Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Sylvie Germain

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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyMer 2 Sep 2009 - 10:33

Bienvenue coline et Lara content C'est tellement un beau texte content
Spoiler:
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darkanny
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptySam 5 Sep 2009 - 17:38

Je viens de finir "Magnus" , je n'avais lu jusqu'alors aucun livre d'elle , j'ai été fortement impressionnée par la qualité de l'écriture , la beauté des phrases , mais hélas je suis un peu restée "de glace" face aux drames vécus par le héros et ses proches . Pourtant ils sont d'une belle ampleur ces drames , les deuils se succèdent , les séparations aussi , les épisodes de la vie de Magnus s'ancrent dans une histoire particulièrement troublée en cette 1ère moitié du 20ème siècle mais........pas d'émotion ressentie , trop de distance avec ces personnages qui vont de Londres à Vienne en passant par San Francisco , dont le travail et les moyens de subsistance sont rarement évoqués .
Je sais bien que ce n'est pas le propos puisqu'il s'agit là d'une quête d'identité , mais cette sphère un rien mondaine dans laquelle évolue ces personnages ne m'a pas parlé , j'aurais aimé me passionner un peu plus pour cette histoire et surtout "ressentir" réellement les choses.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptySam 5 Sep 2009 - 22:55

darkanny a écrit:
Je viens de finir "Magnus" , je n'avais lu jusqu'alors aucun livre d'elle , j'ai été fortement impressionnée par la qualité de l'écriture , la beauté des phrases , mais hélas je suis un peu restée "de glace" face aux drames vécus par le héros et ses proches .

Si tu veux tenter une autre expérience Sylvie Germain, je te suggère de lire L'enfant méduse...Je le préfère, de loin, à Magnus. Wink
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptySam 5 Sep 2009 - 23:17

coline a écrit:
darkanny a écrit:
Je viens de finir "Magnus" , je n'avais lu jusqu'alors aucun livre d'elle , j'ai été fortement impressionnée par la qualité de l'écriture , la beauté des phrases , mais hélas je suis un peu restée "de glace" face aux drames vécus par le héros et ses proches .

Si tu veux tenter une autre expérience Sylvie Germain, je te suggère de lire L'enfant méduse...Je le préfère, de loin, à Magnus. Wink
Salut coline, J'ai acheté l'enfant méduse aujourd'hui même. content
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darkanny
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyDim 6 Sep 2009 - 12:57

coline a écrit:

Si tu veux tenter une autre expérience Sylvie Germain, je te suggère de lire L'enfant méduse...Je le préfère, de loin, à Magnus. Wink

Je retenterai , merci du conseil.
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Aeriale
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyDim 6 Sep 2009 - 14:04

darkanny a écrit:
Je viens de finir "Magnus" , je n'avais lu jusqu'alors aucun livre d'elle , j'ai été fortement impressionnée par la qualité de l'écriture , la beauté des phrases , mais hélas je suis un peu restée "de glace" face aux drames vécus par le héros et ses proches . Pourtant ils sont d'une belle ampleur ces drames , les deuils se succèdent , les séparations aussi , les épisodes de la vie de Magnus s'ancrent dans une histoire particulièrement troublée en cette 1ère moitié du 20ème siècle mais........pas d'émotion ressentie , trop de distance avec ces personnages qui vont de Londres à Vienne en passant par San Francisco , dont le travail et les moyens de subsistance sont rarement évoqués .
Je sais bien que ce n'est pas le propos puisqu'il s'agit là d'une quête d'identité , mais cette sphère un rien mondaine dans laquelle évolue ces personnages ne m'a pas parlé , j'aurais aimé me passionner un peu plus pour cette histoire et surtout "ressentir" réellement les choses.
J'ai pensé comme toi Darkany à a lecture de Magnus. Une certaine distance, une froideur bien que l'écriture m'ait fortement impressionnée.
Mais Sylvie Germain mérite vraiment que tu te repenches sur elle.
Moi j'ai adoré Jours de colère...❤
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyDim 6 Sep 2009 - 23:03

L'enfant méduse et Jours de colère les deux sont très très bien...
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyJeu 10 Sep 2009 - 21:42

Je suis encore plongée dans L'Enfant méduse. Le texte date (1991), mais je suis pétrifiée par la puissance de l'écriture et par ce qu'il évoque, par sa manière de l'évoquer. Jusqu'à, parfois, une sorte de saturation, de nausée plutôt. Envie de stopper la lecture et puis, une vague me retient.
Car les choses arrivent par vagues. L'éclipse, le regard des enfants, l'arc en ciel du dimanche de Paques, la famille autour de la table, un fossé, et puis ces 3 pleines pages entièrement consacrées à la lumière qui se lève au matin pour se répandre dans tous les interstices, des volet, du plancher...
Mais la lumière, les adultes ne la voient pas. Ils dorment.
Les titres de chapitres mériteraient quelques explications : Première enluminure, Deuxième enluminure, Première sanguine... (un tableau?).
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 0:28

