Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Federico Garcia Lorca [Espagne]

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MessageSujet: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyVen 16 Juil 2010 - 23:02

Federico Garcia Lorca [Espagne] Federi10

Federico Garcia Lorca est né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade. Il est connu comme poète, dramatruge, peintre, pianiste et compositeur.
Je ne connais que le poète. Ayant choisi Espagnol en lnague première, j'ai rencontré très tôt Federico Garcia Lorca au travers de ses poèmes.
Il a choisit d'aller vire à Madrid où il rencontre Luis Bunuel et Salvatore Dali.
Il a connu une dépression très forte, liée aux tensions qu'il avait dans ses relations avec ses amis et une forme de paranoïa ; il angoissait aussi énormément devant les difficultés à cacher son homosexualité à ses amis et à sa famille. Face à cette dépression ,sa famille décide de l'envoyer en voyage aux USA. Il revient en Espagne en 1930, au moment où s'établit la première république. Il devient alors directeur de la société de théâtre étudiante subventionnée, La Barraca.
En 1936, lors de la guerre civile, il ne renonce pas ses idées et décide de quitter Madrid et de revenir à Grenade, il était conscient qu'il allait vers une mort presque certaine dans une ville réputée pour avoir l'oligarchie la plus conservatrice d'Andalousie. Il y fut fusillé par des rebelles anti-républicains et son corps fut jeté dans une fosse commune à Víznar. Par une nuit sans lune, son corps fut jeté dans une tombe sans nom.

Le régime de Franco décida l'interdiction totale de ses œuvres jusqu'en 1953 quand Obras completas (très censuré) fut publié. Ce ne fut qu'avec la mort de Franco en 1975 que la vie et le décès de Lorca purent être discutés librement


Source : http://pierdelune.com/lorca.htm

Dernièrement, je me suis remis à relire quelques poèmes de Federico Garcia Lorca. EN cherchant ce qui m'attirait chez lui, je suis tombé sur ce discours du poète, prononcé à la population de Fuentes Vaqueros (Grenade), en septembre 1931, lors de l'imauguration d'un bibliothèqe.
Ce discours m'a fait irrésistiblement penser à la signature qu'a (avait ?) Coline : No culture, no future. Je crois que cette passion du partage transparait dans l'oeuvre de Lorca :

Citation :
Quand quelqu'un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu'elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s'en désole: "Comme cela plairait à ma soeur, à mon père!" pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu'avec une légère mélancolie. C'est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu'est la beauté, l a beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.


C'est pour cela que je n'ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l'offre. j'en ai donné une infinité. Et c'est pour cela que c'est un honneur pour moi d'être ici, heureux d'inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.


L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes , j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles : ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d'une terrible organisation de la société.

J'ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu'un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d'apprendre et n'en a pas les moyens souffre d'une terrible agonie parce que c'est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres ?

Des livres ! Des livres ! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. - Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski - père de la révolution russe bien davantage que Lénine - était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d'eau, il demandait des livres, c'est-à-dire des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du coeur. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l'agonie de l'âme insatisfaite dure toute la vie.


Le grand Menéndez Pidal - l'un des véritables plus grands sages d'Europe - , l'a déjà dit: "La devise de la République doit être la culture". la culture, parce que ce n'est qu'à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le peuple plein de foi mais privé de lumière. N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière.


Que de phrases fortes dans ce discours, quelle belle déclaration d'amour aux livres, à la culture et à son accès par tous !

Des livres ! Des livres ! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis.

Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l'agonie de l'âme insatisfaite dure toute la vie.

Mais Garcia Lorca est aussi le poète des gitans, de la lune et de la nature.

