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| Bertrand Bonello | |
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+7colimasson darkanny kenavo traversay shanidar Marko Avadoro 11 participants | |
Auteur | Message |
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Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
| Sujet: L'Apollonide [Bertrand Bonello] Mer 21 Sep 2011 - 23:59 | |
| L'Apollonide - souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello - Citation :
- À l'aube du XXème siècle, dans une maison close à Paris, une prostituée a le visage marqué d'une cicatrice qui lui dessine un sourire tragique. Autour de la femme qui rit, la vie des autres filles s’organise, leurs rivalités, leurs craintes, leurs joies, leurs douleurs... Du monde extérieur, on ne sait rien. La maison est close.
Un choc...une émotion esthétique admirable, qui me rappelle celle ressentie pour Les fleurs de Shanghai de Hou Hsiao-Hsien. C'est une attention simple mais bouleversante aux visages, aux gestes, aux silences. Et la mise en scène de Bonello révèle tendresse et délicatesse, alors même qu'il évoque ce monde sur le point de disparaitre avec ses souffrances et ses cauchemars. On ressent toujours cette confiance par rapport à l'image, à toute expression, permettant de confronter l'horreur (la défiguration qui ouvre et hante le récit) à la beauté âpre d'un quotidien. La perception d'une intimité est mortifère (la maladie, la dépossession du corps), mais elle doit permettre à ces femmes de vivre entre elles, de lutter et de se reconnaître. La liberté n'est cependant qu'effleurée et teintée d'amertume, tant l'unique scène en extérieurs marque par son caractère forcé et fantasmé (presque iconographique). L'Apollonide parvient à transcender l'intériorité des prostituées, celle qu'on leur refuse (séquence douloureuse et cruelle de l'ouvrage "scientifique"). Et que ce soit par le montage musical, les choix de mise en scène (jusqu'à la fragmentation du split-screen) et un final en forme de fuite en avant, Bonello interroge les regards...bousculant et impliquant le spectateur avec une intensité qui reste en mémoire. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 22 Sep 2011 - 0:30 | |
| L'ApollonideBertrand Bonello est en train de créer une oeuvre extrêmement personnelle et originale, littéraire et sensorielle, inspirée de manière souterraine par la mythologie et la tragédie grecques tout en faisant preuve de modernité et de recherche cinématographique. L'Apollonide est une plongée très étrange, plutôt mortifère, dans l'univers d'une des dernières maisons closes avant sa fermeture au tournant des XIXe et XXe siècle. D'entrée on est surpris par le flottement atmosphérique qui nous transporte comme sous l'emprise d'une bouffée d'opium (des boucles temporelles subtiles comme dans "Elephant"), le sentiment d'investir le rêve qu'une de ces prostituées raconte à son client et qui deviendrait une sorte de réalité fragile et éphémère. On alterne ainsi une vision naturaliste et descriptive des rituels de cet univers où vie et mort, moments forts et banalité quotidienne, séduction et perversion, attachement et répulsion, soumission et domination se côtoient en permanence, se déplacent, s'inversent parfois aussi, et une vision plus subjective, parfois fantasmatique, qui prend la tonalité d'un cauchemar de plus en plus oppressant. Cela donne droit à des tableaux tantôt léger et chaleureux (notamment entre femmes) tantôt plus dérangeants ou malsains sans que ce soit complaisant ou gratuit. Il est toujours à la lisière du trouble et du rejet. Il s'en dégage une très forte intimité physique et psychique avec ces femmes qu'il nous rend familières, attachantes, fortes ou fragiles, énigmatiques aussi face à des hommes qui peuvent se montrer fétichistes, pervers, dangereux, mais aussi tendres ou sincèrement attachés (ce client qui se dit profondément ému par les putains même s'il est passablement éméché). Beaucoup de solitude, de tristesse mais aussi des moments de joie, de complicité, d'intimité dans et en dehors de cette prison dorée. Je n'oublierai pas cette femme qui "sourit", cette panthère noire sur un sofa, cette soirée décadente triste à mourir, cette orgie masquée du 14 juillet, mais aussi ce bain dans la nature, ces femmes qui dansent entre elles pour se consoler de la mort de l'une d'elle... Il vous mettra peut-être mal à l'aise mais c'est un film marquant. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 22 Sep 2011 - 0:30 | |
| On se croise!! c'est vrai qu'on pense un peu a Hou Hsiao Hsien même si la démarche est très différente.
Dernière édition par Marko le Jeu 22 Sep 2011 - 0:46, édité 1 fois | |
| | | Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
| | | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 22 Sep 2011 - 0:54 | |
| Et ces anachronismes musicaux volontaires qui donnent le sentiment de l' intrusion et de l'interpenetration d'autres strates temporelles comme le confirme cette ouverture finale qui crée un pont avec le présent. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 22 Sep 2011 - 11:22 | |
| - Marko a écrit:
- Et ces anachronismes musicaux volontaires qui donnent le sentiment de l' intrusion et de l'interpenetration d'autres strates temporelles comme le confirme cette ouverture finale qui crée un pont avec le présent.
