Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Fernando Vallejo [Colombie]

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shanidar
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shanidar


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MessageSujet: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptyVen 3 Oct 2014 - 16:00

Fernando Vallejo [Colombie] Vallej10

Fernando Vallejo est né en 1942 en Colombie. Il possède aujourd'hui un passeport mexicain et quand on lui demande s'il se sent plutôt écrivain colombien ou écrivain mexicain, il répond : "Ni colombien, ni mexicain, ni écrivain. Je suis un chaos. " Cela donne une image assez juste je pense de ce grammairien hors norme, fils de ministre, homosexuel et jeteur d'anathèmes.

Car cet homme n'aime rien ni personne en dehors des animaux auxquels il offre systématiquement l'argent qu'il gagne grâce aux prix qu'il reçoit, en effet l'argent file illico dans les caisses d'associations qui s'occupent de corniauds !

Et quand lors d'une interview on lui demande si la misanthropie de ses narrateurs ne masque pas une grande tendresse, il rétorque : "Nous ne disons rien, que le lecteur décide".

Alors décidons !

(tiré d'une interview parue dans Le Matricule des anges n°135 de 2012)

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shanidar
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptyVen 3 Oct 2014 - 16:15

Fernando Vallejo [Colombie] Valler10 La Vierge des tueurs

A la lecture de ce livre de Vallejo, j'ai pensé au cri monstrueux poussé par la mère du poëte dans Les Fleurs du Mal de Baudelaire :

Ah ! Que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères, plutôt que de nourrir cette dérision ! Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères  où mon ventre a conçu mon expiation !

C'est au même genre de diatribe, violente, rancunière, malhonnête que nous convie Vallejo à travers les mots d'un narrateur miroir de l'auteur lui-même, spécialiste de grammaire et malmenant le langage, aimant la Colombie tout en la conspuant, haïssant les pauvres tout en les recueillant. On parlera facilement de portrait au vitriol d'un pays confronté aux gangs, à la violence permanente, à la peur viscérale. Se promener dans les rues de Medellin devient une véritable aventure macabre ou un geste christique. Ne pas renoncer à la vie, aller boire un café, se promener dans un parc, entrer dans une église, relève de la folie pure ou de l'inconscience totale tant la Mort pullule. Les sicaires qui en sont le bras armé servent au narrateur à tuer tout ce qu'il déteste : chauffeur de taxi trop bruyant, serveuse de cafeteria désagréable, voisin punk dont la musique l'insupporte (notre narrateur est très sensible aux bruits, aux sons, aux mots de la langue, celle de l'argot comme celle des balles qui sifflent et se plantent en plein front).


Cette insolence de la langue, cette violence des mots, ce roadmovie crépusculaire, vaniteux et morbide, suffit-il à réinventer le roman latino (comme semble vouloir le dire la postface de Michel Bibard) ? Ce serait sans doute trop. L'éructation, quoique fort maîtrisée, souvent jubilatoire (car tout y passe, les gouvernants, les pauvres, les femmes, les enfants, les chauffeurs de taxi, les prêtres, les sociologues, la statuaire, la Colombie, le foot et Dieu !), finit par retomber d'elle-même, dans l'absence d'ouverture, de ligne de fuite si ce n'est d'horizon. Le livre est suffisamment court pour ne pas être redondant mais l'effort du cri blasphématoire poussé par le poète finit par perdre tout écho et s'affaisse de lui-même dans la négation de toute rédemption...

Cependant il est fort possible d'éprouver une sorte de plaisir à ces éructations qui ne manquent ni d'éloquence, ni d'humour et font penser à la voix d'un ogre irascible et torturé, amoureux d'une jeunesse dont il est séparé par l'âge comme par la culture.

