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| One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] | |
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Auteur | Message |
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shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Ven 7 Fév 2014 - 15:45 | |
| - jack-hubert bukowski a écrit:
- shanidar a écrit:
- La conscience métisse de Daryush Shayegan
[...]
S'appuyant sur les pensées de Baudrillard, Deleuze, Foucault ou sur la grande influence d'Heidegger sur les penseurs iraniens, Shayegan se permet également de nombreux détours vers la littérature, de Dostoïevski à Goethe en passant par les mystiques perses. Ces articles qui reprennent des notions clefs de sa pensée et de ses recherches : schizophrénie culturelle, idéologisation de la religion, hybridation des savoirs donnent terriblement envie de fouiller un peu plus loin dans les écrits de ce philosophe à l'érudition impressionnante. Ouais... Shanidar, je pense que tu tiens un filon... nous semblons nous intéresser aux mêmes choses... chose certaine, Heidegger, Goethe et orientalisme... y a de quoi me faire saliver... Pour les autres noms cités plus haut, je les connais étant Français... à l'exception de Dostoïevski bien sûr... j'avoue m'être pas mal perdue dans les explications philosophiques à propos de Heidegger : philosophe de la disparition de l'Etre, nous dit l'auteur, concept que je ne maitrise pas du tout, pas plus que le reste de la pensée heideggérienne... mais cela pousse justement à relancer la machine de la connaissance. - colimasson a écrit:
- shanidar a écrit:
Le livre est ardu mais la plupart des idées de Shayegan sont claires et attendues. Pour que l'Orient redevienne une terre de créations et de liberté, il doit impérativement s'ouvrir aux lois fondamentales qui se retrouvent sur toute la planète, à savoir l'esprit des Lumières, qui à travers les droits de l'homme et du citoyen, a permis l'extraordinaire évolution de l'occident vers la modernité (liberté, égalité, fraternité). [/font] Ce n'est pas ethnocentrique ? (bien que l'auteur soit né à Téhéran... mais j'imagine que sa culture de coeur est celle de l'Occident). Non, sa culture est vraiment celle de l'Iran ou disons peut-être plus exactement de la Perse, il a beaucoup étudié la philosophie et la littérature de son pays, ainsi que les images véhiculées par les mythes ou la poésie, il l'aime et la défend, mais regrette qu'à partir de 1979, alors même que l'Iran reste le seul pays islamique à avoir encore une réflexion philosophique et pas seulement théologique, le pays se soit comme arrêté de produire de la pensée, qu'il s'est sclérosé derrière le spectre du fondamentalisme, mais il note que ce retour à la tradition religieuse a ses failles , ce que démontre par exemple le renouveau du cinéma iranien. Seulement, la plupart des cinéastes iraniens ne vivent plus que sporadiquement en Iran, à cause de cette sclérose étatique et non pas citoyenne. Il en démonte les mécanismes (idéologisation de la religion, c'est-à-dire en gros reprises des thèses marxistes plaquée sur le sacré) et tente dans désactiver l'inanité (schizophrénie culturelle, l'Orient a déjà un pied dans la modernité), pour annoncer l'ère de l'hybridation (conscience métisse), qui est un bricolage de chacun avec ce qui lui convient à travers toutes les cultures auxquelles il a accès. Il parle aussi de l'engouement pour le bouddhisme, philosophie sans ontologie (je schématise) qui convient justement à nos formes occidentales de penser (relativisme, esprit critique, retour du même qui sont compatible avec l'enseignement bouddhique et la méditation)... | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Sam 8 Fév 2014 - 10:15 | |
| Shanidar, pour te reprendre sur Heidegger, est-ce qu'il y a une possibilité que tu lises à son sujet? À tous : y a-t-il des suggestions pour se familiariser avec la pensée Heidegger, puisque je ne pense pas que c'est le cas avec ce dernier livre... | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Sam 8 Fév 2014 - 14:21 | |
| - jack-hubert bukowski a écrit:
- Shanidar, pour te reprendre sur Heidegger, est-ce qu'il y a une possibilité que tu lises à son sujet? À tous : y a-t-il des suggestions pour se familiariser avec la pensée Heidegger, puisque je ne pense pas que c'est le cas avec ce dernier livre...
