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| Abdelatif Kechiche | |
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Auteur | Message |
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Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Abdelatif Kechiche Mar 8 Jan 2008 - 1:51 | |
| - wiki a écrit:
- Abdellatif Kechiche, parfois appelé Abdel Kechiche, né le 7 décembre 1960 à Tunis, est un réalisateur, scénariste et acteur franco-tunisien.
Il a remporté la Palme d'or du Festival de Cannes 2013 et a été récompensé plusieurs fois aux César du cinéma. Filmographie 2001 : La faute à Voltaire 2004 : L'esquive (César 2005 du Meilleur Film, du Meilleur Réalisateur, du Meilleur espoir féminin pour Sara Forestier et du Meilleur scénario original ou adaptation) Pages 22006 : La graine et le mulet Pages 1, 22010 : Venus noire Pages 1, 22013 : La vie d'Adèle (Palme d'or à Cannes) Pages 2 à 10Index mis à jour : 21/12/2013. Page 10. LA GRAINE ET LE MULETPrix Spécial du Jury (ex aequo) à la 64ème Mostra de Venise. Prix Marcello Mastroianni du Meilleur Jeune Espoir à la 64ème Mostra de Venise. Monsieur Beiji, à 61 ans, se retrouve au chômage. Divorcé et séparé de sa famille, il essaye de rester proche d'eux, d'être encore celui qui agit, qui fait quelque chose pour eux, avec eux. Il s'est recréé une petite famille. Et des tensions plânent entre les deux "clans". D'autant plus qu'au coeur même des familles des problèmes pointent le bout de leur nez et alimente les colères et les conflits. Slimane décide d'acheter un vieux rafiot et d'y créer un restaurant où serait à l'honneur le couscous au poisson (spécialité de son ex-femme) : un couscous qui est un personnage à part entière, lorsqu'à la tablée familiale, tous se le partagent, se le passent, le goûtent, le sentent, le mâchouille, l'embrasse presque avant de le dévorer. Les corps ont une réelle présence, la chair, la vie, l'humain : ça parle fort, ça bouge, ça se bouscule, s'embrasse. Personne, à part Karima, ne semble vraiment croire à ce projet, mais peu à peu, devant la persévérance tous vont s'unir pour aider Slimane Beiji. Abdelatif Kechiche parvient à nous entraîner au coeur de cette grande famille. Sa façon de filmer, proche des gens, il leur laisse une grande liberté d'interprétation, ce qui accentue le naturel obtenu grâce à beaucoup d'heures de répétition tous ensemble, et un petit aspect documentaire, mais qui dépasse ce genre parfois un peu froid. Le film de Kechiche arrive à nous donner l'impression qu'on est à table avec eux, qu'on est le frère la tante la cousine, écoutant comme les autres, ayant son mot à dire, sachant, devinant, et laissant faire. Un film sur la famille, sur la fatalité, sur les secrets, sur la difficulté de vivre les uns avec les autres. Un film profondément méditérrannéen : toujours entre les rires et les larmes, préférant faire la fête, danser sur les larmes et les cris versés pour les faire taire. Mais malgré tout ce qui pèse, une histoire qui garde une certaine légereté, une fraîcheur. Notamment grâce à l'interprétation sincère et vivante des comédiens. Hafsia Herzi est tout simplement superbe : les scènes où elle fait la morale aux "vieux" sont excellentes ! Un film aussi qui nous fait expérimenter le temps qui passe, la lourdeur de l'attente, du stress, du désarroi. Des scènes qui parfois semblent interminables, intolérables, mais dont la longueur trouve toujours sa signification. Sauf peut être à la fin, où là, vraiment Kechiche aurait pû enlever un bon quart d'heure tant il répète les même scènes. Et en plus m'a franchement laissé sur ma faim (ce qui est le cas de le dire, mais je n'expliquerai pas plus pour ne rien révéler), même si j'en comprends le sens... quand même... je suis frustrée... Je n'avais encore jamais vu de film d'Abdelatif Kechiche malgré leur popularité, il va falloir que j'y remédie !
