Harper Lee

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1961).

Ce livre est vraiment magnifique, je l'ai dévoré.
Tout est Parfait.

Cette famille (père, deux enfants : un garçon et une fille) avec ce père génial, doux, compréhensif, seul, qui ressemble à un sage venu doucement étendre sa sagesse à ses enfants.
Avec cette gamine, Scout, impétueuse, curieuse, fonceuse et son frère, Jem, qui veut découvrir les secrets du quartier, qui veut affronter ses peurs, protéger sa sœur.
Leurs aventures de quartier : qui laisse des petits cadeaux dans ce vieil arbre ? Le voisin qui ne sort jamais de chez lui est-il un monstre affreux et sanguinaire ? Et si on allait courir jusqu'à sa porte, est-ce qu'on risquerait de mourir ? Et les gâteaux de Mme Atkinson qui les font toujours courir jusque chez elle, quoiqu'ils fassent, quand elle les appelle !
Et la vieille tante aigrie, pleine de principes, qui essaye de faire de Scout une Vraie Fille.
Les voisins, les commérages, les amitiés, les querelles, la peur.

Harper Lee décrit parfaitement ce milieu familial (avec tant de justesse qu'on a l'impression que c'est un peu de notre famille qu'elle parle), la vie de quartier cloisonné, un peu tranquille, fier, mais aussi qui est très fragile dans son équilibre... Notamment quand de graves sujets ébranlent leurs convictions.

Et par-dessus tout ça, qui en faisait déjà un roman extraordinaire, voilà qu'elle parvient à nous parler de la ségrégation, de la violence, du glauque et de la misère. Sans manichéisme aucun, sans pathos, sans surenchère. Incroyable.

Ce livre est une œuvre d'art.

Merci Queenie. Ca fait un bout de temps que je me dis qu'il faut que je le lise.

Queenie a écrit:

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1961).

Ce livre est vraiment magnifique, je l'ai dévoré.
Tout est Parfait.

J'ai pensé la même chose quand je l'ai lu...Tout est dit !!

bix229 a écrit:

Il est puissant l' oiseau !

On l' appelle moqueur polyglotte en français... Et ça veut dire qu' il chante en plusieurs langues ??

il imite les chants d'autres oiseaux.
tout sur le moqueur polyglotte

petite A a écrit:

bix229 a écrit:

Il est puissant l' oiseau !

On l' appelle moqueur polyglotte en français... Et ça veut dire qu' il chante en plusieurs langues ??

il imite les chants d'autres oiseaux.
tout sur le moqueur polyglotte

Oui, c' est ce que j' ai pensé après coup... Comme le merle ou le ménate.

Intéressant à savoir, au sujet de l'imitation des chants d'oiseaux... Pour ma part, j'ai voté Harper Lee en ayant vu le film... Si un film est bon, l'inspiration littéraire doit avoir sans doute été très bonne. Je dis ça en boutade, mais mine de rien, une oeuvre littéraire fait son chemin dans la tête de certains cinéastes... Expiation en est une bonne preuve...

Faut le lire Jack !

Et un petit extrait, parce que Harper Lee sait poser une atmosphère !

Citation :

Quand je vins au monde, Maycomb était déjà une vieille ville sur le déclin. Par temps de pluie, ses rues prenaient l'aspect de bourbiers rougres ; l'herbe poussait sur les trottoirs, le palais de justice penchait vers la place. Je ne sais pas pourquoi, mais il faisait plus chaud, à l'époque : les chiens supportaient mal les journées d'été ; les mules efflanquées, attelées à leurs carrioles, chassaient les mouches à grands coups de queue de l'ombre étouffante des chênes. Les cols durs des hommes mollissaient dès neuf heures du matin. Les dames ruisselaient à midi, après leur sieste de trois heures et, à la nuit tombante, évoquaient des choux à la crème, avec leur glaçage de poudre et de transpiration.
Les gens se déplaçaient lentement, alors, traversaient la place d'un pas pesant, traînaient devant les vitrines, prenaient leur temps. La journée semblait durer plus de vingt-quatre heures. On ne se pressait pas, car on n'avait nulle part où aller, pas grand-chose à acheter, pas d'argent à dépenser, rien à voir au-delà des limites du Maycomb. Pourtant c'était une période de vague optimisme pour certains : ils venaient d'apprendre que la région n'avait rien à craindre que d'elle-même.

