La Mésopotamie

Tu racontes bien...

Ca fait rêver et c'est d'autant plus étonnant que le nom de ce jeune passionné est tellement quelconque ! Pour un destin si exceptionnel.

Le 19è a de toute façon été une prise de conscience (et un refus) de tout un passé historique, prouvé matériellement, qui remettait la cosmogonie biblique en cause.

Par exemple, avec la découverte des fossiles. Les paléontologues ont aussi été traités d'affabulateurs.

Quand on pense à ce qu'il y a encore dans le sous-sol irakien...

et tout ce qui a été volé pendant les deux guerres du Golfe, par exemple voici une photo du site d'Umma, les trous que l'on peut observer sont ceux fait par les pilleurs :

George Smith est mort de dysenterie lors de son dernier voyage, alors qu'il faisait escale à Alep... il n'avait pas encore quarante ans...

et ce que je voulais dire surtout, c'est que je ne crois pas que la religion egyptienne pour belle qu'elle soit ait pu mettre en danger les croyances chrétiennes, en revanche que l'on découvre sur des tablettes vieilles de 900 ans avant notre ère l'histoire de Noé avait de quoi ébranler les esprits.

shanidar a écrit:

un vulgaire plagiat de cet épisode (le Déluge), pas toute la Bible, bien sur. Désolée pour l'imprecision !

La notion de plagiat me gêne en occurrence, pour plusieurs raisons. Le texte racontant le Déluge, est très ancien, la première version que l'on a pu trouver date d'environ 2500 ans av JC, et est rédigée en sumérien. La version décryptée par Smith est donc déjà un plagiat si on veut rester dans cette logique. En fait, c'était un mythe très connu, dont il subsiste plusieurs versions, et dont le sens n'est pas le même à chaque fois. Le mythe peut se présenter seul, soit intégré dans l'épopée de Gilgamesh. Et cela change aussi le sens du mythe.
Les auteurs de la Bible ont donc repris un mythe connu par tous au Moyen Orient à l'époque. C'est le destin et la richesse de nombreux mythes d'être repris. Mais du moment où il y a réécriture et réinterprétation dans un autre système de valeurs et une autre problématique, il n'y a pas plagiat. Sinon tous les écrivains qui ont repris des mythes antiques, de Sartre à Molière, en passant par Girodoux et Bauchau seraient des vulgaires plagiaires.
Réécriture il y a incontestablement dans la Bible, le style n'a vraiment rien à voir avec les textes mésopotamiens. Réinterprétation aussi. Dans la mythologie mésopotamienne, les dieux ont créés les hommes pour les servir, et en particulier, pour les nourrir. Au départ, ces fonctions étaient assurées par des dieux mineurs, qui à un moment se sont révolté et en quelque sorte mis en grève. D'où la nécessité de créer les hommes pour les remplacer. Mais à un moment, les hommes deviennent trop nombreux et surtout trop bruyants et empêchent les dieux de dormir. D'où l'idée de les supprimer par le déluge. Mais le dieux Ea, qui à l'origine de leur création, décide de les sauver. Et les dieux regrettent amèrement leur décision, puisqu'ils n'ont plus personne pour les alimenter. Et donc quand les survivants se manifestent en faisant un sacrifice, ils s'y précipitent affamés, trop contents de voir que finalement l'humanité a résisté à la destruction qu'ils avaient programmée. Des dieux à l'image des hommes et guerre plus sages, même si beaucoup plus puissants.
Dans la Bible on est dans une vision totalement différente. Dieu décide de détruire l'homme à cause du mal intrinsèque à sa nature, de sa corruption. Ce mal inhérent à la nature humaine, et la notion de pêché est très prégnant dans la Bible, et très spécifique. Et le déluge est l'occasion d'une nouvelle alliance avec l'humanité survivante, dont l'arc en ciel est le symbole. Avec des obligations nouvelles de la part des hommes, en retour de la promesse qu'il n'y aura plus de déluge. Donc même si factuellement les récits ont de nombreuses similitudes, et que incontestablement les auteurs de la Bible ont connu et se sont inspirés des textes mésopotamiens, ils leur ont donné un autre sens. C'est pour cela d'ailleurs que la découverte des textes mésopotamiens a été si choquante, si les deux étaient identiques, il s'agirait d'une confirmation de la Bible, mais en donnant un sens différent, et en le plaçant dans un autre contexte théologique, cela faisait ressortir que les auteurs bibliques étaient juste des hommes qui se sont inspirés de ce que d'autres hommes, croyant en d'autres dieux ont imaginé.

