Moi, Pierre Rivière, ayant egorgé ma mére, ma soeur et mon frére [René Allio]

Moi, Pierre Rivière, ayant egorgé ma mére, ma soeur et mon frére (1975)

de René Allio

Faut il commencer par raconter l'histoire ou l'histoire du film ? Pierre Rivière, 20 ans et paysans en 1835 tue sa mère, sa sœur et son frère et s'enfuit. Il ne tarde pas à être arrêté. Et il raconte son histoire à lui, pourquoi il a tué sa mère, sa sœur et son frère. Son récit est aussi celui de son père, paysan lui aussi et mal marié semble-t-il. Querelles, humiliations, argent en un abus et une démonstration sur les devoirs et les convenances... peu à l'aise, stressé, accablé par cette situation qui dérape toujours, il passe à l'acte.

ça c'est le film. et le film se base sur un livre de Michel Foucault organisé autour des témoignages très vrais du jeune homme.

La reconstitution avec acteurs non professionnels et en décor naturel est assez saisissante, faisant surgir une part de notre passé très embrumée tout à coup très proche, la famille et les meubles, la terre, les outils, les animaux, le bocage, l'humidité, le travail... très étrange impression fascinante et un peu déstabilisante. Certes c'est le début du XIXème pourtant on a le souvenir des grands-parents qui semblaient savoir ce monde là autrement.

Il y a aussi l'étalage par le récit du meurtrier de cette société établie avec ses soutiens et ses contraintes : les familles, le village, les liens de l'argent et du sang avec les dots, les dettes... portrait d'époque qui n'est pas vide de sens.

Et puis il y a le récit en lui même. Essentiellement à travers le regard du jeune homme et avec parcimonie à travers un regard extérieur, comme celui des médecins ou des policiers/gendarmes. Quand on suit l'exposé et les malheurs l'empathie joue son rôle et on "comprend le geste" qui résulte d'un assemblage de faits et de projections, projection qui semblent peu appuyées. Les regards extérieurs sont plus ponctuels et lèvent des interrogations sur des comportements "incohérents" qui sont des interrogations rapport à nous mêmes et à la normalité mais aussi aux zones de silence (la timidité, les menaces, la confection d'instruments bizarroïdes), très diffuses, du récit du garçon.

Et puis il y a le positionnement de la société face aux faits et au comportement, une acceptation qui n'en est pas une, une autre forme d'interrogation entre un rejet et une acceptation de la mort, du meurtre. Condamné à mort, Pierre Rivière est en fait condamné à perpétuité.

Un voyage impressionnant vers et avec une réalité décalée, une altérité à la logique proche sinon identique à celle à laquelle elle s'est opposée.

Assez simple d'aspect pourtant pour laisser beaucoup à réfléchir et à douter.

Bizarre, jamais vu même si j'en ai eu l'occasion. Peut-être une mauvaise expérience avec Allio (Rude journée pour la reine) ? Je ne sais plus.

c'est le seul que j'ai vu et sans la programmation du weekend dernier ça aurait pu être jamais. ce n'est pas forcément parfait (mais ce n'est pas la question du tout), en écrivant cet avis je me rends quand même compte que je fais bien finalement de l'écrire une très petite semaine après la vision, pour essayer d'ordonner un peu de l'étrangeté. Qui tient beaucoup de son double contenu.

Je le verrai dès que possible ...
Je me demande si elle connait Allio, Marie ? (désolé)

Ne t'excuse pas,traversay ( il faut une minuscule, je sais pourquoi maintenant), elle est très bonne...
Et sinon, c'était bien Roth Edam?

Je me souviens avoir aimé ce film. Même si je serais incapable d'en dire le moindre mot..

Je n'ai vu pas ce film, en revanche j'avais été très impressionnée par la prestation de Jacques Spiesser dans "Je Suis Pierre Riviere", le film réalisé par Christine Lipinska.

Il faut vraiment lire le texte, préfacé par Michel Foucault. Un document rare, brut, et presque unique sur la condition terrible de la paysannerie française à cette époque (le milieu du XIXe siècle). Jamais à l' abri de la famine, des épidémies, d' une misère extreme. De l' impot. De la promiscuité et de la violence engendrées par ces conditions de vie et qui frappent surtout les plus faibles, les enfants, les femmes accablées par les maternités et la crainte des maternités . Avec une mortalité effrayante. A lire ce texte, on comprend mieux le geste de Pierre Rivière.

La dernière édition en date de Moi, Piere Rivière est celle de Folio.

J'avais découvert le film de René Allio à l'occasion de la sortie en 2007 du documentaire de Nicolas Philibert Retour en Normandie. Philibert était assistant-réalisateur auprès de René Allio, retrouvant ainsi trente ans plus tard les protagonistes de Moi, Pierre Rivière....
J'en garde un assez fort souvenir.

Et c'est bien, Retour en Normandie? J'hésitais..

C'est un superbe documentaire, attentif à l'impact de ce tournage sur la vie de ces individus devenus "acteurs". Philibert suit leur parcours depuis cette date, mêlant leurs destins à ceux des protagonistes du XIXème siècle qu'ils ont interprété.
La tentative est audacieuse et creuse des correspondances étranges et fascinantes, rejoignant des thèmes justement évoqués par animal dans sa critique.

Je viens de le regarder Retour en Normandie. C'est très fragmentaire, éclaté, partagé entre l'histoire du film et ces personnages, ces personnes en fait, des personnes normales mais comme oubliées du scope moderne tout en étant très naturellement présentes. Il n'y a pas vraiment de parallèle à 150 ans d'intervalle mais l'ombre d'une continuité qui tient du décor, de l'habitat à la fois rural et commun. Et les engagements humains qui semblent sortir de l'ordinaire tout en étant eux aussi communs (quand on y pense), les simples présences, qui sont une autre trame qui renforce la première.

Je comprends les choix, d'ailleurs expliqués par le réalisateur dans le complément au film sur le dvd, mais n'arrive pas à être complètement à l'aise avec le film. Pourtant c'est marquant, j'arrive à m'en vouloir parce que je sais ce qu'il montre, et sans voyeurisme. Un peu de pathos ou de complaisance, peut-être.

Mais c'est réussi et la continuité diffuse des thématiques du film original est bien choisie, c'est en partie une histoire à l'échelle des 30 ans écoulés qui est racontée.

C'est un peu déstabilisant.