense de la planète l'a naturellement amené à participer au documentaire : "La 11ème Heure, Le Dernier Virage" réalisé par Nadia Conners et Leila Conners Petersen, en compagnie de Leonardo DiCaprio, Feisal Abdul Rauf, Ray Anderson, Janine Benyus et Tzeporah Berman.
Citation :
Un regard sur l'état de l'environnement et des solutions pour tenter de restaurer l'écosystème planétaire, à travers des rencontres avec une cinquantaine de scientifiques, intellectuels et leaders politiques.
Pour les hispanophones : Un lien qui vous permettra de lire quelques poèmes dans la langue d'Aridjis : ICI
Dernière édition par Constance le Mer 15 Fév 2012 - 14:52, édité 7 fois
On l’entend souvent attester, et précisément avec rien que quelques substantifs ou adjectifs, de la présence forte dans sa vie du soleil, de la pierre, du vent, des vergers, des fleuves. […] Dans nombre de ses poèmes les mots sont simples comme des pierres, la perception du jaune, du rouge, du bleu du ciel, de la pluie sur Contepec, lieu natal, a envahi la pensée, et le corps se retrouve alors au premier plan de l’esprit comme chez ces Indiens du Mexique auxquels d’ailleurs Homero ressemble. […] Mais on peut lire Aridjis d’une toute autre façon. Car c’est tout aussi fréquemment que sa pensée se porte dans des lieux cette fois urbains où on rencontre des spectres, où des vivants ne restent plus que des ombres, où les morts sont, là, en revanche, retrouvés souvent par les voies du rêve … » (Yves Bonnefoy)
Homero Aridjis, le jaguar et le papillon :
Spoiler:
La poésie, c'est rare, il faut un ton, une voix. Un don. C'est comme le duende, ça transperce l'écorce des choses. Ca ronge et ça apaise, comme un alcool. Je n'avais rien lu d'Homero Aridjis, c'est un bel auteur, et oui, il mérite d'être appelé un poète, et ça traverse la sobre traduction d'Ivan Alechine.
Yves Bonnefoy, dans sa préface, tient que "les mots de la langue de Cervantès, de Jorge Guillén et aujourd'hui d'Homero Aridjis ont quelque chose de plus substantiel que nos vocables français", comme s'ils étaient plus près des choses, et qu'ils ont "poids autant que lumière". Peut-être. Chacun a son trébuchet intime sur ce chapitre. Par exemple, je me suis toujours étonné que certains étrangers soient émus par la musicalité du français, qui est dénué d'accent tonique. Je n'ai pas leur oreille, ils n'ont pas la mienne, ce n'est pas grave, l'oreille est le vestibule de l'âme, chacun la sienne.
Piedra, sol, viento: mots plus lourds que pierre, soleil, même vent. "Mots si denses que je suis tenté de ne pas les croire plus nombreux que les choses que la vie aurait besoin de rencontrer, de comprendre", dit étrangement Bonnefoy - une sorte de bagage vital, en somme. "Et comme la poésie, c'est vouloir retrouver ce plein, cette immédiateté, que voilent ordinairement dans la parole autant que dans l'existence les représentations simplifiées que la pensée conceptuelle impose, poètes seraient donc, en langue espagnole, ceux qui se porteraient d'emblée à ces mille mots, et les laisseraient se déployer libres dans les poèmes".
Nous sommes au Mexique où les morts hilares sont invités à la table des vivants et où l'on fait exploser des pétards dans les cimetières. En lisant Homero Aridjis, on songe à ces crânes de cristal de l'art précolombien qui font de la mort un spectacle, une parodie, une fête. "Le dieu du feu est mort dans les bras de ses propres flammes", écrit Homero. Dieu, bras, flammes...
Des mots comme des pierres, qu'il ramasse et qu'il jette - pierres tâchées de sang indien qui ont été des haches et qui deviennent des fétiches. Sagesse de ces pierres vouées au désenchantement, au musée, à l'oubli.
