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| Pierre Autin-Grenier | |
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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Pierre Autin-Grenier Jeu 27 Mar 2014 - 20:47 | |
| - Constance a écrit:
- Tu as tenu un bistrot ?
yep, pendant 6 ans, je l'avais mentionné brièvement sur ce fildes années que j'ai adoré, que je ne voudrais pas biffer de ma vie... mais qui m'ont fait travailler 100-120 heures par semaine... à partir d'un certain moment j'ai eu envie de faire encore autre chose et du coup j'ai arrêté... mais je ne regrette pas l'expérience | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Pierre Autin-Grenier Ven 28 Mar 2014 - 10:46 | |
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Pierre Autin-Grenier Ven 28 Mar 2014 - 16:10 | |
| non, malheureusement pas | |
| | | Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
| Sujet: Re: Pierre Autin-Grenier Ven 28 Mar 2014 - 16:21 | |
| Histoire de recentrer sur Perre Autin-Grenier sans quitter l'univers des gargotes, un autre chapitre de "C'est tous les jours comme ça" En terrasse de café (p53 - édition Finitude) haleur au fer rouge aujourd'hui propre à terrasser un bœuf au pré. Août devrait être rayé du calendrier qui encourage aux débraillés les plus écœurants. J'ai déjeuné avec Claire Maisonneuve au Gargagnole, le bouchon de la rue Ozanam; nous avons parlé boutique un bon moment et cela m'a remis le moral en selle pour cinq minutes tant, d'ordinaire, je trouve vain de vouloir écrire des livres à notre époque où ignares et faiseurs tiennent avec superbe le haut du pavés absorbant tout du pas beaucoup d'air qu'il nous reste pour encore un peu respirer. Claire a l'élégance discrète des personnes de talent et un force de vivre à toute épreuve; quoi de plus rafraîchissant pour un vieillard depuis longtemps revenu de tout. Seul l'osso-buco de Cathy m'est un peu resté sur l'estomac. Pourquoi tout d'un coup faut-il tant redouter l'avenir? Quitté Claire l'âme allégée, je m'installe à la terrasse d'un de ces nombreux cafés qui égayent le boulevard pour y bourrer une pipe, prendre un crème et laisser un instant filer le temps à considérer les passants dans leur bizarre accoutrement. Le garçon est charmant qui m'amène trois chocolats noisette dans une soucoupe pour accompagner mon crème et me gratifie d'un sourire entendu. Anthelme, je me dis, tu vas flemmarder une bonne heure à faire des ronds de fumée en sirotant ton café avant de rejoindre ton cagibi et tirer un paragraphe ou deux pour la postérité. Programme qui m'allait comme un gant sauf qu'à peine gratté une allumette se pointent devant mon guéridon deux jeunes bon à rien en uniforme de la Nouvelle Unité de Cadre de Vie qui entendent expressément m'interdire d'allumer ma bouffarde au motif que telle serait maintenant la loi. Les blanc-becs semblent bigrement déterminés dans leur bêtise. Arguant de mon âge, de mon accoutumance d'avant la déluge aux produits de le Régie Française des tabacs et leur précisant par ailleurs que je me soucie des nouvelles lois et autres ordonnances scélérates à peu près autant que de la queue d'une cerise, je les invite poliment à poursuivre leur ronde dans un autre ses, aller plutôt voir sur l'avenue si par inadvertance un aveugle ne s'y ferait pas raccourcir par un chauffard et, pour tout dire, à me fiche la paix. Il est consternant au jour d'aujourd'hui de constater comment le plus obscur clampin est en permanence serré de près par des polices de toutes sortes, le regard mouchard de cent mille caméras à chaque coin de rue accrochées et bientôt une puce électronique au revers du veston en place de laisse et collier. Je ne suis pas tombé de la dernière pluie et j'en ai vu bien d'autres dans ma vie certes, quand même je trouve qu'on est en train de dépasser les bornes! Mes deux lascars ne l'entendent pas de cette oreille qui, sans s'embarrasser du moindre scrupule, me tombent illico sur le paletot, l'un m'arrachant avec sauvagerie de soudard l'objet du délit de la bouche menaçant de m'emporter la moitié de la mâchoire avec et le piétinant rageusement sur le trottoir en hurlant tel un possédé, tandis que l'autre se met à me marteler consciencieusement la nuque à coups de matraque tout en criant que ça va me couter cher; tous les deux sur le point de me tirer à quatre chevaux en place publique