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| Héctor Abad [Colombie] | |
| | Auteur | Message |
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topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Héctor Abad [Colombie] Jeu 10 Jan 2013 - 12:04 | |
| Hector Abbad Héctor Abad Faciolince est un écrivain, traducteur et journaliste colombien né à Medellín en 1958. Après avoir commencé des études de médecine, de philosophie et de journalisme à Medellín, il part avant même d'être diplômé pour Turin, où il s'inscrit à l'université pour y étudier les langues et la littérature moderne. Revenu en Colombie après ses études, il est menacé et forcé à l'exil après l'assassinat de son père, un éminent professeur, grand défenseur des droits de l'Homme. Il voyage alors à travers l'Europe où il devient traducteur Espagnol-Italien. Ce n'est qu'à son retour au pays, au début des années 90, qu'Hector Abad Faciolince devient écrivain à temps plein et collabore à de nombreuses revues littéraires. Auteur d'une dizaine de romans, son œuvre, couronnée de nombreux prix littéraires et traduite dans plusieurs langues (à l'image de son best-seller 'Angosta' qui a reçu en Chine le prix du meilleur livre en langue espagnol, en 2004), est considérée comme l'une des plus importantes de la littérature colombienne contemporaine. Il est depuis mai 2008 membre du comité éditorial du journal El Espectador. Publications· Angosta, Paris, trad. d'Anne Proenza, Éditions JC Lattes, 2010 · Traité culinaire à l'usage des femmes tristes [« Tratado de culinaria para mujeres tristes »], Éditions JC Lattes, 2010, · L'oubli que nous serons [« El Olvido que seremos »], Éditions Gallimard, 2010, p. . La Secrète [« La oculta »], Paris, trad. d'Albert Bensoussan, Éditions Gallimard, coll. « Du monde entier », 2016 . Trahisons de la mémoire [« Traiciones de la Memoria »], Paris, trad. d'Albert Bensoussan, Éditions Gallimard, coll. « Arcades », 2016
Dernière édition par topocl le Lun 5 Déc 2016 - 9:40, édité 1 fois | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Jeu 10 Jan 2013 - 14:13 | |
| L'oubli que nous serons - Citation :
Mon grand-père disait parfois à mon propos : « Cet enfant, il faut l’élever à la dure. » Mais mon père répondait : « La vie est là pour ça, qui cogne durement sur tous ; pour souffrir, la vie est plus que suffisante, et je ne l’aiderai pas. » Poignant hommage à son père, homme extra ordinaire, à travers lequel Hector Abad nous raconte qui il est, et nous fait pénétrer dans les arcanes de l'histoire colombienne contemporaine. Hector Abad raconte avec une nostalgie joyeuse puis douloureuse les années heureuses suivies des années tragiques. Père d’exception, aimant, offrant et soutenant sans attendre en retour, pivot d’une vie familiale radieuse… - Citation :
- J'aimais mon père d'un amour que je n'ai jamais éprouvé jusqu'à la naissance de mes enfants. Quand je les ai eus, je l'ai reconnu, parce que c'est un amour égal en intensité, bien que différent, et, dans un certain sens, opposé. Je sentais qu'il ne pouvait rien m’arriver si j'étais avec mon père. Je sens qu’il ne peut rien arriver à mes enfants s’ils sont avec moi.
(…) J'aimais mon père d’un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d’ oreiller. …médecin généreux investi dans un travail de prévention sociale en dépit des obstacles, s’impliquant jusqu’à la mort dans la lutte pour les droits de l’homme dans un pays où la seule puissance est celle de l’argent et du feu - Citation :
- Les villes et les campagnes se couvraient du sang de la pire des maladies affectant l'homme : la violence. Et comme les médecins d’autrefois, qui contractaient la peste bubonique ou le choléra, dans leur effort désespéré pour les combattre, ainsi tomba Hector Abad Gomez, victime de la pire épidémie, de la peste la plus mortelle qui puisse affecter une nation : le conflit armé entre différents groupes politiques, la délinquance tous azimuts, les explosions terroristes, les règlements de comptes entre mafieux et trafiquants de drogue.
