Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Pierre Huyghe

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Marko
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MessageSujet: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyDim 29 Sep 2013 - 21:53

Pierre Huyghe
Pierre Huyghe Pierre10

Le Musée national d'art moderne lui consacre une rétrospective du 24 septembre 2013 au 8 janvier 2014

Citation :
Pierre Huyghe, né le 11 septembre 1962 à Paris, est un artiste français, plasticien, vidéaste, architecte et designer.

De 1982 à 1985, il étudie à l'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. À sa sortie, il intègre et devient co-fondateur du collectif « Les frères Ripoulin » avec notamment Claude Closky.
En 1995, il crée l’association des Temps libérés et travaille sur le projet Mobil TV, au Nouveau Musée/Institut d’art contemporain de Villeurbanne.
Il fonde la société de production de cinéma Anna Sanders Films SARL en 1997.
Un an plus tard en 1998, il expose avec Dominique Gonzalez-Foerster et Philippe Parreno. Il réalise une exposition où l’accrochage est d’un nouveau genre : une sorte de parcours cinématographique dont une speakerine filmée rythme les étapes. La même année, il est lauréat de la Villa Kujoyama.
En 1999, Pierre Huyghe et Philippe Parreno achètent le copyright d’Ann Lee (Personnage numérique de manga japonais)
En 1999-2000, il est résident au DAAD de Berlin.
Pierre Huyghe a représenté la France à la Biennale de Venise 2001 où il a obtenu le prix spécial du jury.
Il est lauréat du Prix Hugo Boss en 2002 délivré par le Metropolitan Museum of Art de New York.
En 2003, il expose de nouveau avec Dominique Gonzalez-Foerster lors de l'exposition collective GNS (Global Navigation System) au Palais de Tokyo à Paris.
En 2005, il remporte le prix du meilleur artiste français, Art Awards 2005, Beaux Arts magazine.
En 2010, La même année, Pierre Huyghe achève l'expérience The Host and the Cloud. Cette dernière est une situation réelle, qui s'est déroulée dans un musée fermé au fond d'un parc d'attraction. Elle a été conçue pour un petit groupe d'acteurs placé sous certaines conditions, faisant face à différentes influences qu'ils pouvaient librement altérer et métaboliser. L'expérience live a été suivie par des témoins à Halloween, la Saint-Valentin et le 1er mai et a été partiellement enregistrée au cours de ses trois journées. Alors que ce rituel se déploie, nous suivons la formation et l'apparition d'une pensée. Les rôles et les comportements des acteurs, ici, personnel du musée, changement au fur et à mesure de leur rencontre et exposition avec la collection des dispositifs, des situations et des fragments de récits hétérogènes. Ce film documente cette situation. La même année, Pierre Huyghe reçoit le prix de l’artiste contemporain de l’année 2010, une récompense décernée par le Smithsonian American Art Museum (Washington D.C.). Ce prix distingue un artiste américain ou résidant aux États-Unis âgé de moins de 50 ans. Le Français est le neuvième artiste à recevoir ce prix, créé en 2001. Il a été désigné par un jury composé de cinq personnalités du monde de l’art : Nicholas Baume, directeur du Public Art Fund de New York, Margo Crutchfield, conservatrice du Musée d’art contemporain de Cleveland, Anne Ellegood, conservatrice au Hammer museum de Los Angeles, l’artiste Tim Rollins et le professeur d’art contemporain Howard Singerman. Les jurés ont tenu à féliciter l'artiste pour l’ensemble de sa carrière, dont certaines oeuvres « ont changé le cours du cinéma et de la vidéo contemporains ». L'année 2010 est donc charnière pour Pierre Huyghe comme il explique dans l'interview donnée au Quotidien de l’Art en date du 26 juin 2013 :

