Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Sylvie Germain

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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 4 Mar 2009 - 10:10

Invité a écrit:
L'écriture de Sylvie Germain est délicate, poétique et d'une grande force évocatrice lorsqu'elle décrit les petits gestes du quotidien, les sentiments humains dans leur fragilité. Mais pour moi cela se gâte lorsqu'elle évoque le côté mystique, qui à partir du chapitre Sarra devient de plus en plus lourd, voire grandiloquent. Le terme ne convient certes pas au style, mais à l'impression que j'en ai eu. Un sentiment de "trop", la musique Germain tout à coup sonnait faux. [...]
Je lui donnerai une autre chance, avec Jours de colère.
Tu vas sans doute trouver un peu de ce trop plein dans ce roman aussi alors, Armor!
Personnellement je l'ai adoré. Et pourtant j'étais un peu restée dubitative suite à la fin de Magnus qui m'avait légèrement déçue.
Parfois elle s'emporte un peu, c'est clair, mais l'ensemble de Jours de colère est vraiment une envolée magnifique dans un monde imaginaire où cependant l'humain est toujours décrit avec force.

Hâte de connaître tes impressions lorsque tu l'auras lu...
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Marko
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 4 Mar 2009 - 12:14

Invité a écrit:

Sylvie Germain hésite constamment entre une chronique douce amère de la nature humaine et le mythe religieux ; entre la finesse d'une analyse des sentiments d'une vie humaine et les contraintes d'une légende déjà écrite et forcément caricaturale. Sans parvenir à choisir. Mon intérêt s'y est perdu.

C'est justement ce qui me plait chez elle, cette fusion entre le conte, la fable ou la légende et le sentiment, l'émotion, la psychologie. Pourquoi transposer un mythe serait "forcément caricatural"?
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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 4 Mar 2009 - 12:38

Invité a écrit:
Je lui donnerai une autre chance, avec Jours de colère.

Bonne idée!... content

Marko a écrit:
C'est justement ce qui me plait chez elle, cette fusion entre le conte, la fable ou la légende et le sentiment, l'émotion, la psychologie.

Sans vouloir insister (parce que je comprends vraiment toutes les réticences que l'on peut avoir à la lecture de Sylvie Germain, sauf que je conseillerais de  lire plusieurs de ses ouvrages pour la connaître bien), j'ai les mêmes raisons que Marko d'aimer tout particulièrement cette auteure, dont on peut s'accorder je crois à dire en plus que son style est remarquable, éminemment poétique et pourtant facile d'accès.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyJeu 9 Avr 2009 - 21:31

Dès que je trouve le courage je refais mon post sur l'enfant méduse que j'ai effacé par accident. colere conciliabule Il faudrait une commande pour bloquer le post avant de l'envoyer... (Bon ok il y a aussi la tactique word... )

Mais au moins dire que ce livre est FA BU LEUX!!!!!!! Du début à la fin! J'ai rarement lu un dénouement aussi beau. Je retenais ma lecture pour ne pas l'achever trop vite. J'y reviens...
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyJeu 9 Avr 2009 - 21:47

Marko a écrit:
(Bon ok il y a aussi la tactique word... )
c'est vraiment la bonne alternative.. et cela empêche le malheur de voir envoler un message - surtout un commentaire sur livre/film Wink
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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyJeu 9 Avr 2009 - 23:30

Marko a écrit:
Dès que je trouve le courage je refais mon post sur l'enfant méduse que j'ai effacé par accident. colere conciliabule Il faudrait une commande pour bloquer le post avant de l'envoyer... (Bon ok il y a aussi la tactique word... )

Mais au moins dire que ce livre est FA BU LEUX!!!!!!! Du début à la fin! J'ai rarement lu un dénouement aussi beau. Je retenais ma lecture pour ne pas l'achever trop vite. J'y reviens...

Promis, hein?.. content
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 17:00

L'enfant méduse

Sylvie Germain - Page 7 220px-10

Je continue l’exploration du monde de Sylvie Germain et je dois dire que non seulement je ne suis pas déçu mais que le drame vécu et le regard de cet « enfant méduse » m’ont très fortement marqué. C’est un texte vraiment intense qui se lit comme un conte fantastique sous la forme d’un poème en prose. Chaque chapitre est d’ailleurs précédé d’une « enluminure », d’un «fusain » ou autre « sanguine » qui évoquent les ouvertures de chapitres des « Vagues » de Virginia Woolf, qui est une des références assumées du livre, par l’évocation de la nature et des éléments qui accompagnent la psychologie de chaque personnage. L’éclipse symbolique inaugurale répondant à l’orage final (scène sublime) et à la révélation du tableau de Taddeo Gaddi.

