Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Erri de Luca [Italie]

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coline
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyJeu 21 Jan 2010 - 14:50

bix229 a écrit:
Lorsque je libérai mes doigts des siens, je fus seul sur terre.

Une fois un jour, PP 1O2-1O3

Pour ce genre d'expression, j'aime tout ce que je lis de Erri de Lucca même quand la globalité d'un de ses livres est imparfaite...


Dernière édition par coline le Jeu 21 Jan 2010 - 14:59, édité 1 fois
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bix229
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyJeu 21 Jan 2010 - 14:57

Je l' ai dit, je suis passé un peu à coté de ce livre, mais quand je suis arrivé à ce passage qui décrit la mort de la compagne d' Erri de Luca,
j' étais ému.
Et saisi par la beauté du texte autant que par la manière dont elle est écrite.
Je suis reparti du début !
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traversay
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMar 8 Juin 2010 - 10:52

Le début de Le jour avant le bonheur. Petit commentaire à venir.

Citation :
"Ce fut ainsi que je montai pour la première fois sur le balcon. De la petite fenêtre au rez-de-chaussée de la cour où j'habitais, je regardais le jeu des plus grands l'après-midi. Un mauvais tir fit gicler le ballon en hauteur et il atterrit sur le balcon de ce premier étage."

Je découvris la cachette parce que le ballon était tombé dedans. Derrière la niche de la statue, dans la cour de l'immeuble, se trouvait une trappe recouverte de deux petites planches en bois. Je vis qu'elles bougeaient en posant les pieds dessus. J'eus peur, je récupérai la balle et sortis en me faufi lant entre les jambes de la statue.
Seul un enfant fluet et contorsionniste comme moi pouvait glisser sa tête et son corps entre les jambes à peine écartées du roi guerrier, après avoir contourné l'épée plantée juste devant ses pieds. La balle avait atterri là-derrière après avoir rebondi entre l'épée et la jambe.
Je la poussai dehors, les autres reprirent leur partie tandis que je me tortillais pour m'extraire de là. Il est facile d'entrer dans les pièges, mais il faut transpirer pour en sortir. Et la peur me pressait. Je repris ma place dans les buts. Ils me faisaient jouer avec eux parce que je récupérais le ballon où qu'il aille. Une de ses destinations habituelles était le balcon du premier étage, une maison abandonnée. On disait qu'elle était habitée par un fantôme. Les vieux immeubles étaient pleins de trappes murées, de passages secrets, de crimes et d'amours illicites. Les vieux immeubles étaient des nids de fantômes.

Ce fut ainsi que je montai pour la première fois sur le balcon. De la petite fenêtre au rez-de-chaussée de la cour où j'habitais, je regardais le jeu des plus grands l'après-midi. Un mauvais tir fit gicler le ballon en hauteur et il atterrit sur le balcon de ce premier étage. Il était perdu. Un ballon en plastique un peu dégonflé par l'usage. Tandis qu'ils se disputaient, je me penchai pour leur demander de me laisser jouer avec eux. Oui, si tu nous achètes un autre ballon. Non, avec celui-là, répondis-je. Intrigués, ils acceptèrent. Je me mis à grimper le long d'un tuyau de descente d'eau qui passait près du balcon et allait jusqu'en haut. Il était étroit et fixé au mur de la cour par des colliers de serrage rouillés. Je commençai à monter, le tuyau était couvert de poussière, la prise était moins sûre que je ne l'avais imaginé. Mais je m'étais engagé. Je regardai en haut : derrière les vitres d'une fenêtre du troisième étage, elle était là, la petite fille que j'essayais de lorgner. Elle était à sa place, la tête appuyée sur ses mains. D'habitude, elle regardait le ciel, à ce moment-là non, elle regardait en bas.