« C’est pendant The Host and the Cloud que je l’ai compris. Il s’agit d’un travail réalisé pendant un an, sur trois moments. J’avais le temps de réfléchir, de réajuster. C’était comme un laboratoire. J’ai pris quinze personnes que j’ai mises sous conditions. Petit à petit, j’ai découvert que ce n’était pas les situations qui m’intéressaient mais leur porosité. Je voulais produire des conditions et moins des relations. Il y avait un paramètre incontrôlable. Quand est venu le moment de faire la Documenta, j’ai essayé de jouer avec les marqueurs de l’Histoire et de mon histoire et voir comment ces marqueurs s’affectent et se corrompent. J’ai voulu voir comment ces parties animale, minérale et végétale se mettaient en place, comment les abeilles pollinisaient. Ce n’est pas un processus qui s’arrête quand la dernière personne quitte le compost. C’est une chose qui grandit indifféremment du spectateur. C’est ce qui m’intéresse, c’est précisément cette chose en soi, qui grandit qu’elle soit mise en lumière ou non. »

Aujourd’hui il vit et travaille à New York.
Citation :
L’œuvre de Pierre Huyghe se situe dans ce territoire improbable où fiction et réel se contaminent et s’enrichissent mutuellement. Sans jamais induire de morale ou de jugement, l’artiste questionne par des moyens et des modes détournés, métaphoriques et poétiques, un monde qui existe.

Dès 1988, après ses études aux Arts déco, il expose aux côtés d’artistes de son âge, Pierre Bismuth et Xavier Veilhan, entre autres, et introduit une dimension collective à son œuvre, qu’il poursuivra avec Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foerster ou l’architecte François Roche. Avec ce dernier, il interroge les façons de construire, d’habiter, de vivre les lieux. Très tôt, il dessine ce qui constitue l’essence de son œuvre : la dialectique du réel et de la fiction. Nourrie de films du patrimoine, bandes dessinées, dessins animés, sociologie du réel, cette œuvre nous renvoie, à travers la métaphore des héros et souvent du virtuel, à une histoire partagée qui navigue des expéditions scientifiques aux événements du quotidien, où l’étude sociologique est transfigurée par le récit fictionnel.
Citation :
Depuis ses débuts, l’artiste s’interroge sur les rapports étroits et ambigus entre réel et fiction. Il analyse aussi sa relation au temps, au spectateur et à la mémoire collective. Son travail interroge la notion d’exposition. Il veut mettre à jour les dessous de la création et de la production, en jouant avec le temps et l’espace. Pour lui, expédition rime avec exposition. Il veut repousser les limites de l’exposition en inventant à chaque fois un autre format, un autre langage. Dans ses expositions, le visiteur devient alors acteur d’une réalité cadrée mais pas prisonnière. Il devient récitant d’un scénario à venir. Par ailleurs, ses expositions ne sont jamais un aboutissement d’un projet, mais simplement une étape. Les projets se prolongent, se racontent, se partagent, s’arrêtent puis reprennent.
Pierre Huyghe Dp-pie10

Je reviens de Paris où j'ai vu l'exposition Roy Lichtenstein ainsi que cette rétrospective Pierre Huyghe qui m'a complètement transporté. La question étant de savoir où, tellement ce parcours à travers 20 ans de créations relève du rêve éveillé. On ne voit pas souvent des expositions d'art contemporain aussi impressionnantes et marquantes. Et ce d'autant plus que je ne le connaissais absolument pas (à peine son nom) alors qu'il est considéré comme un artiste international majeur (certes il n'est pas le seul).

Une rétrospective tellement dense qu'il faudrait s'y installer pendant quelques jours en tenant compagnie à Human, la chienne blanche à patte rose qui déambule dans les salles en donnant l'impression de sortir tout droit de l'incroyable vidéo projetée au fond de l'exposition et d'aller à la rencontre des espèces animales, végétales, minérales et des chimères qui s'y trouvent en écho à l'oeuvre présentée à la DOCUMENTA 13 de Kassel il y a quelques mois. Rien que pour ce film il faut voir cette exposition qui pourtant contient mille autres trésors.