Le jaguar, la pluie, le papillon entrent dans la danse, ils ne cessent de franchir sans s'en apercevoir, sans même se prendre pour des symboles ou des blasons, "l'invisible frontière entre ces remarquables poèmes et ce qu'il nous reste du monde", dit encore Bonnefoy.
Dans la cage d'Homero, il y a l'insomnie, "ce soleil malveillant des dernières heures", un vieux ciné, des centaines de Draculas et même un vrai Baudelaire "perdu dans le labyrinthe de l'azur tardif". C'est beau comme une plainte, bref comme un cri. C'est sec, dur, compact. Pas une larme. Par endroits, on dirait des poèmes-cailloux comme ceux d'Ungaretti. Questa pietra dura ... (Blog de Frédéric Ferney)
Dernière édition par Constance le Sam 11 Fév 2012 - 21:12, édité 2 fois
Dame des planètes mortes, aie pitié de cette Terre, qui depuis le commencement des temps dépend d'un rayon de lumière.
Dame des millénaires qui se perdent dans l'obscurité du moment, aie pitié des étoiles animales et végétales qui s'éteignent dans l'air, l'eau et le sol.
Dame des petits mondes et des petits oublis, fais que jamais nous ne pleurions l'absence de la baleine dans les mers, de l'éléphant sur terre et de l'aigle dans les cieux.
Donne-nous la grâce de ne pas nous réveiller un jour dans le Paradis Noir.
(Extrait de "Le poète en voie d'extinction", in "Les Poèmes solaires", précédé de "Le Poète en voie d'extinction" et suivi de "Baleine grise", Mercure de France /Traduit de l’espagnol par Ivan Alechine. Préface d’Yves Bonnefoy.)
Rencontre avec ma mère dans la vieille cuisine
Après avoir traversé tant de rêves et embrassé les ombres de morts connus et inconnus, je me suis trouvé avec ma mère dans la vieille cuisine. Depuis le jour où elle est morte, je l’ai vue en rêve, mais cette fois le rêve avait urgence de se conformer à la vie quotidienne. Debout contre la porte, dans son tablier élimé, elle m’indiqua l’endroit où était enterré le trésor qu’elle avait tellement cherché sans jamais le trouver. Mais, au moment où elle vint à moi, ouvrant les bras, je me réveillai perdu dans l’obscurité de moi-même, sans savoir si c’était elle la personne réelle ou moi le fantôme, si c’était elle qui était là et moi l’intrus. Ainsi, dans l’espace de quelques minutes tous deux nous avions traversé la frontière d’un monde où le rêve ressemble à la vie et la vie, à l’oubli.
(Extrait de "Poèmes rêvés" in "Les Poèmes solaires", précédé de "Le Poète en voie d'extinction" et suivi de "Baleine grise", Mercure de France /Traduit de l’espagnol par Ivan Alechine. Préface d’Yves Bonnefoy.)
Baudelaire
1
Assis en classe économique au-dessus de l'océan Atlantique, Baudelaire regardait par le hublot de l'avion les merveilleuses constructions de l'impalpable.
Et puis on ferma les rideaux comme pour fermer les yeux des passagers. On allluma les téléviseurs pour partager les images de la stupidité. Baudelaire souleva le rideau : Au-dehors était le soir radiant d'infini. En dedans, rien.
2
Alors Baudelaire se réveilla perdu dans le labyrinthe de l'azur tardif.
(Extrait de "L'ange des mystères quotidiens", in "Les Poèmes solaires", précédé de "Le Poète en voie d'extinction" et suivi de "Baleine grise", Mercure de France /Traduit de l’espagnol par Ivan Alechine. Préface d’Yves Bonnefoy.)
Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
Merci pour cette belle poésie. Pour une fois la fille a précédé le père chez les Parfumés ; en effet Chloe Aridjis y a son fil depuis la sortie de son premier roman.