Et des petits bouts pour montrer les fossés entre ce qui est et ce qu'on croit (y'aura souvent des moments comme ça dans le livre. Plus souvent, ce sera l'imagination des enfants, et leur regard bien franc sur les choses, à vouloir Savoir, qui marquera ce décalage entre le vrai du faux)

Citation :

[...]après m'avoir fait déchiffrer à haute voix une bonne partie de Mon Premier livre de lecture suivi des cours de la bourse du Bulletin de Mobile, elle se rendit à l'évidence : je savais lire. Alors, elle me considéra avec une animosité non feinte et me pria de dire à mon père de ne plus rien m'apprendre, car cela risquait d'interférer avec son enseignement.
- Lui ? m'écriai-je surprise, il ne m'a jamais rien enseigné, mademoiselle ! Il n'a pas le temps.
Comme elle hochait la tête avec un sourire, j'ajoutai :
- Le soir, il est tellement fatigué qu'il s'assied au salon avec ses journaux.
- Alors, qui s'en est chargé ? demanda-t-elle accommodante. C'est bien quelqu'un. Tu n'es pas née avec le Bulletin de Mobile sous les yeux !
- Jem dit que si. Il a vu dans un livre que j'étais une Bullfinch et pas une Finch. Il dit que mon vrai nom est Jean Louise Bullfinch, que j'ai été échangée quand j'étais petite et qu'en fait je suis...
Mlle Caroline dut croire que je mentais.
- Ne nous laissons pas emporter par notre imagination, petite. Maintenant, tu vas dire à ton père de ne plus rien t'enseigner. Il vaut mieux que tu commences l'école avec un esprit neuf. Tu lui diras que je prends sa suite et que je tâcherai de réparer les dégâts...
- Mais, mademoiselle...
- Ton père ne sait pas enseigner. Tu peux te rasseoir, maintenant.
Je marmonnai que je regrettais et regagnai ma place en méditant sur mon crime. Je n'avais jamais fait exprès d'apprendre à lire, pourtant je m'étais retrouvée, un beau jour, en train de me vautrer indûment dans la presse quotidienne. Et ces longues heures à l'église - était-ce là que j'avais appris ? Pour autant que je m'en souvienne, j'ai toujours pu suivre les cantiques. Maintenant qu'il me fallait y réfléchir, il me semblait que lire m'était venu tout aussi naturellement que boutonner les bretelles de ma salopette derrière ou réussir une double boucle à mes lacets. Je ne me rappelle pas le jour où les lignes se sont séparées en mots sous les doigts d'Atticus mais, aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, j'ai passé mes soirées à m'informer des nouvelles du jour, des projets de loi votés, des cotations à la bourse - de tout ce que papa pouvait être en train de parcourir lorsque je me glissais sur ses genoux. Jusqu'au jour où cet état de fait fut remis en question, je n'aurais pas pensé que j'aimais lire. Pense-t-on que l'on aime respirer ?

Merci pour ce fil.

J'ignorais que Harper Lee était une femme.

On a beaucoup reparlé de ce livre aux Etats-Unis à l'occasion de la sortie de "The Help" de Kathryn Stockett publié en France sous le titre "La couleur des sentiments" car dans celui-ci l'auteure cite "To kill a Mockingbird" à plusieurs reprises.