aucune idée, je vais voir ce que je trouve à la médiathèque... ou si suggestion il y a ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Mar 11 Fév 2014 - 12:43 | |
| - shanidar a écrit:
- colimasson a écrit:
- shanidar a écrit:
Le livre est ardu mais la plupart des idées de Shayegan sont claires et attendues. Pour que l'Orient redevienne une terre de créations et de liberté, il doit impérativement s'ouvrir aux lois fondamentales qui se retrouvent sur toute la planète, à savoir l'esprit des Lumières, qui à travers les droits de l'homme et du citoyen, a permis l'extraordinaire évolution de l'occident vers la modernité (liberté, égalité, fraternité). [/font] Ce n'est pas ethnocentrique ? (bien que l'auteur soit né à Téhéran... mais j'imagine que sa culture de coeur est celle de l'Occident). Non, sa culture est vraiment celle de l'Iran ou disons peut-être plus exactement de la Perse, il a beaucoup étudié la philosophie et la littérature de son pays, ainsi que les images véhiculées par les mythes ou la poésie, il l'aime et la défend, mais regrette qu'à partir de 1979, alors même que l'Iran reste le seul pays islamique à avoir encore une réflexion philosophique et pas seulement théologique, le pays se soit comme arrêté de produire de la pensée, qu'il s'est sclérosé derrière le spectre du fondamentalisme, mais il note que ce retour à la tradition religieuse a ses failles , ce que démontre par exemple le renouveau du cinéma iranien. Seulement, la plupart des cinéastes iraniens ne vivent plus que sporadiquement en Iran, à cause de cette sclérose étatique et non pas citoyenne. Il en démonte les mécanismes (idéologisation de la religion, c'est-à-dire en gros reprises des thèses marxistes plaquée sur le sacré) et tente dans désactiver l'inanité (schizophrénie culturelle, l'Orient a déjà un pied dans la modernité), pour annoncer l'ère de l'hybridation (conscience métisse), qui est un bricolage de chacun avec ce qui lui convient à travers toutes les cultures auxquelles il a accès. Il parle aussi de l'engouement pour le bouddhisme, philosophie sans ontologie (je schématise) qui convient justement à nos formes occidentales de penser (relativisme, esprit critique, retour du même qui sont compatible avec l'enseignement bouddhique et la méditation)... Merci pour les explications... il me manque beaucoup de connaissances pour comprendre les questions politiques/civilisationnelles. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Mer 12 Fév 2014 - 13:27 | |
| Eloge de la fuite (1976) de Henri Laborit L’éloge de la fuite aurait d’abord dû être l’autobiographie d’Henri Laborit. L’homme aurait pu se décrire en ces termes : médecin chirurgien et biologiste, philosophe du comportement animal et humain. Trop facile. Henri ne se laisse pas borner par ses croyances ni par ses états d’âme. A la limite peut-on croire au fonctionnement biologique de son corps, mais le scepticisme d’un observateur à l’analyse aussi pointue que celle de Laborit peut même se permettre de douter du positivisme. Toutefois, quitte à choisir le domaine englobant la plus grande quantité de certitudes, l’étude biologique des êtres est celle qui disperse le moins d’incertitudes. Henri Laborit en vient rapidement à la justification de son éloge de la fuite. Dans un milieu fermé, confronté à une situation dangereuse ou angoissante parce qu’elle contient une menace physique et/ou psychologique, l’individu peut libérer ses tensions de deux manières : par l’agression ou par la fuite. La réaction adrénalinique de stress trouve alors une voie d’évacuation correcte. Mais lorsque l’individu, ne pouvant ni se montrer violent, ni prendre la fuite, n’a pas d’autre choix que celui d’endurer ce qui lui arrive, son organisme connaît une réaction endocrino-sympathique qui peut devenir préjudiciable si elle dure trop longtemps. Nous nous trouvons à la source des affections psychosomatiques et du sentiment d’angoisse. Henri Laborit aurait pu choisir de faire l’éloge de l’agression ; mais dans la lignée du mouvement antipsychiatrique, il révèle la soif de puissance qui germe dans toute volonté révolutionnaire d’enlever au pouvoir ses privilèges. « Se révolter, c’est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la suppression du révolté par la généralité anormale qui se croit détentrice de la normalité. Il ne reste plus que la fuite »Par le prisme de son éloge de la fuite, Henri Laborit poursuit alors une progression philosophique plutôt classique. Il se penche sur les questions de l’amour, de l’identité, de l’enfance, des relations avec les autres, du travail, du plaisir, du bonheur…en cherchant toujours à ne pas se laisser berner par la tentation de la singularité. Je crois être un individu unique à cause de ma constitution biologique, qui est la même que celle de tous les autres hommes. Lorsqu’il en vient à la question du sens de la vie, Henri s’approche de concepts spirituels et redéfinit en termes modernes ce qu’on appelle parfois Atman et Brahman. « Avant la quantité d’énergie absorbée et libérée par une structure vivante et le mode de distribution de la plus-value, ce qu’il est important de connaître c’est la forme, la fonction, le rôle de cette structure vivante. C’est la connaissance de cette information qui est fondamentale à acquérir, c’est la conscience d’être dans un ensemble, la participation à la finalité de cet ensemble par l’action individuelle, la possibilité pour un individu d’influencer la trajectoire du monde. »Henri Laborit semble avoir compris qu’à l’orée des années 2000, toute démonstration spiritualisante ne peut plus s’appuyer sur des notions religieuses. Il remplace alors l’ancienne foi spirituelle par une de ces nouvelles religions