Quand on commence l'exposition, on a l'impression d'entrer dans un film de David Lynch. Une salle noire avec un petit monticule de glace et deux espaces au plafond d'où sortent de la vapeur d'eau ou de la pluie. Un peu plus loin cette chimère constituée d'un corps de pierre et d'une tête/ruche avec ses abeilles qui tourbillonnent tout autour.

Pierre Huyghe Pierre11

Plus loin une vraie patineuse fait des arabesques sur un monolithe noir où l'on distingue des traces de mains tout autour.

Pierre Huyghe Pierre12

Plus loin on s'installe dans le noir pour écouter du Erik Satie en contemplant une installation lumineuse où les couleurs changeantes invitent à un moment de méditation et de poésie:

Pierre Huyghe Pierre13

Plus loin encore une sculpture de Brancusi tient compagnie à un bernard l'hermite dans un aquarium:

Pierre Huyghe Big_3610

Gérard Lefort (Libération) a écrit:
Bien des intitulés de l’œuvre de Pierre Huyghe encouragent à creuser d’autres souterrains de ce type : Ghost Room (chambre des fantômes), Time Keeper (gardien du temps), Obscured by Clouds (assombri par des nuages). L’exposition en général fait cet effet : c’est un dream catcher, un capteur de rêves qui, fidèle à l’origine amérindienne de ce fétiche, est aussi un filtre qui retient les cauchemars. Il est recommandé de partir en voyage aux pays enchantés de Pierre Huyghe avec le sésame de la poésie accroché à la boutonnière.
A suivre...
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Marko
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyLun 30 Sep 2013 - 0:39

Toutes ces correspondances entre les oeuvres récentes et passées créent une circulation surréaliste et nous racontent une histoire comme on en vivrait dans un rêve. On est immergé dans un monde de lumières, de sons, de musique et d'images. Climat tantôt inquiétant, tantôt mystérieux ou drôle. Il faut se laisser porter, flotter, d'une installation à l'autre. On en retire des sensations, un réseau d'échos et une complémentarité poétique plus que cartésienne. Les commentaires du catalogue parfois un peu abscons laisse entrevoir la richesse de sa réflexion et de sa proposition artistique. Je vais pendre le temps de le lire pour mieux l'appréhender.

Exemple de correspondances dans ce bel article de Patrick Scemama sur le site La République de l'art:

Patrick Scemama a écrit:
L’Expédition Scintillante, son exposition en trois actes présentée à Bregenz, en Autriche, que je n’avais pas vue, mais dont j’avais vu beaucoup d’images qui me semblait impressionnante : basée sur un roman inachevé de Poe, Les Aventures d’Arthur Gordon Pym, elle présentait un bateau sculpté dans la glace et qui fondait pendant la durée de l’exposition en subissant les variations climatiques (pluie, neige, brouillard) décrites par le personnage du roman, un light-show psychédélique sur une musique d’Erik Satie et une patineuse qui faisait sur la glace des figures abstraites.