A travers cet homme unique, Hector Abad retrouve les jours heureux de son enfance avec une douceur, une joie de vivre que les tragédies n’ont pas su entamer - Citation :
- La chronologie de l'enfance n'est pas faite de cette lignes mais de soubresauts. La mémoire est un miroir opaque et brisé, ou, pour mieux dire, elle est faite d'intemporels coquillages de souvenirs éparpillés sur une plage de vie. Je sais que maintes choses se sont produites pendant ces années-là, mais tenter de s'en souvenir est aussi désespérant que d'essayer de se rappeler un rêve, un rêve qui nous a laissé une impression, mais aucune image, une histoire sans histoire, vide, de celles dont il ne reste qu'un vague état d’âme. Les images sont perdues. Effacées les années, les paroles, les caresses, évanouis les jeux, et pourtant, soudain, en revoyant le passé, quelque chose s'éclaire à nouveau dans l'obscur région de l'oubli.
Il lance le défi de porter à la face du monde la mort de son père, de le sauver de l’oubli, ainsi que tous ceux qui partagèrent sa lutte et son destin Un coup de chapeau pour ce récit pathétique sans pathos, qui nous emmène au bout du monde et des hommes, portait magnifique d’un homme magnifique, défi à la cruauté et à l’oubli - Citation :
- Je compris que la seule vengeance, le seul souvenir, et aussi la seule possibilité d'oubli et de pardon, c'était de raconter ce qui s'était passé, et rien d'autre.
(...) J’use de sa même arme : les mots. Pourquoi ? Pour rien ; pour ce qui est le plus simple et le plus essentiel : pour que ça se sache. Pour allonger son souvenir un peu plus avant que ne vienne l'oubli définitif. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| | | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Ven 26 Juin 2015 - 18:51 | |
| - bix229 a écrit:
- Simon Leys recommandait cet auteur, et comme tu le conseilles aussi, je vais le commander !
Et il me fait bien envie aussi , je risque fort d'emboîter ton pas ! (en plus , il est en poche ) | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| | | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Sam 27 Juin 2015 - 16:42 | |
| - Citation :
- a voix du sang
Philippe LANÇON De notre envoyé spécial à Medellín
PORTRAIT Le chant d’amour d’Héctor Abad pour son père assassiné
"Un crêpe de tendresse flotte autour de Héctor Abad Faciolince. A 52 ans, il a la délicatesse d’un faon et la présence d’un petit ours. Il se dit «sans addiction, ni aux vices, ni aux femmes». Il a eu cinq sœurs, une fille et un fils, trois compagnes. L’une d’elles lui a fait perdre, par la science, «la foi en la littérature». Depuis, il a retrouvé «une foi tiède». Son livre la réchauffe. Sur le même sujet
Reportage Douze écrivains dans leur labyrinthe des Belles Etrangères Par Philippe Lançon Critique Roca et ses potes Par Philippe Lançon Portrait Foin de paradis Par Philippe Lançon Critique On achève bien les villageois Par Philippe Lançon
On dirait une solide peluche mélancolique, à la voix douce, presque féminine, endormie dans un nuage que crève le silence des mots. Une fois éveillée, ce qui frappe dans cette voix, c’est la précision. Mais d’où vient-elle ? On dit souvent qu’un écrivain est un homme qui se souvient de tout. «Moi, dit-il, je ne me souviens de rien. Mes sœurs, ma mère me rappellent tout ce qu’on a vécu, tous les détails, et puis j’écris.» Le résultat est dû, comme aurait dit Céline, à l’émotion : l’Oubli que nous serons, huitième livre d’un honnête romancier (dont les meilleurs romans, Ordure et Fragments d’amour furtif, ne sont pas traduits) ,est l’une des grandes œuvres autobiographiques de ces dernières années.
