Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Julien Gracq

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swallow
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyVen 20 Nov 2009 - 19:30

A propos du Goncourt qu´il refusa...
Publié en septembre 1951 chez José Corti, en pleine rentrée littéraire (Gracq affirme qu’on ne l’y reprendra plus !), Le Rivage des Syrtes est reçu de façon très élogieuse par la critique qui multiplie approches et analyses autour du mystère de ce roman. Dès novembre, le bruit court que Julien Gracq est pressenti par l’Académie pour recevoir le Goncourt. L’auteur, lui, n’en croit rien, qui a publié quelques mois auparavant La Littérature à l’estomac (1950), un pamphlet dans lequel Julien Gracq dénonce les « us, abus et absurdités de la foire aux lettres ». Pour cette raison, il se croit définitivement hors concours. Pourtant les bruits se faisant très insistants, il se décide à écrire au rédacteur en chef du Figaro littéraire, Maurice Noël, qui publie sa lettre le 28 novembre. La voici :



« Cher Monsieur,

« Je n’ai pas prêté une attention vive aux premiers échos - parus dans Le Figaro et Le Figaro littéraire et ailleurs - qui faisaient état de mes « chances » pour le prix de fin d’année. La position que j’avais prise l’an dernier au sujet des compétitions littéraires dans un article La littérature à l’estomac (dont Le Figaro littéraire avait reproduit des extraits) tout autant qu’elle les rendait invraisemblables me paraissait leur opposer d’avance un démenti suffisant : on ne s’attendait tout de même pas à ce que j’aie changé d’avis en quelques mois. Mais ces échos se multiplient et se précisent et j’ai de bonnes raisons de ne plus leur refuser aujourd’hui un caractère sérieux. Dès lors, ceux qui me lisent ne comprendraient pas que je ne m’explique pas brièvement, mais publiquement à ce sujet. Non seulement je ne suis pas, et je n’ai jamais été, candidat, mais, puisqu’il paraît que l’on n’est pas candidat au prix Goncourt, disons pour mieux me faire entendre que je suis, et aussi résolument que possible, non candidat. Je ne redirai pas des raisons que j’ai dites longuement en leur temps. Je ne tiens pas à me poser en champion publicitaire de la vertu : cela ne me serait pas agréable. Je ne nie nullement non plus que certains suffrages sincères, dans un jury comme ailleurs, puissent me faire plaisir. Mais, tout de même, je ne veux pas qu’on pense qu’après avoir sérieusement détourné peut-être quelques jeunes (peu nombreux, qu’on se rassure) de la conquête des prix littéraires, je songe maintenant à la dérobée à me servir. Je ne m’en prends pas spécialement au prix Goncourt. Je m’en prends à lui moins qu’aux autres, du fait que longtemps, il fut le seul. Deux ou trois prix littéraires, passe encore si on y tient - deux ou trois cents (le nombre sera dépassé la semaine prochaine) cela devient un trait déplaisant de « mœurs indigènes » sur lequel tout le monde au fond est d’accord, sans toujours l’avouer. Je persiste à penser qu’il n’y a plus aucun sens à se prêter de loin ou de près à quelque compétition que ce soit et qu’un écrivain n’a rien à gagner à se laisser rouler sous cette avalanche.
Je m’excuse d’être obligé de revenir sur un sujet avec lequel je croyais en avoir fini. Avouez qu’au moins ce n’est pas de ma faute : il semble qu’en cette matière il soit bien difficile de se faire entendre clairement.
Agréez, cher Monsieur, etc. »

JULIEN GRACQ.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyVen 20 Nov 2009 - 22:50

Un balcon en forêt qui s'impatiente sur une étagère... et moi qui m'impatiente un peu plus.

c'est significatif toutes les sensations de lecture qui reviennent quand ce fil refait surface... les espaces, paysages de l'esprit qui réapparaissent.