modernes et valorisées que sont –parmi d’autres- les sciences biologiques. Le péché et la vertu sont remaniés. Sans se référer à une entité supérieure, mais en transformant l’organisme individuel en figure divine que nous devons sauvegarder, Henri Laborit déplace le devoir d’humilité et de compréhension du ciel à nos cellules. Rien d’égoïste : les cellules d’un organisme sont les mêmes que celles de l’ensemble des êtres vivants, et comme elles déterminent un comportement particulier, elles conditionnent le monde dans sa globalité. Le point de vue original d’Henri Laborit permet de modifier notre perception du monde afin de l’envisager avec un recul parfois proche de l’ironie. Rien ne semble pouvoir être affirmé, si ce n’est le discours ultra-sceptique du scientifique moderne qui trouve le néant en dernier refuge de ses incertitudes. « Peut-être d’ailleurs l’étude de la biologie des comportements à laquelle il fait si souvent référence, car il croit qu’elle le singularise, lui a-t-elle fourni cet alibi logique dont il parle souvent aussi, pour couvrir sa très réelle médiocrité sentimentale ? »Humainement, Henri Laborit ne veut donc pas se laisser prendre au piège. Collectivement pourtant –socialement, politiquement-, sa critique du modèle actuel fait retomber son discours dans le schéma bien-pensant des utopistes humanistes qui relèvent davantage de la gageure que de l’achèvement concret. Heureusement, Henri Laborit réussit quand même à faire percevoir sa pensée lorsqu’il désigne l’abondance de l’information comme une agression face à laquelle nous ne pouvons pas réagir et dont nous pouvons difficilement nous préserver. Sa démarche permet encore une fois de rejoindre les conclusions de nombreux systèmes religieux avant lui : à savoir, l’immédiateté des préoccupations quotidiennes coupe l’individu de son être et de la Réalité. Mais lorsqu’Henri Laborit écrit, sur le ton de la dérision : « Allez demander à l’une de mes cellules hépatiques, le sens de sa vie», il soulève une question que les concepts religieux n’avaient encore jamais pu exprimer aussi clairement : quelle place occupe notre infiniment petit face à l’infiniment grand qui nous entoure ? L’ éloge de la fuite est passionnant dans ses balbutiements de réponses parfois traversés d’un éclair de génie. - Citation :
- « J’ai compris enfin que la source de l’angoisse existentielle, occultée par la vie quotidienne et les relations interindividuelles dans une société de production, c’était cette solitude de notre structure biologique enfermant en elle-même l’ensemble, anonyme le plus souvent, des expériences que nous avons retenues des autres. »
- Citation :
- « L’homme primitif avait la culture du silex taillé qui le reliait obscurément, mais complètement, à l’ensemble du cosmos. L’ouvrier d’aujourd’hui n’a même pas la culture du roulement à billes que son geste automatique façonne par l’intermédiaire d’une machine. Et pour retrouver l’ensemble du cosmos, pour se situer dans la nature, il doit s’approcher des fenêtres étroites que, dans sa prison sociale, l’idéologie dominante, ici ou là, veut bien entrouvrir pour lui faire prendre le frais. Cet air est lui-même empoisonné par les gaz d’échappement de la société industrielle. C’est lui pourtant que l’on appelle la Culture. »
- Citation :
- « Sommes-nous si intéressants que nous devions infliger notre présence au monde futur à travers celle de notre progéniture ? Depuis que j’ai compris cela, rien ne m’attriste autant que cet attachement narcissique des hommes aux quelques molécules d’acide désoxyribonucléique qui sortent un jour de leurs organes génitaux. »
- Citation :
- « La Pitié permet à celui qui l’éprouve de se retrouver en situation de dominance subjective et de placer celui qui en est l’objet en position de dépendance. C’est un sentiment réconfortant. Mais ne devrions-nous pas être plutôt envahis d’une certaine tendresse pour celui qui tente de convaincre les autres, même avec suffisance, afin de se convaincre lui-même ? Car il n’y aurait pas d’angoisse sans déficit informationnel, et sans angoisse, pas de certitude mythique à faire partager. »
« Tout homme qui, ne serait-ce que parfois le soir en s’endormant, a tenté de pénétrer l’obscurité de son inconscient, sait qu’il a vécu pour lui-même. » *photo de Rodney Smith | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Sam 15 Fév 2014 - 7:26 | |
| Laborit est le maître de ma spécialité.. Ca date un peu, quand même.Mais j'ai toujours adoré le titre. Courage, fuyons Je ne sais pas où mettre ça... traduit de l'anglais ( Etats-Unis et Afrique du Sud) par céline Curiol et Catherine Lauga du Plessis J'attends toujours quelques jours avant de m'aventurer à écrire quelques lignes ( ou plus. de commentaire sur une lecture. Pour tenter de déterminer, finalement, ce qu'il m'en reste. Là, je dois bien l'avouer, pas grand chose.. Même si certains passages ne manquent pas d'intérêt. Heureusement.. J'aime beaucoup les correspondances, celle de ces deux écrivains, que je trouve très différents, me tentait. Ils parlent de quoi, en fait , en trois ans d'échanges? De sport, et de pourquoi ils restent tous les deux scotchés devant leurs écrans à regarder des matchs de cricket et de baseball, et pourquoi. De leur aversion commune pour la technologie, de leurs machines à écrire respectives et de leurs souvenirs à ce sujet. De leurs rêves nocturnes. De leurs femmes respectives, de leurs voyages et déplacements divers , de cinéma un peu , de littérature aussi bien sûr, avec un hommage commun à Samuel Beckett. De leurs lecteurs, correspondances de lecteurs, rencontres avec lecteurs, etc. De la crise financière qu'ils essaient de résoudre , mais je ne pense pas qu'on