Citation :
Mort d'amour
 Que voit-on briller là-bas
sur les balcons haut-perchés
Ferme la porte, mon fils,
j'entends onze heures sonner.
 Dans mes yeux, sans le vouloir,
quatre lanternes reluisent.
Ce sont ces gens-là sans doute
en train d'astiquer les cuivres.
 Gousse d'ail, métal mourant,
la lune qui décroît pose
une jaune chevelure
sur des tours de couleur jaune.
Et l'odeur de vin et d'ambre
venue des balcons pénètre.
 Des vents de roseaux mouillés
et des bruits de voix vieillies,
résonnaient ensemble sous
l'arc brisé de la minuit.
La nuit est carrée et blanche
aux façades des maisons.
 Des séraphins, des gitans
jouaient de l'accordéon.
Mère, quand je serai mort,
fais-le dire à ces messieurs.
Préviens-les du Sud au Nord
par des télégrammes bleus.
 Et le ciel claquait les portes
au bruit du bois bousculé
lorsque criaient les lueurs
sur les balcons haut-perchés.

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Steven
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyVen 16 Juil 2010 - 23:08

Son recueil le plus connu est sans doute Romancero gitan ; c'est celui qui a établi sa réputation, l'a fait connaître :

Romance somnambule

Vert et je te veux vert.
Vent vert. Vertes branches.
Le bateau sur la mer,
le cheval dans la montagne.
L'ombre autour de la ceinture,
elle rêve à son balcon,
chair verte, verts cheveux
avec des yeux d'argent froid.
Vert et je te veux vert.
Dessous la lune gitane,
toutes les choses la regardent
mais elle ne peut pas les voir.


Vert et je te veux vert.
De grandes étoiles de givre
suivent le poisson de l'ombre
qui trace à l'aube son chemin.
Le figuier frotte le vent
à la grille de ses branches
et la montagne, chat rôdeur,
hérisse ses durs agaves.
Mais qui peut venir? Et par où?
Elle est là sur son balcon,
chair verte, cheveux verts,
rêvant à la mer amère.


L'ami, je voudrais changer
mon cheval pour ta maison,
mon harnais pour ton miroir,
mon couteau pour ta couverture.
L'ami, voilà que je saigne
depuis les cols de Cabra.
Si je le pouvais, petit,
l'affaire serait déjà faite.
Mais moi je ne suis plus moi
et ma maison n'est plus la mienne.


L'ami, je voudrais mourir dans
mon lit, comme tout le monde.
Un lit d'acier, si possible,
avec des draps de hollande.
Vois-tu cette plaie qui va
de ma poitrine à ma gorge?
Il y a trois cents roses brunes
sur le blanc de ta chemise.
Ton sang fume goutte à goutte
aux flanelles de ta ceinture.
Mais moi je ne suis plus moi et
ma maison n'est plus la mienne.
Laissez-moi monter au moins
jusqu'aux balustrades hautes.
De grâce, laissez-moi monter
jusqu'aux vertes balustrades.
Jusqu'aux balcons de la lune
là-bas où résonne l'eau.


Ils montent déjà, tous les deux,
vers les balustrades hautes.
Laissant un sentier de sang.
Laissant un sentier de larmes.
Sur les toitures tremblaient
des lanternes de fer-blanc.
Mille tambourins de verre
déchiraient le petit jour.


Vert et je te veux vert,
vent vert, vertes branches.
Ils ont monté, tous les deux.
Le vent laissait dans la bouche
un étrange goût de fiel,
de basilic et de menthe.
L'ami, dis-moi, où est-elle?
Où est-elle, ta fille amère?
Que de fois elle t'attendait!
Que de fois elle a pu t'attendre,
frais visage, cheveux noirs,
à la balustrade verte!


Sur le ciel de la citerne
la gitane se berçait.
Chair verte, cheveux verts
avec ses yeux d'argent froid.
Un petit glaçon de lune
la soutient par-dessus l'eau.
La nuit devint toute menue,
intime comme une place.
Des gardes civils ivres morts
donnaient des coups dans la porte.
Vert et je te veux vert.
Vent vert. Vertes branches.
Le bateau sur la mer,
le cheval dans la montagne.