Je devais continuer et je continuai. Pour un enfant, une hauteur de cinq mètres c'est un précipice. J'escaladai le tuyau en posant la pointe des pieds sur les colliers de serrage jusqu'au balcon. Au-dessous, les commentaires avaient cessé. J'allongeai la main gauche jusqu'à la rampe en fer, il me manquait quelques centimètres. Je n'avais plus qu'à me fi er à mes pieds et tendre le bras qui tenait le tuyau. Je décidai de le faire dans un élan et j'y arrivai avec la main gauche. Maintenant, il fallait que j'accroche l'autre. Je serrai fort ma prise sur le fer du balcon et lançai ma main droite pour m'agripper. Je perdis l'appui de mes pieds : mes mains portèrent un moment le poids de mon corps dans le vide, puis aussitôt un genou, puis deux pieds et je sautai par-dessus. Comment se fait-il que je n'aie pas eu peur ? Je compris que ma peur était timide, elle avait besoin d'être seule pour sortir à découvert. Mais là, il y avait les yeux des enfants au-dessous et ceux de la fi llette au-dessus. Ma peur avait honte de sortir. Elle se vengerait ensuite, le soir, au lit, dans le noir, avec le bruissement des fantômes dans le vide.
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMar 8 Juin 2010 - 12:17

erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 519158 tu es terrible.. je voulais attendre que le poche soit sorti.. je vois déjà, ce ne sera pas facile Wink
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 9 Juin 2010 - 0:36

erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 Arton17814

Le jour avant le bonheur

Citation :
Nous sommes à Naples, dans l’immédiat après-guerre. Un jeune orphelin, qui deviendra plus tard le narrateur de ce livre, vit sous la protection du concierge, don Gaetano. Ce dernier est un homme généreux et très attaché au bien-être du petit garçon, puis de l’adolescent. Il passe du temps avec lui, pour parler des années de guerre et de la libération de la ville par les Napolitains ou pour lui apprendre à jouer aux cartes. Il lui montre comment se rendre utile en effectuant de menus travaux et d’une certaine façon, il l’initie même à la sexualité en l’envoyant un soir chez une veuve habitant dans leur immeuble. Mais don Gaetano possède un autre don : il lit dans les pensées des gens, et il sait par conséquent que son jeune protégé reste hanté par l’image d’une jeune fille entraperçue un jour derrière une vitre, par hasard, lors d’une partie de football dans la cour de l’immeuble. Quand la jeune fille revient des années plus tard, le narrateur aura plus que jamais besoin de l’aide de don Gaetano…

Les mots sont des traîtres impitoyables. Ils ne se donnent qu'à ceux qui savent le mieux les faire grincer ou chanter pour, à l'arrivée, se dissoudre dans des phrases qui évoquent des parfums, des sons et des visions, sans effort apparent, comme dans un tour de magie. Les mots sont les amis d'Erri de Luca, qui les caresse, les fait briller, les lustre et ..., les maltraite parfois. Pour le bonheur de ceux, nous lecteurs, qui n'ont pas ce talent chevillé à la plume. Comment évoquer Le jour avant le bonheur sans le style, au riche dépouillement, de ce diable de de Luca ? Impossible. Ce livre fait à peine 140 pages, mais il contient tout un monde et une époque, finement décrits dans une langue miraculeuse. Le roman d'Erri de Luca est une histoire de transmission entre un concierge protecteur, qui voit et sait tout, et un jeune orphelin qui ne va pas cesser d'apprendre à son contact, dans une ville, Naples, encore enténébrée par les années de guerre. Son histoire et sa libération tout d'abord, fiévreuse et folle ; le sexe, ensuite ; la sagesse enfin. Et ce père de substitution guidera l'adolescent sur les chemins cahoteux de l'amour, non sans connaître la violence, qui rôde comme un rat affamé, et le goût du sang. Derrière le récit, enluminé d'images poétiques sublimes, l'auteur brosse le portrait de cette cité napolitaine, chaude comme les braises du Vésuve et indomptable. De Luca développe un rapport d'amour et de haine avec sa ville natale et nul mieux que lui ne saurait en révéler la véritable identité. " Naples s'était consumée de larmes de guerre, elle se défoulait avec les américains ... C'est à ce moment-là que j'ai compris la ville : monarchie et anarchie ... C'est une ville espagnole. L'Espagne a toujours connu la monarchie, mais aussi le plus fort mouvement anarchiste. Naples est une ville espagnole, elle se trouve en Italie par erreur." Le jour avant le bonheur est davantage qu'un roman initiatique, c'est un livre dont la vérité est intemporelle et universelle et qui, par la grâce de son écriture, ne suscite chez le lecteur qu'un sentiment : l'admiration.
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 9 Juin 2010 - 10:09