puisse compter sur eux pour trouver des solutions.. De politique, accord parfait sur Bush,avis proche pour le conflit israélo-palestinien. Passage très rapide, dommage, sur l'influence une fois de plus douteuse de la politique américaine en Afrique du Sud. Un peu plus de détails ne m'aurait pas déplu.. Bref, ils parlent un peu de tout, mais ce tout est quand même très effleuré! Ce n'est pas bien grave, j'aime les correspondances, et ils pourraient parler météo que cela ne me gênerait pas plus que cela, c'est dire! Et d'ailleurs, ils ne s'en privent pas:) Avantage? Pour moi, avantage net à Coetzee, mais, là comme ailleurs, c'est affaire de goût, là où Auster, à son habitude, écrit des pages pour ne pas dire grand chose ,même si j'aime souvent bien ce pas grand chose, Coetzee reste Coetzee, lapidaire, mais puissant, et non dénué d'un humour froid et pince sans rire que j'aime beaucoup. Et donc je termine ces quelques impressions sur ce livre avec ,encore une fois, un extrait d'une lettre de Coetzee: " Malgré les sarcasmes de Jonathan Swift à l'égard du projet de la Royal Society, l'idéal qu'il visait n'était pas sans noblesse. Je n'ai jamais bien compris pourquoi Beckett a laissé tomber l'anglais, mais je suppose qu'il trouvait cette langue trop encombrée d'associations littéraires. Conrad, je me souviens, pestait contre le mot "oak", qui, disait-il ne pouvait être utilisé sans évoquer toute une histoire de la navigation britannique et de l'Empire britannique. Il n'est pas rare pour des écrivains de s'agacer, en vieillissant, de la prétendue poésie de la langue et de pratiquer un style plus dépouillé.( le " style tardif"). L'exemple le plus notoire, je suppose, est celui de Tolstoï qui, sur ses vieux jours, exprimait une désapprobation moralisante vis-à-vis des pouvoirs de séduction de l'art pour s'en tenir à des histoires qui ne dépareraient pas dans une école élémentaire. Plus ambitieux est l'exemple fourni par Bach, qui à l'heure de sa mort travaillait à son Art de la fugue, pure musique en ceci qu'elle n'est liée à aucun instrument particulier. On peut, schématiquement, envisager la vie en art en deux ou trois grandes étapes. dans la première, on trouve- ou on se pose- une grande question. Dans la deuxième, on s'échine à y répondre. Et puis, si l'on vit assez longtemps, on atteint la troisième étape, où la grande question susnommée commence à vous ennuyer, et où il vous faut alors aller voir ailleurs. " | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Sam 15 Fév 2014 - 8:41 | |
| Qu'est ce qui les a décidés à publier leur correspondance? Pourquoi justement maintenant? Les études du petit dernier à financer? Ils le disent? | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Mer 19 Fév 2014 - 20:22 | |
| Planète – Numéro 18 : C. G. Jung (1970) sous la direction de Louis Pauwels En 1970, la revue Planète se consacre à C. G. Jung. Moins connu que son confrère Freud, les deux hommes ont pourtant évolué dans une direction similaire à une époque qui réclamait la légitimation de sa croyance en une issue inconsciente. S’il ne fallait retenir qu’une explication à l’éloignement de Freud et de Jung, ce serait leur divergence quant à l’influence de la sexualité sur la vie inconsciente. Pour Freud, tout est sexuel ; pour Jung, la sexualité n’est qu’un élément des représentations internes et entre dans un système de concepts symboliques et culturels beaucoup plus large. Dans son article intitulé « Freud et Jung », Dominique Desanti nous donne l’exemple du rêve pour illustrer le clivage entre les deux hommes : « Pour [Freud], le rêve est lié à la sexualité, c’est l’expression d’un désir accompli ou refoulé, avec toutes les variantes qui séparent ces deux extrêmes ; pour [Jung], la sexualité n’étant pas la forme élémentaire de tout désir, comme nous l’avons rappelé au début de notre étude, le rêve est « l’autoreprésentation, spontanée et symbolique, de la situation actuelle de l’inconscient ». Il peut exprimer un courant de la libido à un moment donné, une aspiration profonde de l’individu, un drame intime, qui ne sera pas nécessairement d’ordre sexuel. »On comprend alors pourquoi C.G. Jung intéressa particulièrement les rédacteurs de la revue Planète : son discours, capable d’être transcendé par l’interprétation des symboles, présente un cycle infini d’actions et de rétroactions qui se retrouvent également dans l’idée la plus marquante qu’il ait développée : celle de la synchronicité –la coïncidence signifiante : « Pour Jung, il existe des forces agissant en quelque sorte à angle droit par rapport au temps. Des évènements, qui n’ont entre eux aucun rapport de cause à effet, apparaissent de manière synchrone, comme le surgissement inattendu et nécessaire de signes. […] La synchronicité jungienne déborde évidemment le cadre de la science qui ne connaît que des relations causales. »Du haut vers le bas, et du bas vers le haut, un processus invisible de communication ne cesserait de s’établir, mettant court à toute possibilité de croire en une destinée mais exaltant en même temps la possibilité qu’il existe des forces divines –nom générique servant à désigner ce que Wittgenstein avait par exemple appelé le mystique : « On rencontre à certains moments une telle réponse des évènements, on découvre un accord si étonnant du guide intérieur, des rêves et des faits, qu’on en vient à penser qu’il existe un sens, un ordre des choses, que nous ne voyons pas, dont nous étions coupés, mais avec lequel le travail analytique nous remet en contact. »La synchronicité et l’imprégnation du symbolique collectif sur l’individu ont inspiré aux rédacteurs de Planète des réflexions et digressions que les œuvres de Jung n’avaient sans