Christopher Brookmyre

Hop, "Faites vos jeux" est sur ma LAL
Un grand nombre de livres découverts ici sont introuvables à la bibliothèque, je les note quand même, sait-on jamais, chez un bouquiniste ou en brocante

Faites vos jeux

J'ai mis du temps à me plonger dans l'intrigue et les premiers chapitres d'exposition ont représenté une lecture plutôt laborieuse. J'ai commencé à apprécier le roman une fois le puzzle mis en place, avec l'arrivée de Jane Fleming au milieu du groupe improbable réuni par Bett. Brookmyre séduit par l'évocation d'un univers rempli d'imaginaire, qui rappelle en effet James Bond : de l'élégance surannée aux traits d'humour abrupts, l'enquête policière est marquée par une fantaisie, un dépaysement seulement bouleversés par quelques éclats de violence. L'objectif final (trouver les ravisseurs du fils de Jane Fleming) est presque relégué en second plan tout comme le contexte de l'industrie des armes, au profit des états d'âme des personnages. Faites vos jeux se concentre ainsi sur leurs doutes, leurs maladresses, leur parcours chaotique et les promesses d'une rédemption.

J'ai préféré les temps morts apparents, étrangement contemplatifs aux scènes d'action parfois un peu précipitées. Brookmyre dévoile en tout cas un univers atypique, enthousiaste et qui parvient à surprendre dans son approche du genre policier.

Contente de lire que les interstices ont réussi à te séduire Avadoro ! Pour ma part j'avais beaucoup aimé les premiers chapitres, qui prennent vraiment le temps de mettre en situation les personnages et (tout en ne révélant pas tous leurs secrets tout de suite) de donner beaucoup de matière au lecteur et de pouvoir ainsi se familiariser avec chacun.

J'ai Les canards en plastique attaquent ! qui m'attend !

Je n'ai vu ton post qu'aujourd'hui, Avadoro. Bon, avec des commentaires comme les vôtres, il me le faut vraiment ce "Faites vos jeux".

J'attends ton commentaire sur "Les canards...", Shanidar !

et bien finalement ce sera :

Petite bombe noire

La base est presque similaire à celle de Faite vos jeux, il s'agit de prendre des personnes banales et de les transformer en méchant ou en sauveur selon différents modes de déploiement. Simon est un être plein de colère, qui finit par exprimer sa haine des autres en tuant, alors que son meilleur ami, Ray, est un mauvais professeur de lettres, un gamer invétéré et un tout jeune papa (excédé, fatigué, à deux doigts de la fuite du domicile pour cause de coliques enfantines !).

Leurs vies se sont séparées après l'échec de leur groupe de rock et là où Simon n'a jamais réussi à gérer sa haine démesurée et son incroyable confiance en lui, au point de devenir l'un des terroriste les plus dangereux du monde parce que rien ne le tient, ni l'argent, ni la foi, ni l'idéal ; Ray tente de s'épanouir tant bien que mal dans un monde qui lui demande de plus en plus souvent de quitter ses jeux vidéo pour la vie réelle…

Il est donc beaucoup question de terrorisme, de musique pop et surtout de musique britannique et de jeux vidéo… Trois domaines qui me sont totalement étrangers (ou presque) et j'ai donc, bien souvent, dû passer à côté de références flagrantes qui parleront à beaucoup d'autres.

Il n'empêche, tout comme dans Faites vos jeux, Brookmyre s'empare à bras-le-corps de son récit et le pousse d'emblée au maximum de sa puissance, c'est assez déroutant et fort pour retenir immédiatement l'attention du lecteur. Mais s'il tient la distance, c'est à coup de digressions et de retour en arrière (sur le passé estudiantin de ses deux protagonistes), le récit semblant se dérouler sur deux niveaux de connaissance parfaitement hermétique et compact : il y a le temps d'avant l'entrée en guerre et celui de la guerre.