Kenavo va craquer !
Il est terrible ce commentaire, il me donne envie de balade à Naples !
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 9 Juin 2010 - 11:00

Queenie a écrit:
Kenavo va craquer !
Il est terrible ce commentaire, il me donne envie de balade à Naples !
rire c'est déjà fait.. vive samedi la visite dans ma librairie Very Happy
et oui, le commentaire est trop bon, merci Traversay
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MessageSujet: ation   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 16 Juin 2010 - 19:44

Sortie de : Le jour avant le bonheur. - Gallimard

L' enfance napolitaine qui fut celle d' Erri de Luca est si riche, si cécisive, qu' elle sert de base à la
plupart de ses romans, où elle apparait chaque fois sous un nouvel aspect.
Les strates se superposent, sans la moindre redite, et finiront peut etre par éclairer au moins en partie, un individu hors du commun.

Ce bref récit, parfait, prouve une fois de plus que le roman classique n' est pas mort, que la qualité
d' un livre ne vient pas forcément d' innovations formelles, mais du contenu, substantiel qu' on peut
y mettre.

Extrait de l' article de Monique Bacelli, La Quinzaine littéraire, n° 1O17, 16 au 30 juin
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shanidar
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 1 Déc 2010 - 15:19

erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 Trois_10 Trois chevaux

Il existe différentes espèces d'hommes comme chez les animaux ou les plantes, il y a les terriens, les robustes, ceux qui ont le goût du sol dans la bouche et qui savent le chanter, Erri de Luca fait partie de cette catégorie de poète qui ont des visages dessinés avec des socs de charrue. Un poète qui connait les mots de la terre et ceux de la chair, les maux de la souffrance et de la fuite, de l'errance et du silence. Savoir dire le silence et le visage d'une femme, voilà ce qui a été donné à Erri de Luca et voilà ce qu'il nous réstitue dans ce roman qui n'en ai pas un, entre fable et poème, nouvelle et récitatif... Un récit d'une beauté à couper le souffle, parce que rien ne peut se dire après. Après on a juste envie de poser sa tête contre le tronc d'un arbre et de se laisser envahir par la nature, la simplicité du dehors, la beauté brute.
Erri de Luca est une force qui va et qui emporte. Un rêve torturé changé en mots. Un poète du ici-maintenant, de la rudesse, de la terre fertile et de la femme offerte. Un poète de la verticalité, celle qui se fait homme dressé, arbre ancré dans le sol au feuillage ébouriffé de vent. Si Erri de Luca était une représentation, il serait assurément le Condottiere décrit par Onfray dans La sculpture de soi, un homme prodigue, sans attache, à l'écoute du monde qui l'entoure, dispensateur de beauté et libre...
Dans les mots de Luca, on sent l'âpreté d'une vie frottée aux éléments, une vie de tours et de détours, de dons et d'effroi, une vie qui se livre en ravalant les mots, dans un renoncement de soleil couchant, de sommeil bienvenu, d'abandon rare.
Un livre magnifique.
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 1 Déc 2010 - 15:24

Encore un commentaire irrésistible Shanidar! bravo
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 1 Déc 2010 - 15:25

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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 1 Déc 2010 - 15:51

bix229 a écrit:
Shanidar erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 429945
Je plussoie.
bravo
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptySam 4 Déc 2010 - 20:15

LE JOUR AVANT LE BONHEUR


Le Jour avant le bonheur est une fiction mélancolique nourrie des souvenirs d’Erri de Luca, comme Montedidio, comme Pas ici, pas maintenant.
L’auteur est né à Naples en 1950.