Babelle a écrit:
Je suis encore plongée dans L'Enfant méduse. Le texte date (1991), mais je suis pétrifiée par la puissance de l'écriture et par ce qu'il évoque, par sa manière de l'évoquer. Jusqu'à, parfois, une sorte de saturation, de nausée plutôt. Envie de stopper la lecture et puis, une vague me retient.
Car les choses arrivent par vagues. L'éclipse, le regard des enfants, l'arc en ciel du dimanche de Paques, la famille autour de la table, un fossé, et puis ces 3 pleines pages entièrement consacrées à la lumière qui se lève au matin pour se répandre dans tous les interstices, des volet, du plancher...
Mais la lumière, les adultes ne la voient pas. Ils dorment.
Les titres de chapitres mériteraient quelques explications : Première enluminure, Deuxième enluminure, Première sanguine... (un tableau?).

On ne sort pas indemne des romans de Sylvie Germain. On ne peut pas les lire à la légère: à cause de qu'ils racontent, à cause du nombre de fois où l'on s'arrête devant la puissance et la profondeur de ce qui est dit, à cause aussi de cette langue extraordinaire qui mérite l'attention du lecteur. On ne peut lire ses romans en diagonale et dans la précipitation...
Babelle je suis contente que tu te sois bien accrochée à celui-ci.

Pour ce qui est des chapitres introduits par un titre immédiatement suivi d'un tableau. Il faut savoir que Sylvie Germain est grande amatrice de Beaux-Arts.

- "Les enluminures" du début évoquent les manuscrits du Moyen Âge et l'enfance relativement heureuse de Lucie.

- "Les sanguines" mettent en lumière la couleur du sang, des crimes, du viol.

- "Les sepias", brun d'encre, pour dire l'après de cet été criminel.

- Les fusains: des traits noirs sur le blanc de l'hiver, le deuil.

- La fresque finale de L'annonciation aux bergers (fresque de l'Eglise de Santa Croce à Florence): elle dégage une paix et une lumière qui pénètrent jusqu'au coeur. Le commencement d'une "nouvelle enfance" pour Lucie...
" Une seconde enfance vient de naître en Lucie. Une enfance aux yeux non plus brûlés de larmes contenues, mais embués de douceur comme au sortir d'un songe."
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 21:46

ECLATS DE SEL

Dans Eclats de sel , Sylvie Germain fait dire à un personnage :
« Rabbi Loew fait partie de ces gens qui ont le don de nous donner des nouvelles de nous-mêmes. Des nouvelles dont, plus que jamais, nous avons besoin. Encore faut-il que nous le ressentions, ce besoin. Sinon les nouvelles resteront lettres mortes. »

J’ai pensé en refermant ce livre que je pourrais, en ce qui me concerne, remplacer le nom de Rabbi Loew par celui de Sylvie Germain . De l’un de ses livres à l’autre, ce sentiment s’impose à moi de plus en plus fortement comme une évidence.

Eclats de sel est le récit de la reconstruction d’un homme. En état de solitude et de délabrement intérieur au début du récit, Ludvik chemine vers l’apaisement, vers le retour de la force d’étonnement, d’émerveillement, vers le désir, vers l’amour de la vie et des autres.
Son parcours est jalonné de rencontres étranges et symboliques, toutes sous le signe du sel (le sel qui purifie et donne la saveur)..

Voilà pour le résumé.
J’ai plutôt envie maintenant de vous faire découvrir ce livre à travers des passages qui vous parleront de lui mieux que je ne saurais le faire et vous permettront d’apprécier (ou pas) le style si particulier de Sylvie Germain...

Ludvik, onze ans plus tôt, a quitté sa ville, Prague, et son pays qui souffrait d'une « cécité de l'âme » .

