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Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Mer 11 Avr 2012 - 20:10
Merci beaucoup pour toutes ces explications, Maline !
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Dim 30 Juin 2013 - 21:32
- Michael Kohlhaas. (Michael Kohlhaas, 1810 ; 169 pages). Texte français par Armel Guerne, Jane et Robert Strick. Phébus, 1983. Le recueil contient également La Mendiante de Locano, Sainte Cécile et Le Duel. Armel Guerne est mort avant d'avoir pu achever la traduction, il s'est arrêté en plein milieu d'une phrase : "[...] alors ce que tu réclames est juste ; et si" (page 84).
"La « vieille chronique » d'où est tirée le personnage historique ensuite transformé par Kleist, est le Mikrochrornologikum de Peter Hafftiz, de la seconde moitié du XVI° siècle."(Dictionnaire des Oeuvres, Bouquins).
Texte original
Armel Guerne (1980)
M.L Koch (1887)
An den Ufern der Havel lebte, um die Mitte des sechzehnten Jahrhunderts, ein Roßhändler, namens Michael Kohlhaas, Sohn eines Schulmeisters, einer der rechtschaffensten zugleich und entsetzlichsten Menschen seiner Zeit. — Dieser außerordentliche Mann würde, bis in sein dreißigstes Jahr für das Muster eines guten Staatsbürgers haben gelten können. Er besaß in einem Dorfe, das noch von ihm den Namen führt, einen Meierhof, auf welchem er sich durch sein Gewerbe ruhig ernährte; die Kinder, die ihm sein Weib schenkte, erzog er, in der Furcht Gottes, zur Arbeitsamkeit und Treue;[...] ; kurz, die Welt würde sein Andenken haben segnen müssen, wenn er in einer Tugend nicht ausgeschweift hätte. Das Rechtgefühl aber machte ihn zum Räuber und Mörder.
"Au bord de la Havel, vers le milieu eu XVI° siècle, demeurait un marchand de chevaux appelé Michael Kohlhaas ; fils d'un maître d'école, il fut l'un des hommes les plus justes de son époque, et en même temps l'un des plus terribles. Jusqu'à la trentième année de son âge, on aurait pu prendre cet homme extraordinaire comme modèle du bon citoyen. Il possédait, dans un village qui lui doit encore son nom, un domaine agricole où il vivait tranquillement de commerce, élevant dans la crainte de Dieu les enfants que sa femme lui avait donnés, en leur inculquant le goût du travail et la loyauté. [...] bref, si cet homme n'avait pas abusé d'une vertu, le monde n'aurait pu que bénir sa mémoire. Mais son sentiment de la justice devait faire de lui un brigand et un meurtrier." (page 13).
"Sur les bords de l'Havel, vivait, vers le milieu du seizième siècle, un marchand de chevaux, nommé Michael Kohlhaas, fils d'un maître d'école. Ce fut un des hommes les plus intègres et en même temps l'un des plus redoutables de son époque. Jusqu'à sa trentième année, cet homme extraordinaire aurait pu passer pour le modèle du bon citoyen. Il possédait un bien dans un village qui porte encore aujourd'hui son nom, et y vivait paisiblement du produit de son métier, élevant pieusement les enfants que sa femme lui donnait, et les instruisant dans l'amour du travail et de la probité.[...] En un mot, le monde aurait béni sa mémoire sans les circonstances qui l'amenèrent à pousser à l'excès une seule vertu, le sentiment de la justice, et en firent un brigand et un meurtrier."
Michael Kohlhaas va donc être victime d'une injustice, et va tenter d'obtenir une juste réparation par les voies légales. Mais la justice est ce qu'elle est, surtout quand ceux qui jugent font plus ou moins partie de la même famille que celui qui a commis l'injustice en question. Michael Kohlhaas ira jusqu'au bout, c'est-à-dire très, très loin... Mais c'est un homme de principe !
On retrouve la démesure, la violence qu'on avait déjà pu trouver dans ses autres nouvelles. Ici, le texte est plus long et s'affaiblit parfois un peu par moments, du fait du très grand nombre d'événements (et de quelques coïncidences tirant finalement le texte vers le conte) qui se succèdent à un rythme parfois effréné. Mais on est dans le très bon.
Grâce à la sortie (le 4 août 2013) du film français d'Arnaud des Pallières (2013), avec Mads Mikkelsen...
... le texte est ressorti (chez Mille et Une Nuits, dans la traduction libre de droits de M.L. Koch). Je suppose (et espère) que les adaptateurs ont enlevé un certain nombre de rebondissements...
Apparemment, Ragtime (Milos Forman, 1981) est une adaptation non déclarée de Michael Kohlhaas.
Dernière édition par eXPie le Lun 1 Juil 2013 - 7:48, édité 1 fois
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Dim 30 Juin 2013 - 22:13
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Dim 30 Juin 2013 - 22:56
A une question sur les traducteurs, Cioran répondit :
"J' ai connu des écrivains obtus et meme bètes. Les traducteurs, en revanche que j' ai pu approcher, étaient plus intelligents et plus interessants que les auteurs qu' ils traduisaient. C' est qu' il faut plus de réflexion pour traduire que pour créér."