(oui c'est beau le coin singe !!! )
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyDim 3 Jan 2010 - 14:39

raaaaaah le balcon en forêt.... c'est mieux que bon, et en plus il y a une escapade du côté de Chinon... coupez moi les doigts si je ne vous donne pas l'extrait !

parce que ce n'est pas le tout de profiter de ses très justes descriptions de lieux, au sens complet de la description avec l'atmosphère et le sens d'un lieu, de son temps... mais pouvoir se rendre compte de la justesse essentielle de ces "très justes descriptions"... Julien Gracq - Page 10 Bave-salive
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyDim 3 Jan 2010 - 14:42

animal a écrit:
raaaaaah le balcon en forêt.... c'est mieux que bon, et en plus il y a une escapade du côté de Chinon... coupez moi les doigts si je ne vous donne pas l'extrait !

parce que ce n'est pas le tout de profiter de ses très justes descriptions de lieux, au sens complet de la description avec l'atmosphère et le sens d'un lieu, de son temps... mais pouvoir se rendre compte de la justesse essentielle de ces "très justes descriptions"... Julien Gracq - Page 10 Bave-salive

Alors il faut qu'on organise une visite parfumée à Chinon...guidée par Gracq! content
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyDim 3 Jan 2010 - 15:58

hop là ! un peu paradoxal de commencer à parler du balcon en forêt avec Chinon mais... une mise en bouche comme une autre pour l'étendue de qui est dans le livre ?

Citation :
Grange s'ennuyait : il reprit le train pour la campagne. La Vienne était en crue après le dégel brusque : une eau saliveuse, acide, mordait sur les prairies basses qui reverdissaient déjà; mais dans les vallées du Chinonais le bleu léger de la Touraine était déjà assis partout sur les collines : dans les taillis écorchés des versants de tuffeau, des fusées de verdure jaune couraient ça et là sur les brindilles sèches de l'hiver. Il quittait l'auberge le matin de bonne heure, ayant à sa droite la Vienne qu'on apercevait entre les peupliers encore nus, derrière ses longues écharpes de brumes; soudain, à un détour de la vallée, la nette petite ville de livre d'heures au bout de son pont, levée avec le soleil, s'accrochait au flanc de son coteau raisonnable, parmi les chemins de meuniers tout enfarinés de poussière blanche, avec ses toits serrés d'écailles bleues sortant des brouillards du matin plus nacrés qu'un banc de goujons, et l'immense et large courtine du château déroulée très haut au(dessus de ses maisons comme un bandeau royal qu'on étire à deux bras de toute sa longueur. Il passait le pont avec les premières charrettes paysannes du marché et buvait de bonne heure, parfois à jeun, dans un minuscule café ombreux derrière ses caisses de fusains, le petit vin rosé des coteaux de la Vienne, en écoutant dans les étroites rues montantes les carrioles cerclées de fer et les tonneaux rouler sur le pavé rond.
La ville ne lui pesait pas : elle lui semblait décrochée du temps, rafraîchie par une image d'Epinal fabuleuse. Une lumière étrange, jamais vue, hésite un instant sur un coin du quinzième siècle. La herse du château de Chinon se relève : au son des trompettes, en grand cortège, on voit sortir des voûtes, comme la séquence médusante d'un jeu de tarots, le Prince d'Aquitaine à la tour abolie, flanqué de la Pucelle et de Barbe Bleue. Le monde s'est desserré à quelques-uns de ses joints essentiels; soudain le coeur bondit, la possibilité explose : les grandes routes, un instant, s'ouvrent aux "grands indésirables".
Ce qui lui plaisait aussi dans ce pays, c'était la pierre, cette craie tuffeau blanche et poreuse, tantôt désséchée et craquante au soleil, tantôt attendrie, exfoliée, desquamante dans l'humidité des miroirs d'eau troués de roselières, marbrée de gris fumés très délicats, d'imprégnations grumeleuses de buvard, mordue dans ses anfractuosités des très fines moisissures indurées du roquefort. C'était comme un matériau féminin, pulpeux, au derme profond et sensible, tout duveté des subtiles impressions de l'air. Quand il revenait de Chinon, s'attardant au long de la Vienne du côté bâti, mis en belle humeur par ses petits déjeuners capiteux de vin et de rillettes, il regardait les secrètes maisons de campagne à l'aise derrière leur grille fermée et leur parterre vieillot piqué des quenouilles défleuries des passe-roses - maisons mariées plus que d'autres à l'heure qu'il est, épanouies calmement dans la douce lumière mousseuse, pareilles à une femme au jardin.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyDim 3 Jan 2010 - 16:16

animal a écrit:

Ce qui lui plaisait aussi dans ce pays, c'était la pierre, cette craie tuffeau blanche et poreuse, tantôt désséchée et craquante au soleil, tantôt attendrie, exfoliée, desquamante dans l'humidité des miroirs d'eau troués de roselières, marbrée de gris fumés très délicats, d'imprégnations grumeleuses de buvard, mordue dans ses anfractuosités des très fines moisissures indurées du roquefort. C'était comme un matériau féminin, pulpeux, au derme profond et sensible, tout duveté des subtiles impressions de l'air. Quand il revenait de Chinon, s'attardant au long de la Vienne du côté bâti, mis en belle humeur par ses petits déjeuners capiteux de vin et de rillettes, il regardait les secrètes maisons de campagne à l'aise derrière leur grille fermée et leur parterre vieillot piqué des quenouilles défleuries des passe-roses - maisons mariées plus que d'autres à l'heure qu'il est, épanouies calmement dans la douce lumière mousseuse, pareilles à une femme au jardin.[/font]


