Bonjour à tous !
Je viens de découvrir ce forum et je suis ravi.
Je n’ai jusqu’à présent fréquenté que des forums musicaux où l’espace consacré à la littérature était centralisé sur un topic unique (mais où tout s’entremêlait à merveille), alors j’avoue que toutes ces divisions et sous-catégories me fichent un peu le tournis. Je trouve ça très impressionnant. Difficile de tout suivre… J’espère ne pas me perdre.
Bon mais j’y vais de ma présentation et vais tenter de passer en revue mes passions littéraires.
J’espère n’oublier rien.
D’abord et avant tout, je suis un fan hardcore de Louis-Ferdinand Céline. Mon chouchou, mon dada, mon héros.
Braoum ! Vraoum !... Céline, l’athlète lyrique, le poète déguenillé marrant, le musicien raté, le prophète pitro-tragique, l’imprécateur vociférant, le fauve blessé, le sorcier de l’invective, le contorsionniste des mots, le génie du Verbe. J’aime tout de lui. Tout. De Semmelweis à Rigodon. J’ai néanmoins une préférence pour la période 1932-1944 (généralement je pousse jusqu’en 48 afin d’inclure A l’agité du bocal et ses premières formidables lettres d’exil).
Son chef-d’œuvre, pour moi, est Bagatelles pour un massacre. C’est dans ce livre que vraiment éclate tout le génie verbal de Céline. C’est un fait. Il y trempe la page de plein génie d’un bout à l’autre. Feu d’artifice tout du long. Je le dis, pas plus d’intérêt littéraire moindre dans ce pamphlet, de baisse de régime, de travail de propagande mineur et raté que de beurre dans l’espace. Jules Rivet a tout résumé dans cette formule : « C’est une barricade individuelle avec, au sommet, un homme libre qui gueule, magnifiquement… » Bref, c’est une évidence pour moi que Céline était alors au sommet de son art. Je suis toutefois tout à fait conscient qu’on puisse ne pas aimer, être rebuté, « horrifié » de nos jours par cet exercice par trop excessif (qu’encore faut-il avoir lu).
Pour les romans, ma préférence pourrait aller à Guignol’s band. Mais il y aurait beaucoup à dire…
Je ne désespère pas de lire un jour intégralement sa correspondance. On recense je ne sais combien de milliers de lettres, éparpillées dans toutes sortes d’ouvrages… difficile de tout recouper et lire, m’enfin je m’y attelle… J’espère un jour aussi lire toutes les études et témoignages importants (il m’en reste encore… cela il dit il est très rapide…).
Ca me fait penser que je viens récemment de tomber sur ces bien jolis mots de Nicole Debrie au sujet de la ponctuation célinienne : « Chez Céline, les phrases elles-mêmes viennent mourir sur la page, à petits coups, comme les vagues […] Les points de suspension qu’utilise l’auteur font papilloter les mots, tout en les isolant, comme on enchâsse des pierres précieuses toutes singulières ; les points d’exclamations prolongent les mots, comme des orbes s’élargissent, de loin en loin, à la surface de l’eau. »
Ca vaut bien les « ballons d’oxygène » de Paul Morand à propos de l’art de l’incidente chez Proust.
Ma deuxième grande passion, ce sont les écrivains russes.
- Dostoïevski d’abord. Tout simplement je le vénère. Malgré ses longueurs, ses répétitions, son emphase parfois, il correspond en tous points à mon idéal littéraire. Que ce soit sur un plan romanesque, esthétique, psychologique ou spirituel. Lui aussi c’est mon héros.
- Gogol ensuite. Je me permets de faire observer qu’il est fort regrettable que l’écrasante mais légitime notoriété des récits de Pétersbourg fasse passer au second plan ses deux autres recueils de nouvelles (haut la main deux chefs-d’œuvre). C’est dommage.
J’aime beaucoup aussi Gontcharov, Senkovski, Odoïevski, Tourgueniev…
En fait voilà, j’ai entrepris depuis maintenant plus d’un an de lire toute la littérature russe dans l’ordre chronologique… (j’entends les livres traduits et toujours édités). Du boulot en perspective ! J’ai donc tout repris à zéro et suis à ce jour coincé quelque part au milieu des années 1840… Je compte bien sûr boucler le 19ème, mais après ça part vraiment dans tous les sens… ça me fait peur… On verra.
Je me suis même lancé dans l’apprentissage du russe l’année dernière, mais j’ai comme de bien entendu abandonné.
Sinon, mon plus grand souvenir de lecture, je n’ose dire mon livre préféré, est très probablement Le livre de ma mère d’Albert Cohen.
Je suis également un mordu de Proust que j’ai dévoré il y a deux ans et que j’ai très envie de relire… (surtout que j’ai très mal lu le premier tome, ne commençant à me passionner pour la Recherche, à capter, pénétrer la profondeur de son écriture et à commencer à le bien lire qu’à partir de Balbec et des Jeunes filles). Proust est à mon avis et objectivement au-dessus de tout le monde.
