Ivy
Compton-Burnett fait partie de ces écrivains dont l'originalité est aussi irréfutable que paradoxale. C'est un véritable cas. J'y reviendrai...
Elle est née en 1884 et morte en 1969 à Londres.
Elle perdit sa mère très tot et souffrit de l'autorité de sa belle-mère, d'autant que son père mourait alors qu'elle n'avait que 16 ans...
Ainée de 7 enfants, elle allait encore perdre deux de ses frères, puis deux de ses soeurs qui se suicidèrent ensemble. Il y a des destins comme celà...
Dans les années 2O, elle se fixa à Londres avec sa compagne.
C'est tout ce qu'on sait sur elle...
Mais son oeuvre est un pavé dans la mare de taille, dans la société figée et bien pensante qu'était la société victorienne. Société qu'elle ne connut
pas directement puisqu'elle était née en 1884.
C'est une oeuvre déconcertante. Surprenante meme. On pourrait presque dire qu'elle écrit toujours le meme livre...
Les thèmes sont pratiquement les memes et les personnages presque interchangeables.
Le milieu, c'est celui d'une bourgeoisie moyenne, d'origine terrienne ayant connu visiblement des jours meilleurs.
Les situations semblent figées dans les demeures closes sur leurs secrets.
Et les personnages sont rigides, sans consistance réelle et leurs dialogues stéréotypés.
Leurs rapports sont absolument hiérarchisés et ciconscrits à la famille ou aux voisinage immédiat.
Comment tirer parti d'une matière aussi banale et ingrate ?
Il y a d'abord la franchise brutale des propos échangés. Sous la courtoisie apparente des mots se dissimulent des charges explosives d'une violence inouie. Violence qui ne fait que révler des faits aussi inattendus qu'inconcevables :
chantage, inceste, meurtres, et j'en passe !
La bataille se passe en coulisse aussi bien qu'au grand jour et ne s'achève qu'avec la défaite des plus faibles -et parfois des plus forts- et souvent par leur mort.
La grande force d'Ivy
Compton-Burnett, c'est la force de son style, qui sous une apparence parfaitement lisse dissimule une férocité hallucinante... et que je n'ai personnellement trouvée nulle part ailleurs, meme pas dans le théatre elizabéthain ou la violence au moins résulte des passions humaines...
La grande originalité d'Ivy
Compton-Burnett, c'est de nous présenter ces familles comme des foyers totalitaires dont la répression est la sanction naturelle et aussi le plaisir de faire souffrir et de dominer.
Elle avait eu le loisir d'étudier dans sa propre famille ce qu'on appelle la nature humaine, les instincts destructeurs, le désir de puissance.
Le plaisir de faire souffrir n'est jamais nommé, mais toujours présent sous le discours pontifiant.
Mais s'agit il encore de sauver les apparences ?
Lorsque, lors d'un entretien, elle évoquera ces rapports de force qui s'exercent dans le cadre étroit de la famille, elle ajoutera froidement
qu'elle voyait dans la famille, ce qui, assemblé chez des millions d'individus avait provoqué la montée d'Hitler au pouvoir.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, Ivy
Compton-Burnett n'est pas une romancière aimable ni de tout repos.
Meme si on n'est pas obligé de cautionner ses théories sur la famille, il y a un plaisir terrible, féroce, à lire ces livres qui font exploser les apparences, la bienséance et finalement une forme d'hypocrisie sociale...
Bibliographie sélective 1911 Dolores
1949 Les Vertueux Aînés,
1950 Plus de femmes que d'hommes,
1961 Une Famille et une Fortune,
1970 Un Dieu et ses Dons,
1984 Frères et Sœurs,
1988 Serviteur et Servante,
1993 Un Héritage et son Histoire,
2008 Une Famille et une Fortune,
2010 L'Excellence de nos aînés,
2012 Parents et Enfants,