doute pas terminé d’analyser. Entre textes recueillis et rapprochés de façon à créer un nouveau sens, les contributions de Jung permettent de réfléchir aux relations du couple à l’enfant, de l’inconscient collectif, du sens de la vie, de l’expérience religieuse, de la décadence sociale et politique ou du mythe alchimique. Jung aurait sans doute aimé ces parenthèses qui constituent autant d’évènements significatifs venant frapper perpendiculairement la ligne temporelle de ses publications bibliographiques. Partant du principe que Jung, comme chaque homme, se ramène sans cesse à l’inconscient collectif –dont certaines modalités lui sont connues lorsqu’elles ne le sont pas à d’autres, et réciproquement-, Planète essaie d’extraire d’autres principes de ce grand inconscient qui ont pu dépasser Jung. On ne discutera pas de la pertinence des articles : ils peuvent l’être ou non en fonction de la disposition de chaque lecteur. On reconnaîtra en tout cas que la contribution de l’œuvre de C. G. Jung à l’inconscient collectif, qu’il crée ou qu’il recrée, qu’il charge de concepts et qu’il présente comme un miroir face aux angoisses des hommes, ne fut pas insignifiante - Citation :
- « Un symbole se perçoit comme un lien entre l’abîme des profondeurs inconscientes et la cime des états de conscience, un lien entre le visible et l’invisible. Il réunit dans une expression synthétique, verbale, plastique ou musicale, ce qui se trouve de plus intime dans un être, l’héritage collectif et l’acquit personnel, le social et le cosmique, le culturel et le religieux. L’esprit le plus moderne reconquiert peu à peu ce langage multidimensionnel, dont le rationalisme avait perdu le sens. »
Il n'est pas non plus question de renier totalement Freud : - Citation :
- « Tel un prophète de l’Ancien Testament, [Freud] a entrepris de renverser de faux dieux, de tirer le rideau qui voilait un tas de malhonnêtetés et d’hypocrisies et de mettre en pleine lumière, sans aucune pitié, la pourriture de l’âme contemporaine. Il n’a pas eu peur d’assumer l’impopularité d’une telle entreprise. Se faisant, il a donné à notre civilisation un élan nouveau qui consiste dans sa découverte d’un accès à l’inconscient. »
Dans un objectif de toujours mieux cerner la synchronicité : - Citation :
- « On rencontre à certains moments une telle réponse des évènements, on découvre un accord si étonnant du guide intérieur, des rêves et des faits, qu’on en vient à penser qu’il existe un sens, un ordre des choses, que nous ne voyons pas, dont nous étions coupés, mais avec lequel le travail analytique nous remet en contact. »
« La maladie en soi est de peu d’importance, et voulue autant que subie : dès que le jeune garçon comprend qu’il « faut gagner sa vie » pour vivre, elle disparaît. La prise de conscience qu’elle amène, en revanche, est significative : « auparavant les choses m’arrivaient, maintenant c’est moi qui voulais ». » *peinture de Hilna af Klint | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Lun 24 Fév 2014 - 14:39 | |
| L'Automne du Moyen Age (1919) de Johan Huizinga L’automne du Moyen Age est parfois aussi appelé de son titre officieux : le Déclin du Moyen Age. En privilégiant le premier titre, John Huizinga se met au diapason de l’esprit médiéval fin d’époque tout en allégories et en symboles épuisés. Publié en 1905, ce livre propose une nouvelle vision du Moyen Age. John Huizinga ne s’accorde pas avec l’analyse d’un autre grand historien de son époque, Jules Michelet, et abolit la notion de démarcation nette séparant le Moyen Age de l’esprit de la Renaissance français. L’automne du Moyen Age, dans un flou indistinct, se fond en partie dans le printemps de la Renaissance. Le XVe siècle médiéval ne s’exalte pas mais est décrit comme un siècle d’épuisement pessimiste dont la langueur aura peut-être permis la réaction humaniste qu’on lui connaît, quelques décennies plus tard. Au moment de la publication de ce livre, John Huizinga renouvelle la vision du Moyen Age tardif en piochant dans de nombreuses sources. Il s’intéresse notamment aux témoignages de la vie quotidienne qui exaltent une fougue destructrice dans tous les actes les plus anodins, révélant si ce n’est l’ambivalence d’une population partagée entre la foi exaltée et une excentricité parfois païenne, au moins la tendance à l’exagération d’une époque qui passe d’un extrême à un autre sans jamais toucher le juste milieu. John Huizinga nous décrit tout un paradigme malaxé par des concepts qui trouvent le nom de chevalerie, de courtoisie, et bien évidemment de religion. Importants, ces idéaux qui seront déclinés en images, symboliques et lieux communs, pétrissent toute une vie culturelle et constituent les fondations d’une œuvre littéraire directement appréciable par ses contemporains lorsqu’elle nous semble dépourvue de signification. John Huizinga nous présente quelques poètes connus, tels Catherine de Pisan ou l’auteur du Roman de la Rose, mais il cite également poètes et poèmes oubliés, œuvres si imprégnées de leur époque qu’elles n’y survécurent. John Huizinga éclaire notre connaissance des œuvres littéraires et picturales rescapées de cette époque : si tout n’est qu’allégorie, symboles et religion, si cet ensemble fantasque nous semble être le reflet d’un esprit labyrinthique s’amusant aux jeux du travestissement, ce n’est en réalité que mécanismes de pensée –tout au moins au XVe siècle lorsque, après des siècles médiévaux peut-être plus vivants, toutes les combinaisons allégoriques ont été épuisées. La foi elle-même, devenue réservoir de lieux communs, ne se veut plus expression d’un dévouement pur à Dieu. Les œuvres de ceux que nous appelons « mystiques », parce qu’ils empruntent au