L’amour fou d’un fils pour son père («Je ressentais pour mon père la même chose que mes amis disaient éprouver pour leur mère») et réciproquement, l’histoire d’une famille marquée jusqu’à l’excès par le bonheur et par des morts tragiques, le récit de la naissance d’un écrivain, révèlent le destin d’un peuple, le peuple colombien, dans ses années les plus désespérées. Ce qui noue ici peu à peu le particulier au collectif, l’intime au politique, l’individu à l’Histoire et les lectures aux écrits, c’est comme toujours l’élévation par la forme : une chronologie subtile, faite de bonds en avant et de retours en arrière, d’inquiétudes et de répétitions, et qui fugue et qui tourne comme un cœur cloué sur l’axe d’une double douleur.
Elle fut provoquée par le cancer mortel d’une sœur de 16 ans, en 1972, puis par l’assassinat du père, en 1987, l’un et l’autre décrits, ou plutôt accompagnés comme en procession. Un grand livre de souvenirs est une cérémonie. On ne l’écrit pas pour se consoler, mais parce qu’il est impossible d’ajouter l’oubli, cette chose informe, à l’absence de consolation : «C’est l’un des paradoxes les plus tristes de ma vie : presque tout ce que j’ai écrit, je l’ai écrit pour quelqu’un qui ne peut pas me lire, et ce livre même n’est rien d’autre que la lettre adressée à une ombre.»
Il lui a fallu presque vingt ans pour l’écrire. Ces années ont été jalonnées par des voyages, des romans, des textes de genre indéterminé (dont Angosta et Traité culinaire à l’usage des femmes tristes, aux éditions Lattès), des articles et des poèmes autobiographiques publiés ici et là, des tentatives de mémoires avortées «car trop sentimentales, trop tristes. Je voulais une écriture plus contrôlée, coller aux faits».
Gaucho argentin. En Colombie, dans le monde hispanique, le livre a eu un grand succès. Ce succès a pour l’auteur un goût indélicat : «Le livre qui m’a le plus donné est l’histoire d’une tragédie intime. C’est gênant.» Depuis, des lecteurs lui envoient des livres où un écrivain évoque un parent : la Promesse de l’aube, de Romain Gary, la Gloire de mon père, de Marcel Pagnol. Lui avait lu le Livre de ma mère, d’Albert Cohen, «mais ça ne m’a pas plu, il force le trait». Les deux œuvres qui l’ont le plus inspiré sont les Mots de la tribu, de l’Italienne Natalia Ginzburg, et la Lettre au père, de Kafka, négatif de la sienne : Abad est saturé de gratitude envers le mort. Qui lui lisait le soir à haute voix Martin Fierro, poème épique du gaucho argentin, ou l’Automne du patriarche, de Gabríel Gárcia Marquez, quand les livres de celui-ci, considéré comme communiste, étaient interdits au collège.
Il habite un splendide appartement du quartier du Poblado, sur les hauteurs de Medellín, à un peu plus de 1 600 mètres. De la terrasse, on voit la vallée entière, ses grands arbres, la ville au fond. A l’intérieur, au bout du couloir, une photo géante de Borges, qui dispose d’une armoire presque entière. Le premier texte qu’il en ait lu est le Livre des sables. Borges ? «Il a donné une compréhension différente du monde. Ce n’est pas un talent de langue, son importance va beaucoup plus loin. C’est un génie comme il y en a un ou deux par siècle. Il est inimitable, beaucoup imité, et, quand on l’imite, c’est pour le caricaturer.»
Un sommet de la langue espagnole est, selon Abad, Juan de Mairena, l’un des pseudonymes d’Antonio Machado. Les auteurs qui l’ont le plus marqué ces dernières années sont Philip Roth, et surtout Coetzee : «Il y a une franchise, une force et une violente clarté dans tout ce qu’il raconte de lui, mais aussi, pour qui le lit, la certitude immédiate que sa vie restera toujours un secret. C’est impressionnant.»