Le récit est celui de l’affrontement entre une petite fille et un « ogre », son demi-frère incestueux. Comme l’Eurydice de la mythologie, Lucie est stigmatisée par l’ogre (équivalent de la morsure du serpent) et entreprend une descente aux enfers. La souffrance du traumatisme générant chez elle une véritable métamorphose qui lui donne la colère et le pouvoir de Méduse. Son ami Lou-Fé (Orphée) n’aura pas le rôle fatal qui lui est attribué par la légende et Sylvie Germain détourne le mythe pour donner peut-être à Lucie une chance de sortir des enfers dans un cheminement qui est une des plus belles pages de littérature que j’aie pu lire sur la résilience.

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En parallèle elle décrit des personnages solitaires qui se débattent avec le souvenir, le deuil, le manque d’amour. La mère de Lucie, Aloïse, se réfugie dans l’imaginaire en imitant « Peter Ibbetson » de Georges du Maurier, pour tenter vainement de retrouver son amour perdu. Son second mari mal aimé, Hyancinthe, entre en contact avec des inconnus par l’intermédiaire d’une radio-amateur. L'ogre lui-même est un personnage opaque et fascinant.

Ce qui fait la force de ce roman c’est sa puissance poétique, sa richesse psychologique et son sens du détail avec une recherche et une invention de langage éblouissantes. La construction m’a paru sans faille et les séquences finales sont d’une force et d’une émotion qui me donnaient envie de retenir les lignes qui défilaient pour ne pas finir trop vite.

Lisez ce livre, on en ressort transformé. Car il fait partie de ces œuvres, comme chez Bosco, qui relèvent de la magie.

Quelques extraits :

Le deuil d'Aloïse :

Citation :
La lumière, fût-elle poudreuse et blême comme celle que répand la neige dans sa chute, n'atteint pas le miroir. Aucune lumière, aucun reflet, aucune image n'y pénètre. La conspiration des objets est absolue : plus rien, plus personne, n'a le droit de les approcher. Ils se sont déclarés intouchables, tous.
Mais ce ne sont pas seulement les objets qui conspirent ainsi, c'est le lieu même. C'est la chambre, murs, plafond et parquet, c'est aussi le salon à côté, et le potager dehors, et les chambres à l'étage. C'est la maison entière, c'est toute la rue c'est le bourg. C'est le monde, c'est la vie.
La vie n'est plus la vie, elle s'est inféodée à la mort. Toutes les couleurs se sont fondues, résorbées dans le noir du deuil ; chaque mouvement, chaque geste fait mal, et parler plus encore, et regarder est pire. Car que faire désormais qui ne soit pas fadeur et vanité ? Et où aller, quand l'absence hante chaque lieu ? Et que dire qui ne soit pas parole creuse, très en dessous des cris, des larmes, et surtout du silence ? Et où poser son regard quand une unique image l'obsède ? Image d'un corps, d'un visage, qui ne sont plus au monde. Et même, que penser, comment penser ? La douleur ne sait pas réfléchir, elle envahit de ronces la pensée, elle pétrifie en désolante statue de sel chaque souvenir qui ose un instant refaire surface à la conscience. La douleur est idiote, de façon implacable. C'est un tyran qui bafoue la raison, qui humilie l'intelligence, aussi grande puisse-t-elle être.



L’orage et l’espoir de Lucie : (si vous ne devez pas lire L’enfant méduse, lisez au moins ce passage…sinon évitez le pour le découvrir intact)

Citation :
Lucie, accroupie sur ses talons, le menton posé sur les genoux, scrute les brumes, soir après soir. Elle attend. Elle attend que sa joie surgisse d'entre les vapeurs mauves et gris ardoise, d'entre les joncs roussis, d'entre les branches nues des arbres. Jour après jour, soir après soir, elle attend. Elle appelle, elle incante la joie. Mais la joie ne vient pas.
La terre, qu'elle soit des bêtes, des vivants ou des morts, lui refuse la joie.
Aussi, quand le ciel a tremblé, que le vent s'est élancé sombre et sifflant sur les landes et tournoyant au creux des étangs vides, quand la terre a mugi et que la foudre a cascadé à grand fracas à travers les ténèbres amoncelées, Lucie, une fois la peur passée, a cru être enfin parvenue au bout de son attente. Le coeur battant, en lequel résonnaient les clameurs de l'orage, elle a tendu son visage vers l'horizon troué de gouffres violacés, vers les éclairs aveuglants qui dégringolaient dans ces gouffres. Et le goût violent de la joie lui est revenu, ses yeux éblouis se sont rouverts en grand, retrouvant leur regard de colère. Le ciel, le ciel en son entier se faisait regard et gueule de Méduse.
Enfin le temps venait d'échoir pour annoncer au monde la nouvelle magnifique qu'elle n'avait pu encore que murmurer d'un ton chagrin et solennel.
« L'ogre est mort, vraiment mort, et c'est moi, c'est moi seule, Lucie, qui l'ai tué ! Entendez-vous ?»