Naples après la guerre est le décor de ce roman.
Naples, ville qui collabora avec les Nazis, occupée ensuite par les Américains:
« Naples s’était consumée de larmes de guerre, elle se défoulait avec les Américains, c’était carnaval tous les jours. C’est à ce moment-là que j’ai compris la ville : monarchie et anarchie. Elle voulait un roi, mais pas de gouvernement. C’était une ville espagnole. L’Espagne a toujours connu la monarchie, mais aussi le plus fort mouvement anarchiste. Naples est espagnole, elle se trouve en Italie par erreur. »

Naples où le héros, un orphelin de 13 ans, Milzo, « fils de personne » survit dans les ruelles et dans un réduit au cœur d’un immeuble:

" On m'avait coincé entre un père assassin et une mère infidèle, entre celui qui s'enfuyait outre-mer et celle qui descendait sous terre. Je devais forcément leur ressembler. Je n'étais pas libre de ne ressembler à personne. Tout le reste du monde ne pouvait plus me servir d'origine."

« L’immeuble et les habitants sont le Moyen Age qui a enfilé le pantalon du présent ».

« Les vitres de Naples se passaient le soleil entre elles. Celles qui en avaient le plus par leur position le renvoyaient vers le bas à celles qui en avaient le moins. Elles étaient complices… En bas, dans la loge, arrivait un carambolage de lumière qui faisait dix rebonds avant de finir dans le trou où j’étais. »

Milzo joue au ballon, escalade le Vésuve, dévore les livres que lui prête un libraire et va à l’école malgré sa pauvreté :

« Sous notre souffle, le bleu de l’encre tremblait en changeant de couleur. Les autres l’essuyaient avec un buvard. Le vent que nous faisions était plus beau. Les autres écrasaient les mots sous leur petit carton blanc. »

« Ma tête puisait la lumière dans les livres. »

Le gamin trouve refuge auprès du concierge, don Gaetano, un homme généreux, un ancien résistant qui observe le monde de sa loge, une vraie « loupe de philatéliste » et « entend les pensées qui sont dans la tête des gens. ».
En 1943, don Gaetano a trouvé une cache à un Juif, et l’a nourri, assurant sa survie.
Cet homme enseigne à Milzo le passé de la ville, les jeux de cartes, l’amitié, la solidarité, et l’aide à devenir un homme qui saura travailler et aimer…

J’adore le titre de ce roman, justifié ainsi dans le récit :
« Certaines personnes savent, le jour d’avant, qu’elles ont rendez-vous avec lui. Et, malgré cette intuition, elles ne seront pas prêtes. Le bonheur est toujours une embuscade. On est pris par surprise. Le jour d’avant est donc le meilleur… »

Dans sa gracieuse prose épurée et poétique, Erri de Luca se plaît à conter, et nous, à nous laisser conter l’enfance, l’adolescence, le parcours de Milzo, le monde autour de lui, personnages et cadre :

« Quelquefois, je voyais le golfe d’un tournant de la route sur la colline. Toute cette beauté invisible à qui se trouvait dedans ne semblait pas possible. Nous étions des poissons dans une épuisette, avec l’immensité de la mer autour. Je cherchais l’endroit où se trouvait notre ruelle, mais on ne la voyait pas, les rues étaient ensachées. Nous, nous vivions là ignorant comme la lumière et l’air variaient un mètre au-dessus de la ville. Du tournant sur la colline, la nature faisait un demi-cercle de terres avec le Vésuve au centre. La nature existait de loin. Don Gaetano m’emmena un dimanche sur le volcan.
“Tu dois le connaître, c’est le propriétaire, nous sommes ses locataires. Celui qui est né ici lui doit une visite.” »


« Avec toute la force qu’il déployait, le vent me faisait l’effet d’un massage, après Anna. Le ciel était hérissé de nuages en bataille, un jet de lumière sortait brusquement et éblouissait l’écume des vagues. La vraie couleur de la mer n’est pas bleue, mais blanche. Il fallait qu’elle frappe contre la digue pour qu’on la voie sortir. De l’intérieur, la nature doit être blanche, nous en revanche nous sommes rouges de l’intérieur.»