Partout, chez lui, des bibliothèques. La première, quand on entre, contient les livres qui appartenaient à son père. Elle était ouverte à l’enfant. «Mon père, écrit-il, me proposait des antidotes domestiques à l’éducation scolaire», religieuse et archaïque. Ces antidotes se nommaient Voltaire, Diderot, Nietzsche, Schopenhauer, Huxley, «la clarté rafraîchissante du grand Bertrand Russell, qui était l’idole philosophique de mon père, et mon libérateur mental». Une biographie de Russell traîne sur la table de la salle à manger : Abad vient de rencontrer sa fille pour le quotidien el Espectador, où il tient chronique. Il vient aussi d’écrire un long entretien avec Ingrid Betancourt, dont il aime le livre et qu’il sait détestée par la plupart des Colombiens, «puisqu’elle ne renonce pas à se présenter aussi comme française. Mais sans elle on n’aurait jamais parlé des autres séquestrés. La rejeter est une marque de nationalisme idiot».
«Sicaires». Le 25 août 1987 au soir, Héctor Abad Gómez, médecin social et jovial de 65 ans, professeur d’université et personnalité humaniste de la ville, est tué par balles sur un trottoir par ce qu’on appelle ici des «sicaires», des tueurs de quartier, casqués et à moto, alors qu’il se rendait à une réunion politique. Ils ont probablement été payés par des militaires ou des paramilitaires. Comme souvent en Colombie, jamais on ne les identifiera. Un poète de Medellín, Gustavo Adolfo Garcés, a résumé ces années-là : «L’antenne qui porte/ les nouvelles de la guerre/ est couverte d’oiseaux.»
De plus en plus engagé à gauche, Héctor Abad Gómez condamnait publiquement, en citant les noms, la violence, l’âpreté et l’indifférence sociale qui marquaient la société, en particulier dans cette sublime région d’Antioquia. Il avait du mal à ne plus croire en la révolution cubaine, lisait Marx pour savoir pourquoi on l’accusait d’être marxiste. Son fils le décrit comme «idéologiquement hybride» : «chrétien en religion, pour la figure aimable de Jésus et son inclination évidente envers les plus faibles ; marxiste en économie, parce qu’il détestait l’exploitation économique et les abus infâmes des capitalistes ; et libéral en politique, parce qu’il ne supportait pas le manque de liberté.» Un tel homme, dans cette région alors dépecée par les narcotrafiquants, les propriétaires terriens, l’armée et la guérilla, et dominée par un clergé néofranquiste, ne pouvait être perçu que comme un scandale et, venant de la classe privilégiée, un traître. Un notable local, prestigieux collègue d’université, dit un jour devant lui et sa femme avec tranquillité : «Je ne serai pas tranquille tant que je n’aurai pas vu Héctor pendu à un arbre de l’université d’Antioquia.» Mais la gentillesse infatigable et désordonnée d’Héctor Abad Gómez, son enthousiasme un peu naïf sont tels qu’il pense, ou veut penser, que ce genre de sort lui sera épargné.
Son fils le voit vivant pour la dernière fois à 17 h 15. Il a 28 ans, une femme, un enfant. Il n’a encore publié aucun livre. Il vient de rentrer d’Italie, cherche du travail. On lui a fait comprendre qu’il n’aurait pas de poste à l’université. Dépendre de l’argent de ce père qu’il aime plus que tout, trop peut-être, lui pèse. Celui-ci lui dit : «Sois tranquille, mon chéri, tu verras qu’un jour ce seront eux qui feront appel à toi.» Ce sont les dernières paroles que le fils entendra. Il arrive sur les lieux quelques minutes après l’assassinat. Dans une poche de la veste ensanglantée du père, il trouve, recopié par lui, un poème inconnu attribué à Borges. Premier vers : «Nous voilà devenus l’oubli que nous serons.» C’était le premier titre, que l’écrivain Laura Restrepo lui conseilla de raccourcir. Entre-temps, il a perdu le papier.
