Là où les rivières se rejoignent
Ce récit autobiographique nous emmène dans le Wyoming, où la violence du vent déshabille même les âmes, où les chevaux ont la priorité, où l’auteur a passé son enfance, son adolescence et peut-être y vit-il encore.
Ce récit est pour la plus grande part l’initiation de l’enfant à la vie, une dure vie comme peut l’être celle dans un ranch, le plus grand ranch de la région ; région sauvage où grondent les rivières et les ours, où la Nature ne pardonne pas les erreurs.
Outre ses parents, l’enfant est l’employé du père, au même titre que les autres et de même traité, certains de ses compagnons de travail, ont inculqué à l’enfant, puis à l’adolescent des valeurs essentielles à la formation de l’Homme.
La vie au ranch est de sobriété, de travail, mais combien l’amour que porte l’enfant aux chevaux est palpable.
Le narrateur aime la solitude, il le prouvera d’ailleurs dans l’isolement en montagne tout un hiver rigoureux (moins 35°)mais c’est là qu’il commencera l’écriture.
Le dernier chapitre est plus intime encore, il reconnait, dénonce parfois, l’homme qu’il est devenu, raconte la fin de sa mère.
Une belle écriture passionnée qui porte le récit, les contemplations de l’auteur sont poétiques, les descriptions physionomiques , le langage confortent la lucidité de son regard.
L’auteur manie l’écriture comme un bel outil utile qui fait du bon travail.
Me voilà à court de mots, parfois je me dis que je ne mérite pas le plaisir donné par une lecture !
Ces extraits vous convaincront certainement
« Je me sentais mieux que le garçon qui s’était endormi la veille. Je me sentais plus vieux que le garçon qui avait failli tuer son cheval. »
« Socks lèche le col de ma veste en jean. Son souffle chaud et humide sur mon cou. C’est la première fois que je suis amené à tirer des conclusions sur la chasse. Par le passé, les chevaux que nous avons utilisés comme appâts n’étaient plus bon à rien, ils avaient perdu leurs dents, ils étaient prêts à mourir. Je n’ai encore jamais associé le chagrin à notre entreprise familiale. »
« On n’a pas si souvent l’occasion d’être ensemble, dit-il.
- On travaille ensemble
- Quand on travaille ensemble je suis ton patron.
- Qu’est-ce que tu es en ce moment ?
- Je suis ton père. Il se tourne vers moi avec un demi-sourire. « Fais donc un peu attention aujourd’hui, et tu verras s’il y a une différence. »
« Je monte dans la montagne le lendemain matin. L’automne tient bon, les journées sont chaudes, les nuits sont fraîches, les arbres commencent à changer de couleur, leurs feuilles arrivées à maturité se teignent de jaune, d’or et de roux.
Je me gare à côté de la maison, je descends de moto et je n’en crois pas ma chance.On dirait que je suis au-dessus du monde, au-dessus de toute activité. L’air est bleu comme du lapis-lazuli. Il pâlira et prendra la couleur du givre dans quelques courts mois. »
« Je me plie à la taille par-dessus les deux serpents. Leurs yeux exigent chacun de mes mouvements. La femelle se glisse contre son mâle blessé et je voudrais que le fossé soit assez profond pour cacher ma honte. Je dis piteusement à la femelle que je n’ai pas sauvé le mâle, que je n’ai pas mis fin à ses douleurs, parce que je ne croyais pas pouvoir le faire. »
"Elle se sentira absolument seule au monde, unique dans son malheur. Je ne serai pas assez fort pour absorber tout le démon de sa souffrance. J' essayerai, mais je serais battu, le démon retournera en elle et grognera comme un chien méchant qui protège sa maîtresse. Mon amour pour elle ne semblera pas suffisant."