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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 22:11

j'ai la tête qui donne l'impression qu'elle va bientôt exploser, donc le commentaire qui suit risque d'être un peu plus pourri que prévu, c'est à dire pas assez motivant, excusez la faiblesse.

c'est le troisième récit que je lis de Julien Gracq, l'extrait qui précède n'est pas mauvais loin de là mais il est un peu différent du reste du livre. Ce récit c'est celui de Grange, affecté à la veille de la deuxième guerre mondiale au commandement d'une "maison forte" dans la forêt près de la frontière belge non loin de la Meuse. Cette maison forte c'est un blockhaus avec une maisonnette dessus dans laquelle vont vire ces quelques hommes dans l'attente.

L'attente pour Grange est une certaine distance qui lui semble d'ailleurs naturelle, une réserve et une perception aiguisée de son environnement, la nature, les bois, les saisons, les fluctuations de ce monde qui le délivre souvent et lui permet de se sentir, situer.

L'attente pour tous ces hommes c'est les préparatifs de la guerre dans une certaine désinvolture, beaucoup d'imaginaire, la certitude de quelque chose cachée derrière un ensemble d'habitudes du quotidien.

Et puis il y a l'étrange Mona, jeune femme que rencontre Grange, la rencontre donne lieu à une relation énigmatique et fusionnelle. Animale, presque idéale, presque.

C'est le troisième récit que je lis et c'est celui que je préfère, l'accoutumance à l'écriture et aux manies de l'auteur et une certaine confiance peuvent jouer mais je crois surtout que ce récit est plus resserré, plus dense, plus concentré... expressions différentes pour arriver à dire dans l'instant, l'instant d'un temps plus vif ou plus long selon le moment.

Les descriptions des sensations de Grange, des lieux, d'un lieu au sens large, dans le temps, l'espace sont fantastiquement réussie mais ne sont pourtant qu'une partie de l'ensemble, car le récit qui s'accélère démontre de la façon la plus naturelle qu'il soit le sentiment d'absurdité du jeu de la guerre, qui n'en est pas un. Sentiment naturel car Julien Gracq décrit aussi très bien ce qu'il ne dit pas : les arrangements de la pensée, des mouvements de l'esprit qui s'entremêle et s'opposent parfois quand les idées se font trop fortes (ou nécessaires ?) avec un sentiment naturel, une attention au monde, à soi, à l'autre, à la nature, son environnement. Pas la peine pour lui d'en rajouter parce que nous sentons avec Grange donc nous savons. La succession des saisons, de l'hiver, de l'été, des tâches, du soleil et de la pluie ne mentent pas dans le fond.

La fin, inévitable, est d'une intensité hallucinante et un peu hallucinée.

Sur la longueur les idées et projections sont en retraits ce qui crée une atmosphère particulière qui permet de saisir beaucoup de choses des aspirations, vanités et bêtises de l'homme mais aussi les bonnes choses. Sans simplicité outrancière, sans forcé le trait avec une très subtile part de mystère et un nombre incroyable de pages miraculeuses. Pas de cynisme, pas de moralisme, seulement une présence qui n'est pas ombragée par la construction de l'ensemble, les deux ont un sens, ensembles.

Dans l'attente, l'essence et l'espace de cette attente qui s'intensifie, évolue, il passe une somme précise de choses qui touchent profondément. C'est difficile d'avancer les mots pour s'en approcher.