Le ciel entendait ce que la terre avait refusé d'entendre. Le ciel craquait de toutes parts et par ses brèches flamboyantes la joie allait faire son entrée triomphale. Comme autrefois lorsqu'elle fabulait en voyant les pylônes électriques, ces majestueux géants aux bras levés brandissant leurs fouets capables de cingler même la lune, et qu'elle les imaginait se mettant en marche cadencée tout en poussant des cris syncopés, Lucie se mit à espérer une transfiguration du visible.
Mais cette fois-ci elle n'a pas tant fabulé qu'elle n'a réellement cru. Quand le troisième éclair en fourche a empalé la terre, Lucie n'a plus douté que la terre allait être soulevée, projetée dans l'immensité du ciel, que d'impossibles choses allaient très naturellement avoir lieu, - et que la preuve de l'innocence de sa joie allait être proclamée avec un prodigieux éclat. Non, elle n'a plus douté. Elle avait tant besoin de preuves, de certitude.
Elle avait tant besoin de joie, de joie où noyer ses frayeurs, ses dégoûts et ses doutes, de joie où engloutir a tout jamais le corps de l'ogre demeuré si encombrant, si obsédant, jusqu'après la mort. Oui, elle avait faim de joie, faim d'oubli et d'innocence retrouvée. Elle voulait reconquérir son enfance.
Et l'éclair qui par trois fois claqua, jusqu'à s'ouvrir en arc-de-triomphe luminescent, semblait lui promettre ce retour glorieux de la joie.
Mais alors qu'elle était sur le point de saisir en plein vol cette très haute et pure joie pour ne plus la lâcher, un quatrième éclair a paru, décalé au bout de l'horizon ; sa lueur était plus pâle que les premières et son écho plus faible. Un éclair mince comme une fêlure, et de troublante résonance. Un éclair adouci, contresignant la superbe des précédents, et annulant leur somptueuse violence. À sa clarté fugace la terre soudain s'est apaisée, le vent est retombé, et l'horizon a lui comme un visage visité par un songe.
Un songe de tendresse.

C'est en cette seconde qu'une pensée affolée a transpercé l'esprit de Lucie, qu'une question insensée s'est arrachée de son coeur :- savoir si son frère, à l'instant de mourir, avait pensé à elle, savoir si Ferdinand avait murmuré son nom, l'avait appelée, elle, la petite, dans son ultime souffle. Savoir enfin, surtout, s'il l'avait aimée. Savoir.
Et toute réponse à jamais interdite. Alors la pensée folle a dévasté l'esprit de Lucie, la question dévorante lui a noué les entrailles, et Lucie s'est abattue contre le sol en sanglotant.

L'orage là-bas emporte dans les plis violacés de ses vents le regard d'une enfant qui fut longtemps hallucinée par la haine et l'effroi, la pluie ruisselle sur le masque de Méduse que l'éclair le plus frêle vient de faire choir du coeur de cette enfant.
Lucie pleure, le front contre la terre. Le sens des larmes, après trois ans, lui est soudain rendu. Mais le goût de la joie lui demeure confisqué.
Et pendant très longtemps Lucie restera étrangère à la joie ; une exilée parmi les hommes qui tous, par avance, sont entachés du signe de l'ogre.