Dernière édition par Queenie le Sam 21 Déc 2013 - 11:40, édité 5 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Mar 8 Jan 2008 - 1:57 | |
| Encore un film que je voudrais voir...Je suis frustrée de vivre dans une ville aux programmations de films minables... | |
| | | JDP Main aguerrie
Messages : 301 Inscription le : 04/09/2007 Localisation : Belgique
| Sujet: Abdellatif Kechiche Mar 5 Fév 2008 - 10:11 | |
| Film superbe. Plein de vie. Une carte d'identité maghrébine. Un monde à côté du nôtre, tellement semblable pourtant. Je l'ai adoré. Et vous savez quoi?Nous l'avons vu ma femme et moi grâce à une erreur : nous nous sommes trompés de salle! Ne le dites à personne. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | JDP Main aguerrie
Messages : 301 Inscription le : 04/09/2007 Localisation : Belgique
| Sujet: ABDELATIF KECHICHE (La Graine et le Mulet) Mar 12 Fév 2008 - 19:42 | |
| Ces mots de Pascal Mérigeau dans le Nouvel Obs de décémbre 2007 je crois. " Que ce film qui fait souffler sur le cinema français un vent de liberté soit le fait d'un garçon, né en Tunisie, arrivé en France à l'âge de 6 ans et auquel pendant des années l'accès au cinéma français fut refusé n'est bien évidemment pas indifférent. Et moins encore que ce film apparaisse précisément aujourd'hui, alors qu'une politique est mise en oeuvre, dont le ressort principal est d'opposer les laissés-pour-compte aux exclus. Pourtant, réduire le film à sa seule dimension sociale, tout essentielle qu'elle soit, serait une abérration et une injustice. En matière de critique plus encore qu'en aucune autre, dit-on, il convient de ne jamais parier sur l'avenir, mais je veux bien prendre le risque : ce film profondément enraciné dans son présent deviendra un classique" | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Lun 17 Mar 2008 - 14:10 | |
| Je l'ai vu!...Je l'ai vu!... Et j'ai beaucoup aimé... Vos commentaires parlent déjà beaucoup, et très justement, de ce film... Je comprends vos enthousiasmes et aussi vos réserves... Je n'en mettrai qu'une sur la fin...qui s'étire... Ce film fonctionne à fond . Il m'a emporté du début jusqu'à (presque) la fin. Mais je suis surtout époustouflée par les comédiens (non professionnels) et par la direction d'acteur capable de leur faire donner ce qu'ils donnent... Mentions spéciales: - à la jeune comédienne qui n'a pas volé son César, Hafsia Herzi...Quelle présence! Quelle générosité! Quel talent!... - au père, Slimane, qui me bouleverse...( Habib Boufares) - à la belle-fille malheureuse de Slimane dans une longue scène déchirante ( Alice Houri). Performance d'actrice. - à la fille de Slimane, d'une naturel et d'un charisme incroyable...( Faridah Benkhetache) Bravo à tous! Et bravo au réalisateur qui a raconté cette histoire-là, dans ce milieu-là, et pour la raconter de façon aussi juste et naturelle, a créé les conditions pour que ses acteurs donnent le meilleur.
Dernière édition par coline le Mer 10 Sep 2008 - 22:02, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Lun 17 Mar 2008 - 14:20 | |
| La Bande-Annonce et les extraits: ici | |
| | | Babelle Zen littéraire
Messages : 5065 Inscription le : 14/02/2007 Localisation : FSB
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Lun 29 Sep 2008 - 10:11 | |
| Je viens seulement de voir La Graine et le mulet, film par lequel je fais connaissance avec ce réalisateur français d’origine tunisienne. Un vrai moment de cinéma. Un vrai moment de cinéma c'est... un cinéma qui se suffit à lui-même mais qui interroge aussi. La famille : Une entrée déroutante dans la vie quotidienne et les contrastes d’une communauté construite sur deux générations. Une unité familiale qui comme partout ailleurs devrait être rompue par la séparation de Sliman d’avec sa première femme mais qui, ici, conserve sa légitimité dans les dialogues et la chaleur d’une table réunissant 80% des personnages. Le film démarre par ce premier portrait de famille. Les liens entre chacun semblent avoir été noués définitivement, notamment par l’énergie des femmes : couscous-maison dominical qui rassemble, sa préparation, la parole, une longueur et une richesse de dialogues dont on ne se lasse pas et qui ont l’air de s’imposer en temps réel; la mise en avant des questions cruciales, l’amour, la vie de couple; le désir de reconstituer le couple parental chez la plus jeune; le plat du pauvre… Puis, l’éclatement, dont on est d’abord témoin dans l’appartement du frère aïné délaissant sa femme et son enfant, refait surface dès que le scénario se resserre autour du quotidien de Slimane : sa seconde épouse, la fille de celle-ci, leur restaurant sur le quai, le licenciement qui compte aussi comme une rupture et une occasion dramatique pour le personnage central de se repositionner dans la société. Condition : Là, on est pris aux tripes par la condition sociale : l’exploitation d’un salariat immigré qui perd tous ses droits (Slimane, venu travailler dans l’entreprise dès les années 60, n’a été déclaré qu’en 1990…). Slimane, devant sa petite belle-fille qui lui infuse de l’énergie face aux deux fils qui voudraient le renvoyer au bled, lorsqu’il évoque durant une seconde ce qu’a été sa condition, emploie le terme : l’humiliation. La suite nous plonge aussi dans l’évocation de sa condition dès l’apparition de l’élu, du banquier et autres notables qui n’y croient pas.