spirituel, apparaissent alors comme les philosophes d’une époque marquée par le paradigme catholique. Indispensable pour mieux comprendre le Moyen Age, cet Automne prouve également de sa puissance en nous révélant, après lecture, qu’il a su parler indirectement de notre époque en soulignant tous les phénomènes qui semblent se répéter cycliquement d’un paradigme à un autre. Passons d’une dénomination à une autre et c’est notre société qui semble à son tour décrite. « Quand le monde était de cinq siècles plus jeune qu’aujourd’hui, les évènements de la vie se détachaient avec des contours plus marqués. De l’adversité au bonheur, la distance semblait plus grande ; toute expérience avait encore ce degré d’immédiat et d’absolu qu’ont le plaisir et la peine dans l’esprit d’un enfant. Chaque acte, chaque évènement était entouré de formes fixes et expressives, élevé à la dignité d’un rituel. Les choses capitales, naissance, mariage et mort, se trouvaient plongées, par le sacrement, dans le rayonnement du divin mystère ; les évènements de moindre importance, eux aussi, voyage, tâche ou visite, étaient accompagnés d’un millier de bénédictions, de cérémonies et de formules. » - Citation :
- « L’idéal chevaleresque, avec sa teneur semi-religieuse, ne pouvait être vécu que par une époque capable de fermer les yeux aux plus impérieuses nécessités et de se laisser enchanter par les plus grandes illusions. La nouvelle société naissante exigeait que ces trop hautes aspirations fussent abandonnées. Le chevalier devient le gentilhomme français du XVIIe siècle, qui possède encore un assortiment de notions d’honneur et de préjugés de caste, mais ne se donne plus pour le défenseur de la foi, le protecteur des faibles. […] Ainsi, dans ses transformations successives, l’idéal tend à se conformer à une conception de la vie moins hyperbolique. »
- Citation :
- « La poésie érotique des âges primitifs est avant tout l’épithalame. Mariages et fêtes nuptiales ne forment d’abord qu’un seul rite sacré, dont le rapprochement des sexes est le mystère par excellence. […] C’est donc d’un point de vue ethnologique qu’il faut envisager l’amas d’obscénités, d’équivoques, de symbolisme érotique que l’on rencontre dans la civilisation du moyen âge et qui s’étalait dans le genre épithalamique. Evidemment les hommes de l’époque n’avaient pas le sentiment de manquer aux prescriptions du code courtois. C’était un autre terrain et où la courtoisie n’avait pas cours. »
[A propos du cimetière des Innocents à Paris] - Citation :
- « Ce lieu était d’ailleurs, pour les Parisiens du XVe siècle, une sorte de lugubre préfiguration du Palais royal de 1789. C’était, en dépit des inhumations et exhumations incessantes, une promenade publique et un lieu de rendez-vous. On y trouvait des petites boutiques près des charniers et des femmes publiques sous les arcades. »
*peinture de Bruegel le Jeune | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Jeu 6 Mar 2014 - 15:27 | |
| Evangiles apocryphes (1983) de France Quéré Qu’on ne s’imagine pas balayer, en moins de cent pages, la totalité des Evangiles apocryphes. France Quéré s’est interposée entre son lecteur et la quantité affolante de ces textes pour n’en retenir que les principaux : ceux qui servent à sa démonstration : « Les Apocryphes étant fort nombreux, nous avons choisi de ne présenter que les plus anciens. Parmi ces derniers, nous avons encore éliminé l’Evangile selon Philippe, en raison de sa longueur et de son caractère ésotérique ; nous avons également laissé de côté l’Evangile de Barthélémy, récit abscons et fastidieux, qui a jusqu’à ce jour découragé les traducteurs de langue française. »Les évangiles sélectionnés se déclinent ensuite en Agrapha ( « On appelle Agrapha des informations sur Jésus qui nous viennent, non pas des quatre évangiles, mais des autres textes du Nouveau Testament, des variantes introduites dans les manuscrits, ou des Pères de l’Eglise. Ce sont de brèves sections narratives touchant la vie de Jésus, et plus souvent des bribes de dialogue ou des sentences du Seigneur »), en Evangiles de la nativité et de l’enfance, en Evangiles de la Passion pour finir avec le cas particulier de l’Evangile gnostique de Thomas qui, découvert en 1946, a bien failli devenir le 5e Evangile canonique. La lecture à froid de ces documents pourrait nous laisser sceptiques…c’est sans compter sur la présentation de France Quéré qui parvient à nous révéler tout l’intérêt des Evangiles apocryphes aux niveaux culturel, religieux voire politique. Ne pas oublier que, presque deux millénaires plus tôt, la naissance du Christ et tous les miracles qui entourèrent sa venue sur Terre constituèrent un chamboulement énorme que rien jusqu’à aujourd’hui ne semble encore avoir pu égaler. Peu importe que le Christ ait réellement existé, qu’il ne soit qu’un personnage romancé ou qu’un fantasme : les écrits qui en parlent sont, eux, bien réels, et si le Christ n’a jamais accompli les miracles qu’on lui attribue, les textes qui les rapportent ont provoqué tout autant de prodiges effectifs. Face aux Evangiles canoniques, que l’on reconnaît par la droiture de leur transmission et par leur conformité à l’enseignement apostolique, s’ébruite une myriade de textes que nous appellerions peut-être aujourd’hui « romans de gare ». Ils n’ont rien d’original puisqu’ils s’inspirent des textes sacrés mais brodent, à partir de ce canevas, des digressions qui renseignent sur la culture d’une civilisation particulière ou les tendances de mouvements religieux dissidents du judaïsme et du christianisme anciens. Les lambeaux de papyrus constituant les Agrapha nous renseignent ainsi sur la fragilité d’un christianisme naissant qui batifolait