Biographie :
Valérie Valère est une écrivaine française née Valérie Samama le 1er novembre 1961 à Paris et décédée le 17 décembre 1982 à Saint-Maur-sur-le-Loir (Eure-et-Loir) dans la maison qu'elle avait louée au 3, rue de la Mairie.
Etoile filante de la littérature française, Valérie Valère a marqué la fin des années 1970 et le tout début de la décennie suivante par son mal de vivre et son destin tragique. Anorexique, hypersensible, se trouvant dans l'impossibilité d'être heureuse malgré le succès, elle s'est réfugiée dans l'écriture sans pour autant y trouver la paix et le bonheur. La mort fut pour elle une délivrance. Il nous reste son œuvre, abondante et atypique mais méconnue, qui mérite de passer l'épreuve du temps.
Enfance et jeunesse :
Née le 1er novembre 1961, Valérie Valère (de son vrai nom Valérie Charlotte Suzanne Samama) voit le jour à Paris 15 rue Eugène Millon à la maternité de la clinique Cognacq-Jay, à quelques rues du domicile familial situé alors 12 rue Linois dans le 15e arrondissement. Elle est le deuxième enfant d'un couple bourgeois d'origine tunisienne. Son frère Éric a trois ans de plus qu'elle. Le père est ingénieur et la mère secrétaire. En apparence, une petite famille tout ce qu'il y a de plus classique et conventionnelle.
En apparence seulement... En effet, le couple est en réalité très désuni et se dispute fréquemment. Très souvent absent, le père aurait de nombreuses maîtresses et la mère ne serait pas en reste, semble-t-il. La naissance de Valérie ne transporte donc pas ses parents de joie car elle est ce qu'on appelle une enfant non désirée. Toute sa vie, Valérie ressentira ce manque d'amour, tant de son père qui n'est jamais là que de sa mère qui ne lui témoigne guère d'affection. Toute son œuvre littéraire en est imprégnée et le thème de l'absence est récurrent dans tous ses livres.
Malgré ce manque d'amour (sa mère n'hésite pas à lui dire qu'elle est laide), l'enfance de Valérie se déroule tant bien que mal. Bonne élève à l'école, Valérie est sage en classe mais distante avec les autres. Dès cette époque, elle se réfugie souvent dans le rêve et l'imaginaire. La vie commence déjà à lui peser.
Mais les vrais problèmes n'apparaissent que quelques années plus tard, à l'adolescence. Alors que d'autres fuguent ou boivent, Valérie devient anorexique. Nous sommes à l'été 1974, elle n'a pas encore 13 ans.
Partie en vacances chez une amie, elle développe une profonde aversion pour la nourriture et refuse de s'alimenter. Déjà frêle, elle perd encore du poids et tombe malade. De retour à Paris, sa mère ne peut que constater son lamentable état physique : Valérie ne pèse plus que 31 kg.
Affolée et sur l'avis d'un médecin, sa mère la fait alors interner dans un grand hôpital psychiatrique parisien où elle va rester quatre mois, le temps qu'elle accepte de se ré-alimenter et de reprendre du poids.
Les débuts d'une artiste :
Peu de temps après sa sortie de l'hôpital, un peu avant Noël, Valérie s'inscrit à l'école du cirque d'Annie Fratellini et suit notamment des cours de danse et d'équilibre sur corde. Dans cette institution, elle fait la connaissance de Marion Hänsel (la future réalisatrice de Dust et de Les Noces barbares) et participe au premier court métrage de celle-ci, Équilibres.
Dans le magazine Court Toujours (n°3, janvier 1999), Philippe Deprez fait une brève analyse du court métrage de fiction de Marion Hänsel. « Équilibres a été tourné à Paris avec comme personnage principal Valérie une adolescente funambule à la recherche de son équilibre, d'un fil pour rentrer dans le monde. Film quasi muet, il permet à la réalisatrice de centrer notre attention sur la perception, parfois ténue, parfois tendue, de la jeune fille en butte à l'incompréhension de sa mère et des gens en général. Seule sur son fil elle danse au son d'une musique de viole de la Renaissance avec pour seul spectateur complice et confident un mainate que sa marâtre traite d'oiseau de la mort. Féminité naissante, questions muettes et interrogations métaphysiques habitent ce film sans dialogues que seuls ponctuent le chant et les battements d'ailes de l'oiseau. Valérie comme beaucoup d'autres héroïnes de Marion Hänsel est une femme sublimée dans sa quête de personnalité, d'existence. À la voir danser dans ce monde mort et indifférent on ne peut s'empêcher de penser aux personnages de Paul Delvaux. Seul être de chair, vivante dans un monde froid, figé, insensible. La première page d'une œuvre qui se penche sur les femmes et les mystères de leur âme. » (Équilibres, 1977, 12', 35 mm, coul. Réal. et scén. : Marion Hänsel. Int. : Valérie Valère, Marie-France Manuel. Images : François Charlet. Son : Henri Morelle.)
Délaissant la danse et le cirque pour la comédie, elle entame une carrière de comédienne et joue dans Pierrette un téléfilm du réalisateur Guy Jorré d'après Honoré de Balzac et au théâtre Lulu de Maurice Maeterlinck avec Jeanne Moreau.
Mais elle ne se sent pas à sa place sur un plateau de tournage ou sur une scène de théâtre. Elle abandonne donc la comédie pour se consacrer uniquement et exclusivement à l'écriture.
