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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
Né à Detroit, Nelson Algren n'a pas trois ans lorsqu'il vient habiter, avec ses parents, Chicago, où il a grandi et pratiquement toujours vécu. Il travaille pour se payer des études de journalisme, mais lorsque, en 1931, il sort de l'université d'Illinois, on est dans le creux noir de la Dépression, et l'Amérique tout entière semble être sur les routes. Il grimpe clandestinement à bord de wagons de marchandise, vit aux frais de l'Armée du salut, connaît la queue aux soupes populaires, trouve de petits métiers : expériences dont il fera la matière de son premier livre, Somebody in Boots, qui paraît en 1935. Il est ensuite employé par la W.P.A. puis, à la section « maladies vénériennes » du bureau d'hygiène de Chicago, anime avec Jack Conroy la revue Anvil (L'Enclume) ; il fait, de 1942 à 1945, la guerre dans le service médical en Europe, revient à Chicago, la ville dont il a été, avec James T. Farell et Richard Wright, l'un des meilleurs romanciers de sa génération.
Dans Somebody in Boots, Cass Mac Kay, un gosse du Texas, un pauvre Blanc, dérive le long du rail, jusqu'à venir échouer dans la « zone » de Chicago, hillbilly perdu, vivant de petites resquilles et de mégots. C'est un roman sur les bottom dogs, sur le lumpenproletariat qui n'a jamais eu une chance, si profond dans l'ornière de la misère que la dialectique de la lutte des classes ne mord même pas sur lui. C'est aussi un roman sur la promesse trahie et, dans le sillage de Vachel Lindsay, une défense de l'Amérique contre ce qu'elle est devenue.
Bruno Bicek, dit Biceps-le-Gaucher, cherche, dans Never Come Morning (1942), à échapper à la grisaille des taudis en rêvant d'être un jour le plus grand sur le ring. La scène où après avoir emmené Steffie à la fête foraine il la laisse violer dans un hangar par les voyous du quartier est bien plus poignante que toute la fantasmagorie faulknérienne, et le combat de boxe final est sans doute le plus brutalement professionnel de toute la littérature américaine, Hemingway compris.
L’homme au bras d’or (The man with golden arm, 1949, Gallimard, 1956) qui obtint le National National Book Award en 1950 et que traduisit en anglais Boris Vian valut à Algren sa première grande notoriété, en partie parce que ce fut l’un des premiers livres sur la drogue. C’est surtout le roman tendre et comique de l’amitié entre Franckie la Distribe « le donneur de brêmes » et le Piaf, semi-clochard ramasseur de chiens, un livre sur les épaves qui s’accrochent encore, plein de scènes de vaudeville drolatique pour mieux cacher le fond de désespoir qu’il comporte.
En 1955, Algren, porté par la vague beat, revint avec A Walk on the Wild Side à ses vagabondages des années trente dans une fresque picaresque à la Henri Miller où, largant son vieux père imbibé de gnole frelaté et de saintes écritures, un hillbilly du Texas se retrouve dans le quartier chaud de la Nouvelle-Orléans où il gagne durement sa vie comme protagoniste dans un peep-show. Alors défile toute une galerie de personnages, plus hauts en couleur que ceux des romans sudistes de la même veine.
Quelque part entre Theodore Dreiser et Damon Runyon, la réussite de Nelson Algren a été d’avoir, à partir du parler populaire se mêlant aux rengaines d’un phono nasillard ou à la jactance criarde de l’accordéon, composé une mélodie au rythme insistant qui s’impose avec la langueur nerveuse et la simplicité dépouillé d’un blues.
Biographie empruntée à L'Encyclopaedia Universalis.
Je crois que je ne vais pas laisser la photo ainsi (même s'il a une belle "gueule" ce Nelson) !
Dernière édition par Esperluette le Mar 23 Oct 2012 - 12:35, édité 1 fois
Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
Sujet: Re: Nelson Algren Lun 22 Oct 2012 - 18:40
Poussée par la curiosité de découvrir pour quelles raisons obscures Nelson Algren pouvait devenir sous la plume de Simone de Beauvoir, « son tendre crocodile », j’ai ouvert « La rue chaude » publié en 1956 et dès les premières répliques, le parler de l’Amérique des miséreux m’a saisie :
Citation :
« - C’est qu’un pauv’ vieux qu’sa bonne femme l’est clamsée, dit de Fitz Linkhorn le plus finaud des deux ; l'a plus de gonzesse, c'est ça qui l'a rendu dingue. - L'est tellement contrariant c'gars-là, dit le moins futé, qu'si on foutait sa carcasse à la flotte, a'remonterait l'courant toute seule. Fitz n'avait pas de mots pour ce qui lui avait aigri le cœur. Mais chaque matin en s'éveillant il se sentait refait, et chaque soir il s'endormait en se disant qu'on l'avait encore eu.» Nelson Algren, La rue chaude, p.13
Voilà comment Nelson Algren donne la parole aux illettrés vivant aux fins fonds de la campagne texane. Nous suivons le parcours de Dove Linkhorn qui tente de s’extirper avec une énergie sans faille de la misère pour avoir un toit et manger à sa faim.
Voilà comment Nelson Algren donne la parole aux illettrés vivant aux fins fonds de la campagne texane. Nous suivons le parcours de Dove Linkhorn qui tente de s’extirper avec une énergie sans faille de la misère pour avoir un toit et manger. Même si nous sommes partagés entre le rire et le désespoir lorsque ce grand benêt, au parlé plein d’apostrophes et de fautes de syntaxe (« Ben maint’nant faut qu’j’aille boulonner. C’est moi qu’je surveille l’hôtel qu’est au d’la route », p.64) nous le suivons d’un œil bienveillant dans ses aventures semées de mensonges et de roublardises enfantines. Au cours de ses pérégrinations, il croisera Kitty la garçonne qu’il qualifiera de « Frangin » pour leur propre sécurité.