à propos de musique le réalisateur déclare qu'il ne demande aucune préparation à ses acteurs sauf une seule : un mois avant le début du tournage il leur fait parvenir une compilation, avec des morceaux qui selon lui reflète les personnages qu'ils joueront (mais qui ne comporte pas forcément la musique du film) et les acteurs doivent écouter une fois par jour cette compilation. Il explique également qu'en écrivant le scénario il écoutait beaucoup de blues de la fin des années 50, c'est pourquoi cette musique est présente dans le film, essentiellement parce qu'elle représente pour lui la cohésion entre les femmes de la maison close. Pour finir, je suis curieuse de voir le travail d'acteur des réalisateurs auxquels Bonello a fait appel : Noémie Lvovsky, Xavier Beauvois ou Jacques Nolot... mais passera-t-il chez nous ? | |
| | | Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Sam 24 Sep 2011 - 15:10 | |
| - Marko a écrit:
- Et ces anachronismes musicaux volontaires qui donnent le sentiment de l' intrusion et de l'interpenetration d'autres strates temporelles comme le confirme cette ouverture finale qui crée un pont avec le présent.
Cette ouverture est très belle par sa brutalité...c'est une parenthèse, d'autant plus saisissante qu'elle est brève (Bonello ne tombe pas dans le piège d'une sursignification). Et les choix musicaux sont assumés de bout en bout (sublime séquence autour de Nights in White Satin, alors que le morceau est pourtant vu et revu). | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Lun 26 Sep 2011 - 22:29 | |
| - Avadoro a écrit:
L'Apollonide - souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello
- Citation :
- À l'aube du XXème siècle, dans une maison close à Paris, une prostituée a le visage marqué d'une cicatrice qui lui dessine un sourire tragique. Autour de la femme qui rit, la vie des autres filles s’organise, leurs rivalités, leurs craintes, leurs joies, leurs douleurs... Du monde extérieur, on ne sait rien. La maison est close.
Un choc...une émotion esthétique admirable Pourra t-on écouter à nouveau Nights in white satin sans repenser à cette splendide scène de L'appolonide, musique anachronique pour une sorte d'acmé au sein d'un film qui jusqu'alors montrait une dispersion de styles qui ne demandait qu'à être sublimée, en route vers une dernière demi-heure toxique et onirique où Bertrand Bonello lâche enfin les chevaux ? Nous sommes dans une maison close et le réalisateur a longtemps joué aussi sur la frustration. La chair est triste ? Pas seulement. C'est plus complexe que cela. L'appolonide est une petite entreprise qui connait la crise, alors que le 20ème siècle s'annonce. Le film de Bonello passe du réalisme à la crudité, de la tendresse entre ces femmes qui s'épaulent au flottement des âmes dans une atmosphère opiacée. Il y manque peut-être l'émotion, qui aurait nécessité de se plier à des contraintes narratives romanesques et à isoler une femme parmi les autres (ce qui est le cas néanmoins, partiellement, avec le figure douloureuse de cette "femme qui rit"). Ce n'était pas la volonté d'un scénario qui vogue entre zones érogènes, hétérogènes et anxiogènes. L'appolonide est un vaisseau spatial. Au fil de ses croquis à l'esthétique luxuriante, les images évoquent quelques grands maîtres du cinéma qui n'ont jamais craint l'odeur du soufre, sans avoir fait Math stupre : Visconti et Bunuel pour les intérieurs, Renoir et Ophüls pour la scène champêtre. Des influences qui nourrissent le style de Bonello, sans l'étouffer, ce dernier ayant sa propre voix, singulière, qui n'est pas là pour plaire à tout le monde et c'est tant mieux s'il divise autant. Un regret pourtant, les toutes dernières images, contemporaines, comme un point de vue moral, qui est surtout maladroit. Hors sujet. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Bertrand Bonello Lun 26 Sep 2011 - 23:18 | |
| - traversay a écrit:
- Un regret pourtant, les toutes dernières images, contemporaines, comme un point de vue moral, qui est surtout maladroit. Hors sujet.
