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| August Strindberg [Suède] | |
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Auteur | Message |
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Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Dim 11 Aoû 2013 - 15:32 | |
| - topocl a écrit:
- A défaut d'avoir pu mener à bien ma lecture de Au bord de la vaste mer, j'apporte ma contribution en publiant ce portrait de Strindberg par Carl Larsson
topocl a déjà posté le portrait de Strindberg que j'ai eu le plaisir de voir à Stockholm lors d'une grande rétrospective Carl Larsson, le peintre suédois par excellence de la vie suédoise à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Carl Larsson a eu beaucoup de réticences avant de faire ce portrait. Mais après une première séance de pose Strindberg a été si content du résultat qu'il a demandé à Larsson de considérer son tableau comme fini. Ce portrait date de 1899. Les relations entre Strindberg et Larsson ne sont pas restées idylliques. Strindberg est allé jusqu'à caractériser le peintre comme un hypocrite peu fiable dans son journal de 1908 En blaa bok (Un livre bleu). Un soir d'été, lors de mon séjour à Stockholm, j'ai réussi de photographier l'immeuble où a habité August Strindberg vers la fin de sa vie, au 4e étage de la Drottninggatan 85. Je me réserve la visite de son appartement pour une autre fois. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Jeu 19 Déc 2013 - 9:52 | |
| La danse de mort (1900) De prime abord, on pourrait penser que La danse de mort est un de ces textes qu’il faudrait offrir en prélude amoureux à tous les couples qui envisagent de se marier. Prenez-garde au cérémonial qui menace votre amour : August Strindberg place ses personnages au cœur du cercle des Enfers. Dans une forteresse isolée, sur une île isolée, Alice et le Capitaine vivent en tête-à-tête, rejetés et méprisants du reste de l’humanité, se haïssant mutuellement, et sans doute ne s’aimant pas eux-mêmes. La pièce commence comme un morceau de théâtre absurde –Eugène Ionesco s’en serait-il inspiré pour écrire sa Cantatrice chauve ?- et nous montre deux personnages qui cherchent à meubler l’ennui en l’embellissant de querelles et de jeux triviaux. L’évènement perturbateur provient de l’extérieur en la personne de Kurt. Cousin d’Alice, ancien ami du Capitaine, il est le responsable des fiançailles du couple. Animé de bonnes intentions, il n’avait jamais imaginé la déchéance qui les guetterait à l’issue de cette union. Progressivement, il va découvrir la réalité de leur vie sur cette île et chercher à comprendre les raisons qui ont conduit le Alice et le Capitaine, de l’amour à la haine. Si la La danse de mort n’était qu’une évocation de ce triste cheminement, August Strindberg ne mériterait pas la réputation qu’on lui attribue. A l’image de son auteur, les personnages sont complexes : ils se battent contre les autres mais aussi contre eux-mêmes dans une quête de signification. Le 19e siècle est passé, la foi religieuse et la tragédie épique sont passées –le 20e siècle arrive : comment pourra-t-on le meubler ? Ni Alice, ni le Capitaine, ni même Kurt ne semblent encore avoir de croyances profondément enracinées. Dieu a déserté le ciel, et les hommes sont en train de déserter la terre, alors, avec quoi repeuplera-t-on le théâtre terrestre ? Finalement, La danse de mort parle bien moins d’amour que de métaphysique, et si la thématique du couple semble toutefois importante, c’est parce qu’elle est la situation intersubjective privilégiée qui permet de se couler dans l’introspection. L’être humain n’arrivant jamais totalement à se définir seul et par lui-même, August Strindberg le place en face de son reflet –ce qui suscite bien plus souvent de la haine que de l’amour, quoique les deux ne soient peut-être pas si éloignés l’un de l’autre qu’il n’y paraît. Il serait dommage de croire que La danse de mort est une pièce seulement désespérée. Elle ne l’est pas, et c’est justement ce qui en fait sa grandeur. Elle se moque d’elle-même, elle se moque de ses personnages, elle se moque de son auteur, de ses lecteurs et spectateurs –et, en se moquant, elle aime d’autant plus qu’elle connaît désormais les faiblesses et les terreurs de ses sujets. La tentation de l’absurde est évitée de justesse : après avoir oscillé entre tragédie et comédie, La danse de mort opte pour l’ironie, qui en est une sublime synthèse. - Citation :
- ALICE. – Veux-tu que je te joue quelque chose ?