« Ludvik, en flânant dans les rues et les parcs où déambulaient tant de couples de tous âges, avait été frappé par l’atonie des visages aux sourires niais, dénués de joie, aux yeux inexpressifs, embués de somnolence ; ils avaient beau se tenir par la main, par la taille ou par les épaules, échanger des baisers, des sourires, de furtives caresses, le cœur n’y était pas. Le cœur ne parvenait pas à battre, à flamboyer, à rire. Le cœur était navré de vide et de fadeur.
[…] La médiocratie au pouvoir avait inoculé cette maladie aux gens en prenant soin de les claquemurer dans l’étau des frontières afin d’en contaminer le plus grand nombre. »

« Il allait émigrer, il le fallait, et le plus vite possible. Ce qu’il avait fait, dès le mois suivant. »


Déjà frappé par cette « maladie », dans l’exil en France il va se perdre un peu plus encore par chagrin d’amour.
Esther l'avait trahi alors qu’il éprouvait pour elle « Un amour si vaste, si ardent, qu’il avait éclipsé tous les autres ; il l’avait ébloui, puis laissé nu, tout écorché, désemparé. »

« Il avait décidé qu’il lui fallait partir[…] Il ne voulait plus risquer de revoir cette femme qui gardait encore tant de funeste pouvoir sur lui ; il ne voulait pas devenir le chien d’un fantôme, l’esclave d’une illusion perdue. »

« Il s’en était suivi un exil à rebours »


Sylvie Germain - Page 19 Rougeriepouce1.th
Ad marginem. Paul Klee

Sylvie Germain - Page 19 Paulklee1.th
Le fou de l'abîme. Paul Klee

Mais rien pour Ludvik n’avait plus aucune saveur.


Rien « n’était plus en mesure de distraire Ludvik de son indifférence, d’imposer le silence au profond bâillement de néant qui n’en finissait plus de s’élargir en lui. Ludvik était tombé trop bas en état de disgrâce intérieure. »

« Ludvik était simplement las de lui-même, et donc de tout et de tous. »

« Il était rentré mais en apparence seulement. Au fond, il n’était jamais sorti de ce désert de l’amour où il avait chuté, et il ne s’agissait pas de celui de la passion uniquement, dont on finit au fil du temps à prendre le deuil, mais d’un désert bien plus ample, celui de l’amour des êtres, de soi et de la vie, celui de la tendresse et de la compassion. Il n’y avait plus en lui ni flamme ni élan, plus de capacité d’étonnement et de désir, rien qu’une curiosité demeurée vive, par disposition naturelle et habitude. »


Ludvik se détourne même de Joachym Brum, son ancien maître, qu’il vénérait et auquel il avait promis fidélité. Or celui-ci est en train de mourir.

« Ludvik avait voué à cet homme une admiration si vive qu’il l’avait considéré comme un père second, un père diagonal qui l’avait remis plus pleinement, ou du moins autrement, au monde. »

« Joachym Brum avait été un nomade, de la race des nomades immobiles, ceux pour lesquels la moindre fleur s’ouvre en jardin, une goutte d’eau contient un fleuve, le tremblement d’une ombre ou d’une lueur sur un mur se fait invitation au rêve ; ceux pour lesquels un tableau est un pays aux étendues illimitées et aux visions profuses, et les mots, les mots surtout, sont des miracles d’espace, de mouvement, d’échos.
[…]Brum était un formidable citateur à la mémoire en perpétuel éveil.[…] Une bibliothèque en mouvement, aux livres parlant de vive voix et ne s’ouvrant qu’aux pages justes, selon l’instant et l’interlocuteur. »


Entre sa dernière visite à Joachym Brum et le trajet retour après son enterrement (en train), Ludvik croise des tas de personnages symboliques qui le mettent sur le chemin du retour vers lui-même, vers la pensée de son maître et vers le goût de la vie.

- Le guichetier de la banque:
« Peut-être est-il bon de s’en aller ainsi, la tête au vent, les poches vides et le cœur troué de pauvreté et désir d’immensité. »

- L’homme à la rose de sel :
« Rebroussez un peu chemin dans vos pensées par-delà le cercle étroit de vos idées toutes faites, surfaites et mal faites de surcroît, risquez-vous donc du côté de l’impensé… »

- Le kiosquier :
« Il n’y a pas de pire mal que l’ennui qui, l’air de rien, en catimini, nous écoeure et nous détache de tout, des autres, et de nous-mêmes. C’est une rouille aussi sournoise que vorace qui peu à peu nous grignote l’intelligence et du cœur et de l’esprit, nous mine la mémoire où n’émergent à la fin que quelques îlots de souvenirs indurés ainsi que des tumeurs, des verrues- ainsi les chagrins d’amour par exemple. Et ça corrompt la vue ; on perd de vue l’essentiel, et ce qu’on continue à voir c’est alors bien souvent par le petit bout de la lorgnette, ou dans le flou, ou d’un seul œil. »