Je n'ai pas trouvé de point de vue vraiment "moral". Tout en créant une continuité entre ces femmes à travers les époques, il communique surtout un sentiment de nostalgie pour cette dernière maison close qui, bien que mortifère, dégageait un charme vénéneux et une beauté mystérieuse. Je suis dans "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" et Proust évoque un lieu identique à l'Apollonide auquel il avait donné quelques meubles pour aider à sa subsistance (lieu qui dans la réalité était d'ailleurs un bordel pour garçons). Il se souvient aussi d'une jeune juive qu'il appelait "Rachel quand du seigneur" (en référence à l'opéra de Jacques-Fromental Halévy, "La Juive"). Très troublant de lire ce passage juste après avoir vu le film! Le travail graphique est exceptionnel avec beaucoup de références à l'art de cette époque. Un blind-test intéressant proposé à Bonello par le magazine première: Blind-TestP.S. Merci aux gentils administrateurs de nous ouvrir un fil sur le film... L'occasion de parler des autres films de Bonello. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Mar 27 Sep 2011 - 16:55 | |
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| | | darkanny Zen littéraire
Messages : 7078 Inscription le : 02/09/2009 Localisation : Besançon
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Mer 28 Sep 2011 - 16:57 | |
| Avadoro, Marko et traversay en ont déjà admirablement parlé. Que rajouter ? que ce film m'a bouleversée, émue jusqu'aux larmes, glacée jusqu'au sang. Une telle palette de sentiments, c'est pour moi le signe d'un grand moment cinématographique qui me restera longtemps. | |
| | | darkanny Zen littéraire
Messages : 7078 Inscription le : 02/09/2009 Localisation : Besançon
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Mer 28 Sep 2011 - 19:35 | |
| - Marko a écrit:
- L'Apollonide
Je n'oublierai pas cette femme qui "sourit", cette panthère noire sur un sofa, cette soirée décadente triste à mourir, cette orgie masquée du 14 juillet, mais aussi ce bain dans la nature, ces femmes qui dansent entre elles pour se consoler de la mort de l'une d'elle...
Comme toi je n'oublierai pas la panthère noire mais aussi cette cloche funèbre qui retentit chaque fois qu'un client arrive, le jeu sublime mais pathétique de poupée mécanique auquel doit se livrer Léa pour émoustiller un client la conversation lors de l'entretien avec la petite nouvelle (qui cherche la liberté.....dans une maison close) les fumeries d'opium de Clotilde, magnifique de bout en bout les scènes qu'on dirait sorties d'un tableau de Manet les longs passages d'une infinie tristesse ...... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 2 Mai 2013 - 10:27 | |
| L’Apollonide – Souvenirs de la maison close (2011) de Bertrand Bonello L’immersion dans L’Apollonide semblait mal partie. Après un générique d’introduction laborieux qui rappelle l’artificialité du Marie-Antoinette de Sofia Coppola et le côté rince-toi-l’œil du Go, go tales d’Abel Ferrara (un mauvais souvenir récent), on est en droit de s’attendre au pire… on bâille déjà, prêt à s’ennuyer d’un défilé de corps parés de belles tenues d’époque. Et puis, L’Apollonide parvient à se révéler. La déception appréhendée s’envole sans même qu’on n’y pense… Nous sommes au tournant du 20e siècle, dans une maison close parisienne. Bien réputée, celle-ci attire de jeunes femmes qui cherchent à devenir dépendantes financièrement (à partir de ce point-là, un joli parallèle pourrait être effectué avec la condition de la femme moderne, mais ce n’est pas là le propos de Bertrand Bonello). Pourtant, on comprend rapidement qu’il y a quelque chose qui cloche. Si ces jeunes femmes pensent ainsi pouvoir acquérir leur indépendance financière et s’extirper d’une situation originelle forcément plus désagréable, pourquoi semblent-elles déjà si lasses ? Au cours d’une nuit dans la maison close, Bertrand Bonello nous présente ses protagonistes dans de brèves scènes qui ne nous permettent pas d’en apprendre beaucoup sur elles. Nous sommes placés, en tant que spectateurs, dans la peau de ces hommes qui viennent se donner du plaisir, fermement convaincus d’en rendre l’équivalent –ce qui n’est pas toujours le cas. Un soir, un des clients de L’Apollonide dépasse les limites. Curieusement, aucune des filles de la maison close –ni même la victime et sa directrice- ne semblent s’en horrifier. L’acceptation est plus cruelle encore. Mais ce n’est qu’une acceptation de surface, qui laisse couver des sentiments que le film permet de laisser infuser jusqu’à leur maturité. Nous n’assistons donc pas à un cheminement des filles de L’Apollonide vers la désillusion –car elles entrent dans cette maison close sans autre espoir que celui de limiter la casse-, ni vers la résignation –bien qu’il y paraisse en premier lieu. Nous assistons plutôt à la mise en place d’une vengeance qui leur ressemble : discrète, imperceptible, elle évolue avec une grâce et une beauté mélancoliques jusqu’à un final d’une cruauté d’autant plus majestueuse qu’elle détruira en même temps les derniers acquis d’une condition de vie décente. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bertrand Bonello Jeu 2 Mai 2013 - 10:31 | |
| - traversay a écrit:
- Un regret pourtant, les toutes dernières images, contemporaines, comme un point de vue moral, qui est surtout maladroit. Hors sujet.
Déstabilisante cette fin en effet... mais comme le dit Marko, c'est peut-être seulement une façon de nous faire regretter le "charme" de ces maisons closes, qui apparaît d'autant plus grand que les images de la modernité sont floues et vilainement colorées. | |
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| Sujet: Re: Bertrand Bonello | |
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| | | | Bertrand Bonello | |
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