Un autre extrait un peu plus long pour vous donner une idée de l'ambiance de ce roman. Il se situe au moment de la rencontre entre Dove et Kitty.
Citation :
« Les premières étoiles se levèrent tôt ce soir-là pour voir comment se portait Dove Linkhorn. Et elles virent que le gars qui était là y fallait pas se foutre de lui. Y avait des gens qui l’avaient pris pour un pauv’ couillon et qu’avaient changé d’avis maintenant qu’ils avaient mal. « L’est pas commode, c’ client-là », reconnurent les étoiles, jusqu’à ce que Dove leur ferme la porte au nez à ces foutues bavardes d’étoiles. Il tassa de la paille pour s’en faire un matelas, et tira sur son menton une vieille page de journal en guise de drap. Qui c’est qui avait besoin de Texas ? Laissez rouler Texas. Et il s’endormit sans remords. Une seule fois, posant ses deux mains sur son ventre tandis que le wagon le chahutait entre rêves et cauchemars, il geignit un peu. Quand il s’éveilla, les wagons fracassaient les dernières ombres, et l’aurore tira le sans-chemise, le sans-chaussure, le boiteux, le sans-logis , le tout-mal-fichu de sa paille et le poussa dehors, à reculons sur la petite échelle de fer, les jambes molles, la main enflée, la dent branlante, comme un soldat qui a quitté le champ de bataille, et il partit en boitillant vers le centre d’hébergement. « Y a des tas de gens bien qui s’baladent dehors, se dit Dove pour se donner du courage. J’savais seul’ment pas qu’y en avait tant à c’te saison. » Nelson Algren, La rue chaude, p.92
Lorsque je relis ce court extrait, je comprends pourquoi Beauvoir lui disait dans ses lettres que tout le monde se tirait les cheveux pour le traduire mais surtout je comprends son attachement à son « jeune du cru » ! Comment ne pas succomber à un type qui fait parler les étoiles ?
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Nelson Algren Mar 23 Oct 2012 - 8:23
Merci pour ce fil tout comme toi cet auteur m'est tombé dans les mains à cause de sa relation avec Simone de Beauvoir chez moi la lecture date d'une éternité j'avais aussi opté pour Take a walk on the wild side (La rue chaude) tout ce qui me reste de ce livre : Lou Reed a voulu en faire un musical, mais le projet n'a pas vu le jour et il a utilisé le titre pour une de ses chansons
Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
Sujet: Re: Nelson Algren Mar 23 Oct 2012 - 12:43
kenavo a écrit:
Merci pour ce fil tout comme toi cet auteur m'est tombé dans les mains à cause de sa relation avec Simone de Beauvoir chez moi la lecture date d'une éternité j'avais aussi opté pour Take a walk on the wild side (La rue chaude) tout ce qui me reste de ce livre : Lou Reed a voulu en faire un musical, mais le projet n'a pas vu le jour et il a utilisé le titre pour une de ses chansons
De rien^^ Kenavo, même si j'ai longtemps hésité à ouvrir ce fil... ;-)
Est-il utile de t'avouer que cette chanson me touche et me transporte aussi. Je ne saurais décrire exactement en quoi. Merci à toi de l'avoir postée et merci pour cette information : je ne connaissais pas ce projet inabouti de Lou Reed.
Je vais donc continuer de découvrir cet auteur à mon rythme et tenterai de vous faire humblement partager mes réactions.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Nelson Algren Mar 23 Oct 2012 - 13:54
ah mais grâce à toi j'ai découvert un autre auteur de Chicago, fait qui m'était inconnu lors de ma première lecture de lui, et j'adore (presque) tout qui est en relation avec cette ville
j'ai donc trouvé (et hébergé sur tablette):
Art Shay, Chicago's Nelson Algren
très belle combinaison avec texte et photos
et puis autant envie de le retrouver comme auteur, surtout avec un livre qui décrit le Chicago des années 40
ce qui a donné en français: Le matin se fait attendre
hâte de découvrir tout ça
Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
Sujet: Re: Nelson Algren Mar 23 Oct 2012 - 19:09
kenavo a écrit:
ah mais grâce à toi j'ai découvert un autre auteur de Chicago, fait qui m'était inconnu lors de ma première lecture de lui, et j'adore (presque) tout qui est en relation avec cette ville
j'ai donc trouvé (et hébergé sur tablette):
Art Shay, Chicago's Nelson Algren
très belle combinaison avec texte et photos
Ce livre a l'air très intéressant! Oui, en cherchant des informations sur Nelson Algren je suis tombée sur quelques clichés de cet artiste qui a même réussi un très beau portrait de Simone de dos!
Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
Sujet: Re: Nelson Algren Mar 23 Oct 2012 - 19:18
kenavo a écrit:
ce qui a donné en français: Le matin se fait attendre
hâte de découvrir tout ça
Oui, je me souviens que Simone de Beauvoir parlait de la traduction du titre et de sa joie d'être enfin parvenue à un résultat satisfaisant.
Je suis allée voir sur le site de ma médiathèque qui ne dispose en tout et pour tout que d'un seul livre de Nelson Tricoté comme le diable et d'une adaptation de L'homme au bras d'or d'OttoPremiger.