Clichés : Trop rapidement et comme intégrant la trame dramatique, l’unité, le projet, et en même temps nos émotions, vont éclater dans une dimension insupportable : La bêtise des deux fils face à l’énergie combative déployée par les filles (l’oubli de la graine dans le coffre de la voiture, la pauvreté du discours masculin). La connivence des femmes protégeant et couvrant l’attitude du fils (ou frère) dans l’abandon de sa famille (Slimane confronté tard à cette réalité et qui n’aura même pas le temps d’y réagir ; la belle-fille non maghrébine rejetée). Les trois mômes, chapardeurs du scooteur, génèrent chez nous la haine, alors qu’on voudrait croire encore à un dénuement possible. La métamorphose de l’adolescente libérée (héroïne positive) en danseuse du ventre offerte à des notables qui perdent patience mais qu’on retient grâce à un exotisme qui a décidément la vie dure... Mais c’est peut-être tout ça réuni qui donne l’intensité... | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: venus noire Sam 30 Oct 2010 - 17:30 | |
| Vénus noire d'Abdellatif Kechiche - Citation :
- Paris, 1817, enceinte de l'Académie Royale de Médecine. « Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ». Face au moulage du corps de Saartjie Baartman, l'anatomiste Georges Cuvier est catégorique. Un parterre de distingués collègues applaudit la démonstration. Sept ans plus tôt, Saartjie, quittait l'Afrique du Sud avec son maître, Caezar, et livrait son corps en pâture au public londonien des foires aux monstres. Femme libre et entravée, elle était l'icône des bas-fonds, la « Vénus Hottentote » promise au mirage d'une ascension dorée...
Quelqu'un pourrait-il dire à Abdellatif Kechiche que ses films gagneraient beaucoup à être moins longs ? Déjà, La graine et le mulet aurait été bien meilleur avec un scénario plus resserré. Mais que dire de Vénus noire, d'une durée de 2h40, dont certaines scènes répétitives auraient mérité d'être coupées. Un film sur le voyeurisme, sur la curiosité malsaine vis à vis de la différence, davantage que sur le racisme ou le colonialisme, thèmes cependant bien présents. La meilleure part de Vénus noire est sa première heure, très prenante, en dépit de quelques longueurs. Place à la Vénus hottentote, livrée en pâture au public londonien, dans un spectacle destiné à flatter les bas instincts du peuple, entre fascination et répulsion. Une femme que Kechiche nous montre aussi hors de la scène et qui reste cependant mystérieuse. Pas question pour le metteur en scène de créer une forme d'empathie envers cette fausse monstresse. C'est son choix. La suite est plus contestable, avec son exhibition dans les salons parisiens qui nous vaut des scènes insupportables, où le spectateur se retrouve malgré lui, à son tour, dans le rôle du voyeur. Désagréable. Hottentot à la pudeur ! La confrontation avec les scientifiques est, elle, cousue de fil blanc. Kechiche avait-il besoin d'en rajouter sur les préjugés des savants de l'époque, confits dans leur certitude quant à la suprématie de la race blanche ? La Vénus prostituée intéresse beaucoup moins le réalisateur qui se contente de scènes cliniques et assez sordides, encore. Le sujet de cette "Elephant Woman" était plus qu'intéressant. Il n'est hélas que traité à moitié, Kechiche privilégiant l'aspect social à l'humain. La grande absente du film, c'est bien la Vénus noire, Saartjie Baartman, dont Le moulage de plâtre et le squelette ont trôné au musée de l'Homme à Paris jusqu'en 1974. Ses restes ont été ensuite rendues à l'Afrique du Sud, qui leur a donné une sépulture. Ces moments sont montrés brièvement pendant le générique de fin. C'est, de loin, l'instant le plus émouvant de Vénus noire. | |
| | | Babelle Zen littéraire
Messages : 5065 Inscription le : 14/02/2007 Localisation : FSB
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Sam 30 Oct 2010 - 18:00 | |
| Tu me confortes dans ma crainte de voir la Vénus de Kechiche en salle vu la longueur mais aussi parce que je me méfie du Kechiche de la Graine et le mulet qui démarrait tellement merveilleusement mais nous retenait dans un final inutilement lourdingue. - traversay a écrit:
- Quelqu'un pourrait-il dire à Abdellatif Kechiche que ses films gagneraient beaucoup à être moins longs ? Déjà, La graine et le mulet aurait été bien meilleur avec un scénario plus resserré. Mais que dire de Vénus noire, d'une durée de 2h40, dont certaines scènes répétitives auraient mérité d'être coupées. Un film sur le voyeurisme, sur la curiosité malsaine vis à vis de la différence, davantage que sur le racisme ou le colonialisme... (...) La confrontation avec les scientifiques est, elle, cousue de fil blanc. Kechiche avait-il besoin d'en rajouter sur les préjugés des savants de l'époque, confits dans leur certitude quant à la suprématie de la race blanche ?