Zola me fait énormément vibrer aussi. Presque que des chocs. Il me bouleverse. Bien des scènes continuent encore de me hanter. Au hasard :
- les retrouvailles quotidiennes au puits entre Miette et Silvère dans la Fortune
- la partie de volant dans la Conquête
- le bal des enfants dans une Page d’amour
- l’agonie du chien Mathieu dans la Joie de vivre
- à peu près tout l’Assommoir, tout Germinal…
…
Certains tomes des Rougon-Macquart comptent tout simplement parmi mes romans préférés. Il ne m’en reste plus que quatre à lire.
Hélas pour lui, je me suis méchamment pris de passion pour Balzac il y a quelques semaines (mais alors, un truc de dingue, une de ces passions inopinées incontrôlables et dévorantes qui vous tombent un jour sur la gueule), et ne pense plus désormais qu’à dévorer sa Comédie Humaine. Je pense qu’à ça tout le temps. Le problème c’est que je ne sais pas quel ordre de lecture choisir (je ne suis pas le seul dans ce cas, je sais bien). J’avance, je recule… comment veux-tu que je m’en dépatouille. Un vrai casse-tête, cette machine.
Là je viens de terminer Le contrat de mariage. Ma parole, mais il n’a écrit que des chefs-d’œuvre, ce monsieur ? Même les volumes aux titres austères, bof-bof sont des monuments ! Quel débit de plume, quel flux, quelle santé ! Quelle bizarrerie dans la construction, quelles digressions ineptes (mon Dieu, ces comptes d’apothicaire épouvantables !), quel art dans la relance du récit, non mais quelle fougue, quel torrent ! C’est absolument jubilatoire. Emerveillé je suis. Et l’intelligence et l’humour dans les dressages de portraits. Il me fait bien marrer aussi. Dans Le contrat de mariage, la scène entre les deux notaires : « épousez-nous et ne chipotez pas ! ».
Pfiou, pourvu que ça dure.
A part ça, je suis ouvert vraiment à tout. Open-bar. Dès lors qu’il s’agit de classiques, je veux dire. Disons jusqu’aux années 50. Au-delà, ça ne m’intéresse pas du tout… Je trouve même (pour mon humble part) que tout ce qui est téléphone, avion, lave-linge, visioconférence est incompatible avec la littérature. En tout cas ça me fait fuir ; plus exactement, ça m’est, comment dire, « désagréable »… je ne sais pas, comme un arrière-goût de pisse… Je dis pas ça par snobisme ou que sais-je d’autre. C’est juste que je n’ai à ce jour lu — sauf rarissimes exceptions — que des classiques (et d’ailleurs je m’y suis très tard, vers 25-26 ans…) et je m’en contente très bien.
Sinon, je vais toujours au bout de mes lectures, même quand un livre ne me plaît pas du tout, m’emmerde profondément, m’assomme. Quand je bloque ou sature, je culpabilise beaucoup… m’en veux toujours de passer à côté. Je n’ai pas pour habitude de rejeter un genre ou un auteur, c’est trop facile, et comme disait Brassens « c’est qu’on n’est pas au point ». Mais mis à part les grosses déceptions que voici : La chartreuse de Parme, Pierre et Jean, presque tout Flaubert, Villon (quel échec personnel !), Moll Flanders, Racine (sauf la Thébaïde. Va comprendre, Charles), les nouvelles de Madame de Staël, et pour les plus « récents », Kerouac, Capote, un peu Malraux, Borges, Kundera… mis à part ces naufrages et loupés, donc, j’ai adoré tout ce que j’ai lu. Je ne sais pas si je suis normal… Ca peut aller de Maria Chapdelaine à John Fante, d’Andersen à Bernanos, de Nodier à Camus, de Verne à Drieu La Rochelle, de La Fontaine à Colette. Enfin, tous les registres, genres, époques me plaisent.
Que dire d’autre en vrac ? Ben j’adore bien sûr les grands Dumas, les grands Hugo, le cycle de Salavin de Georges Duhamel, les nouvelles de Mérimée (La double méprise est, sans forcer, une des plus grands nouvelles jamais écrites), Courteline, Poe, les Contes du chat perché… Croc-Blanc... Et lorsque Nerval se perd dans ses emberlificotées pré-prousteries il me passionne autant que les proses dernières de Baudelaire ou même que certains (très grands) romans de Brasillach.
Ma première découverte littéraire classique ? Le portrait de Dorian Gray. Je dois tout à ce livre (et au copain qui me l’a offert).
J’ai aussi une affection toute particulière pour :
- les récits autobiographiques centrés autour de l’enfance : Fermina Marquez, Le grand Meaulnes, Silbermann, Comme le temps passe… ce genre-là…
- les personnages féminins vertueux, genre Fantine, Cosette, Miette, Virginie, Julie, Jeanne, Charlotte, Catherine… Louise de La Vallière dans le Vicomte de Bragelonne… Elles me font toutes craquer, vibrer plein pot les manivelles ; plus sérieusement elles me touchent beaucoup, m’ont toutes très ému...
