Sous le titre très accrocheur de "Les Bas-fonds du Baroque : la Rome du vice et de la misère", le Petit-Palais à Paris risque d'attirer un large public. Et c'est tant mieux. En effet, cette exposition reprise de l'Académie de France à Rome, rassemble un nombre conséquent d'oeuvres de différents musées européens et de collections privées.
Plantons le décor : la ville éternelle attire au 17e siècle nombre de visiteurs : princes d'église et aristocrates, artistes venus de l'Europe entière, mais également petits artisans, traine-misère, comédiens et mendiants, brigands en tous genres. Ce sont d'eux dont il est surtout question. Au début du siècle, un OVNI, Le Caravage, a bousculé les traditions plastiques par son réalisme sans concession ainsi que par ses thématiques et son genre de vivre volontiers transgressifs. Bien qu'il soit absent de l'exposition, son ombre tutélaire plane sur les artistes présentés. Pas de peinture claire et équilibrée à la Carrache ici, mais des tonalités sombres, de violents clairs-obscurs et un réalisme souvent exacerbé, parfois proche de la caricature.
L'exposition débute sur le thème de Bacchus, dieu du vin et de tous les excès, mais aussi de l'inspiration créatrice - On retrouve cette ambiguïté et cette lecture sur plusieurs plans tout au long de l'exposition. Un superbe tableau de Manfredi illustre le propos (malheureusement ma photo est complètement floue
). Sous l'inspiration de Bacchus se placent les "oiseaux de la bande" (Bentvueghels), joyeuse confrérie de peintres nordiques où figurent également des français et allemands. Ces artistes ont multiplié les scènes de beuveries dans les tavernes, certains n'hésitant pas à décrire les détails les plus triviaux, individus urinant ou vomissant.
Une 2e salle est consacrée à la sorcellerie et à l'alchimie avec notamment un extraordinaire autoportrait de Peter Bodding van Laer :
La suite nous entraîne dans le monde du vice et de la passion : voyeurisme ? dénonciation ? le peintre peut jouer sur différents registres vis à vis du spectateur :
scènes de tricheurs très nombreuses :
homosexualité :
Une autre salle illustre les rixes et le violences. Ainsi cette fête à l'ambassade d'Espagne qui dégénère :
ou cette attaque très violente dans le paysage idyllique de la campagne romaine :
Dans un registre voisins les Bamboccianti évoquent le monde des mendiants et gueux :
En dehors de la scène de genre, certains artistes livrent des portraits émouvants de ces mendiants. L'un des plus beaux est certainement celui de Ribera :
Le dernière salle, celle qui m'a le plus touché, aborde le thème de la "taverne mélancolique" ; lorsque les beuveries font place au silence et à la méditation et à une étrange poésie. Je retiendrai principalement ce tableau de Valentin de Boulogne, que je ne manque pas d'admirer lorsque je vais au Louvre : quand la scène de genre devient pur chef-d'oeuvre !
Pour terminer, un petit mot sur la scénographie qui est très théâtrale au sens propre du mot. Cela correspond au sujet de l'exposition. Dans les dernières salles, il y a un beau jeu de fausses perspectives rendues par des miroirs.
Pour les Parisiens ou ceux qui ont l'occasion de s'y rendre, ne tardez pas trop. Pour le moment, il n'y a pas encore trop de monde et l'on peut vraiment contempler les oeuvres. Cela risque de ne pas durer !