Je crains de ne pas retrouver la Saartjie Baartman rendue à son continent en... 2002! - Citation :
- En 1994, quelque temps après la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, les Khoïkhoï font appel à Nelson Mandela pour demander la restitution des restes de Saartjie afin de pouvoir lui offrir une sépulture et lui rendre sa dignité. Cette demande se heurte à un refus des autorités et du monde scientifique français au nom du patrimoine inaliénable du muséum et de la science.
Quant au film de Gilles Paquet-Brenner, si je ne redoute pas l'interprétation de Kristin Scott Thomas, j'ai préféré lire d'une traite le roman de Tatiana de Rosnay à l'occasion de la sortie du film. C'est très pédagogique, autant que La Rafle de Roselyne Bosch avec les nuances que tu indiques, et un degré d'émotion supplémentaire qui se cristallise autour de l'enfermement du petit frère. | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Sam 30 Oct 2010 - 18:37 | |
| Je ne regrette pas de les avoir vus, mais c'est difficile de les conseiller. Et je ne te connais pas assez, Babelle, pour savoir si tu pourrais les aimer ou pas. Le Kechiche affiche franchement sa volonté de mettre le spectateur mal à l'aise. J'ai trouvé qu'il avait dépassé les limites de la complaisance voyeuriste. Reste l'histoire qui mérite d'être connue. Pour Elle s'appelait Sarah, j'aime vraiment le film, y compris pour son traitement sans pathos. Mais comme tu as lu le livre, j'imagine que son adaptation, apparemment très fidèle, ne t'apporterait pas grand chose.
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: venus noire Dim 31 Oct 2010 - 11:36 | |
| - traversay a écrit:
- Je ne regrette pas de les avoir vus, mais c'est difficile de les conseiller. Et je ne te connais pas assez, Babelle, pour savoir si tu pourrais les aimer ou pas. Le Kechiche affiche franchement sa volonté de mettre le spectateur mal à l'aise. J'ai trouvé qu'il avait dépassé les limites de la complaisance voyeuriste. Reste l'histoire qui mérite d'être connue.
Tu n'es pas le seul à avoir trouvé le film long et voyeur semble-t-il. J'ai lu récemment une critique de Vénus Noire sur le site rue 89 et certains passages de l'article font écho à tes commentaires : - Citation :
- Volontairement confus et bavard, le découpage de Kechiche cherche bien plus à malmener l'axe central, l'avant-scène, sur lequel se croisent et s'opposent les regards du public et des acteurs ; et, dans le même temps, de suggérer la sensation qu'il n'existe qu'un seul champ, plat, qui, comme les vitrines d'un musée d'histoire naturelle, accueille et range les différentes espèces.
- Citation :
- « Vénus noire » est le film le plus radical et le plus théorique de Kechiche. Cette danse du ventre vers laquelle tout le film précédent tendait est ici isolée, atomisée, et répétée pendant trois heures.
