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merci pour tes réponses Coli !

cette lecture suggère donc qu'il y ait au monde nombre de psychotiques et névrotiques

Pour les psychanalystes et psychiatres, il y a en effet tout intérêt à ce qu'en chaque individu apparemment sain sommeille un puissant malade qui s'ignore. Nous serions tous névrotiques ou psychotiques à des degrés différents selon cette conception.

Pour qui, pour quoi travaillons-nous ?

de Jacques Ellul

Je n'ai pas la motivation d'ouvrir un fil et je ne compte pas forcément aller chercher plus loin du côté de l'auteur donc one-shot. Pourtant cette compilation d'articles et d'extraits d'autres ouvrages (jusqu'au débit des années 80) s'annonçait pas mal. Introduction synthétique et claire qui prépare à la suite : une vision de la construction d'un mythe moderne du travail de la Renaissance au marxisme et au capitalisme, ça doit donner de quoi réfléchir.

Et c'est le cas, Ellul qui est en désaccord avec le trop plein de vertus supposées du travail à l'excès met en garde contre mensonges et abus (Arbeit macht Frei), dénonce un travail devenu outil de domination et déplore une perte de valeurs morales et spirituelles qui ne pouvant se retrouver dans la consommation ou la consommation de loisirs à l'excès se sont réfugiées dans ou sur le travail (et point de jonction entre capitalisme et socialisme).

De plus la lecture et la vision orientée de croyant chrétien donne un point d'ancrage qui est très loin d'être inintéressant pour ne pas dire pertinent.

Là où ça se complique c'est avec la technique. Considérer qu'en elle-même passée l'industrialisation et l'appel de plus de main d'oeuvre pour produire plus à une sorte de monstre auto-entretenu ne cherchant plus à produire des biens mais elle-même des avancées techniques ou de l'information, une maîtrise de l'information, pourquoi pas. Ce changement de mesure du travail et donc des changements de mesures économiques et de redistribution pouvant s'éloigner du salariat comme on le conçoit habituellement, ça fait réfléchir aussi.

Quand on pense à Technique et Informatisation comme mots clés magiques de décentralisation, révolution, de moyen d'éclatement de la décision, de dissolution de la contrainte hiérarchique et politique ça devient plus improbable. Surtout que ça dure et tourne en boucle de façon indigeste nébuleuse, abstraite et à mon sens pas convaincante. Ça en devient même contradictoire avec un théorème Lego de révolution qui n'en est pas une mais une plus encore et qui colle la charrue avant les bœufs avant de faire l'inverse... logorrhée prospective un peu gratuite (au mauvais sens du terme) qui brasse et reprend d'autres discours politiques (marxistes et autres) dans une forme qui ne distingue plus liberté de "les autres sont des croûtes de freins à la révolution des mentalités et des pratiques" et le dilemme de ne pouvoir imposer tout en le devant.

Pour en revenir au sujet travail et à un exercice du travail, là où on devra faire entrer en jeu l'expérience du lecteur, le livre et les textes deviennent décevants, une fois de plus ça parle dans le vide et ça semble très déconnecté de la réalité, du côté collectif en fait qui n'a même pas du attendre hier pour apparaître (bricoler une cathédrale ça doit être un beau bordel !).

La foi débridée revient pour conclure l'ouvrage avec une lueur d'espoir et si c'est avec un certains soulagement qu'on retrouve une aspiration sensible c'est beaucoup plus réservé qu'on accueille ces mots.

Le truc surprenant pour moi restera cette vision hyper nébuleuse, magique et porte-manteau de la technique et de l'informatisation sorte de mal et de bien porteur d'un pouvoir très improbable. Certes la technique et le contrôle que ça implique de la part des états et des multinationales est flippant mais si le mal est malgré tout dans l'homme au départ et que c'était de ce côté là malgré tout qu'il fallait travailler pour faire muter le progrès technique (qui existe depuis.... ) pour en faire autre chose ?