Excellent livre, exceptionnel même. Et sans s'imposer, la lecture devient vital au fur et à mesure, il n'y a pas de trop, c'est très travaillé mais ça fait partie de soi quand on le lit. Une façon d'essayer de le dire...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 22:30

Ca donne envie. Depuis La forme d'une ville je me dis que je dois lire un autre Gracq alors ce sera sûrement celui-là et bientôt. J'avais déjà noté Le château d'Argol en plus!
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 22:38

le problème c'est que tu te sentiras quand même obligée de lire les autres mdr2
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 22:40

je ne connais pas du tout cet auteur, je crois donc faire sa connaissance avec ce livre dont le commentaire et le sujet me plaisent.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 22:59

animal a écrit:
le problème c'est que tu te sentiras quand même obligée de lire les autres mdr2

Oui, c'est probable.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMer 6 Jan 2010 - 23:30

Il y a quelques temps...

animal a écrit:
je dirai que je garde une réserve certaine, un livre ce n'est pas assez dans ce cas précis, et d'autres choses peut être, certainement. Mais ne pas reconnaitre ses qualités... je crois qu'on peut se permettre d'apprécier pleinement tout en gardant un peu de marge Cool

Puis aujourd'hui...

animal a écrit:
La fin, inévitable, est d'une intensité hallucinante et un peu hallucinée.

Sur la longueur les idées et projections sont en retraits ce qui crée une atmosphère particulière qui permet de saisir beaucoup de choses des aspirations, vanités et bêtises de l'homme mais aussi les bonnes choses. Sans simplicité outrancière, sans forcé le trait avec une très subtile part de mystère et un nombre incroyable de pages miraculeuses. Pas de cynisme, pas de moralisme, seulement une présence qui n'est pas ombragée par la construction de l'ensemble, les deux ont un sens, ensembles.

Dans l'attente, l'essence et l'espace de cette attente qui s'intensifie, évolue, il passe une somme précise de choses qui touchent profondément. C'est difficile d'avancer les mots pour s'en approcher.

Excellent livre, exceptionnel même. Et sans s'imposer, la lecture devient vital au fur et à mesure, il n'y a pas de trop, c'est très travaillé mais ça fait partie de soi quand on le lit. Une façon d'essayer de le dire...

enthousiaste ...Julien Gracq a totalement apprivoisé l'animal!...

Tu me donnes envie de revenir à Julien Gracq avec Un balcon en forêt...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyJeu 7 Jan 2010 - 22:32

pas aussi simple que ça, je crois qu'on peut l'apprécier autant que possible tout en conservant une forme de distance, c'est bizarre à dire... ne pas être obligé de tout avaler sans conditions pour avoir tout. Il est très fort sans imposer l'identification. pas clair...

je ressens ça comme une qualité sur laquelle on (je en tout cas) ne s'arrête pas assez souvent !... ?
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMar 14 Sep 2010 - 19:49

Les eaux étroites

Ce mince recueil dont le commentaire me donne tant de fil à retordre...Avant de connaître Gracq je ne pensais pas que son oeuvre traitait de ce lien qui existe entre promenade, errance dans un paysage et rêverie, mémoire, souvenir.
La forme d'une ville me l'a fait comprendre, la façon dont Gracq surimpose ses souvenirs au plan de la ville de Nantes.
Les eaux étroites le confirme. Il y est question des promenades en barque que faisait Gracq enfant sur l'Evre, un petit affluent de la Loire qui se jette dans le fleuve à St Florent le Vieil, sa ville natale.
Les paysages, champs, falaises, bois, défilent le long des rives, en même temps que s'enchaînent les rêveries "associatives" et se réveillent les souvenirs, sur ses lectures en particulier, Nerval, Allain-Fournier, Edgar Poe, Jules Verne, Balzac (avec un passage extraordinaire sur Les Chouans, ça m'a donné envie de le relire!)...
Le tout dans cette écriture exigeante qui me déconcerte toujours au départ mais ensuite qui me charme littéralement par sa beauté et surtout son pouvoir d'évocation. Quelle sensualité et vérité dans ces descriptions de la rivière, ses odeurs, ses bruits, ses couleurs, les jeux de lumière sur l'eau et dans les arbres, les impressions, les sensations...
Quelques extraits:

Citation :
Pourquoi le sentiment s’est-il ancré en moi de bonne heure que, si le voyage seul - le voyage sans idée de retour - ouvre pour nous les portes et peut changer vraiment notre vie, un sortilège plus caché, qui s’apparente au maniement de la baguette de sourcier, se lie à la promenade entre toutes préférée, à l’excursion sans aventure et sans imprévu qui nous ramène en quelques heures à notre point d’attache, à la clôture de la maison familière ?.