La patineuse, le light-show et un tas de glace (reste du bateau fondu ?) subissant lui-aussi les intempéries se retrouvent dans la rétrospective de l’artiste qui vient de s’ouvrir au Centre Pompidou. Mais ils sont entourés de bien d’autres choses, toutes aussi étranges et surprenantes : une sculpture de femme couchée dont la tête est entourée d’un essaim d’abeilles (rassurez-vous, elle se trouve dans une extension des salles d’exposition ouverte sur l’extérieur, ce qui fait que les abeilles ne sont enfermées dans le musée), un lévrier dont la patte est teinte en rose et qui arpente l’exposition (il a deux fourrures posées au sol à sa disposition), un homme (son maître ?) qui marche de long en large avec parfois un masque lumineux sur le visage, un autre à tête de faucon, des aquariums avec des araignées de mer, des crabes et un bernard l’hermite qui habite la Muse endormie de Brancusi, des fourmis et même d’autres araignées qui sont censées tisser leurs toiles dans les angles des cimaises. Bref tout un bestiaire surréaliste auquel est immédiatement confronté le visiteur, dont le nom même est annoncé par un aboyeur placé à l’entrée de l’exposition. Mais comment se fait-il alors que ce qui laissait indifférent précédemment devienne ici un fascinant spectacle ? Sans doute parce que les formes se répondent, se heurtent, se confrontent comme dans un rêve éveillé. Jusqu’à présent, Pierre Huyghe s’intéressait aux rituels, aux célébrations, comme on peut le voir dans sa vidéo Streamside Day, qui montre une coutume inventée pour célébrer la naissance d’un village situé au nord de New York, ou dans The Host and the Cloud, qui a été filmée à partir d’expériences « live » (exorcisme, séances d’hypnose, sexualité de groupe) durant trois jours au Musée des Arts décoratifs. Mais depuis quelque temps, il a introduit dans son travail un aspect organique, la nature même (ou plutôt la manière dont elle intervient sur la matière). Ce qui fait que l’exposition a son rythme propre, sa propre unicité, qu’elle existe presque pour elle-même (elle est d’ailleurs installée, comme nichée, dans les cimaises de l’exposition Mike Kelley qui l’a précédée). Le spectateur y entre comme par effraction, comme « témoin » d’un monde qui existe en dehors de lui. On peut être profondément agacé par cette proposition et la rejeter en bloc mais on ne peut nier son étonnant pouvoir de séduction, sa force plastique, l’irrésistible sentiment d’étrangeté qu’elle suscite.

Reste une question : les œuvres deviennent-elles plus lisibles à la faveur de cette confrontation ? Non, et le mystère est volontairement préservé par leur auteur qui préfère semer le trouble chez le spectateur qu’éclairer sa lanterne (même si certaines pièces finissent par trouver une signification : le lévrier, par exemple, à côté d’un tas de pigment rose, peut être lu comme une référence à la peinture classique espagnole où des lévriers étaient représentés pour leur allure noble et hiératique). Et une autre : un tel type d’exposition entièrement fermée sur elle-même, d’où le spectateur est en partie exclu (le contraire du « show » à l’américaine) et qui existe en dehors du temps et de l’espace qui lui sont impartis (la sculpture avec l’essaim d’abeilles, par exemple, avait été conçue pour le dernière Dokumenta de Cassel et avait été entretenue depuis) n’est-il pas le contraire d’un art généreux, qui fait appel à l’autre et qui a besoin de l’autre pour exister, qui relève de cette esthétique relationnelle dont parlait Nicolas Bourriaud dans les années 90 et à laquelle Pierre Huyghe était lui-même associé ? On peut se poser la question, sans forcément y apporter de réponse. On peut aussi se dire que cette manière de penser l’exposition est un signe des temps qui fera date et qu’il sera difficile d’oublier à l’avenir.
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyLun 30 Sep 2013 - 0:56

Quelques images prises pendant l'exposition (les 4 premières) et sur le net:

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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyMar 8 Oct 2013 - 23:55

Article du Monde:

Il faut imaginer le soleil tombé, le musée déserté: que deviennent-elles, la nuit, ces œuvres ? Nul doute, elles rêvent. Elles ont des songes de miel et de glace, de carnaval, de littérature et de terrier. Elles ont leur vie rien qu'à elles. Mais tout cela, elles ne nous le raconteront pas ; même quand, au jour, nous viendrons les surprendre : les œuvres de Pierre Huyghe existent pour et par elles-mêmes. Films, photographies, performances, souvenirs d'un monde flottant et autres opus indescriptibles… Elles nous sont organismes lointains, aucune de leurs énigmes ne saurait être brisée, et l'écosystème qu'elles construisent en guise d'exposition est notre planète étrangère.

Et pourtant… Nul ne peut s'arracher sans tristesse de la magistrale rétrospective composée par l'artiste français, à partir d'un corpus de 50 œuvres et présenté au Centre Pompidou jusqu'au 6 janvier.