Mais je vous laisse en compagnie de Fernando :

Citation :
Les fondateurs, c'est bien connu, étaient des paysans : d'humbles petites gens qui venaient de leur campagne avec leurs coutumes, comme celles de réciter le rosaire, boire de l'eau-de-vie, voler leurs voisins et s'entre-tuer avec leur prochain à coups de machette pour des broutilles. Que pouvait-il sortir d'une telle splendeur humaine ? Mieux. Mieux, encore mieux, toujours mieux. Et ils ont continué à s'entre-tuer pour des broutilles : après la machette au couteau et après le couteau au revolver, et à l'heure où j'écris ils en sont à la mini-Uzi. Les armes à feu ont proliféré et je dis que c'est un progrès, parce qu'il vaut mieux mourir d'une balle dans le cœur que d'un coup de machette sur la tête. Ce petit problème a-t-il une solution ? Ma réponse est un oui aussi catégorique qu'une balle : le poteau. Autrement ce serait chercher la quadrature du cercle. Une vengeance en amène une autre, une mort une autre mort, et après la mort viennent les inspecteurs de police pour les formalités de levée du corps. Mais je m'exprime mal, pas les inspecteurs : d'après la nouvelle Constitution, ce sont désormais les fonctionnaires de la Justice qui en sont chargés. Et ceux-ci, sans l'expérience séculaire de ceux-là, écrasés sous l'avalanche de cadavres, ne pouvant y suffire, ont éliminé la paperasserie et la cérémonie elle-même et l'ont laissée aux charognards. Comment remplir, en effet, vingt feuilles de papier timbré pour décrire la manière dont a été abattu le polichinelle, si personne n'a rien vu bien que tous aient tout vu ? Pour cela il faut de l'imagination et les fonctionnaires d'aujourd'hui n'en ont pas, sauf pour voler et placer l'argent en Suisse. Acte juridique transcendantal, office des morts, cérémonie des ténèbres, la levée du corps, las, ne s'accomplira plus. Une institution tellement appréciée, tellemement colombienne, tellement de chez nous… Jamais plus. Le temps emporte les coutumes avec le reste. Ainsi, de changement en changement, pas après pas, les sociétés vont perdant leur cohésion, leur identité, et ne sont plus qu'un patchwork aux morceaux mal cousus.

ou encore :

Citation :
Mes concitoyens sont affectés d'une vilenie congénitale. C'est une race envieuse, vaniteuse, venimeuse, insincère, malfaisante, malhonnête : le fléau humain dans sa pire bassesse. La solution pour en finir avec la jeunesse délinquante ? Exterminez les enfants.

En revanche je continue à me demander ce que l'expression : Christ tombé que l'on trouve plusieurs fois dans le texte, notre héros aimant à visiter toutes les églises de Medellin (en particulier celle dans laquelle une Vierge fait des miracles en direction des jeunes sicaires) peut bien vouloir dire ? Descendu de la croix ? Ou tombé lors de sa montée au Golgotha ? Je ne sais pas ce que cette étrange traduction peut bien signifier...
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptyVen 3 Oct 2014 - 18:07

ma médiathèque possède le scénario du film tiré de ce livre

et "le feu secret" que je tenterais peut-être un de ces jours

ce fut tout de même un lecture intéressante, non ?
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Marko
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptyVen 3 Oct 2014 - 18:21

Un ogre qui finit lui-même par se faire dévorer dans mon souvenir, non ?
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shanidar
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptySam 4 Oct 2014 - 19:16

@ Bédou : non pas une lecture déplaisante même si j'en avais espéré un peu plus. Je vais sans doute lire Et nous irons tous en enfer qui se trouve à la médiathèque;

@ Marko : la fin est assez ouverte, de mon côté j'ai compris que le narrateur choisissait de quitter la Colombie et ses jeunes âmes perdues, mais le film a peut-être une fin différente ?
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptySam 4 Oct 2014 - 19:38

Je ne me souviens plus. Dans le film il était moins ogre. Il y avait de la douceur. Il faudrait que je le revoie.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Fernando Vallejo [Colombie]   Fernando Vallejo [Colombie] EmptyLun 6 Oct 2014 - 15:34

C'est sans doute que pour moi les ogres sont des êtres victimes de leurs instincts plus que des monstres...
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