Merci pour cette belle poésie. Pour une fois la fille a précédé le père chez les Parfumés ; en effet Chloe Aridjis y a son fil depuis la sortie de son premier roman.
En perfectionniste, j'étais justement occupée à chercher le fil de sa fille, afin de renvoyer les lecteurs à son oeuvre, Maline. Il fallait juste me laisser un peu de temps, pour compléter cette présentation qui m'a réclamée un certain travail .
Ceci dit, Homero Aridjis est non seulement un merveilleux poète, mais également un grand romancier, que j'ai découvert lors de la parution de "La zone du silence", un roman policier, mêlant adroitement l'histoire mythique et les mystères non résolus de la réalité, sur fond philosophique.
Sur le palier de l'escalier je m'endormais sur le bras de mon maître, le corps calé contre le mur, les oreilles attentives et les pattes croisées.
Avec les yeux pleins de sommeil, du tapis bleu, sur lequel personne ne marche, je guettais les bruits de la rue et je percevais le pas des ombres.
A la pointe de mes oreilles, croissait le silence, et, parce que dans les chambres d'en haut, dormaient les filles de mon maître, je gardais sa porte. Jamais je ne les perdais de vue.
Allongé sur le palier bleu, je regardais fixement le vide, à l'endroit le plus stratégique de la maison entre le haut et le bas, entre hier et demain.
Au premier indice de leur éveil, j'entrais pour les saluer et ça les mettait en joie d'entendre le halètement de mon rire et le Mmmmmm de ma voix (je ne savais pas ce que je disais, mais elles aimaient m'entendre);
Je ne demandais rien d'autre au monde que de me jeter entre les pattes de la table et de lécher le plat de mon maître, puisque la vie d'un chien, c'est espoir et faim.
Mes jours passaient sans remords ni mémoire, vivant dans l'éternité du moment comme un animal ou un dieu. Cela, les autres l'appellent félicité.
Ainsi les années comptèrent une pour sept, ainsi la main qui me sortait perdit de sa force, ainsi s'obscurcirent ses yeux et les miens, alors plus personne ne vint sur le palier de l'escalier.
(Extrait de "Poèmes rêvés")
Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
Poème que j'avais placé il y a plusieurs mois, sur le "Bar poétique" :
Le poète en voie d'extinction
1
- Le poète est en voie d'extinction, dit l'homme aux moustaches.
- Le poète est quelqu'un d'une autre époque qui va de jour en jour disant des choses que personne ne comprend, dit la femme.
- Le poète parle le langage oublié des hommes tandis qu'un ouvrier tombe d'un échafaudage, dit le commerçant.
- Le poète écrit des livres que personne ne désire publier ni vendre ni lire, dit le professeur.
- Nous devrions créer une société pour protéger les poètes en voie d'extinction, dit la femme.
2
- Baudelaire jamais ne fut populaire, dit l'homme aux moustaches.
- Quant à Dante, après sept cents ans peu de gens le lisent, dit la femme.
- Gongora, absous et ressuscité, est tombé de nouveau dans l'oubli, dit le professeur.
- Que pourrions-nous faire pour que le public connaisse mieux les poètes ? demanda le commerçant.
- Rien, absolument rien, dit le poète.
- N'aviez-vous pas dit que cette classe d'hommes était en voie d'extinction ? demanda l'homme à moustaches.
3
Le poète dit : par les rues enfumées, enfiler des lunes; dans le monde de la communication, s'exprimer dans des langages oubliés; au marché des choses qui se sentent, se mangent, se palpent ou durent mille années, préservées, toucher le corps de la femme inexistante,. Face à la fenêtre de ma chambre, voir passer mon double entre les voitures comme un animal en voie d'extinction.