Intéressant pour sa partie historique, énigmatique et gonflant au mieux pour sa partie prospective, je reste sur ma faim et suis content de refermé cette parenthèse. Arrêtons-nous  pour les citations à quelques points de départ :

Citation :

Car enfin sauf anomalie, on ne peut pas dire que spontanément l'homme aime travailler. Qu'il travaille pour devenir riche, ou premier, ou héros du travail, c'est-à-dire satisfaire son orgueil, sa jouissance ou son égoïsme cela se comprend. Qu'il travaille pour s'abrutir, pour se divertir, c'est-à-dire pour se fuir lui-même, pour fuir les questions dernières et le désespoir, cela se comprend aussi.

Citation :

Il est clair, aujourd'hui (1980), que tout ce que nous venons d'écrire sur le travail doit être doublé par ce qu'il faudrait dire sur le chômage. Si le travail était parfois écrasant, inhumain, sans signification, le refus du travail par le corps social l'est encore plus.

Merci Coli pour ton commentaire si intéressant. Nous sommes donc tous ici des traumatisés pour qui le choc de la naissance n'a pas été assez violent et qui essayent de retrouver ce sentiment de bonheur intra-utérin?

Animal, tu as choisi donc le plus logique de ce qu'il dit dans ces citations, je suppose

évoque t-il Marx ? (je pense au livre que nous avons lu de Simone Weil quant au travail)

beaucoup, on peut considérer qu'il essaye au moins pour partie de prolonger ou réactualiser l'analyse.

merci animal !

je crois que je ne note pas (à la médiathèque : Sans feu ni lieu : signification biblique de la grande ville / Jacques Ellul) 380 p

pia a écrit:

Merci Coli pour ton commentaire si intéressant. Nous sommes donc tous ici des traumatisés pour qui le choc de la naissance n'a pas été assez violent et qui essayent de retrouver ce sentiment de bonheur intra-utérin?  

Oui, c'est bien ça l'idée !

Bédoulène a écrit:

Animal, tu as choisi donc le plus logique de ce qu'il dit dans ces citations, je suppose

évoque t-il Marx ? (je pense au livre que nous avons lu de Simone Weil quant au travail)

J'ai aussi pensé à Simone Weil en lisant ce commentaire.

Vie et Paroles du Maître Philippe, Alfred Haehl

Décédé en 1905, le Maître Philippe de Lyon est finalement beaucoup moins connu que nombres de ses contemporains (comme Papus, avec qui il était très ami), probablement parce qu'il n'a rien écrit lui-même (cet ouvrage a été écrit par un de ses "disciples" et ami, au plus près donc), mais s'est contenté de faire.
Pourtant, à son époque, il fut un des guérisseurs et mystiques parmi les plus courus, de l'Empereur Nicolas aux petites gens de Lyon, et il traitait tout le monde de la même manière, car au fond, que l'on soit empereur ou mendiant, aux yeux de Dieu nous sommes tous ses petits enfants.
C'est en tout cas ce qui se dégage de ses œuvres (ses soins ont toujours été gratuits, et même mieux : il payait des chambres dans Lyon pour les pauvres) et de ses paroles : aimer son prochain comme soi-même, toujours tout pardonner, toujours être humble et renoncer à son "soi-même", accepter toutes les épreuves de la vie... une morale exigeante, totale, presque effrayante dans une époque hédoniste, et finalement souvent égoïste... Et pourtant je pense source d'inspiration, même s'il est difficile d'atteindre ce genre de sommets.
Pourtant, lui-même n'a pas tiré de gloire de ses actions, il n'a jamais été prétendu être autre chose que "le plus petit de tous", ou s'est décrit comme "le chien du Berger" (je trouve cette expression très jolie).

De plus, on retrouve beaucoup de son message dans d'autres courants spirituels actuels, notamment sur l'abandon de l'ego (que l'on peut retrouver dans les religions bouddhiques par exemple) ou des théories sur les âmes que l'on retrouve chez d'autres auteurs modernes (proches du New Age ou pas).