Ces poèmes sont extraits de Romancero gitan - Traduction de Claude Esteban
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptySam 17 Juil 2010 - 7:54

Merci Steven d'avoir ouvert un fil sur ce magnifique auteur. Federico Garcia Lorca [Espagne] 112736

Il y a plusieurs années, j'ai travaillé sur "Trois poèmes avec Ombre".
Il faudrait que je les retrouve pour les mettre ici.
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptySam 17 Juil 2010 - 9:27

Merci pour ce fil Steven, poète que j'adore et relis régulièrement..

mais on devrait peut-être le mettre dans poèsie, non?
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyDim 18 Juil 2010 - 3:01

Au départ, je voulais le mettre dans le fil poésie. Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge. Alors, si pour moi, son oeuvre théâtrale est insignifiante, ça ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Donc, peut-être qu'il faut attendre pour voir ce que les parfumés postent sur ce fil. Pour moi, ce ne sera que des poèmes.

Citation :
Le passage de la siguriya
Parmi les papillons noirs
avance une fille brune
à côté d'un blanc serpent
de brouillard.
Terre de Lumière,
Ciel de terre.
Enchaînée au tremblement
d'un rythme qui jamais n'arrive,
un poignard à la main droite,
elle avance, coeur d'argent.
Où vas-tu, siguiriya,
avec ce rythme sans tête?
Quelle lune recueillera
ta douleur de laurier-rose et de chaux?
Terre de Lumière,
Ciel de terre.
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyDim 18 Juil 2010 - 8:54

Steven a écrit:
Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge.
ah oui.. j'ai adoré sa pièce La Maison de Bernarda Alba, que j'ai vu d'abord en film mais qui m'a tellement fasciné que je l'ai recherché en livre..
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyDim 18 Juil 2010 - 9:25

kenavo a écrit:
Steven a écrit:
Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge.
ah oui.. j'ai adoré sa pièce La Maison de Bernarda Alba, que j'ai vu d'abord en film mais qui m'a tellement fasciné que je l'ai recherché en livre..

Moi je ne le connais que par cette pièce, incroyable. Et je ne savais pas qu'il y avait un film. Il est bien foutu apparemment... Me demande s'il est trouvable...
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyDim 18 Juil 2010 - 18:25

Queenie a écrit:
Et je ne savais pas qu'il y avait un film. Il est bien foutu apparemment... Me demande s'il est trouvable...
d'après mes recherches, il y a jusqu'à présent 3 adaptations:
1957 par Franz Peter Wirth
1987 par Mario Cannes
2010 par Rainer Ecke

si mes souvenirs sont bons, j'ai vu la version espagnole de 1987..
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyLun 26 Juil 2010 - 22:13

Si vous aimez les poèmes de Garcia Lorca ce serait dommage de passer à côté de ses pièces... J'avais lu Noces de Sang, mais il y a de cela bien longtemps ; mes souvenirs en sont donc plutôt flous, mais s'il y a bien quelque chose qui m'avait marqué, c'était la langue, vraiment poétique, avec une vraie puissance d'évocation des choses et de l'atmosphère... On sent l'influence de la littérature espagnole, la simplicité, la nature, la cruauté et la beauté sont toutes réunies dans cette pièce...
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyLun 26 Juil 2010 - 23:31

Je te remercie Camille. L'échange entre Kenavo et Queenie m'avait attiré, tu finis par me convaincre d'aller vers ses pièces. Je vais essayer de trouver Noces de Sang. MAis en attendant :



Citation :
LE VENT ET LA BELLE
(Précieuse et le vent)

De sa lune en parchemin,
par un hybride sentier
de lauriers et de cristal,
Précieuse s'en vient jouer.
De sa lune en parchemin
Précieuse s'en vient jouer.
A sa vue le vent se lève,
car jamais il ne sommeille.
Dis, laisse-moi relever
ta robe pour voir ton corps.
Ouvre entre mes doigts anciens
la rose bleue de ton ventre.
Lâchant son tambour, Précieuse
prend la fuite à toutes jambes.
Le vent mâle la poursuit.
Avec une épée brûlante.