Fuite en Italie. Les six mois qui suivent l’assassinat sont un tourbillon menaçant, hystérique. Une sœur devient folle. Le fils ne cesse d’intervenir en public pour dénoncer l’assassinat, l’état du pays. Le 24 décembre 1987, menacé de mort à son tour, il fuit en Italie. Il vient d’y passer cinq ans avec sa première femme, à Turin, choisie presque au hasard sur la carte. C’est là-bas qu’il a fait ses universités, une thèse «structuraliste incompréhensible sur Guillermo Cabrera Infante, très influencée par la narratologie de Genette», traduit des nouvelles de Lampedusa, de Calvino, lu Queneau dans la traduction d’Umberto Eco et Candide dans celle de Natalia Ginzburg.
Il y vivait quand Primo Levi, «le maître du roman de non-fiction», s’est suicidé : accablement en lisant la nouvelle dans la Stampa. Il aimerait toujours traduire Sciascia, car, pour lui, «les grands romanciers italiens du XXe siècle sont tous siciliens. Et les antioqueniens [de la région de Medellín, ndlr] sont un mélange de Siciliens et de Milanais, avec les puanteurs de la mafia et de l’industrie». Il est revenu vivre sur la terre où on a tué son père. Et il a achevé son livre, seul, dans la finca familiale de la Inès, à trois heures de Medellín. Elle est au cœur de l’Oubli que nous serons.
Une rançon et une rente. Il faut passer la vallée splendide et tropicale du Titiribi, des villages nommés Marseille ou Versailles, longer la rivière Cauca. A main droite, une grande montagne où vivent encore quelques guérilleros, «qui descendent de temps en temps pour faire une pêche miraculeuse». Héctor Abad n’a jamais cru dans les Farc. Dans la famille, un beau-frère a été séquestré deux fois. Il a fallu payer une rançon, puis une rente pendant les deux ans suivant la libération : il est ruiné. «Ma famille a eu la chance douloureuse de subir les deux violences, également insupportables», résume l’écrivain, ça l’a guéri de tout rêve alternatif violent mais aussi de toute rancœur. Dans l’Oubli que nous serons, seul un archevêque est implicitement traité de fils de pute.
Plants de café. Grâce à l’argent rapporté par le livre, la famille refait la maison. La sœur aînée y campe en permanence, ces jours-ci, pour surveiller la fin des travaux. On arrive par une piste. C’est une demeure simple et sublime, située à 800 mètres, dont les terrasses ouvrent sur des pentes couvertes d’orangers, face à deux gros monticules appelés «les Falaises». L’espace central, ouvert de part et d’autre, est tapissé de photos du mort, de textes de lui et sur lui. Plus haut, après les plants de café, il y a un lac. Un poète du groupe nadaiste, équivalent colombien des surréalistes dans les années 60, s’y est noyé après avoir trop bu. On ignore s’il s’est suicidé. Plus tard, un poète de Medellín, José Manuel Arango, a écrit : «Ceux qui ont pour emploi de laver les rues/ (ils se lèvent tôt, Dieu les aide), trouvent entre les pierres, un jour ou l’autre, des ruisseaux de sang/ Et les nettoient : c’est leur emploi/ Vite/ que les premiers passants n’y marchent pas.»
«Cœur cuirassé». La maison familiale du quartier Laureles, à Medellín, a en revanche été remplacée par un immeuble : en Colombie, la forme d’une ville change beaucoup plus vite que la forme d’un mortel, même s’il meurt vite. Non loin, Héctor Abad est toujours l’un des membres fondateurs de la libraire Palinure, où l’on trouve des livres d’occasion. La mémoire des livres rejoint toujours celle du cœur. Il a ainsi publié, dans el Espectador puis dans un livre, Trahisons de la mémoire, un formidable appendice à son autobiographie familiale. Il raconte sa recherche de l’origine du poème de Borges, dont la paternité fut mise en cause par un poète colombien, qui prétend l’avoir écrit. Abad mène l’enquête de France en Argentine. Le résultat est un modèle (non reproductible) d’archéologie littéraire et affective. Il s’achève par ces mots : «Je suis un oublieux, un distrait, parfois un indolent. Cependant, je peux dire qu’en n’oubliant pas cette ombre, mon père - arrachée à la vie dans la rue Argentina de Medellín - il m’est arrivé une chose extraordinaire : cet après-midi là, son cœur n’était cuirassé que par un fragile papier, un poème qui n’a pas empêché sa mort. Mais il est beau que quelques lettres tachées par les derniers fils de sa vie aient sauvé, sans le vouloir, et pour le monde, un sonnet oublié de Borges sur l’oubli.»