(Extrait de "Le poète en voie d'extinction", in "Les poèmes solaires" précédé de "Le poète en voie d'extinction" et suivi de "Baleine grise", Ed Mercure de France)
Je l'ai reçu et j'aime bien la préface d' Yves Bonnefoy dont tu as déjà mis un extrait.
Mais quand je lis Homero - et c'est depuis bien des années déjà, presque dès ses premiers poèmes - je me remémore aussi ces crânes de cristal d'art précolombien qui font de la mort une présence, unissant de même façon que certaines langues ou certaines oeuvres la plénitude solaire et celle, à égalité, du néant: le plus sensuel de l'être au monde et la nuit totalement noire. Homero est assurément très de son pays, qui est à la fois de langue indienne et espagnole. Il l'est comme Octavio Paz. Il l'est par un apport essentiel à cette conscience de soi dont il faut préserver la salutaire inquiétude. (Yves Bonnefoy)
Herbe Noire
Je vois ton frère par la fenêtre coupant le gazon du jardin, mais jamais il ne finit de le couper; lorsqu'il a fini ici, il repousse là. C'est une herbe noire qui naît dans le coeur de l'homme et ressemble aux cheveux du grand-père, résistantes aux ciseaux du vent. Jour et nuit je vois ton frère couper l'herbe de la mort.
Ce fut réellement un coup de foudre pour Aridjis, Marko. Comme je te comprends ! Ses poèmes nous emmènent en voyage : "rêvés", ils nous téléportent dans l'espace temps à la rencontre de nos morts, (comme dans "Dans la traversée des ombres" de J.B Pontalis et "Poèmes de Samuel Wood" de Louis-René des Forêts : étrange téléscopage entre mes lectures actuelles); "solaires", ils nous transportent, nous font naviguer sur les fleuves, survoler les espaces naturels mexicains, et ils nous plongent dans les mystères d'une civilisation peuplée des fantômes d'antiques dieux, aussi vivants que les chers disparus d'Aridjis. Passé, présent et avenir se confondent, en le mouvement perpétuel des cycles de la nature et du temps où l'espèce humaine, aveugle, se perd, s'égare inexorablement dans la destruction de la planète.
Rencontre avec mon père dans le verger
Passé midi. Passé le ciné, avec ses hauts murs désolés sur le point de s'écrouler, j'entre dans le verger. La séance terminée, tous s'en sont allés : les paysans, les chiens et les portes. Devant un figuier, mon père est debout. Ma mère est morte. Les enfants ont vieilli. Il est seul, les fils de l'air traversent ses vêtements en haillons. De crainte de l'approcher et de lui faire peur par ma présence vive, je désire passer au loin. Il interroge l'étranger, maintenant à cheveux blancs : "Qui est là" ? - Père, c'est ton fils. - Est-ce que ta mère sait que tu es revenu ? Vas-tu rester pour manger ? - Père, cela fait des années que ton épouse repose à côté de toi dans le cimetière du village." Alors, comme s'il devinait tout, il m'appela par mon nom d'enfant et me donna une figue. Ainsi nous nous rencontrons, vivants et morts. Ensuite, chacun suivit son chemin.
(Extrait de "Poèmes rêvés")
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Ce fut réellement un coup de foudre pour Aridjis, Marko. Comme je te comprends !
C'est tout l'intérêt et le plaisir d'être sur ce forum. Encore merci pour avoir ouvert la porte.
Itou, bien que je ne les souligne pas systématiquement, j'ai fait de belles découvertes grâce aux connaissances pointues des membres de ce forum.
Par la porte verte
A Eva Sophia
Je suis un sans-papier de l'éternité. Sans papier, j'ai traversé les frontières du temps. Détenu par les agents de la migration de la naissance et de la mort, j'ai sauté sur le damier du jeu d'échecs des jours. Les douaniers sagaces à la recherche de souvenirs de valeur ont fouillé mes valises d'ombre. Rien à déclarer. Pas de quoi se lamenter. Je suis passé par la porte verte.