Et si on traversay?

Les Chicouch'timis

Il va falloir que tu expliques à Bulle...Au Canada, on ne doit pas savoir qui sont les Ch'tis...

[spoiler]La langue, pour moi, a toujours été de première importance.
Dès que j'ai eu commencé à lire et à écrire, j'ai senti un point qui me tenaillait là... c'était le point d'interrogation! Il ne m'a jamais quitté.
La fréquentation de la langue est une interrogation sans fin.
Quel affreux sadique a bien pu inventer une langue aussi complexe?
Quel maniaque tordu s'est-il un jour ingénié à échafauder une telle quantité de règles des plus strictes, pour s'amuser ensuite à contrarier ces règles par autant d'exceptions...? Oui vraiment, le français fourmille d'incongruités et de mystères.
Par exemple : comment expliquer à un anglophone pourquoi le pronom " lui ", au départ masculin, puisse aussi céder au féminisme : " Monsieur, c'est MA langue, vous LUI devez respect!... "? Mystère!
Autre exemple : comment comprendre que l'ALLIGATOR se retrouve avec deux " L " alors que c'est l'ALOUETTE qui en aurait bien besoin?

bulle dit: (deux ailes pour voler)

Décidément, écrire dans notre langue exige de l'héroïsme... on patauge dans une jungle de bizarreries, de pièges, d'anomalies étranges et d'exceptions inexplicables... Autant de difficultés finissent par susciter le doute... le doute s'installe entre nos certitudes... et c'est normal.
J'en arrive même à conclure que c'est souhaitable : dans le doute, ne jamais s'abstenir, mais gratter, fouiller, chercher, consulter, se corriger sans cesse...
Ne craignons pas le doute. Le doute est bénéfique, il entretient la curiosité... et la curiosité étant mère de la découverte, c'est donc le doute qui enrichit les dictionnaires... et leurs éditeurs par la même occasion!

Je crois que nous sommes très paresseux envers notre langue, que nous manquons singulièrement de vigilance. Qu'on l'écrive ou qu'on la parle, oui, notre langue d'ici est molle d'expression et pauvre de vocabulaire, mais de grâce, cessons d'en blâmer les autres! À cause de notre insouciance, de notre indolence, c'est de l'intérieur que nous sommes menacés. Nous sommes nos pires ennemis!

Je n'arrive pas à comprendre qu'on soit si exigeant en matière de sport, qu'on y encourage les meilleures performances... alors qu'à l'école, surtout en ce qui a trait à la langue, on laisse aller, on pratique un laxisme navrant, on tolère un nivellement par le bas... et on se scandalise ensuite de trouver, même au niveau universitaire, des himalayas de fautes d'orthographe et des abîmes d'ignorance grammaticale...

J'aimerais conclure en m'adressant à ceux qui sont les mieux placés pour apprécier une langue de qualité.

Chers professeurs, il est notoire que vous n'avez pas la vie facile, et qu'on vous bouscule souvent à coups de changements de programme... mais j'en appelle à vous : S'il vous plaît, ne baissez pas les bras, ne démissionnez pas, ce serait trop triste...
Je vous en prie, ne donnez pas votre langue au chat.
Elle est trop précieuse, elle est notre instrument de survie.
À travers toutes vos matières à enseigner, de tous ces chats que vous devez fouetter, le plus récalcitrant sera toujours notre langue : c'est plus qu'un chat, c'est un tigre!
On n'en a jamais fini de l'apprivoiser...

Dites à vos élèves qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils partagent un français bien vivant avec des millions d'étudiants, dans 52 pays... que leur langue se doit d'être claire, nette et précise, car il en va de l'image que projette le Québec à l'étranger.

Nous attendons de vous, chers professeurs, que vous appreniez à nos petits-enfants, en toute sincérité, que rien n'est facile, que le passé n'a jamais été très simple... que le présent est plutôt vindicatif... et que leur futur sera toujours conditionnel...

Notre langue, toute en images, nous offre un aspect ludique.
Faites en sorte qu'ils jouent avec les mots, qu'ils y trouvent du plaisir.
Apprendre, parler, conjuguer, accorder, discourir, rédiger, s'exprimer... dans une langue aussi complexe que la nôtre, quel bonheur!
Et quelle joie d'en savourer toutes les nuances et les subtilités!

J'ai ouï dire que les hautes sphères de l'éducation sont prêtes à plus d'exigence... qu'on aurait, en autres, redécouvert les vertus de la dictée.
J'applaudis... tout en priant le ciel que ces hautes sphères ne donnent pas naissance à des bulles de savon... que ces hautes sphères aient l'esprit olympique, qu'elles tiennent la barre très haut...
Et qu'elles se persuadent enfin qu'on ne récolte pas l'excellence en semant la médiocrité!