si, juste à temps, n'étaient entrés en action cinq ou six clients costauds et résolus pour me sortir momentanément de ce mauvais pas. J'ai fini la journée au poste, libéré une fois signé la déposition reconnaissant violences à agent, incitation à la rébellion et trouble de l'ordre public. D'après Norbert, joint ce soir par téléphone parce que lui connaissant de solides accointances parmi les gens de loi et jusque dans le monde de la flicaille, je devrais m'en tirer à bon compte, n'écoper que d'une amende maison et réchapper finalement aux quatre mois ferme que requiert en règle générale ce genre d'affaire. On a beau dire, on ne m'empêchera pas de penser, sans vouloir pour autant pousser les choses au noir, que le pouvoir affiche et étale aujourd'hui une débauche de brutalité propre à refroidir l'ardeur à vivre de bien des citoyens. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Pierre Autin-Grenier Lun 16 Juin 2014 - 13:45 | |
| Pierre Autin-Grenier est discrètement décédé le 12 avril 2014. Portrait de Pierre Autin-Grenier : la misère du monde (1974) par Ibrahim Shahda Lettre à Pierre Autin-Grenier
Ton regard amusé reste là posé sur la rumeur tonitruante qui t’entourait Tu es parti, disent-ils n’en crois rien tu vois bien que la vie ne part pas elle s’arrête mais tout reste en place
Tu crois avoir rangé ton habit de terrien mais il n’en est rien tu bruisses entre des fils d’encre vive et encore tu ris dans les chambardements de l’absence Tu ne peux pas ne pas savoir : la poussière d’âme est tenace sur le blanc des papiers Tout reste tout est là l’absence n’emporte rien seules certaines choses ne se ressembleront plus Tu le sais partir n’efface que les lendemains
Dans cette intermittence des heures nous aurions pu nous mieux connaître ici raisonnent encore des soupçons d’amitié inachevée Tu es là dans cet hier où tu glisses sur des rires et des sympathies L’indicible d’un regard pèse par-dessus mon épaule.
Jean-Michel Sananès Commentaire Le Matricule des Anges : - Spoiler:
Arrivé au seuil de la soixantaine, Pierre Autin-Grenier a les idées plus noires que le vin quand il lui faut encore faire " le sale boulot de vivre ". On lui dit qu'écrire le soulagera, comme si l'encre était l'huile de vidange " de tous les crimes et pataquès alentour " qui polluent l'existence. Bien qu'il sache qu'écrire, comme l'éternité, est inutile voilà qu'il se lance dans un long (pour lui) récit sur un bar où jeune Lyonnais, il tenait table d'écriture. Ce n'est pas, comme il fait mine de le croire, pour " tenter de faire bouillir l'amère marmite du quotidien " qu'il se lance dans cette manière de roman. Pas pour justifier les à-valoir de la rue Bottin qui n'a pas besoin de lui pour financer le yacht d'Antoine Gallimard. C'est une colère plus considérable qui le pousse à écrire : la fin du livre, là-dessus, sera sans ambiguïté. Mais hors de lui, P.A.G. reste d'un commerce délicieux. C'est qu'il ne s'emporte pas, mais nous emporte, plutôt, dans des phrases inventives qui chantent. Où ? Dans un endroit de petite mythologie : la friterie-bar Brunetti " au 9 de la rue Moncey, et aujourd'hui disparue. " Entrez à sa suite. Vous y rencontrez des personnages de grande humanité, comme madame Loulou qui trois fois par mois reçoit ici ses clients avant d'aller avec eux " s'activer dans l'infini bordel des étoiles ", vous y entendrez les voyages merveilleux de Raymond : " sa garçonnière, c'est la mappemonde, très simplement. " Entrez, vous y verrez Renée " en train d'éparpiller à même le carreau la sciure à pleines poignées pour tenter d'absorber toute cette noirceur ". C'est que les âmes ici ont leur grandeur, mais n'abandonnent pas leurs peines. Et si l'on entre dans de tels estaminets, c'est peut-être qu'on essaie aussi de s'y trouver une famille : les femmes en sont les généreuses égéries. La langue d'Autin-Grenier avec ses rimes sises au coeur des phrases, dans le staccato des syllabes, jettent haut les lumières d'un temps révolu. La colère vient de là, d'un monde qui se meurt sous le talon du capitalisme qui n'offre plus que " la lumière carcérale d'anonymes cafétérias " où l'on voit " de pantins hébétés consommant sans mot dire la merde capitaliste dans une solitude peuplée d'assassins. " Autin-Grenier sait faire entendre le verbe de la révolte, alors, une fois entré chez Brunetti, n'oubliez pas d'en ressortir armé.