J'ai toujours aimé tout ce que j'ai lu de Erri de Luca...Ce roman peut-être plus encore que tous les autres...
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 22 Déc 2010 - 12:55

Le Jour avant le bonheur. (Il giorno prima della felicità, 2009). 138 pages. NRF Gallimard. Traduit de l'italien par Danèle Valin.
Nous sommes à Naples dans l'après-guerre (la Seconde).
Le roman commence ainsi :
Citation :
"Je découvris la cachette parce que le ballon était tombé dedans. Derrière la niche de la statue, dans la cour de l'immeuble, se trouvait une trappe recouverte de deux petites planches en bois. Je vis qu'elles bougeaient en posant les pieds dessus. J'eus peur, je récupérai la balle et sortis en me faufilant entre les jambes de la statue."
Le narrateur, un jeune orphelin, récupère la balle et reprend sa place dans les buts.

Citation :
"Ils me faisaient jouer avec eux parce que je récupérais le ballon où qu'il aille. Une de ses destinations habituelles était le balcon du premier étage, une maison abandonnée. On disait qu'elle était habitée par un fantôme. Les vieux immeubles étaient pleins de trappes murées, de passages secrets, de crimes et d'amours illicites. Les vieux immeubles étaient des nids de fantômes." (pages 9-10)

Citation :
"J'allais à l'école. Ma mère adoptive m'inscrivait, mais je ne la voyais pas. C'était don Gaetano, le concierge, qui s'occupait de moi. Il m'apportait un plat chaud le soir. Le matin, avant l'école, je lui rapportais l'assiette propre et il me réchauffait une tasse de lait. J'habitais seul dans un réduit. Don Gaetano ne parlait presque pas, orphelin lui aussi, mais il avait grandi dans un orphelinat, pas comme moi qui vivais librement dans l'immeuble et sortais en ville.
J'aimais l'école. Le maître parlait aux enfants. Je venais de mon réduit où personne ne me parlait, et là il y avait quelqu'un à écouter. J'apprenais tout ce qu'il disait. C'était si beau de voir un homme expliquer aux enfants les nombres, les années de l'histoire, les lieux de la géographie. Grâce à une carte en couleurs du monde, sans jamais avoir quitté la ville on pouvait connaître l'Afrique qui était verte, le pôle Sud blanc, l'Australie jaune et les mers bleues.
A l'école, il y avait les pauvres et les autres. A onze heures, ceux de la pauvreté comme moi recevaient du pain avec de la confiture de coing que leur donnait le surveillant. Avec lui entrait une odeur de four qui fondait dans la bouche. Les autres n'avaient rien, seulement leur goûter apporté de chez eux. Il existait une autre différence, on rasait la tête à ceux de la pauvreté au printemps à cause des poux, les autres gardaient leurs cheveux. " (pages 12-13).

On est bien chez Erri de Luca : la pauvreté ne tombe pas dans le misérabilisme. Ce qui ne veut pas dire que le monde n'est pas dur.
Le narrateur pense parfois à son père, qu'il n'a pas connu.
Citation :
"Les pères que je voyais étaient terribles. Les enfants recevaient d'eux des gifles et des coups de pied au vol. Des cris, des coups et des sanglots sortaient des maisons. Rien de tout cela ne m'était arrivé. Si j'étais pris de mélancolie le soir quand les mères appelaient leurs enfants dans la cour pour qu'ils remontent chez eux, je me souvenais des coups qui arrivaient jusqu'à mon réduit, et je me trouvais à égalité. je me bouchais les oreilles, ça ne suffisait pas. Les cris de douleur des enfants passent quand même, ils se communiquent d'une peau à l'autre." (pages 95-96).