Précieuse, cours vite, vite.
Le vent va t'attraper !
Précieuse, cours vite, vite,
Regarde-le arriver,
Satyre d'étoile basses
aux mille langues lustrées !
Précieuse, morte de peur,
est allée se réfugier,
au-dessus de la pinède,
Et tandis qu'elle raconte
son aventure en pleurant,
le vent sur le toit d'ardoises
plante, furieux, les dents.
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyMar 27 Juil 2010 - 21:23

Il n'y a pas de quoi Steven. Quant à moi je ne connaissais pas sa poésie, et je dois dire qu'elle me plaît beaucoup. Donc merci à vous les parfumés pour ce fil !
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyJeu 29 Juil 2010 - 1:07

Alors pour la poésie de Lorca, je ne m'en lasse pas. ET quand j'aime, j'ai surtout envie de partager, simplment, sans artifice. Juste vous les envoyer pour que vous dégustiez :

Citation :
La soleá

Vêtue de voiles noirs,
elle pense que le monde est bien petit
et le coeur immense
Vêtue de voiles noirs.
Elle pense que le tendre soupir,
le cri, disparaissent
au fil du vent.
Vêtue de voiles noirs.
Elle avait laissé sa fenêtre ouverte
et à l'aube par la fenêtre
tout le ciel a débouché.
Ah!
Vêtue de voiles noirs!

Tout le ciel a débouché.... Le nez en l'air, je passe mon temps à regarder s'il ne déboucherai pas...
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyMar 7 Sep 2010 - 21:06

Officine et dénonciation


A Fernando Vela

Sous les multiplications
il y a une goutte de sang de canard ;
sous les divisions
il y a une goutte de sang de marin ;
sous les additions, un fleuve de sang tendre.
Un fleuve qui avance en chantant
par les chambres des faubourgs,
qui est argent, ciment ou brise
dans l’aube menteuse de New York.
Les montagnes existent. Je le sais.
Et les lunettes pour la science.
Je le sais. Mais je ne suis pas venu voir le ciel.
Je suis venu voir le sang trouble,
Le sang qui porte les machines aux cataractes
et l’esprit à la langue du cobra.
Tous les jours on tue à New York
quatre millions de canards,
cinq millions de porcs,
deux mille pigeons pour le plaisir des agonisants,
un million de vaches,
un million d’agneaux
et deux millions de coqs,
qui font voler les cieux en éclats.
Mieux vaut sangloter en aiguisant son couteau
ou assassiner les chiens
dans les hallucinantes chasses à courre
que résister dans le petit jour
aux interminables trains de lait,
aux interminables trains de sang,
et aux trains de roses aux mains liées
par les marchands de parfums.
Les canards et les pigeons,
les porcs et les agneaux
mettent leurs gouttes de sang
sous les multiplications,
et les terribles hurlements des vaches étripées
emplissent de douleur la vallée
où l’Hudson s’enivre d’huile.
Je dénonce tous ceux
qui ignorent l’autre moitié,
la moitié non rachetable
qui élève ses montagnes de ciment
où battent les coeurs
des humbles animaux qu’on oublie
et où nous tomberons tous
à la dernière fête des tarières.
Je vous crache au visage.
L’autre moitié m’écoute
dévorant, chantant, volant dans sa pureté,
comme les enfants des conciergeries
qui portent de fragiles baguettes
dans les trous où s’oxydent
les antennes des insectes.
Ce n’est pas l’enfer, c’est la rue.
Ce n’est pas la mort, c’est la boutique de fruits.
Il y a un monde de fleuves brisés et de distances insaisissables
dans la petite patte de ce chat
cassée par l’automobile,
et j’entends le chant du lombric
dans le coeur de maintes fillettes.
Oxyde, ferment, terre secouée.
Terre toi-même qui nage
dans les nombres de l’officine.
Que vais-je faire ? mettre en ordre les paysages ?
Mettre en ordre les amours qui sont ensuite photographies,
Qui sont ensuite morceaux de bois et bouffées de sang?
Non, non, non, non ; je dénonce.
Je dénonce la conjuration
de ces officines désertes
qui n’annoncent pas à la radio les agonies,
qui effacent les programmes de la forêt,
et je m’offre à être mangé par les vaches étripées
quand leurs cris emplissent la vallée
où l’Hudson s’enivre d’huile.

