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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
Sujet: Abdellah Taïa [Maroc] Dim 29 Aoû 2010 - 11:47
Citation :
Originaire de Hay Salam à Salé (Maroc) où il est né en 1973, Abdellah Taïa a grandit dans un quartier populaire entre Salé et Rabat où son père est employé dans une bibliothèque, mais sa mère ne sait ni lire ni écrire. Abdellah Taïa se revendique gay. Dans son pays, selon la loi, l'homosexualité est un crime grave, passible de prison. Il vit en France depuis 1999 et prépare à la Sorbonne une thèse de doctorat sur le peintre Fragonard. Il a enseigné en 2004 dans une université de New York. Il écrit en français.
Bibliographie :
Mon Maroc, récit, Séguier, 2000. Le rouge du tarbouche, roman, Séguier, 2004. L'armée du salut, roman, Seuil, 2006. Maroc 1900-1960, un certain regard, avec Frédéric Mitterrand, Actes Sud, 2007. Une mélancolie arabe, roman, Seuil, 2008. Lettres à un jeune Marocain, recueil de lettres, Seuil, 2009. Le Jour du Roi, roman, Seuil, 2010.
traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
Nous sommes en 1987. Dans un Maroc qui vit encore dans la peur, sur une route entre deux villes, Rabat et Salé, le Roi Hassan II va passer. Perdus au milieu de la foule, deux amis, Omar et Khalid, un pauvre et un riche, l’attendent. Le riche a été choisi pour aller baiser la main du souverain. L’autre est jaloux. La guerre des classes est déclarée. Elle se terminera au milieu de la forêt, dans le sang.
Deux garçons dans le Maroc d'Hassan II. Une amitié amoureuse, une jalousie sociale aux portes de la haine. Abdellah Taïa ne cache pas le militant qu'il est derrière l'écrivain, mais c'est ce dernier qui s'impose. Le jour du roi est un roman court, rageur, qui dénude ses protagonistes au propre comme au figuré. Il est écrit dans un style saccadé, scandé, où les mots se répètent pour mieux enfoncer le clou. Le regard sur la société marocaine de l'époque est terrible. En à peine plus de 200 pages, Taïa aborde une foule de thématiques : le pouvoir absolu et la soumission du peuple, l'émancipation des femmes, la transgression des interdits, la lutte des classes ... Entre réalisme cru et onirisme envoûtant et "oriental", le roman trouve sa voie, dans la violence et le trouble adolescents. Ce livre incandescent laisse comme des traces de brûlures sur les doigts.
Un roman qui navigue entre la réalité et le rêve. Il débute sur un rêve récurent : celui d’Omar, notre narrateur, et de son obsession du Roi Hassan II. Ce qui frappe c’est l’écriture : sèche, saccadée, minimaliste. Son allure, est comme pulsée, rythmique, inéluctable. On la sent de plus en plus comme telle, jusqu’à un dénouement que l’on soupçonne assez vite peu favorable. Ils sont amis, et même plus…une intimité qu’il ne fait pas bon révéler dans la société marocaine. Tout y est subtilement révélé d’ailleurs… Khalid, et Omar….amis, et si dissemblables. Omar et la dérive d’un adolescent épris de peurs et de vengeance. Omar qui se sent trahis et n’en remettra pas. Omar que l’on peine de plus en plus à comprendre. Omar l’abandonné ; Omar l’orphelin, le délaissé…
Citation :
« J’étais jaloux. Oui, jaloux. Je me sentais trahi. Meurtri. Nié. Tué de mille coups de couteau. Khaled ne m’avait pas dit l’essentiel : il allait lui, pour de vrai, baiser les mains du roi Hassan II. Pas moi. »
Notez la frugalité du style ; les phrases d’un mot. Je retrouve dans cette histoire, un peu particulière, il est vrai, toutes les contradictions d’une société dont les us et coutumes s’accommodent assez mal avec la transparence. Il est des choses que l’on fait, mais qu’il n’est pas encore de bon ton de dire. Les exigences religieuses "font mauvais ménage" avec l’expression et l’assouvissement-légitime- de ses propres envies. Je prends pour exemple la consommation d’alcool pour laquelle Omar reçoit "l’autorisation" de son père qui lui tient un langage de sincérité.
Citation :
« Le péché, c’est…c’est…c’est ne pas aimer la vie…C’est fuir la vie… C’est fuir, abandonner une famille…Fuir… »
Allusion à peine voilée à ce qui mine Omar et son père. Le roman se termine comme il a commencé, dans le rêve…et je dirais même dans la confusion, sur une scène mi- réelle, mi- onirique, que j’ai, à vrai dire un peu de mal à interpréter. Le jour du Roi est donc un ouvrage un peu spécial, sans doute dans la logique de ce qui fait la personnalité de l’auteur, mais un ouvrage à découvrir.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Son dernier roman Infidèles vient de sortir. Je n'ai encore rien lu de lui mais les quelques interviews entrevues me le rendent très sympathique et intéressant. Il faudra que je le découvre un de ces jours. Vos commentaires donnent envie.
Son dernier roman Infidèles vient de sortir. Je n'ai encore rien lu de lui mais les quelques interviews entrevues me le rendent très sympathique et intéressant. Il faudra que je le découvre un de ces jours. Vos commentaires donnent envie.