Enfin le superbe récit d’un des correspondants radio-amateur de Hyacinthe qui pourrait être le portrait de ce qu’un « parfumé » peut apporter à un autre « parfumé » :

Citation :
Il y avait eu, pendant quelques années, un homme du bout du monde. C'était lui qui se proclamait tel. Il s'annonçait chaque fois en disant: « Je vous parle du bout du monde. » Il résidait en terre de Baffin. Il était fou de poésie. Et même, légèrement fou tout court. Fou d'isolement, d'hiver sans fin, d'étendues blanches et glacées. D'ennui. Une folie chassait l'autre, aggravait l'autre ou l'apaisait, selon. Il ne discutait guère, il préférait déclamer des vers de ses poètes favoris, Shelley, Wordsworth, Keats, et surtout Shakespeare dont il psalmodiait les Sonnets d'une voix assourdie d'émotion comme si les élans de désir, d'admiration, de jalousie, de jouissance, de colère, de tendresse ou de supplication qui tour à tour soulevaient ces vers, assaillaient sa voix de récitant.
II lui était arrivé parfois de quitter ses cimes poétiques pour réciter un peu de prose, celle d'un seul livre. Mais ce livre était d'une prose si admirablement cadencée qu'il était long et mélodieux récitatif. Il s'agissait du roman Les Vagues, de Virginia Woolf.
Hyacinthe avait été troublé chaque fois par la douceur de ton avec laquelle l'homme du bout du monde prononçait le titre de l'ouvrage et le nom de l'auteur ; sa voix prenait alors des inflexions d'enfant qui soupire en rêvant. Soupir de volupté fragile et de mélancolie. Depuis lors The Waves of Virginia Woolf évoquaient pour Hyacinthe un scintillement d'écume et de cristal, un infini murmure de lumière blanchoyante, et cette géographie mi-océane mi-lumineuse se confondait en son esprit avec celle de la mer et de la terre de Baffin. Géographie du bout du monde, géographie du coeur du monde. Celle de l'âme égarée de Hyacinthe.
« Quand le flot se retirait, il laissait derrière soi des flaques sur le rivage, avec parfois un poisson frétillant, abandonné'. »
Géographie devenue muette. Un jour, sans crier gare, l'homme du bout du monde avait cessé d'émettre. Peut-être avait-il enfin quitté l'immense île polaire où il n'avait séjourné que pour raisons professionnelles, et, sauvé de la folie dont le menaçait l'ennui, il avait du même coup perdu sa folie des mélodieuses incantations. II avait dû rentrer dans son pays, parmi les siens, et retrouver la chaleur de sa langue. Il s'était replongé dans la familière houle des vivants. Alors le désir lancinant de broder le silence de mots émerveillants s'était éteint en lui.

Géographie soluble et renaissante ; l'île immergée dans l'oubli ne cessait de réaffleurer au ras des eaux, au gré du temps. Et ces eaux étaient peuplées de sirènes aux voix enchanteresses qui tantôt psalmodiaient l'amour couleur pourpre, teinté d'or et de jais des Sonnets de Shakespeare, et tantôt dévidaient le long écheveau argenté des Vagues de Virginia Woolf. La terre de Baffin était en chuchotante dérive dans les rêveries de Hyacinthe.
L'homme du bout du monde avait sans le savoir légué ses mots à Hyacinthe, homme lui-même reclus dans un îlot du monde. Tous ces mots où culminait la beauté de « la langue des lointains » se ressassaient sans fin dans sa mémoire. Mais jamais il ne prononçait à voix haute ces mots connus par coeur. Tout au plus les murmurait-il, parfois, les lèvres presque closes, comme quelqu'un qui chantonne tout bas l'air d'une romance pour bercer sa peine, pour retenir ses larmes. Les vers les plus admirés de Hyacinthe, les phrases les plus aimées, venaient mourir contre ses lèvres, expiraient dans un souffle, puis se retiraient à nouveau vers son coeur avec un tremblement d'écume.
« Chaque vague se soulevait en s'approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d'écume blanche. »
Et par là même Hyacinthe effleurait au plus près la source profonde de ces textes, - source enfouie au plus obscur, au plus brûlant de la chair amoureuse, du corps jaloux et désirant, ou source discrètement ruisselante, à fleur des sens tendus dans la contemplation du monde et accordés à l'écoulement du temps. Les mots de ces textes avaient mûri dans le secret ; dans le secret d'un corps aimant, d'un coeur épris et tournoyant entre la lumineuse beauté de l'Ami et les sombres charmes de l'Amante ; dans le secret d'un corps diaphane, évanescent, d'un coeur inquiet toujours en quête de présence dans la fugacité même des choses et de la vie. Les mots de ces textes, marqués par le secret, par la pudeur, étaient voués au chuchotement. Confidences intérieures.

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L'annonciation aux bergers de Taddeo Gaddi
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 17:07

Marko a écrit:
L'enfant méduse

Ce qui fait la force de ce roman c’est sa puissance poétique, sa richesse psychologique et son sens du détail avec une richesse et une invention de langage éblouissantes. La construction m’a paru sans faille et les séquences finales sont d’une force et d’une émotion qui me donnaient envie de retenir les lignes qui défilaient pour ne pas finir trop vite.