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Roman culte aux Etats-unis, chef-d'oeuvre méconnue de nous pauvres français à qui on avait caché cette pépite depuis si longtemps... Forcément j'avais des attentes. Trop à mon avis. Quand j'entend parlé de chef-d'oeuvre, je m'attend à être éblouie et là, je ne l'ai pas été. Ceci étant, j'ai quand même beaucoup aimé.
L'histoire, on la connait, Scout, une petite fille, nous raconte trois années de sa vie dans une ville de la Géorgie dans les années. Son père, avocat est un notable de la cité. Les noirs travaillent pour les blancs, tout le monde trouve normale qu'ils soient en bas de l'échelle sociale. Il n'y a pas si longtemps, ils étaient esclaves, alors il devraient être contents. D'ailleurs les noirs sont des nègres. C'est comme ça. Un blanc, même alcoolique, ignare, violent, incestueux vaudra toujours mieux qu'un noir. La démonstration est implacable. Et forcément révoltante.
La force Harper Lee est de montré comment, même ses personnages les mieux intentionnées vis-à-vis de la population noir intègre le racisme comme une chose normale. Quand le copain de Dill quitte la salle du tribunal (où à lieu le procès pour le viol d'une blanche d'un jeune homme noir) en pleurant parce qu'il est indigné du traitement inéquitable infligé à l'accusé, Scoot lui répond "ce n'est qu'un noir après tout". Elle et son frère considère comme fou un agriculteur qui a épousé un femme noire et lui a fait plein d'enfants. D'ailleurs, le métissage semble être une aberration de la nature et il faut avoir de la peine pour ceux qui ne sont ni noir, ni blanc. Personne ne peut les aimer vraiment.
Tout ça nous raconté du point de vue de Scoot qui était une petit fille au moment des faits. On sait cependant qu'elle raconte l'histoire à posteriori, sûrement à l'âge adulte. Or on a vraiment l'impression d'être dans la tête d'une enfant. On ne sent aucun recul. Des années ont passé mais Scoot nous parle des évènements comme s'ils s'étaient passés hier. Pas de prise de recul, pas d'analyse.
La fin du roman a des allures de fable avec une belle leçon de vie : Il ne faut pas se fier aux apparences, les méchants ne sont pas toujours ceux que l'ont croit. Truisme mais dans l'univers plein de haine, de bêtise, de violence et de préjugés dans lequel évolue Scoot et sa famille (enfin, eux, ils sont gentils, ils traitent bien les noirs, c'est les autres qui sont méchants), c'est une vraie révélation!

odrey a écrit:

Forcément j'avais des attentes. Trop à mon avis. Quand j'entend parlé de chef-d'oeuvre, je m'attend à être éblouie et là, je ne l'ai pas été. Ceci étant, j'ai quand même beaucoup aimé.

J'avais été aussi surpris en le lisant d'un style qui me faisait penser à de la littérature pour adolescents. Ce monde vu au travers des yeux d'une petite fille forcément super intelligente et déterminée pour son âge... mais pourquoi pas!. Une simplicité qui permet de dire beaucoup de choses et d'aller droit au coeur. A l'arrivée on se dit que c'était quand même un sacrément bon bouquin! De ceux qu'on peut lire à tout âge. Il faudrait le faire lire au collège.

Exactement, l'écriture n'est pas foudroyante. Mais derrière l'apparente simplicité du roman il n'y a quelque chose qui m'a touché.

Livre que j' ai tenté de lire à deux reprises...... il n'y en aura pas de troisième !!!

Tu t'es arrêtée où? Honnêtement, au début, je n’accrochait pas trop (l'écriture encore un fois) et puis je trouvais le livre lent. Je n'ai su que j'avais aimé qu'un fois fini. Parce que quand on en sort on se rend compte qu'il marque et sa démonstration du racisme ordinaire (ça se passe de la sud américain dans les années trente mais franchement c'est encore valable de nos jours ailleurs qu'aux USA) est quand même brillante. J'ai vraiment pensé que j'allais descendre le bouquin pendant ma lecture. Mais non.

Tout ce que vous écrivez me fait penser que ce n'est pas pour moi, par exemple sur l'écriture, qui pour moi est le premier critère, bien avant la thématique.