Cas particuliers que je n’arrive pas à m’expliquer :
- Gide est un personnage qui me fascine : pour son parcours, pour sa place dans les lettres, pour son œuvre importante, sauf que je n’arrive pas à m’emballer pour ses écrits (malgré deux ou trois beaux souvenirs de lecture).
- Si Maupassant m’enthousiasme fort (ah là là, cet Héraclius Gloss) et s’il est inepte de prétendre comme on peut parfois le lire à droite à gauche qu’il est surestimé, je dois avouer que la motivation n’est pas toujours là pour continuer l’aventure.
- Jules Renard a toute mon estime, je le considère vraiment comme un très grand, mais en même temps sa plume singulière agace un peu, et j’ai peine à m’y replonger.
Sinon je ne vais jamais au théâtre mais j’en lis énormément. J’adore ça. Ca peut aller de Chatterton à Courteline en passant par Tourgueniev, L’étourdi de Molière, Amy Robsart ou le Malentendu de Camus, par exemple.
Pis sinon j’ai de très grosses lacunes en lectures 14-18. Je l’avoue. C’est le moment où jamais, n’est-ce pas… En plus ça m’intéresse beaucoup. J’ai ma pile qui m’attend et tout. Il ne faut plus que je me lance.
Plus récemment, et en parallèle de toutes ces lectures, je me suis pris de passion pour la Bible. J’en poursuis la lecture depuis maintenant huit mois. Le plus grand livre de l’histoire of the world. Là-aussi c’est un fait. Somme culturelle et historique énormes, de malade, insurpassables, dont je ne soupçonnais pas seulement le 1/500 000ème. Il est vrai toutefois que certains passages du Pentateuque (et dans une moindre mesure de quelques livres historiques) sont scandaleusement indigestes. Mais quelle récompense à l’arrivée ! Et puis à peu près tous les genres littéraires y sont déjà présents. Tous ces poètes et romanciers « dinosaures » qu’on aime tous tant n’auront jamais, c’est sûr, qu’un ou deux millénaires de retard… Je ne parle même pas de l’élévation personnelle et intérieure qui en découle… Bref, plus enrichissant, tu meurs. Et puis, en plus, après, c’est un réel plaisir de capter toutes les références bibliques qu’on trouve en littérature… Ca percute. Et au diable les notes ! (si j’ose dire).
Du coup, depuis, je brûle de lire des tonnes d’écrivains catholiques, disons à forte teneur spirituelle et/ou mystique. Et les convertis auront toute mon attention.
Les belles découvertes qu’il me reste à faire :
- Les écrivains dont je n’ai jamais lu une seule ligne : Bloy, Huysmans, Mirbeau, Vallès, Joyce, Aragon, Mac Orlan, Ramuz, Charles-Louis Philippe, Cocteau, Austen, Kessel, Simenon, Montherlant, Claudel, Chesterton, Dante, Artaud, Marivaux, Lamartine, Sue, Renan, Villiers de l’Isle-Adam, Loti, Léautaud, Valéry, Mann, Anouilh, Gary, Genet… plus toute l’antiquité… et à peu près presque tout le Moyen-Age et toute la Renaissance… hum…
- Ceux que je connais encore très peu voire presque pas : Chateaubriand, Barrès, Barbey d’Aurevilly, Gautier, Giono, Melville, Dickens, Jarry, Scott, Conrad, Sand, Péguy, Hamsun, Morand, Giraudoux, Zweig, Hemingway, Faulkner, Steinbeck…
Et des millions d’autres.
Plus tous les russes à venir !... (miam miam).
Bref, je me fais bien petit devant tout ce qu’il me reste à découvrir.
Sinon, je suis également mordu de cinéma français d’avant-guerre (Duvivier, Renoir, Le Vigan, Marie Bell, Annabella, Gabin, Pierre Blanchar, Raimu…), de folk et rock US & UK des années 60-70 (Drake, Dylan, Hendrix, le Velvet, Jansch, Waits, Mary Hopkin, Joplin et les petits et grands groupes mythiques de cette période), de blues, de musique classique (Bruch, Mahler, Mozart, Tchaïkovski, Hahn…) et — non mais allô — de foot.
Ah et je n’ai jamais pu ni su m’intéresser plus que ça à la chanson française. A part Gainsbourg (que je place tout là-haut) et Jean Vasca (pour deux albums cultes), je n’aime le reste que poliment. Je peux être touché mais c’est tout. Je vais pas aller dévorer une discographie. A moins de me mettre des vieilles ritournelles, du Danielle Darrieux, du Piaf, du Lily Marlène (si possible en allemand…), du Delyle, là je vibre !
Je gratouille aussi un peu de guitare depuis bientôt quinze ans et je prends un plaisir fou à jouer et rejouer tous les picking de Nick Drake aux accordages si singuliers que j’affectionne à mort, mais j’ai hélas beaucoup perdu depuis quelques temps déjà… j’ai comme rouillé… la lecture me prenant un temps fou, fou, fou.
Enfin voilà, j’espère n’avoir pas été trop long.
Comme disait un certain Beatle, « I hope we passed the audition ».
Au plaisir de vous lire.
P.S. C’est malin, je ne vais plus rien avoir à dire maintenant !