LE CAPITAINE s’assied au bureau. – Suprême ressource ! Oui, si tu veux bien laisser de côté tes marches funèbres et tes mélodies élégiaques… toute cette musique tendancieuse. J’interprète toujours ce que tu joues : « Ecoutez comme je suis malheureuse. Miau ! Miau ! Ecoutez combien mon mari est affreux. Brum ! Brum ! Brum ! Ah, s’il pouvait mourir bientôt ! Joyeux roulements de tambour, fanfares, final : la valse de l’Alcazar et galop du champagne. » A propos de champagne, il nous en reste bien deux bouteilles, non ? Allons les chercher, faisons comme si nous avions des invités. - Citation :
- LE CAPITAINE. – […] Ne vois-tu pas que tous les jours nous répétons les mêmes choses ? Toutes ces vieilles répliques éculées ! Quand tu m’as dit à l’instant : « Dans cette maison, en tout cas, c’est bien vrai », j’aurais dû répondre : « Ce n’est pas seulement la mienne ». Mais comme j’ai déjà dit cela cinq cent fois, aujourd’hui j’ai bâillé, pour changer le menu. Et mon bâillement pouvait signifier que je ne voulais pas me donner la peine de répondre, ou encore : « Tu as raison, mon ange », ou bien : « En voilà assez ».
"L’autre jour, je lisais dans le journal qu’un homme ayant divorcé sept fois, il avait été par conséquent marié sept fois… s’était finalement sauvé à l’âge de quatre-vingt-dix ans pour se remarier avec sa première femme. Voilà l’amour… La vie est-elle chose sérieuse ou simple dérision ?" L'avis d'un critique (Oscar Levertin) lors de la représentation de la pièce : « On se sent presque dégradé, simplement par le fait d’être témoin de ces scènes, cette longue et monotone querelle… Une danse à claquettes, lente, grossière et lancinante qui ne peut nous intéresser le moins du monde. » Et ce que Nietzsche en a pensé : « J’ai été surpris par la découverte de cette œuvre qui exprime de façon grandiose ma propre conception de l’amour, dans ses moyens, la guerre, dans son essence, la haine mortelle des sexes. » peinture d'Edvard Munch | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Jeu 19 Déc 2013 - 10:40 | |
| Et bien tu restes dans les pièces de théâtre ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Sam 21 Déc 2013 - 14:10 | |
| J'aime beaucoup ce genre en effet | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Sam 21 Déc 2013 - 14:34 | |
| - colimasson a écrit:
- J'aime beaucoup ce genre en effet
tout un univers... et beaucoup de belles lectures t'attendent! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| | | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Mer 25 Déc 2013 - 23:09 | |
| Cette danse de mort devrait beaucoup me plaire. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Ven 27 Déc 2013 - 13:00 | |
| Je pense. Beaucoup de subtilités sont discrètement communiquées derrière l'agitation des personnages... J'aimerais bien connaître ton avis. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Ven 27 Déc 2013 - 23:17 | |
| - colimasson a écrit:
- Je pense. Beaucoup de subtilités sont discrètement communiquées derrière l'agitation des personnages...
J'aimerais bien connaître ton avis. Je vais me le procurer... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Lun 30 Déc 2013 - 20:25 | |
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| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Dim 23 Oct 2016 - 19:54 | |
| - Père ( Fadren, 1887). Traduit par Arthur Adamov. L'Arche. 99 pages. Il s'agit du premier grand succès théâtral de Strindberg. " Considérée comme le premier chef-d'oeuvre de Strindberg, la pièce est née en quelques semaines. Comme tant d'autres, elle est le fruit amer d'une crise conjugale. Sa femme, ayant eu un souci de santé, avait consulté un médecin mais Strindberg était persuadé qu'elle voulait le faire enfermer dans un asile de fous." (page 3) Voici le décor unique des trois actes du drame : - Citation :
- "Un salon dans la maison du capitaine. Au fond, à droite, une porte. Près de la porte, un porte-manteau auquel sont accrochés des uniformes. Dans un coin, une porte dérobée. Au milieu de la chambre, une grande table ovale chargée de livres et de journaux. Dessus, une lampe à pétrole allumée. À droite un canapé en cuir et une autre table. À gauche une commode. Au-dessus de la commode une pendule. Aux murs, des sabres, de fusils de chasse, des gibecières." (page 7).
Mise en scène d'Arnaud Desplechin à la Comédie Française. Photo prise le samedi 23 octobre 2016. Un capitaine discute avec un pasteur lorsqu'arrive l'ordonnance : il y a quelques mois, Nöjd, un soldat de l'escadron, est sorti avec une fille, et est allé avec elle dans une grange... Maintenant, il se refuse à se déclarer le père de l'enfant. - Citation :
- "LE CAPITAINE
Soyons brefs. Es-tu, oui ou non, le père de l'enfant ?
NÖJD Comment le savoir ?
LE CAPITAINE Hein, tu ne peux pas savoir ça ?
NÖJD Non, ça, on ne peut pas le savoir.
LE CAPITAINE Alors, tu n'étais pas seul avec elle ?
NÖJD Si, ce jour-là... Mais on ne peut pas non plus savoir si on est le seul...
LE CAPITAINE Alors, tu voudrais rejeter la faute sur Ludvig ? C'est bien ça ?
NÖJD Ce n'est pas facile de savoir sur qui rejeter la faute.
LE CAPITAINE Sans doute, mais tu n'en as pas moins promis à Emma de l'épouser.