encore avec les croyances égyptiennes, et l’évangile des Ebionites, par exemple, nous fera découvrir un mouvement dissident qui niait la divinité de Jésus, bien qu’ils lui fassent professer le végétarisme pour mieux imposer leurs mœurs austères aux païens. Les Evangiles apocryphes se succèdent et nous font prendre conscience de notre imprégnation, encore très actuelle, à ces textes rejetés par les canons. Dans l’art, la poésie, la musique ou la littérature, l’iconographie apocryphe semble avoir stimulé l’imagination des hommes pour les siècles qui suivent, tandis que le rituel de la crèche, avec son bœuf et son âne, sa grotte de la nativité et la couronne des mages, sont aussi issus de tous ces textes dissidents. De même, la figure de Marie, à peine ébauchée dans les évangiles canoniques, a pris l’importance qu’on lui connaît grâce aux évangiles apocryphes qui ont longuement décrit son enfance et le caractère miraculeux de sa destinée. La Passion, exacerbation intense de la souffrance du Christ et des siens, ne se serait peut-être jamais manifestée sans les textes apocryphes qui n’hésitaient pas à friser l’hérésie en rendant le Christ aussi humain que ceux qui en parlèrent. Les Evangiles apocryphes constituent un ensemble de textes poétiques rédigés sur le fond commun de cet évènement que fut l’arrivée du Christ sur terre. La question de la croyance semble finalement peu impliquée : il s’agit de transmettre des idées sur la base d’un fond commun qui sera compris par le plus grand nombre. Il peut s’agir de surprendre par la narration d’évènements impitoyables et cruels, qui remettent en cause toute une iconographie officielle : « 4.1. Une autre fois, Jésus se promenait dans le village, quand un enfant, encourant, le heurta à l’épaule. Irrité, Jésus lui dit : « Tu ne poursuivras pas ta route. » A l’instant, l’enfant s’écroula, mort. » (Evangile du Pseudo-Thomas) …de se laisser aller à de véritables morceaux de poésie : « Or, moi, Joseph, je me promenais et ne me promenais pas. Et je levai les yeux vers la voûte du ciel et je la vis immobile, et je regardai en l’air et je le vis figé d’étonnement. Et les oiseaux étaient arrêtés en plein vol. Et j’abaissai mes yeux sur la terre et je vis une écuelle et des ouvriers étendus pour le repas, et leurs mains demeuraient dans l’écuelle. Et ceux qui mâchaient ne mâchaient pas et ceux qui prenaient de la nourriture ne la prenaient pas et ceux qui la portaient à la bouche ne l’y portaient pas. Toutes les faces et tous les yeux étaient levés vers les hauteurs. » (Protévangile de Jacques) …ou de véhiculer des idées métaphysiques sur un ton clair et direct : « 24. Je retournai donc vers le corps de mon père Joseph, qui gisait comme une corbeille. […] Je dis à la Vierge : « Ô Marie, où sont maintenant tous les travaux de métier qu’il a faits depuis son enfance jusqu’à maintenant ? Ils ont tous passé en un seul moment. C’est comme s’il n’était jamais né en ce monde » » (Histoire de Joseph le charpentier) Peu nous importe, finalement, l’adéquation de ces textes avec ce qu’ils décrivent. S’ils sont réels et influents, c’est par le conditionnement des siècles à venir dont ils furent à l’origine. France Quéré nous interroge : « Des imposteurs ? Si l’on veut. Mais ces malheureux sont pris au collet par la troupe des censeurs : leurs contemporains, épris d’ordre, et nous les modernes, avec nos critères scientifiques. »Considérons ces Evangiles apocryphes comme de beaux morceaux de poésie fantaisistes et tragiques sans lesquels notre monde serait radicalement différent. - Citation :
- « Curiosité religieuse, dispersion géographique et culturelle, essaimage de la foi par petites communautés croyantes, habitudes rhétoriques de la récitation orale et conventions de la littérature populaire, les Apocryphes dérivent de ces données emmêlées, qui infléchissent la nature, la forme et le sens du message transmis. »
- Epiphane, Hérésies, 22 a écrit:
- « Aux disciples qui disaient : « Où veux-tu que nous te préparions la Pâque que tu mangeras ? », (les ébionites) firent répondre à Jésus : « Pouvez-vous croire que j’ai désiré d’un grand désir manger avec vous de la viande pour cette Pâque ? » »
Des scènes à la force visuelle frappantes... - Nativité de Marie, Révélation de Jacques. 18. 2. a écrit:
- « Or, moi, Joseph, je me promenais et ne me promenais pas. Et je levai les yeux vers la voûte du ciel et je la vis immobile, et je regardai en l’air et je le vis figé d’étonnement. Et les oiseaux étaient arrêtés en plein vol. Et j’abaissai mes yeux sur la terre et je vis une écuelle et des ouvriers étendus pour le repas, et leurs mains demeuraient dans l’écuelle. Et ceux qui mâchaient ne mâchaient pas et ceux qui prenaient de la nourriture ne la prenaient pas et ceux qui la portaient à la bouche ne l’y portaient pas. Toutes les faces et tous les yeux étaient levés vers les hauteurs. »
Des intuitions métaphysiques à l'état brut : - Histoire de Joseph le Charpentier a écrit:
- 24. Je retournai donc vers le corps de mon père Joseph, qui gisait comme une corbeille. […] Je dis à la Vierge : « Ô Marie, où sont maintenant tous les travaux de métier qu’il a faits depuis son enfance jusqu’à maintenant ? Ils ont tous passé en un seul moment. C’est comme s’il n’était jamais né en ce monde. »
*peinture de Fra Angelico, L’annonciation | |
| | | Chymère Sage de la littérature
Messages : 2001 Inscription le : 21/07/2013 Age : 41 Localisation : Dijon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Jeu 6 Mar 2014 - 15:48 | |
| - Colimasson a écrit:
- Considérons ces Evangiles apocryphes comme de beaux morceaux de poésie fantaisistes et tragiques sans lesquels notre monde serait radicalement différent.