Je l'ai lu Marko. J'ai bien accroché au début, et je ne sais pas pourquoi l'écriture m'a un peu lassée par la suite (trop boursouflée sans doute) Il y avait des parallèles assez lourds (sur le nom de l'héroine Marylin, sur un arbre symbolisant la vie etc..) J'ai dû m'arrêter vers la fin car l'histoire devenait carrément fumeuse (avec l'apparition d'un belge faux musulman par qui l'heroïne réinvente sa foi, si mes souvenirs sont bons) Un style qui n'est pas pour moi, mais je serais curieuse de lire ton avis, si tu as l'occasion de le découvrir...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Abdellah Taïa [Maroc] Jeu 15 Mai 2014 - 0:41
L'armée du salut
J'ai été touché par ce film (puis le roman que j'ai lu immédiatement après). Quête de liberté et d'identité exprimée avec beaucoup de simplicité, de pudeur, d'ellipses, de tristesse contenue qui peut surgir dans une très belle dernière séquence. Un cinéma qui observe des visages, les non-dits, qui suggère la sexualité mais la masque hors champ. Qui montre aussi une certaine violence sociale et des codes étouffants mais sans appuyer ce qui deviendrait facilement de l'ordre du cliché trop attendu. Être soi implique pas mal de sacrifices et de solitude. Rien de trop démonstratif. ce personnage avance droit devant en traversant et se détournant d'une forme d'hypocrisie sociale traditionnelle puis d'une autre forme d'hypocrisie occidentale où sa quête d'amour le confronte à l'objet de désir marchant qu'il.represente et dont il joue tout en le méprisant. L'importance étant de devenir soi-même quitte à se couper de tout. Il finit très seul mais libre. Abdellah Taia est un jeune homme très attachant et intéressant. Je suivrai son parcours d'écrivain et de cinéaste.
Le frère admiré lit Le christ recrucifié de Kazantzaki que l'adolescent découvrira 10 ans plus tard et qui fait écho à sa propre quête.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Abdellah Taïa [Maroc] Dim 1 Juin 2014 - 9:57
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Abdellah Taïa [Maroc] Dim 1 Juin 2014 - 15:54
C'est courageux de sa part de s'affirmer alors qu'il se met en danger d'une certaine manière. Heureusement il n'y a pas eu d'incidents mais il dit bien qu'en sortant de la conférence de presse il avait eu l'impression de sortir d'un combat, de sortir de l'arêne. J'aime bien quand il dit qu'il écrit en pensant que les Marocains sont plus libres qu'on ne le pense et qu'ils sont habitués à slalomer entre les différents interdits. L'extrait m'a montrée une facette à laquelle je n'avais pas pensé, l'asservissement sexuel des homosexuels pour que l'organisation sexuelle de la société n'explose pas trop. Avec tous ces interdits.... Il met l'accent aussi sur le fait que cette homophobie qui existe aujourd'hui est étrange puisque dans la culture, la littérature par exemple, l'homosexualité existe. Comme dans Les mille et une nuits. par exemple. Intéressant.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Abdellah Taïa [Maroc] Dim 1 Juin 2014 - 16:20
Oui et il évoque aussi ce livre qui doit être très intéressant (un dialogue entre 2 hommes dont l'un préfère les femmes et l'autre les hommes) d'autant qu'il date du IXe siècle!!
Présentation de l’éditeur Abdellah le pressent : aucune chance, aucun avenir à Salé. Étudiant en lettres, il choisit de s’exiler à Paris. Loin de sa famille, loin de croyances d’un autre temps, il se sent enfin libre et prêt à assumer son homosexualité. Mais que vaut la liberté en regard de la solitude, des problèmes d’argent et des peines de cœur ? Depuis son studio à Barbès, Abdellah se prend à rêver de son Maroc.
L’enthousiasme de Marko est contagieux et j’ai donc voulu découvrir cet auteur.
Et pourquoi pas avec un de ses premiers livres.
Dans dix-neuf chapitres, longs de quelques pages seulement, Abdellah Taïa se souvient. De son enfance au Maroc, de sa famille, de son amour pour la littérature et le français. En plus sa passion pour le cinéma et son envie de devenir réalisateur.
Ecrit très fluide on le suit avec beaucoup de plaisir entre Salé et Paris.
Une belle première rencontre qui me donne envie de continuer avec cet auteur !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
C'est vrai qu'il a toujours voulu être réalisateur et je suis heureux pour lui qu'il puisse enfin y parvenir par le biais de la littérature. Il aurait voulu faire l'iDHEC mais à l'époque il ne parlait pas suffisamment le français. Ses études lui ont permis de s'assumer et de réaliser ses rêves. Et la bonne nouvelle c'est qu'il se révèle très bon cinéaste avec un regard personnel et à juste distance qui laisse la place au silence, aux non-dits. Je vais aussi continuer avec ses romans qui ont la même retenue, à l'image de sa personnalité (le personnage public en tout cas), pour décrire des choses pourtant souvent assez dures psychologiquement.
Enfin lu "l'armée du salut", et ça m'a beaucoup plu, surtout la première partie décrivant les relations au sein de la famille. Merci Marko pour tes conseils avisés.
J'ai Infidèles sous le coude. Et j'espère trouver le film.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Enfin lu "l'armée du salut", et ça m'a beaucoup plu, surtout la première partie décrivant les relations au sein de la famille. Merci Marko pour tes conseils avisés.
J'ai Infidèles sous le coude. Et j'espère trouver le film.