A notre époque où la provocation est un moyen de se mettre sous les projecteurs pour se pavaner, cet abbé, profondément catholique mais néanmoins anti-clérical, provoquait dans un but précis : la communauté. Non dans son sens restrictif, repliée sur elle, mais dans son sens d’ouverture vers les autres, d’assistance mutuelle et non de charité !
Lui si traditionaliste dans sa foi restait pourtant tolérant envers autrui et jamais prosélyte, remettant en cause sans vergogne les dogmes de l’église.
Ne se contentant pas du discours et malgré son goût pour le contemplatif, il passa si souvent à l’action…
Résistant de la première heure, il organisa notamment nombreux passages de juifs en Suisse.
Figure emblématique du clergé résistant, qui en avait bien besoin, il se présenta à la députation ; élu, avec ses indemnités de parlementaire il acheta une maison délabrée et fonda Emmaüs avec l’aide d’un assassin suicidaire dont il demanda et obtint l’assistance ! Demander l’assistance d’un désespéré est symbolique de son raisonnement…
Tout le monde connaît la suite, l’hiver 54, la création d’ Emmaüs HLM qui gère actuellement 13 000 logements sociaux en IDF, 40 communautés Emmaüs dans le monde…
Bien sûr, ce grand communiquant (dans son sens noble et non publicitaire) n’était pas sans défaut. Cette foi aveugle en sa religion et en amitié l’empêchait de voir, un temps, certaines évidences…mais il revendiquait, contrairement à sa hiérarchie, le droit à l’erreur !
Son besoin d’amour constant, d’autant plus fort qu’il lui manquait au quotidien, débordait parfois…
Les hommages banalement creux de nos hommes politiques actuels ne font qu’exposer la différence entre un discours qui sert une action et un discours qui sert celui qui le prononce ! L’existence même de l’abbé Pierre mesure l’étendue de leurs échecs !
Avec un pape comme lui, une antithèse de l’actuel, j’en deviendrais catholique, moi l’agnostique areligieux.
Béret bas, l’abbé !