- La veuve de l’hôtel :
« Aimer c’est peut-être tout simplement prendre les autres tels qu’ils nous viennent, et s’occuper d’eux tant qu’ils en ont besoin, sans rechigner à la tâche, sans rien attendre de précis en retour. Aimer c’est pas les idées qu’on se fait, c’est des actions au jour le jour. […]Les gens, c’est de leur vivant qu’il faut les aimer, pas après, quand tout est fini. »

-L’enfant dans la neige :
« Quand on déclare son amitié à quelqu’un, à quelque chose, on fait un pacte de fidélité, de franchise et de respect. Le sel, on l’offre en signe de bienvenue et d’hospitalité, eh bien, moi, j’en sème sur tout ce que j’aime en signe d’accueil dans la mémoire, d’invitation dans mon cœur. »

L’amie :
« Mais peut-être est-ce une épreuve salutaire que ce passage à vide ? Une sorte d’ordalie même ? Quand l’amour s’en va, que l’autre nous l’arrache à vif et rapte tout avec, on se retrouve soudain tout à fait nu, et on se rencontre soi-même sous un autre éclairage brutal, décapant, alors on fait crûment connaissance de soi-même. Bas les masques.
[…] C’est moi sans l’être, moi autre que moi.[…] J’en suis arrivée au stade du plein consentement, du calme, c’est-à-dire que j’ai cessé de vouloir fuir le vide ouvert en moi, j’ai même appris à m’y tenir debout, j’ai vaincu le vertige. Et là, dans cet austère désert du cœur et des pensées, je découvre une étrange intensité d’être, -parfois je pressens la promesse d’une grande beauté, d’un éblouissement en douceur…je ne sais comment expliquer cela…ce que je sais, du moins je sens, c’est que tout reste à accomplir…[…]Un tout aux allures de rien, un tout indéfini, illimité. Je m’applique à faire taire en moi les vieilles rumeurs qui continuent à s’y répandre pour ne pas perdre de l’ouïe, les infimes résonances qui traversent le silence. C’est peut-être cela tout ce qui reste à accomplir, - apprendre à s’émerveiller de petits riens, à prêter l’oreille à des soupirs montés très discrètement de l’horizon, vagabonder à l’infini entre les quatre murs de ma chambre, se retrouver soi-même où l’on ne s’attendait pas, autrement que l’on s’imaginait être. Sentir en soi bruire et frémir le temps qui passe, la vie à l’œuvre en sourdine dans notre sang, renouveler sa vision du monde et des autres, l’air de rien mais de fond en comble. »


La femme de ménage de l’hôpital :

« Laver est une grande chose, vous savez. Ainsi, laver le sol, -on efface les traces des semelles sales, mais les pas, les pas, on ne peut les effacer, ils vous résonnent à jamais dans le coeur. Et laver le sang des blessures, cela vous rougit à jamais les paumes et les rêves.
[…] Laver les morts, on en garde à jamais un silence au cœur.
[…] Et les larmes, monsieur, les larmes ! Je ne parle pas seulement de celles qui coulent le long des joues, mais aussi de celles qui suintent au-dedans de la chair, qui ruissellent en sourdine dans la gorge, depuis la nuque jusqu’aux reins, et qui se mêlent au sang, au souffle, à la salive, à la sueur. Combien de gens portent au creux de leurs entrailles de longs stalactites de sel lacrymal ? »


« On ne devrait jamais sortir indemne d’une rencontre, quelle qu’elle soit, ou du moins en sortir inchangé ; fût-ce d’un atome.»

Ludvik se reconstruit.

« Ludvik avait enfin l’impression de marcher dans le droit fil du présent et non plus de boitiller dans sa marge. »

« Ce qui a eu lieu ne peut être aboli, rien de ce qui un jour exista ne peut être renié, camouflé en néant. Chaque instant du passé demeure dans la chair du présent, obscur et fécond sédiment, infime casson de lumière indéfiniment refondu et luisant en secret tout au fond de l’oubli. Ludvik sentait en lui bouger et se soulever son passé, se lever une assemblée de transparents plus ou moins ombreux ou lumineux : tous les anges nés des rencontres qu’il avait faites au cours de sa vie. Et parmi eux, si frêle et remarquable, l’ange de sa relation avec Brum. […] Brum l’en allé, le si présent dans son absence, si chuchotant dans son silence»

« Allégé de son vieux chagrin et de ses nostalgies, délesté de toute rancœur et enfin désentravé de son indifférence, il débarquait en pleine nuit dans le matin du monde
.