Federico Garcia Lorca
Un poète à new York, “Officine et dénonciation”,
tr. fr. Pierre Darmangeat modifiée, Gallimard, 1961.

Federico Garcia Lorca écrit ce poème alors qu'il est à New-York et que surgit le crash de 1929. Il donne une vision noire de la ville, des répercussions ravageuses du crash sur l'homme, les hommes et pas sur les officines.
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyDim 31 Juil 2011 - 21:21

Citation :
La mort de García Lorca remise en lumière

Un historien dévoile les noms des six hommes qui ont exécuté, dans la nuit du 16 au 17 août 1936, le poète espagnol.

[...]

Les 13 dernières heures de la vie de García Lorca, publié fin juin par l'historien Miguel Caballero Pérez, jette en effet sur l'épisode une lumière nouvelle, et bien plus crue que celle sous laquelle l'histoire l'a reconstitué. Ce sont en effet de tenaces rancoeurs personnelles, économiques et politiques entre trois grandes familles locales (les García Lorca, les Roldán et les Alba) qui ont causé, selon l'historien, la mort de García Lorca. Bien davantage que l'attachement du poète au camp antifasciste : "Il était un fervent républicain, mais n'a milité dans aucun parti politique", souligne Miguel Caballero Pérez, qui estime en conséquence que la gauche espagnole s'est indûment appropriée la figure du poète.

"Vengeance littéraire"

En signant La maison de Bernarda Alba, qui attaquait directement l'une des familles ennemies, Lorca s'offre en 1936 une "vengeance littéraire" qui jette sur le feu la mesure d'huile de trop : lorsque la même année il quitte Madrid pour rentrer à Grenade, "les couteaux sont déjà prêts à régler les comptes", écrit Miguel Caballero Pérez. Dans la nuit du 16 au 17 août, six hommes viennent chercher le poète : Mariano Ajenjo Moreno, chef du peloton, Juan Jiménez Cascález, Fernando Correa Carrasco, Salvador Varo Leyva et Antonio Hernández Martin. Et Antonio Benavides, membre du clan Alba.

Ensemble ils ont éliminé plus de cent opposants durant ce même été. En échange de ces basses oeuvres, il leur a été promis de l'argent, et une promotion. Miguel Caballero Pérez se refuse à les appeler des "meurtriers". Certains, dit-il, n'étaient que des policiers de carrière, qui auraient eux-mêmes risqué leur vie à refuser d'exécuter les ordres. Et tous ne connaissent pas alors l'identité de García Lorca, tué le 17 août avec deux autres hommes. L'exécution a lieu avant 4 heures du matin. Non pas à l'endroit qui avait été identifié par un précédent biographe, et excavé en vain en 2009, mais 500 mètres plus loin, entre les villages de Viznar et d'Alfavar, près d'une ferme appelée "Cortijo de Gazpacho". Un archéologue, Javier Navarro, y a identifié une zone qui pourrait cacher une tombe.
La totalité de l'article peut être lue ici.
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MessageSujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne]   Federico Garcia Lorca [Espagne] EmptyJeu 11 Aoû 2011 - 21:03

En cette période de révisionnisme, occultant ou blanchissant les exactions du régime franquiste, il n'est guère surprenant de voir émerger de troubles explications sous couvert de vengeances interfamiliales ... d'où cet historien puise-t-il sa légimité d'enquêteur, pour être aussi affirmatif ? ... qui est-il ? A quelle obédience politique pourrait-il être rattaché ?
Le traitement inique infligé au juge Garzon, accusé de "prévarication" , pour avoir voulu faire faire la lumière sur l'époque franquiste, devrait donner à réfléchir sur la campagne actuellement menée par l'extrême-droite espagnole, pour réhabiliter les assassins qui ont alimenté les fosses communes ...
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