Lisez ce livre, on en ressort transformé. Car il fait partie de ces œuvres, comme chez Bosco, qui relèvent de la magie.


cheers
Ca valait le coup d'attendre!...
Quel beau commentaire de ce roman que je place parmi les grandes lectures que j'ai pu faire...
Merci Marko!...En espérant que ces mots puissent susciter chez les Parfumés des désirs de découverte, ou de retrouvailles avec Sylvie Germain. content
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Eve Lyne
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 17:17

coline a écrit:

Merci Marko!...En espérant que ces mots puissent susciter chez les Parfumés des désirs de découverte, ou de retrouvailles avec Sylvie Germain. content

J'ai Chanson des mal aimants dans ma PAL depuis un moment. J'aime cette auteure, seulement les Parfumés mentionnent tellement d'autres auteurs que je ne connais pas qu'il va me falloir trouver du temps.
Ceci dit le commentaire de Marko, et surtout les images, me séduisent. Very Happy
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 17:23

Eve Lyne a écrit:
coline a écrit:

Merci Marko!...En espérant que ces mots puissent susciter chez les Parfumés des désirs de découverte, ou de retrouvailles avec Sylvie Germain. content

J'ai Chanson des mal aimants dans ma PAL depuis un moment. J'aime cette auteure, seulement les Parfumés mentionnent tellement d'autres auteurs que je ne connais pas qu'il va me falloir trouver du temps.
Ceci dit le commentaire de Marko, et surtout les images, me séduisent. Very Happy

Je ne sais pas pourquoi mais, Eve Lyne, il me semble que tu devrais parcourir ce fil (si ce n'est déjà fait!)... content
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 17:28

coline a écrit:

Je ne sais pas pourquoi mais, Eve Lyne, il me semble que tu devrais parcourir ce fil (si ce n'est déjà fait!)... content

J'ai déjà lu et fortement apprécié Magnus (qui reste mon préféré car c'était ma première découverte) et L'inaperçu. Wink Je viens de remonter le fil. Je ne savais pas qu'elle avait déjà autant écrit. De belles heures de lecture devant moi. joie
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kenavo
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMer 15 Avr 2009 - 18:02

Je continue aussi de découvrir Sylvie Germain..
Merci pour ta présentation Marko.. un autre titre que je vais me noter... mais ne comptez pas sur moi pour vous faire un commentaire par après Cool
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyDim 19 Avr 2009 - 12:03

Coline
Citation :
Je viens de terminer Jours de colère...
Il me faudra peut-être un temps pour parler de ce roman sublime. Je pèse mes mots...sublime...

J'ignorais tout ou presque de Sylvie Germain.C'est vrai que je lis assez peu de littérature française.Il me reste une cinquantaine de pages de Jours de colère..Mais déjà je voulais dire mon admiration de ce roman si profond,si physique et si passionnant.J'y reviens bientôt.Parfum de Livres c'est ça aussi...
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyDim 19 Avr 2009 - 12:25

Bellonzo a écrit:
Coline
Citation :
Je viens de terminer Jours de colère...
Il me faudra peut-être un temps pour parler de ce roman sublime. Je pèse mes mots...sublime...

J'ignorais tout ou presque de Sylvie Germain.C'est vrai que je lis assez peu de littérature française.Il me reste une cinquantaine de pages de Jours de colère..Mais déjà je voulais dire mon admiration de ce roman si profond,si physique et si passionnant.J'y reviens bientôt.Parfum de Livres c'est ça aussi...
Il faudrait que je m'y mettre aussi. Aucun livre d'elle à date.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 EmptyMar 21 Avr 2009 - 20:13

Sylvie Germain a le souffle des grands auteurs manifestement.Je suis très heureux d'avoir découvert son univers.Jours de colère est un roman exemplaire.Dans ce rude Morvan hors d'âge,entre pélerinage marial et patriarcat ancestral et dévoyé,Sylvie Germain brosse un tableau inoubliable avec les figures de la femme adultère,de l'innocence et de la jalousie des Atrides.Tant de violence recluse puis déferlante dans le cadre forestier où les arbres savent bénir ou pendre nous submerge comme au meilleur de Giono par exemple.Attention Sylvie Germain n'a pas besoin de parrainage.Son talent crève les yeux.J'aimerais ajouter que Parfum de Livres remplit dans ce cas parfaitement son rôle,la découverte.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 7 Empty

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