Bref, il y a beaucoup de choses à retirer et approfondir de ce genre de lectures, et le personnage est à la fois fascinant et fondateur.

L'Histoire secrète du Monde, Jonathan Black

Difficile de définir les contours de ce livre... je dirais que c'est une sorte de voyage dans le temps et l'espace à travers la vision ésotérique du monde. Celle qui voit le monde à l'envers, qui voit à travers la matière et le factuel, et qui voit l'esprit avant la matière, et pour qui l'imagination et l'intuition sont sources de connaissances et de vérité.

L'auteur a étudié pendant une vingtaine d'années la question et ses textes (il a notamment beaucoup été inspiré par la Rose+Croix et Steiner), et prétend avoir conversé avec des initiés (en l’occurrence, on ne que prétendre... ça va être difficile à vérifier), et livre près de 650 pages à la fois passionnantes et émoustillantes pour l'esprit (si on s'intéresse à cette vision du monde). Cependant, comme je l'ai déjà dit dans mon premier post sur ce livre, je ne le conseillerais pas à quelqu'un qui n'a aucune notion en ésotérisme et qui n'a jamais approché la matière, dans ce cas là, il vaut mieux commencer benoîtement par l'Ésotérisme pour les Nuls , parce que dans le cas contraire, on risque fort de ne pas saisir les enjeux ni situer tel ou tel personnages (parce que ça défile, et ça défile vite...) et de poser le livre en se disant qu'on y comprend rien et que c'est n'importe quoi...

A demain, Gramsci

Les Editions du Cerf a écrit:

« Le dernier Congrès du Parti socialiste l’a reconnu : “La gauche n’est plus en situation d’hégémonie culturelle.”
Diagnostic lucide, quoique tardif. Le patient a cependant de quoi être rassuré : il mourra en connaissant les causes de son mal. »
G. B.

Gramsci ? Personnellement je n'en avais jamais entendu le nom : intellectuel, militant, prisonnier politique italien. (page wikipedia)

Voilà qui ne résume pas si mal le contenu du tout petit livre. Ni grandes révélations ni grandes découvertes mais un peu d'histoire récente et des comparaisons qui sont donc temporelles mais aussi géographiques. L'auteur regarde les gauches d'à côté en Grèce et en Espagne mais on peut aussi parler de géographies mentales car il regarde aussi comment se passent les choses de l'autre côté de la barrière gauche-droite (et plus... ).

En deux mots ? Le vote comme un produit ou un objet marketing n'est pas suffisant et l'idéologie nécessite des idées et des actions qui répondent aux attentes des électeurs, du peuple, des gens pour convaincre.

Petit livre dont on sent bien qu'il s'inscrit dans une démarche intéressée et volontaire (et ayant choisi son camp), ce qui se confirme en jetant un œil à la bio de l'auteur, mais pas outrageante. Il propose un état des lieux dynamique d'un risque (ou plus) d'affliction mentale devant (et dedans) l'actualité, de façon claire bien que par instants elliptique et oppose à la déception et à la faim de matière à penser un très léger souffle d'optimisme (très loin d'être gagné cependant).

Ca ne fait pas de mal un livre sur la "bataille des idées" et entre le temps que ça prend et le coup modéré à défaut de vous rassurer tout à fait ça peut vous faire un peu de bien ?

Jeremy Scahill , Dirty Wars - Le nouvel art de la guerre

Double intérêt pour cet essai qui d'emblée se présente comme un texte à charge contre la politique anti-terroriste (passée et présente) des Etats-Unis après les attentats du 11-Septembre.

Disons d'emblée que le livre de Jérémy Scahill n'est pas aisé à lire. D'abord parce qu'il s'agit de 630 pages serrées, dédiées uniquement à la guerre, une guerre que les Faucons républicains (Rumsfeld, Cheney, Bush fils et consorts) ont voulu planétaire. A travers de nombreux chapitres (le livre en compte 52) Scahill dresse l'inventaire des décrets mis en place par l'équipe Bush pour pouvoir organiser des interventions militaires secrètes dont le Congrès (et parfois même le Président) ne sait rien en utilisant les capacités d'une force de mercenaires (le JSOC). Obama reprendra à son compte ces décrets et en les rendant public il validera sa propre guerre invisible, lançant sur des territoires où les Etats-Unis ne sont pas en guerre des opérations létales (cela veut dire purement et simplement des assassinats ciblés).