Tout cela ne donne pas très envie de voir ce film... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Vénus Noire Lun 13 Déc 2010 - 0:45 | |
| Vénus Noire est un film essentiel, extrêmement dérangeant, et d’une très grande puissance. Une descente aux enfers éprouvante et implacable, magistralement filmée et dirigée, qui ne nous épargne rien comme rien n’a été épargné à cette femme confrontée à l’ignorance, au racisme, et à la cruauté des hommes, partagés entre répulsion et fascination malsaine. Plus proche du Salo de Pasolini que de la stylisation d’Elephant Man de Lynch, Abdelatif Kechiche nous plonge dans la mêlée dans une succession de scènes de groupes sidérantes de réalisme et de violence morale. On a vraiment le sentiment de traverser les cercles de l’Enfer, des attractions foraines des quartiers populaires aux salons de l’aristocratie en Angleterre puis en France, des soirées libertines décadentes aux maisons closes, d’une cour de justice (où s’en mêlent aussi ceux qui veulent sont bien malgré elle) au musée d’histoire naturelle. L’hystérie collective la plus triviale précède la froideur clinique des observations des scientifiques qui ne se soucient jamais de la dignité et de l’identité de cette femme. Il y a heureusement quelques exceptions comme cet artiste qui fait son portrait et le lui offre, qui intervient aussi pour la protéger de ses confrères qui voudraient la peindre entièrement nue. Car l’objet de convoitise ultime est bien ce sexe qu’elle dérobe sans cesse avec pudeur jusqu’à ce qu’il ne lui appartienne même plus. Il y a des moments de grâce lorsqu’elle se met à chanter ou à jouer d’un petit instrument traditionnel africain à cordes, qu’elle évoque la perte de son enfant à un journaliste indiscret et plus soucieux de son tirage que de la vérité, les scènes de danse et de transe… C’est d’une force qui nous terrasse mais qui rend surtout hommage de manière somptueuse à cette femme autant qu’elle met à jour les différents fondements du racisme, du plus atavique au plus « civilisé » sous couvert de recherches scientifiques. Et le film prend une ampleur encore plus bouleversante quand surgissent du silence mortuaire du générique final des images d’archives montrant la décision de l’Assemblée nationale française de rendre le corps de Saartjie Baartman à son pays puis la liesse collective qui l’accompagne lorsqu’elle trouve enfin une sépulture dans laquelle elle pourra reposer dans toute son intégrité (elle y a été enterrée avec tous ses organes prélevés par les scientifiques, son squelette, ses portraits, son propre moulage…). Contrairement à Traversay je ne trouve pas les images « complaisantes » même s’il va très loin dans la crudité et le sadisme de ce qui est montré et souvent répété. C’est qu’à mon sens la seule façon de vraiment rendre hommage à cette femme est de nous faire éprouver son chemin de croix. On souffre avec elle, on est écoeuré jusqu’à la nausée, on étouffe et on ne peut pas s’échapper (à moins de quitter la salle c’est toujours plus facile). J’aime cette radicalité et cette absence de concession. Je trouve que c'est un très grand metteur en scène et qu'il fallait bien un grand coup de poing comme celui-ci pour exprimer toute la violence et l'horreur du racisme en même temps que les souffrances endurées de tous temps. Car c'est le portrait d'une femme bien réelle mais en même temps une parabole horrifique universelle qui nous explose à la figure. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Lun 13 Déc 2010 - 12:02 | |
| Je voulais ajouter que la durée du film et de chacune des séquences de groupe permet au réalisateur d'empêcher le spectateur de s'installer dans l'attitude passive et confortable du voyeur qui jouirait secrètement de ce spectacle tout en ayant l'air de s'indigner. Il veut nous impliquer, nous déranger, nous faire éprouver presque en temps réel ce qui se passait à chaque fois qu'elle était exposée au regard des autres. C'est éprouvant mais pas complaisant même si les comportements libidineux des libertins dans le salon parisien peuvent paraître outranciers. Pasolini est allé encore plus loin dans Salo.
En plus, le fait de dilater le temps de chaque scène permet de s'attarder sur les réactions des spectateurs aperçus dans la foule. Le travail de mise en scène est génial parce qu'on voit un éventail impressionnant d'attitudes et de comportements face à ce qui est montré. Car le propos n'est pas manichéen. On voit bien certaines personnes d'indigner, s'interroger sur ce qu'elles voient (le moment terrible où certains se rendent compte qu'elle pleure...), vouloir sortir, ou au contraire jouir avec sadisme ou bestialité de ce qui se passe. C'est une constante chez Kechiche que cette observation de groupes ou de mouvements de foule qui dégagent un réalisme et une force assez considérables. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche Lun 13 Déc 2010 - 14:52 | |
| D'après ce reportage le moulage serait resté en France contrairement à son squelette et ses organes:
Restitution de la vénus hottentote à l'Afrique du sud | |
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| Sujet: Re: Abdelatif Kechiche | |
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| | | | Abdelatif Kechiche | |
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