NÖJD Oui, mais voyez-vous, on dit toujours ça, mon capitaine." (pages 9-10)
Dernière édition par eXPie le Dim 23 Oct 2016 - 19:54, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: August Strindberg [Suède] Dim 23 Oct 2016 - 19:54 | |
| Père, mise en scène de Patrice Kerbrat, en 1991, avec Jean-Luc Boutte et Catherine Hiegel © C. Bricage, coll. Comédie-Française (récupéré sur http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/lagrange_pere1516.pdf ) Nöjd parti, le pasteur et le capitaine reprennent leur conversation. Ils parlent de Bertha, la fille que le capitaine a eue avec sa femme, Laura. - Citation :
- "LE CAPITAINE
[...] Cette maison est pleine de femmes qui toutes veulent élever mon enfant. Ma belle-mère voudrait faire d'elle une spirite, Laura voudrait en faire une artiste ; la gouvernante n'a qu'une idée en tête : l'initier au méthodisme ; et la vieille Margret rêver d'une Bertha baptiste, et les bonnes veulent qu'elle se fasse salutiste. Ce n'est pas ainsi qu'on forme l'esprit d'une enfant, et c'est pourquoi il faut absolument qu'elle quitte cette maison, d'autant plus qu'on ne cesse d'y contrecarrer mes efforts, et c'est à moi que revient le droit de la former.
LE PASTEUR Oui, il y a trop de femmes qui commandent dans ta maison." (page 12). Le Capitaine, un scientifique, veut que sa fille soit éduquée chez une personne que Laura qualifie de "libre-penseur" et qu'elle devienne institutrice. Laura n'est pas pas d'accord, puisqu'elle veut que sa fille reste et devienne artiste. Elle s'étonne : - Citation :
- "LAURA
Et la mère n'a pas son mot à dire ?
LE CAPITAINE Non. Elle a légalement vendu son droit d'aînesse, moyennant quoi le mari la prend en charge ainsi que son enfant." (page 20).
Laura reparle alors d'un sujet abordé juste avant : "LAURA [...] Ainsi, on ne peut pas savoir qui est le père d'un enfant ?
LE CAPITAINE Il paraît que non.
LAURA Voilà qui est extraordinaire ! Et dans ce cas, comment le père peut-il avoir tant de droits sur l'enfant ?" (page 21) Laura (Anne Kessler) et le Capitaine (Michel Vuillermoz), dans la mise en scène d'Arnaud Desplechin (photo extraite de http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/programme_pere1516.pdf ). Plus tard, Laura plante la graine du doute. - Citation :
- "LE CAPITAINE
Qu'entends-tu par là ?
LAURA Que tu ne sais pas si tu es le père de Bertha.
LE CAPITAINE Je ne le sais pas ?
LAURA Non. Ce que personne ne sait, tu ne peux pas le savoir non plus.
LE CAPITAINE Tu plaisantes ?
LAURA Non, je ne fais que suivre tes leçons. Et du reste, qu'est-ce qui te prouve que je ne t'ai pas été infidèle ?" (pages 39-40). La guerre est déclarée. Mais un des deux camps l'avait mieux préparée que l'autre... A propos de la série d'oeuvres que Strindberg a écrites en deux ans, et qui commence par Le Père, voici ce qu'écrit Régis Boyer dans son Histoire des littératures scandinaves (Fayard, page 166) : " Ce que nous voyons se perpétrer sous nos yeux, c'est la « lutte des cerveaux » (hjänornas kamp), c'est-à-dire l'assassinat méthodiquement conduit, par des moyens qui ne relèvent pas, d'abord, du criminel communément conçu, mais du mental (suggestion, insinuations perfides, mise en place savante et progressive d'un doute fondamental, dérision, abaissement) et qui établissent que la Femme est bien plus forte que l'Homme en l'amenant, par exemple, à douter de sa paternité, de sa virilité ; le médiocre bien plus puissant que le génie, en sapant la confiance que ce dernier a en sa valeur ; la majorité compacte bien plus méchante que l'individu d'exception dans sa naïveté." C'est donc une bonne pièce, mais la guerre des cerveaux m'a quand même paru un tout petit peu longue (la représentation dure deux heures). Concernant la représentation la Comédie Française : bonne mise en scène de Desplechin, au service du texte ; et bons acteurs, même si Alexandre Pavloff, qui interprétait le docteur OEstermark, n'était pas toujours audible. Pour finir, voici un extrait d'une lettre que Zola, écrivit à Strindberg à propos de la pièce Père qu'il lui avait envoyée à lire : " Vous savez peut-être que je ne suis pas pour l'abstraction. J'aime que les personnages aient un état civil complet, qu'on les coudoie, qu'ils trempent dans notre air. Et votre capitaine qui n'a pas même de nom, vos autres personnages qui sont presque des êtres de raison, ne me donnent pas de la vie la sensation complète que j'en demande. Mais il y a certainement là, entre vous et moi, une question de race. Telle qu'elle est, je le répète, votre pièce est une des rares oeuvres dramatiques qui m'aient profondément remué." (Strindberg, Théâtre complet, volume 2, l'Arche, page 557). | |
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