Citation :

Mais à un moment, les hommes deviennent trop nombreux et surtout trop bruyants et empêchent les dieux de dormir. D'où l'idée de les supprimer par le déluge.

quelque chose me parle... plus sérieusement, ça m'intéresse ces développements.

(et je pense que vous pourrez trouver votre bonheur dans les contes publiés chez Corti qui font apparaitre des ressemblances stupéfiantes entre certaines histoires, on ne peut s'empêcher d'imaginer des liens déformés et plus ou moins éloignés, mais au fil de quoi ?)

Je me suis bien énervée tout à l'heure car je ne retrouvais plus le livre de Roux, acquis depuis Mathusalem et perdu dans mon fatras de bouquins.
C'est chose faite et je le commence demain.
Trop contente.

Animal, c'est quoi le titre du livre dont tu parles ?

animal a écrit:

(et je pense que vous pourrez trouver votre bonheur dans les contes publiés chez Corti qui font apparaitre des ressemblances stupéfiantes entre certaines histoires, on ne peut s'empêcher d'imaginer des liens déformés et plus ou moins éloignés, mais au fil de quoi ?)

Je crois que dans L'histoire du Lynx Claude Lévi-Strauss a cette démarche, de suivre un mythe, et ses évolutions sur un territoire, en essayant d'interroger ces successives modifications. Faudrait que je reprenne ce livre.

En fait je n'ai lu qu'un recueil de la collection Merveilleux, c'est L'Aile bleue des contes, l'oiseau dans lequel avec des espaces géographique et/ou temporels importants on retrouve des motifs de structures ou d'espèces, et des variations donc.

sans avoir l'habitude de ce type de lecture ou de connaissance particulière dans le domaine des oiseaux ou le domaine des oiseaux j'ai été frappé par les ressemblances et les différences qui vont avec. Le recueil est assez conséquent et bien présenté pour qu'on n'échappe pas à l'arrêt devant l'impression et le constat. (C'est un recueil construit très sérieusement avec les index adéquats et des formes de contes identifiées et répertoriées).

les différences et les ressemblances c'est un point d'attraction qui est derrière votre discussion.

Et quelqu' un l' a lu Gilgamesh ?

bix229 a écrit:

Et quelqu' un l' a lu Gilgamesh ?

Oui (mais pas encore moi), ici.

Pour débuter on peut encore écouter cette émission sur France Culture :
http://www.franceculture.fr/emission-tout-un-monde-serie-les-%C2%AB-grands-textes-fondateurs-%C2%BB-l%E2%80%99epopee-de-gilgamesh-2011-07-03.html

Sur Sumer, dans la collection l'Univers des Formes, le livre d'André Parrot est très intéressant, j'ai la 1ère édition mais je crois qu'il y a eu une nouvelle édition en couleur il y a quelques années.

c'est amusant de noter que sur le fil de Gilgamesh et en fonction des questions posées, Arabella met en avant les ressemblances du texte akkadien et du texte biblique et combien sur ce fil elle insiste sur les différences. En reliant les deux fils on a ainsi une vue d'ensemble quasiment parfaite.
il est évident que les hommes ne font que réécrire avec de nouveaux mots toujours les mêmes histoires (les hommes belliqueux, les femmes infidèles...), heureusement il y a eu l'épisode de la tour de Babel et les langues elles-mêmes évoluent avec le temps, chaque version est en soi, le reflet des précédentes et une nouveauté, d'où le plaisir toujours réinventé de la lecture.

enfin pour ceux qui s'intéressent aux réinterprétations des mythes et à la manière dont les cultures mésopotamiennes ont essaimé dans le monde et dans le temps, je conseille un livre de Jean-Jacques Glassner : La Tour de Babylone. Que reste-t-il de la Mésopotamie ?

Et c'est bien là qu'on est au coeur du problème, voilà pourquoi je citais l'exemple du "péché" et de la notion de culpabilité chez les anciens.
De voir comment la Bible en a fait tout autre chose, de cette idée de "faute". De nombreux textes s'excusent des "fautes", c'est à dire de n'avoir pas assez bien louangé les dieux. Mais il ne s'agit pas d'une faute morale ou de conscience, mais d'une faute liturgique.
Avec les mots, on est en plein dans l'interprétation, la subjectivité, le contexte historique et moral de chaque époque, la sensibilité qui varie d'un peuple à l'autre...