Cioran pensait à A. Guerne dont il était l' ami, mais pas seulement. Réflexion paradoxale et impertinente de Cioran, mais pas toujours infondée...
Invité Invité
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Jeu 15 Aoû 2013 - 14:36
Je lis de temps à autre quelques lettres de Kafka à Félice. Et je tombe sur une référence de Michael Kohlhaas. Alors, pour le plaisir, une petite citation :
Citation :
Hier soir je ne t'ai pas écrit, il était trop tard à cause de Michael Kohlhaas (connais-tu cela ? Sinon ne le lis pas ! C'est moi qui t'en ferai la lecture) que j'ai lu d'un trait en entier, à part un petit morceau que j'avais lu à haute voix avant-hier. Sans doute pour la dixième fois. C'est une histoire que je lis avec une véritable piété, je suis saisi d'un étonnement après l'autre, et n'était le morceau plus faible de la fin, en partie grossièrement griffonné, ce serait quelque chose de parfait, cette perfection dont j'affirme volontiers qu'elle n'existe pas [...]
Kafka fera par ailleurs une lecture publique de Michael Kohlhaas le 10 décembre 1913 à la salle Toynbee de Prague.
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Jeu 15 Aoû 2013 - 16:25
L' adaptation au cinéma de Michael Kohlaas par Arnaud des Paillères n' a pas soulevé l' enthousiasme de Jean Baptiste Thoret.
Citations :
"[...] Après 30 ans d' hésitation, Arnaud des Paillères, cinéaste plutot confidentiel, s' est donc attaqué à ce texte fondateur de la culture allemande, un chef-d' oeuvre de la littérature politique et moderne que Kafka plaçait au sommet de ses références.
On l' aura compris, la droiture de Kohlaas vire à l' obsession et sa soif de justice au fanatisme inquiétant, à tel point que le personnage, dont la cause nous est d' emblée et forcément acquise (un pauvre marchand de chevaux exigant réparation aux notables de l' époque) met à rude épreuve notre empathie, à mesure que s' enchainent les crimes et autres actes de vengeance.
Peut-on tout commettre au nom de la loi, ou plutot au nom de l' idée qu' on s' en fait ? Nul besoin de clairvoyance pour entendre l' écho contemporain qui a pu séduire des Paillères et la difficulté de trancher moralement sur la croisade de Kohlaas : l' homme est-il un révolutionnaire ou un terroriste ? Un Dirty Harry des Cévennes ou un inventeur qui s' ignore du droit moderne ? Et quid du compromis ? Sur le papier (relire d' urgence la nouvelle, qui parait chez Mille et une nuits ces jours-ci), le cas de Michael Kohlaas passionne, intrigue, excite les neurone comme peu de textes...
Seulement voilà, Michael Kohlaas est aussi un film... Et là les choses se gatent sérieusement. Hormis, Mads Mikkelsen, qui, avec son visge de totem basané, ses traits durs et coupants, aimante parfaitement le regard et fait passer les tumultes qui agitent son esprit, le film manque à peu près tout ce qu' il entreprend : manque de chair et d' émotion, manque de souffle et d' audace, son adaptation flotte à coté du texte sans jamais parvenir à l' incarner... Des Pallières s' égare dans un no man's land sec et glacé, dont l' unique vertu consiste à ne pas etre ce qu' un tacheron hollywoodien fan de foules de figurants en 3D aurait pu en faire. C' est juste, mais c' est bien peu."
Charlie Hebdo, n° 1 104, 14 aout, 2 013
Merwyn Envolée postale
Messages : 194 Inscription le : 20/08/2015
Sujet: Re: Heinrich von Kleist Sam 29 Aoû 2015 - 0:05
Revenant d'un périple dans la macrocéphale Paris, il me fallait bien le recueil de nouvelles de Kleist pour y trouver l'errance d'un moment d'évasion.
La Marquise d'O reste ma préférée mais surtout, ne lisez point la préface avant, lancez-vous directement dans l'histoire, elle serait gâchée sinon... C'est la nouvelle où on ne peut surtout rien dire mais le déluge des sentiments est prenant, la description des mœurs nobiliaires de l'époque, tout autant. J'apprécie ce code de valeurs et de conduites tout en retenue en société ou en famille, qui laisse ensuite, dans l'intimité partagée, la fougue, trop longtemps muselée, s'exprimer dans le corps des mots, dans l'écriture de lèvres qui se savourent...
Pour les autres nouvelles, je donnerai mon ressenti demain.... il y en une justement qui m'a donnée envie de souffleter les protagonistes... leur réaction est crédible mais ne faut-il pas être inconscient ou tout simplement très croyant (synonyme?) pour agir de la sorte...