Quatrième de couverture : - Citation :
- Modeste petit café des années 60, la friterie-bar Brunetti est « un de ces bistrots qui parvient quand même à faire tenir debout ensemble un certain nombre de vies ». Dans une prose gouleyante, Pierre Autin-Grenier fait revivre toute une faune sympathique en diable, que l’embourgeoisement et la bien-pensance vont tuer petit à petit.
En exergue : Il faut pouvoir se lever et partir de toute société qui n'est bonne à rien [...] et laisser les visages qui ne sont rien et les esprits d'une stupidité souvent sans limite et pouvoir sortir, descendre et aller en plein air et laisser derrière soi tout ce qui est en rapport avec cette société bonne à rien [...] il faut quitter par le chemin le plus rapide ces sociétés inutiles. Thomas Bernhard (Corrections) Un soir, ils se sont attroupés dans la rue, sous ma fenêtre, en proférant des menaces. Je n'ai pas bougé. Je souriais intérieurement de leur naïveté. Je déchire sans les lire les lettres qu'ils m'écrivent.Louis Calaferte (Satori) Extraits : - Citation :
Le complot des banques, des beaufs et des charognards de l'immobilier a toujours été d'en finir et d'éliminer une bonne fois pour toutes ces petits cafés de quartier dans la chaleur desquels s'assemblait le populo en fin de son affolant labeur pour, les uns et les autres joyeusement trinquant à la solidarité, rosser en paroles le gendarme, pester contre les prétentions du proprio et le prix du pain, se rebiffer avec la fougue de humiliés contre toute autorité voire même, ainsi que l'ont toujours redouté les banques, les beaufs et les charognards de l'immobilier, manigancer quelque coup tordu à l'encontre de leurs intérêts et de tant de viles magouilles. Voilà pourquoi tant de Friterie-bar Brunetti, tant de Bistrot de la Mère Christian et autres Ecorche-Boeufs, Comptoir du Soleil, Chez Mimi et Popaul, Aux Deux Absinthes, cafés matineux pour assoiffés de l'aube, bars à vins de ruelles obscures, tardifs troquets tenant rideau levé jusqu'à point d'heure ou minuscules bouchons au kitsch époustouflant vous enjoignant d'entrée : Prenez la vie comme un Martini ! se sont retrouvés aspirés comme si de rien n'était par l'horrible trou borgne de démolisseurs, équarrisseurs de toute poésie, et métamorphosés en moins de deux par les promoteurs à bagouses et cravate club en selfs, snacks, Quick et Mac, temples de la finance aseptisés où officie dans une parfaite indifférence une poignée d'automates en uniforme au service de pantins hébétés consommant sans mot dire la merde capitaliste dans une solitude peuplée d'assassins. (P.58 et P.59) - Citation :
[...] c’est dans les cafés que j’ai appris à lire, que j’ai forgé mes armes, et mes humanités je les ai faites sur la banquette du fond de la Friterie-bar Brunetti, pas très loin du poêle à charbon et sous l’oeil attentif de Renée empressée jusqu’à la dévotion à soutenir mon effort d’un sourire et m’encourager sans façon à coups de blancs secs. (P.67) - Citation :
- Bien que nulle préoccupation d'éternité ne me tourmente, vous vous doutez, je me promets quand même d'aller dès demain prendre un petit chablis au Bar de l'Espérance, abandonner en sortant tous ces mots inutiles sur le comptoir au milieu des verres vides, des cacahouètes salées et des trente sous de pourboire. [...]
Moi, vous savez, maintenant j'ai tout mon temps. (P.97 et P.98) | |
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| | | | Pierre Autin-Grenier | |
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