Là où la performance laisse à désirer c'est que malgré l'étourdissement que procure les idées qui fusent (en moyenne trois par pages), le recours systématique à de mauvaises blagues de potaches, au sexe et aux jurons, m'a assez rapidement agacée. Bien dommage que Brookmyre ne cesse de parsemer son propos de putain et de merde en tout genre alors que certains traits d'humour marchent étonnamment bien. Mais c'est sans doute aussi que je suis très peu friande de ce genre de franche poilade !

Néanmoins, j'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l'énergie incroyable de l'auteur, cette manière hallucinée de raconter l'aventure sur les chapeaux de roues, de se lancer à corps perdu dans une surenchère verbale inégalable, en iconoclaste, en esprit frappeur, en révolté. Car si je devais retenir un niveau de récit en particulier ce serait la dénonciation opiniâtre de notre classe moyenne, de nos cadres ambitieux, de nos désirs de pisser le plus loin (ah je suis contaminée) et d'en avoir une plus grosse que celle du voisin (et je parle uniquement de la voiture, de la tondeuse, de la baie vitrée et de tous ces autres biens de consommation qui nous font croire à une puissance matérielle fort dérisoire).


Je pense qu'après un certain temps de latence, je vais surtout me souvenir des très bons moments liés à ce livre et laisser s'effacer le langage facile de l'auteur.

Un extrait pour donner une idée de l'énergie de Brookmyre :

A part la vie sexuelle, il n'y a aucun aspect de l'existence humaine à propos duquel les gens mentent davantage que la vie de parents. C'est une conspiration colossale, universelle, multiculturelle, trans-générationnelle -un tissu de mensonges à faire rougir la commission Warren- mais sans laquelle, sans doute, l'espèce humaine se serait éteinte. Et les gens ne se contentaient pas de raconter des craques; les étagères de toutes les librairies et de toutes les bibliothèques regorgeaient de bouquins bourrés de gros bobards, de soi-disant informations théoriques ou anecdotiques, de volumes entiers de conseils, de guides dont le contenu n'avait rien à voir avec ce que Kate et lui vivaient réellement, environ vingt heures par jour.

Depuis trois mois, leur vie s'était transformée en une sorte de transe hypnotique interminable. Jamais totalement endormis, jamais complètement éveillés, ils tentaient de faire face à une toute petite créature qui ne semblait pas particulièrement ravie d'avoir été appelée à vivre. Ils avaient voulu cette grossesse, mais deux semaines leur avaient suffi pour comprendre une chose : ils avaient souhaité avoir un enfant, certainement pas un bébé. Et certainement pas un du genre de ce pauvre petit lardon.

Désespoir, ton nom est coliques.

un extrait réaliste !


"Car si je devais retenir un niveau de récit en particulier ce serait la dénonciation opiniâtre de notre classe moyenne, de nos cadres ambitieux, de nos désirs de pisser le plus loin (ah je suis contaminée) et d'en avoir une plus grosse que celle du voisin (et je parle uniquement de la voiture, de la tondeuse, de la baie vitrée et de tous ces autres biens de consommation qui nous font croire à une puissance matérielle fort dérisoire)."

oui contaminée Shanidar !

Contaminé également !

shanidar a écrit:

de se lancer à corps perdu dans une surenchère verbale inégalable, en iconoclaste, en esprit frappeur, en révolté. Car si je devais retenir un niveau de récit en particulier ce serait la dénonciation opiniâtre de notre classe moyenne, de nos cadres ambitieux, de nos désirs de pisser le plus loin (ah je suis contaminée) et d'en avoir une plus grosse que celle du voisin (et je parle uniquement de la voiture, de la tondeuse, de la baie vitrée et de tous ces autres biens de consommation qui nous font croire à une puissance matérielle fort dérisoire).

Moi aussi je suis un peu contaminée. Qui ne l'est pas un peu...

Il me plait bien cet homme. Je l'avais déjà noté. Je le trouverai.