« Venait de faire en lui irruption la joie pure de se savoir en vie, et en paix souveraine. »
« Un monde à découvrir, à questionner, respirait autour de lui, vivace. »


Brum disait que « Peu importaient les chemins vers l’ailleurs, il suffisait que l’ailleurs se dressât, vivace, au midi du désir, qu’il s’étendît sans fin à l’horizon du cœur. »

Le récit, bien qu’assez court, est foisonnant d’éléments tout à fait hétérogènes, en apparence indépendants, en apparence seulement, car tous finalement sont liés et participent pour Ludvik à la progressive réappropriation de lui-même….
Ce post, pourtant déjà très très long ne contient pas, loin de là, tout ce qu’on peut trouver dans ce livre...Quelle richesse !...


Dernière édition par coline le Ven 11 Sep 2009 - 22:05, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 21:52

Merci pour ces éclats de sel Coline. Que de lectures à ne pas laisser passer!
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 21:54

Babelle a écrit:
Merci pour ces éclats de sel Coline. Que de lectures à ne pas laisser passer!
Je crois que cela vaut le coup d'au moins lire ces extraits...Il me semble qu'ils peuvent parler à beaucoup de gens... content
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 22:11

coline a écrit:
ECLATS DE SEL

« Ce qui a eu lieu ne peut être aboli, rien de ce qui un jour exista ne peut être renié, camouflé en néant. Chaque instant du passé demeure dans la chair du présent, obscur et fécond sédiment, infime casson de lumière indéfiniment refondu et luisant en secret tout au fond de l’oubli. Ludvik sentait en lui bouger et se soulever son passé, se lever une assemblée de transparents plus ou moins ombreux ou lumineux : tous les anges nés des rencontres qu’il avait faites au cours de sa vie. Et parmi eux, si frêle et remarquable, l’ange de sa relation avec Brum. […] Brum l’en allé, le si présent dans son absence, si chuchotant dans son silence»
(Sylvie Germain)


Le cortège (extrait)

Un jour je m'attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Et d'un lyrique pas s'avançaient ceux que j'aime
Parmi lesquels je n'étais pas
Les géants couverts d'algues passaient dans leurs villes
Sous-marines où les tours seules étaient des îles
Et cette mer avec les clartés de ses profondeurs
Coulait sang de mes veines et fait battre mon cœur
Puis sur terre il venait mille peuplades blanches
Dont chaque homme tenait une rose à la main
Et le langage qu'ils inventaient en chemin
Je l'appris de leur bouche et je le parle encore
Le cortège passait et j'y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même
On me bâtit peu à peu comme on élève une tour
Les peuples s'entassaient et je parus moi-même
Qu'ont formé tous les corps et les choses humaines

Temps passés Trépassés Les dieux qui me formâtes
Je ne vis que passant ainsi que vous passâtes
Et détournant mes yeux de ce vide avenir
En moi-même je vois tout le passé grandir

Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore
Près du passé luisant demain est incolore
Il est informe aussi près de ce qui parfait
Présente tout ensemble et l'effort et l'effet

Guillaume Apollinaire
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptyVen 11 Sep 2009 - 23:20

Eve Lyne a écrit:
J'ai tenté Eclats de sel. Je n'ai pas accroché. Comme je n'étais pas particulièrement en forme, je retenterai plus tard. Cela semble très fantastique et comme il semble n'y avoir qu'un personnage principal je n'ai pas été engloutie par l'histoire. Pourtant c'est l'univers habituel de l'auteure.

Je crois que tu as lu cette histoire juste au mauvais moment Eve Lyne... Wink
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 19 EmptySam 12 Sep 2009 - 13:08

Babelle a écrit:
Je suis encore plongée dans L'Enfant méduse. Le texte date (1991), mais je suis pétrifiée par la puissance de l'écriture et par ce qu'il évoque, par sa manière de l'évoquer. Jusqu'à, parfois, une sorte de saturation, de nausée plutôt. Envie de stopper la lecture et puis, une vague me retient.
Car les choses arrivent par vagues. L'éclipse, le regard des enfants, l'arc en ciel du dimanche de Paques, la famille autour de la table, un fossé, et puis ces 3 pleines pages entièrement consacrées à la lumière qui se lève au matin pour se répandre dans tous les interstices, des volet, du plancher...
Mais la lumière, les adultes ne la voient pas. Ils dorment.
Les titres de chapitres mériteraient quelques explications : Première enluminure, Deuxième enluminure, Première sanguine... (un tableau?).
Babelle, j'aime aussi beaucoup tes écrits. Wink
J'ai aussi débuté ce livre, quelques pages. Assez imprégnant comme texte.
Merci coline pour l'explication des enluminures. content

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