Écrire : de la célébrité à la nuit.
L'écriture est entrée dans sa vie à l'été 1977. Sa mère étant partie en vacances sans elle, Valérie se retrouve seule à Paris. Elle se replonge alors dans ses douloureux souvenirs d'enfermement en asile psychiatrique, deux ans plus tôt, elle rédige en trois semaines le récit de son internement. Véritable cri de rage, Le Pavillon des enfants fous est un témoignage déchirant sur le drame de l'anorexie vu de l'intérieur.
Sorti en librairie en novembre 1978, Le Pavillon des enfants fous devient rapidement un best-seller. Les médias s'intéressent vite à cette jeune auteur des plus précoces et l'année suivante, le 27 avril 1979, Valérie Valère participe à Apostrophes, l'émission littéraire de Bernard Pivot. C'est la consécration. Du jour au lendemain, la petite lycéenne aux longs cheveux noirs et aux yeux verts un peu tristes devient célèbre.
Ironie du sort et des dates, ce même soir mais sur une autre chaîne de télévision (TF1), passe Pierrette, le téléfilm qu'elle a tourné sous la direction de Guy Jorré.
Outre la gloire et la renommée, Le Pavillon des enfants fous apporte aussi à Valérie l'indépendance financière. Avec ses droits d'auteur, elle s'achète un appartement, rue de Buci dans le 5e arrondissement de Paris, et quitte le domicile familial.
Traduit dans plus de 10 langues dont l'allemand, l'italien, l'espagnol, le néerlandais et le suédois, Le Pavillon des enfants fous reste aujourd'hui encore le livre le plus connu et le plus lu de Valérie Valère.
Profitant de l'engouement qui entoure son nom, Valérie Valère sort son premier roman dès le mois d'avril 1979. Écrit en deux mois, Malika ou un jour comme tous les autres raconte l'amour impossible entre une petite fille de 10 ans et son grand frère âgé de 15 ans. Comme précédemment, le succès est au rendez-vous.
Son deuxième roman, Obsession blanche, parait en avril 1981. Œuvre plus personnelle, plus intime mais aussi plus difficile d'accès, il ne suscite pas le même enthousiasme chez les critiques et les lecteurs. Cette histoire d'un jeune romancier brillant qui peine à écrire son deuxième livre, d'où le titre, désarçonne le public. C'est à cette période (mai 1981) que Jacques Chancel l'invite à son émission Radioscopie.
S'en suit une période de profonde dépression pour Valérie Valère et d'absorption massive de médicaments.
Se réfugiant à la campagne à Saint-Maur-sur-le-Loir, elle continue néanmoins d'écrire sans relâche. Ainsi, c'est à cette période qu'elle rédige Véra et diverses autres pages. Elle commence même une autobiographie.
Mais dans la nuit du 17 décembre 1982, Valérie Valère meurt dans son sommeil, victime d'une crise cardiaque consécutive à une overdose médicamenteuse. Elle laisse plusieurs romans inédits et des centaines de pages inachevées.
Selon ses dernières volontés, elle est incinérée et ses cendres sont jetées à la mer et ce, sans cérémonie ni parents.
Quel héritage ?
Depuis sa mort, Christian de Bartillat qui fut son seul et unique éditeur (d'abord chez Stock, puis chez Plon et enfin au sein de sa propre maison d'édition) publia plusieurs romans inédits de Valérie Valère. Ce fut d'abord Laisse pleurer la pluie sur tes yeux en 1987, puis Véra, Magnificia Love et pages diverses, La Station des désespérés ou les couleurs de la mort et enfin Éléonore qui se déroule dans le milieu du théâtre. Comme toujours, le père est absent, la mère détestée et l'amour impossible.
Voici ce qu'en dit le critique littéraire Pierre Robert Leclercq dans l'édition du Monde du 5 juin 1998: "Impossible. Le mot résume à lui seul le bonheur, l'amour, la vie des personnages de cette écrivaine morte à vingt et un ans et pour qui tout fut aussi irréalisable, si ce n'est une œuvre de plusieurs milliers de pages dont ce roman inédit. L'impossibilité, ici, est l'amour d'une adolescente pour un acteur plus beau que talentueux. Ce pourrait être anodin, c'est tragique, et avec une cruauté, dans la peinture des personnages et des milieux (le théâtre, le lycée), d'autant plus forte que l'humour la soutient. Des portraits, comme celui du père qui n'est pas là et de la mère trop présente, sont d'une acuité qui fait de Valérie Valère un auteur assez rare capable de faire d'un sujet de roman-photo un drame sans nulle mièvrerie (éd. Bartillat, 202 p.).
D'une grande précocité, Valérie Valère laisse une œuvre abondante et riche. Son décès prématuré représente une immense perte pour la littérature française car il est évident qu'elle serait devenue un des auteurs les plus importants de sa génération.
Talentueuse mais diminuée par une anorexie qui n'a jamais été véritablement guérie, elle est aujourd'hui - et ce bien malgré elle - l'icône de nombreuses adolescentes. Mais il faut aller au delà de cette image, celle de la jeune écrivaine anorexique qui mourut à 21 ans, et ne pas s'arrêter à la seule lecture du Pavillon des enfants fous. Autant que son récit autobiographique, ses romans parlent d'elle et nous révèlent des pans entiers de sa vie, de ses rapports aux autres et de son mal de vivre.