... sauf que ce n'est pas ce qu'ils sont, comme tous livres sacrés, religieux ou spirituels... Je veux dire, en tant que "croyante" dans une démarche de recherche intérieure et de foi, forcément je vais avoir une autre lecture qu'un universitaire. Et d'une certaine façon, je pense que c'est un peu vider de leur substance ce type d'écrits que de n'en faire que des "morceaux de poésie fantaisistes", c'est en faire ce qu'ils ne sont surtout pas : de jolis petits écrits faits pour décorer. Au mieux, avec une place dans le grand musée des Hommes. Les Apocryphes, dans le cas présents, s'inscrivent dans un cheminement théologique et spirituel assez complexe (et notamment la distinction entre les doctrine de la dualité ou de l'unité, qui, par exemple, a été la pierre d'angle de la foi cathare et les a envoyés par centaines sur les bûchers), et on peut y voir un cheminement plus profond que celui de la simple connaissance universitaire (les Apocryphes ont été étudiés par plusieurs grands penseurs spirituels, notamment l'Evangile de Thomas, qui a été commenté par Jean-Yves Leloup et Osho). Après, chacun ses croyances et ses non-croyances, la liberté de conscience est pour tous, et je ne critique pas le fait que les textes sacrés soient étudiés avec une vision universitaire. Je dis juste qu'ils sont plus que cela pour beaucoup de personnes, et que c'est dommage de les cantonner à une dimension purement factuelle. C'est les amputer de leur essence et de leur puissance-même à mes yeux. | |
| | | marc et cie Main aguerrie
Messages : 479 Inscription le : 01/12/2013 Age : 58 Localisation : lyon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Jeu 6 Mar 2014 - 15:52 | |
| - colimasson a écrit:
- Citation :
- « Un symbole se perçoit comme un lien entre l’abîme des profondeurs inconscientes et la cime des états de conscience, un lien entre le visible et l’invisible. Il réunit dans une expression synthétique, verbale, plastique ou musicale, ce qui se trouve de plus intime dans un être, l’héritage collectif et l’acquit personnel, le social et le cosmique, le culturel et le religieux. L’esprit le plus moderne reconquiert peu à peu ce langage multidimensionnel, dont le rationalisme avait perdu le sens. »
Il n'est pas non plus question de renier totalement Freud :
- Citation :
- « Tel un prophète de l’Ancien Testament, [Freud] a entrepris de renverser de faux dieux, de tirer le rideau qui voilait un tas de malhonnêtetés et d’hypocrisies et de mettre en pleine lumière, sans aucune pitié, la pourriture de l’âme contemporaine. Il n’a pas eu peur d’assumer l’impopularité d’une telle entreprise. Se faisant, il a donné à notre civilisation un élan nouveau qui consiste dans sa découverte d’un accès à l’inconscient. »
Dans un objectif de toujours mieux cerner la synchronicité :
- Citation :
- « On rencontre à certains moments une telle réponse des évènements, on découvre un accord si étonnant du guide intérieur, des rêves et des faits, qu’on en vient à penser qu’il existe un sens, un ordre des choses, que nous ne voyons pas, dont nous étions coupés, mais avec lequel le travail analytique nous remet en contact. »
« La maladie en soi est de peu d’importance, et voulue autant que subie : dès que le jeune garçon comprend qu’il « faut gagner sa vie » pour vivre, elle disparaît. La prise de conscience qu’elle amène, en revanche, est significative : « auparavant les choses m’arrivaient, maintenant c’est moi qui voulais ». »
merci Colimasson. plus je vieillis et plus je me dis qu'ils expriment tous les deux une vérité de l'homme. Ils avaient tous deux un peu raison ou pas complètement tort | |
| | | Lully Espoir postal
Messages : 43 Inscription le : 04/03/2014
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Jeu 6 Mar 2014 - 15:56 | |
| Quelle bonne idée d'insérer des extraits dans les commentaires, c'est tellement parlant ! Je n'ai jamais eu l'occasion de lire ces évangiles "apocryphes", mais c'est une invitation très sérieuse que tu nous offres là ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Dim 9 Mar 2014 - 20:22 | |
| - Chymère a écrit:
- Colimasson a écrit:
- Considérons ces Evangiles apocryphes comme de beaux morceaux de poésie fantaisistes et tragiques sans lesquels notre monde serait radicalement différent.
... sauf que ce n'est pas ce qu'ils sont, comme tous livres sacrés, religieux ou spirituels... Je veux dire, en tant que "croyante" dans une démarche de recherche intérieure et de foi, forcément je vais avoir une autre lecture qu'un universitaire. Et d'une certaine façon, je pense que c'est un peu vider de leur substance ce type d'écrits que de n'en faire que des "morceaux de poésie fantaisistes", c'est en faire ce qu'ils ne sont surtout pas : de jolis petits écrits faits pour décorer. Au mieux, avec une place dans le grand musée des Hommes. Les Apocryphes, dans le cas présents, s'inscrivent dans un cheminement théologique et spirituel assez complexe (et notamment la distinction entre les doctrine de la dualité ou de l'unité, qui, par exemple, a été la pierre d'angle de la foi cathare et les a envoyés par centaines sur les bûchers), et on peut y voir un cheminement plus profond que celui de la simple connaissance universitaire (les Apocryphes ont été étudiés par plusieurs grands penseurs spirituels, notamment l'Evangile de Thomas, qui a été commenté par Jean-Yves Leloup et Osho).
Après, chacun ses croyances et ses non-croyances, la liberté de conscience est pour tous, et je ne critique pas le fait que les textes sacrés soient étudiés avec une vision universitaire. Je dis juste qu'ils sont plus que cela pour beaucoup de personnes, et que c'est dommage de les cantonner à une dimension purement factuelle. C'est les amputer de leur essence et de leur puissance-même à mes yeux. Je n'ai pas évoqué la croyance dans mon commentaire car je n'ai pas jugé que c'était le lieu approprié. Je n'ai pas particulièrement envie de donner mon opinion personnelle à ce sujet parce que c'est beaucoup trop complexe pour être résumé en quelques phrases, et parce que ça n'intéresserait sans doute pas grand-monde. Rien ne t'empêche d'investir tes propres croyances dans la lecture de ce livre, et ne passons pas d'une extrémité à une autre en lançant la pierre sur les universitaires... chacun son rôle dans l'interprétation d'un texte, ça ne veut pas dire que les autres interprétations sont exclues... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] Dim 9 Mar 2014 - 20:46 | |
| Personnellement, je trouve très salutaire, et même indispensable, que les textes religieux soient étudiés en laissant la notion de croyance de côté. Je ne pense pas du tout que cela les prive de leur substance ; cela donne un éclairage différent, critique, scientifique et rigoureux, alors que la foi se place sur un autre niveau. Le commentaire (très fouillé comme toujours ) de coli montre bien à quel point, en laissant de côté les querelles théologiques et la notion de croire ou non aux miracles relatés, il peut être passionnant d'étudier ces textes loin de toute notion de foi. Les différents conciles, les accusations d'hérésie ont écarté tout un pan des textes catholiques, je trouve passionnant qu'on les redécouvre en étudiant les différents courants, ce qu'ils nous disent de la société de leur époque, et quelles traces ils ont laissées dans l'imaginaire collectif. |
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