Citation :
On s'embarquait - on s'embarque, je pense toujours - au bas d'un escalier de planches qui dégringolait la haute berge glaiseuse; les branches se croisaient au-dessus de l'étroit chenal d'eau noire; on entrait de plain-pied dans une zone de silence plus subtil et comme alerté, ami de l'eau comme l'est la brume, et que rompait seulement l'égouttement plat et liquide des pales des avirons relevés presque aussitôt venait battre un instant bordé l'écho à la fois caverneux et étoffé de la voûte du pont de pierre; au delà, la rivière s'élargissait entre des prairies basses bordées de rouches, roseaux coupants où s'embusquait parfois, palissadé jusqu'au menton, un pêcheur figé et soupçonneux comme une sentinelle; là s'étalaient déjà partout en travers de la rivière les constellations vertes et flottantes des peuplements de châtaignes d'eau qu'on soulevait au retour et qu'on inspectait comme des filets pour y récolter les macres aux cornes aiguës: petits crânes végétaux épineux que la cuisson durcit et qui livrent fendus,en guise de cervelle,une noisette au goût douceâtre de sucre et de vase, friable et grenue,et qui crisse entre les dents.


Citation :
Je parle d’Edgar Poe, et voici qu’il ne va plus guère me quitter tout au long de cette excursion tant de fois recommencée ― bien souvent en compagnie bruyante et joyeuse ― et qui pourtant, non pas seulement dans mon souvenir, mais chaque fois et pendant même que je la recommençais, a gardé toujours quelque de l’allure du rêve, dans le défilé muet, incompréhensiblement majestueux, des deux rives qui viennent à moi et s’écartent comme les lèvres d’une Mer Rouge fendue, dans le sentiment à la fois de lenteur irréelle et de vitesse lisse que j’ai cru retrouver parfois dans les plus beaux, les plus vastes rêves d’opium de De Quincey. L’eau noire, l’eau lourde, l’eau mangeuse d’ombres qu’a décrite Gaston Bachelard, celle qui ceinture l’Île de la Fée, celle qui attend au creux de ses douves de se refermer sur les décombres de la maison Usher ― si différente du flot insidieusement violent qui râpe et ratisse les grèves de la Loire, et renverse par les épaules comme un chien joueur le nageur qui cherche à reprendre pied ― elle était là, elle fut là pour moi tout de suite, avec son odeur terreuse de vase et de racines, son sommeil dissolvant : digérant, infusant lentement les feuilles mortes qui pleuvaient des arbres d’automne. Je n’y ai jamais plongé sans malaise : froide, inerte, sans éclaboussures et sans jaillissement, comme si on y avait plongé à travers une pellicule de lentilles d’eau.

Citation :

Aucune peinture autant que la peinture chinoise — et particulièrement celle des paysagistes de l’époque Song — n’a été hantée par le thème pourtant restreint de la barque solitaire qui remonte une gorges boisée. Le charme toujours vif qui s’attache à une telle image tient sans doute au contraste entre l’idée d’escalade, ou en tout cas d’effort physique rude et de cheminement pénible, qu’évoque la raideur des versants, et la planitude, la facilité irréelle du chemin d’eau qui se glisse indéfiniment entre les à-pics : le sentiment de jubilation qui naît, dans l’esprit du rêveur, de la solution incroyablement facile des contradictions propre au rêve, s’ancre ici concrètement dans la réalité. Les branches des arbres haut perchés sous lesquels on glisse, les branches du pin ami des rochers qui se penchent anguleuses au-dessus de l’eau dans les lavis chinois, accentuent le sentiment d’ivresse calme, et peuvent d’un moment à l’autre faire succéder au caprice d’un ruban d’eau cerné de précipices l’intimité protégée, la fuite attirante des voûtes d’arbres qui couvrent en berceau un canal courant droit jusqu’à l’horizon. On s’abandonne les yeux fermés à l’eau qui, inépuisablement, ouvre les chemins ; nulle excursion n’est plus envoûtante que celle où le bien-être inhérent à tout voyage au fil de l’eau se double de la sécurité magique qui s’attache au fil d’Ariane. Ainsi, pendant de longues minutes, la barque progresse dans le silence glauque ; en même temps que le soleil, les falaises arrêtent jusqu’au moindre souffle d’air. Au milieu de l’excursion de l’Èvre, ces moments de silence, dans ma mémoire, viennent se poser, comme un long point d’orgue ; ce silence, un doigt sur les lèvres, debout et immobile, et matérialisé à demi au creux de ces étroits pleins de présences païennes, c’est vraiment le "génie du lieu" qui l’impose.

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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 EmptyMar 14 Sep 2010 - 20:34

Ben voilà Nezumi !

As-tu les trois nouvelles de La Presqu' ile ?
Des merveilles !

Je crois que je vais l' acheter... Je l' ai lu il y a longtemps et je suis en période de relectures...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   Julien Gracq - Page 10 Empty

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