PINGOUIN ALBINOS

Comment quitter le pingouin albinos qui n'attendait qu'une caméra et un peu de romance pour exister sur une île où l'Arctique fond pour se faire imaginaire ? Pourquoi renoncer à contempler cette brume colorée qui bat au rythme des Gymnopédies de Satie ? Et vraiment, ne jamais savoir ce qu'il adviendra des explorateurs de cette forêt tropicale née sur la scène de l'opéra de Sydney ?

Il faudra s'y résoudre, et partir dans un brouillard de questions. Mais parfois, au fil de la nuit – la nôtre –, ces personnages et leurs îles secrètes reviennent hanter qui est venu les visiter (les déranger ?) au musée. Alors ils deviennent évidence, dans leur singulier mystère.

Et pourtant… Toujours ils se refusent à nous. Alors, à quoi tiennent ces heures passées à errer de l'un à l'autre ? A cela, peut-être: par leur présence, ces œuvres réclament de nous la même intensité. Une femme au corps offert a le visage caché sous un essaim d'abeilles qui, chaque jour, burinent légèrement son allure ; un lévrier blanc et décharné trottine, indifférent à cette patte rose qui le fait créature de dessin animé; une patineuse sourit en glissant sur une surface glacée, noire comme lave froide…

"PRÉFÉRER L'INTENSITÉ À L'INFANTILISATION"

"Ces choses ne dansent pas pour nous, elles sont indifférentes à notre présence, elles ne sont pas prises dans un filet qui les domestiquerait, revendique l'artiste. Mais bien sûr elles intensifient ce qui est. Et par écho font du visiteur un témoin sauvage. Comprendre que l'on ne comprend pas, c'est préférer l'intensité à l'infantilisation." *

Le soir du vernissage, le 25 septembre, réactivant une performance ancienne, Huyghe avait chargé l'écrivain Thomas Clerc de retranscrire en direct les situations observées. Aujourd'hui placardé au mur, son texte peut servir de modèle : en terrain non conquis, accepter les bruissements d'une langue inconnue.

Et choisir l'éveil, l'hyper-conscience, pour tenter de transpercer les murs du regard : ici, même les cimaises ont des secrets. Elles ne cachent pas leurs fantômes. A commencer par les précédents occupants des lieux, que Huyghe révèle en ponçant la paroi pour évoquer en creux leur archéologie ; qu'il honore, aussi, en s'infiltrant exactement dans la scénographie imaginée cet été pour Mike Kelley. "Quand j'arrive dans un corps donné, je m'acclimate, je me laisse influencer par le contexte, j'accepte les règles. Et si j'ai envie de les refuser, je trouve d'autres modes de monstration, un espace public, une rivière…", remarque-t-il.

DES MICROCOSMES INVITÉS AU MUSÉE

Pourtant l'animal est loin d'être domestiqué : il a beau être considéré comme l'un des plus grands plasticiens au monde, sa mise en scène dans le parc de Kassel, en Allemagne, pour la Documenta de 2012 – rejouée ici –, a beau avoir fait le tour du monde, on ne l'enterrera pas sous les tuyaux de Renzo Piano.

Certes, aujourd'hui, il rêve surtout d'investir un site naturel où "jouer du minéral et du végétal, diffuser la grippe et se libérer de l'autorité de l'art pour tous"… Mais en attendant d'avoir le temps et les moyens de ce jardin sauvage ("Un lieu qui serait. Point."), il invite dans le musée cette vie que d'ordinaire l'institution refuse. Des microcosmes qui s'imposent en autarcie : colonies de fourmis acharnées, araignées amusées du bon tour joué à la conservation préventive… Pour Huyghe, ces êtres "amènent dans ce lieu destiné à séparer le vivant du figé quelque chose d'incontrôlable, qui n'est pas joué. Les animaux ont leur écriture, faussement aléatoire, et j'ai de plus en plus envie de l'exploiter".