Philippe LANÇON De notre envoyé spécial à Medellín liberation.frUn bel article, je trouve et qui complète ce que nous apprend le livre. B | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Dim 26 Juil 2015 - 18:08 | |
| J'ai relu L'oubli où nous serons, et j'ai nouveau adoré ce devoir de mémoire, cet hommage au père, tout en douceur et courage. Ce petit garçon qui croit en l'amour pour mieu sdécouvrir l'horreur.
Et je trouve dommage que ce livre fort et attachant ne soit pas plus lu... | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Dim 26 Juil 2015 - 18:14 | |
| - topocl a écrit:
- J'ai relu L'oubli où nous serons, et j'ai nouveau adoré ce devoir de mémoire, cet hommage au père, tout en douceur et courage. Ce petit garçon qui croit en l'amour pour mieu sdécouvrir l'horreur.
Et je trouve dommage que ce livre fort et attachant ne soit pas plus lu... Merci de l'avoir remis en lumière. Je prends note. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Dim 26 Juil 2015 - 18:17 | |
| - GrandGousierGuerin a écrit:
- topocl a écrit:
- J'ai relu L'oubli où nous serons, et j'ai nouveau adoré ce devoir de mémoire, cet hommage au père, tout en douceur et courage. Ce petit garçon qui croit en l'amour pour mieu sdécouvrir l'horreur.
Et je trouve dommage que ce livre fort et attachant ne soit pas plus lu... Merci de l'avoir remis en lumière. Je prends note.
C'est pas tout de noter. Il faut lire! | |
| | | Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Mer 4 Mai 2016 - 23:45 | |
| La Secrète
La Secrète est une propriété familiale au coeur des montagnes d'Antioquia : Pilar, Eva et Antonio composent une fratrie se confrontant à un avenir incertain à la mort de leur mère. Leur lien à cette ferme isolée est à la fois essentiel et destructeur, tant ce lieu est marqué par l'histoire contemporaine de la Colombie, sa violence et ses traumatismes.
Hector Abad choisit d'élaborer une narration à trois voix, et parvient à trouver une remarquable unité alors que les personnalités révèlent pourtant très vite leurs contrastes, leurs différences. Antonio est marqué par un passé et une histoire collective, Eva s'empare de l'intensité d'un présent avec sa fièvre et ses déceptions alors que Pilar incarne un recul et une forme de sérénité....leur attachement bouleversant, tumultueux à leur terre natale est cependant un mémorable fil conducteur, et les choix de vie introduisent inexorablement la sensation d'un déchirement, d'un abandon. Mais bien au-delà des regrets et d'une colère, Hector Abad esquisse un hommage poignant à un pays longtemps au bord d'un précipice, devant se réinventer et se reconstruire. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Jeu 5 Mai 2016 - 3:37 | |
| Ca donne vraiment envie ! Noté ! |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Jeu 5 Mai 2016 - 7:47 | |
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| | | Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
| Sujet: Re: Héctor Abad [Colombie] Jeu 5 Mai 2016 - 23:59 | |
| C'est vraiment un écrivain à découvrir. Pour faire le lien avec L'oubli que nous serons, l'ouvrage évoqué par topocl, Abad a également publié tout récemment un nouveau texte sur son histoire personnelle (et sa relation son père) : Trahisons de la mémoire. | |
| | | Contenu sponsorisé
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| | | | Héctor Abad [Colombie] | |
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