Nous passons donc en revue les bévues des politiques américaines : l'attaque de l'Irak alors que le gros des responsables d'Al-Qaïda est en Afghanistan ; l'intervention afghane qui fait éclater le noyau dur d'Al-Qaïda, précipitant la plupart de ses dirigeants vers des pays qui jusque là ne connaissaient pas de foyer terroriste (Yémen, Somalie…) ; la politique irresponsable d'armer en Somalie les Seigneurs de guerre jetant la population locale dans les bras grands ouverts de mouvements islamistes (Al-Chabab) ; la traque systématique sur le sol américain puis yéménite d'un ressortissant américain, qui se radicalisera au fil de ses démêlés avec les autorités américaines et finira par être tué (apportant de l'eau au moulin islamiste)… etc… Sans parler des erreurs de stratégie, des incompréhensions diplomatiques, des attaques de village ou de famille sans aucun lien avec Al-Qaïda, de maquillages grotesques de massacres de civils… etc… Le bilan est effrayant.

Reste que l'on peut aussi lire cet essai à l'aune des évènements parisiens, se dire que de la même manière qu'aux Etats-Unis, Hollande et son gouvernement ont répondu par l'Etat d'urgence et des décrets aux attaques terroristes ; se dire que de même qu'Obama (pourtant démocrate), Hollande a sans doute seulement brillé en tant que chef de nos armées avec la réussite de l'opération Serval, l'intervention aérienne en Irak ou celle terrestre en Centre-Afrique. A savoir qu'aujourd'hui Hollande est félicité pour ces actions mais qu'un Jérémy Scahill se penchera peut-être un jour sur la réalité de ses interventions, sur les opérations secrètes menées par des armées fantômes et sur les fautes commises. Il note par exemple la présence d'interrogateurs français dans les prisons secrètes de Mogadiscio.

Essai passionnant, quoique extrêmement long à lire si on ne veut pas être écœuré par la litanie des mêmes interventions (attaque de drones, prisons secrètes, mensonges d'Etat…). On pourra tout de même une fois refermé le livre se poser deux questions : comment les USA vont-ils parvenir à sortir de leur guerre anti-terroriste ? Et que serait le monde s'ils avaient utilisé leurs moyens différemment ??


N.B. : On notera que l'une des promesses de campagne d'Obama était la fermeture de Guantanamo ; on apprend aujourd'hui (8 ans plus tard) qu'il reste encore un peu moins d'une centaine de détenus dans cette prison et qu'ils vont 'bientôt' être placés 'ailleurs' en détention.

La vraie question que je me pose là-dessus, c'est surtout : que faire maintenant que le monstre que l'on a créé est sorti de sa boîte, et qu'on l'a nourrit jusqu'à ce qu'il devienne très très gros ?...

Chymère a écrit:

La vraie question que je me pose là-dessus, c'est surtout : que faire maintenant que le monstre que l'on a créé est sorti de sa boîte, et qu'on l'a nourrit jusqu'à ce qu'il devienne très très gros ?...

Oui. C'est un peu le problème avec ces livres écrits par des journalistes d'investigation : ils dénoncent preuves à l'appui les délires et les dérives des uns et des autres mais ils n'apportent pas de propositions pour sortir des problèmes.

J'ajoute que Jeremy Scahill a créé (avec d'autres journalistes) un journal en ligne : The Intercept qui poursuit les investigations en cours.

Enfin, il est peut-être utile de rappeler que la France est depuis hier le 4ème plus grand vendeur d'armes au monde...

c'est l'Allemagne ou la Chine qui a cédé une place ?