Dérogeant aux contraintes d'hygiène et de sécurité, le Centre Pompidou a ainsi annexé une partie de son terre-plein extérieur pour y prolonger l'exposition. Ce semi plein air évite aux abeilles des accès de claustrophobie ; il est aussi microclimat : l'eau, la brume, la glace tombent du plafond, selon le rythme d'un récit d'Edgar Allan Poe qui se livre en morse à travers les éléments. Superbement débordante et débordée, l'exposition rappelle combien elle émane d'un artiste rétif, qui s'est toujours refusé à l'exercice de la rétrospective.

"MUSE ENDORMIE" AU FOND D'UN AQUARIUM

Il le raconte en crypté, quand il évoque cet aquarium au fond duquel, en dialogue avec des crabes-insectes indéterminés, repose la Muse endormie de Brancusi. Un gros bernard-l'ermite en a fait sa coquille : "Comme moi je viens habiter ce lieu, il hérite de quelque chose qu'il n'a pas construit. Une muse qui dort, dans l'endroit où sont les muses… Le musée. On peut s'amuser avec ce genre d'interprétation, ou juste dire que c'est un crabe dans la tête de quelqu'un."

On ne dira rien de plus. Inutile de déflorer les œuvres dans leur diversité; résumer les films d'une densité parfois folle serait vain. Il faut juste savoir gré à ces productions artistiques de sortir un temps, pour nous, de leur nuit. Car toutes ressemblent à cette grotte récemment découverte au Mexique, qui étincelle de cristaux géants, et que l'artiste a photographiée : "Le site a existé dans la fiction avant d'exister dans notre réalité. Maintenant qu'il est découvert, les cristaux cessent de grandir, et il est promis à la mort." Ces œuvres, il ne faut donc pas trop les réveiller : la nuit, elles se rechargent, et c'est la condition de leur lumière.
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyMer 9 Oct 2013 - 10:25

J'ai entendu Pierre Huyghe à la radio hier, où il disait désirer 'un art sans spectateur'. Je vais donc attentivement parcourir ce fil bien fourni par les soins de Marko et m'interroger sur cet artiste qui ne veut pas être vu (??) mais expose à Pompidou !!! J'imagine que ses idées sont bien plus complexes que ça...
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyMer 9 Oct 2013 - 10:55

Il veut dire que le visiteur idéal fait partie intégrante de l'exposition. Il n 'est pas simple spectateur mais il est en interaction avec les différentes installations. Et c 'est vrai. Tout ce qu'on voit établit des liens de correspondances entre les strates de réalité et de matière. A nous de laisser notre inconscient créer du sens et un cheminement. C 'est un des plus grands plasticiens du monde depuis des années. Son travail est d 'une richesse inépuisable.

L 'émission de France Culture La dispute lui rend hommage avec ferveur. On peut l 'écouter en podcast.
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyMer 9 Oct 2013 - 11:18

Merci pour l'explication Marko. Il faut donc s'attendre à des oeuvres qui existent en elles-mêmes, sans avoir besoin d'être vues pour être (le visiteur comme témoin sauvage) et chercher à construire sa propre fiction à travers la poésie réelle/visible/tangible du plasticien... Très tentant !
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyMer 9 Oct 2013 - 12:00

Je pense qu'il faut prévoir au moins 2 ou 3 heures pour prendre le temps de s'immerger dans ces espaces. Laisser décanter dans la mémoire. Puis se documenter et y revenir. Mais le moment le plus pur est dans cette première exploration , vierge de tout référentiel.
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MessageSujet: Re: Pierre Huyghe   Pierre Huyghe EmptyLun 21 Oct 2013 - 10:29

Quand je lis un tel enthousiasme, je me dis que je devrais m'intéresser à l'art actuel (avec lequel j'ai du mal, je l'avoue) !
Je ne mets à peu près jamais les pieds au musée Pompidou, la dernière fois c'était pour Freud (mais quelle fois !!).
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