Le narrateur aide Don Gaetano, il apprend à effectuer des petits travaux. Le temps passe. Il aime l'école, les livres.
Don Gaetano raconte la libération de Naples, l'arrivée des Américains. Cette histoire du passé entrelace les petits événements du présent.
Citation :
"Elles [Les filles] étaient devenues plus belles et plus effrontées. Faute de moyen de transport, elles demandaient à monter dans les jeeps. Elles se faisaient conduire et tombaient amoureuses. On assistait à des crimes de jalousie. [...]
« Naples s'était consumée de larmes de guerre, elle se défoulait avec les Américains, c'était carnaval tous les jours. C'est à ce moment-là que j'ai compris la ville : monarchie et anarchie. Elle voulait un roi, mais de pas gouvernement. C'est une ville espagnole. L'Espagne a toujours connu la monarchie, mais aussi le plus fort mouvement anarchiste. Naples est espagnole, elle se trouve en Italie par erreur. » " (page 98).

C'est un bon roman (mais Montedidio m'a paru supérieur), avec ce que l'on aime (ou pas) chez Erri de Luca, la bonté presque naïve de certains, la confiance dans l'honnêteté, et puis l'histoire de coeur (comme toujours, ou du moins souvent, chez Erri de Luca). C'est à la fois bien, avec la petite réserve qu'on sent presque un cahier des charges, on est rarement surpris.
Et il y a le style très particulier de l'auteur. C'est très agréable d'y revenir de temps à autre.
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MessageSujet: Re: Erri de Luca [Italie]   erri - Erri de Luca [Italie] - Page 4 EmptyMer 22 Déc 2010 - 17:23

eXPie a écrit:
Le Jour avant le bonheur. (Il giorno prima della felicità, 2009). 138 pages. NRF Gallimard. Traduit de l'italien par Danèle Valin.

Et il y a le style très particulier de l'auteur. C'est très agréable d'y revenir de temps à autre.

C'est comme cela moi aussi que je poursuis la lecture de l'oeuvre de Erri de Luca, "de temps à autres"...et je m'en trouve si bien... content

Un poème de circonstance: Natale

Il naîtra dans une soute au milieu de voyageurs clandestins.
Le réchauffera la vapeur de la salle des machines.
Le bercera le roulis de la mer de travers.
Sa mère embarquée pour chercher salut ou fortune.
Son père l’ange d’une heure,
de nombreuses paternités suffisent à cela.
Sur la terre ferme on l’aurait déposé
dans la poubelle de service de la voirie.
On détachera avec les dents la corde ombilicale.
On la jettera à la mer, à la miséricorde.

Nous pouvons seulement lui donner les mois des entrailles,
disent les mères.
Nous pouvons l’attendre, l’embrasser non.
Naître n’est qu’un souffle d’air vicié. Il n’y a pas de monde pour lui.
Rien de sa vie n’est une parabole.
Aucun marteau de menuisier ne frappera les heures de son enfance,
puis les clous de sa chair.
Moi je ne m’appelle pas Marie, mais ces fils-là
qui n’ont même pas porté un vêtement ni un nom
les marins les nomment Jésus.
Parce qu’ils naissent en voyage, sans arrivée.

Il naît dans les soutes des clandestins,
il reste moins d’une heure de décembre.
Plus long est le trajet des Mages et des contrebandiers.
Il naît au milieu d’un massacre d’enfants.
Il naît par tradition, par nécessité,
avec la même patience anniversaire.
Mais il ne survit plus, il ne veut pas.
Car vivre il a déjà vécu, et dire il a dit.
Il ne peut retirer ou ajouter une épine aux ronces de ses tempes.
Il est avec ceux qui vivent le temps de naître.
Il va avec ceux qui durent une heure
.

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Erri de Luca [Italie]
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