La question du suicide chez les écrivain-e-s

Un auteur contemporain qui a beaucoup écrit sur le suicide est Gabriel Matzneff. A lire et à relire les pages de son journal, ses romans (e.g. La lettre au capitaine Bunner) ou ses articles comme Le suicide philosophique (Revue des Deux Mondes janvier/1979).

bix229 a écrit:

ArenSor a écrit:

Il existe pour moi un texte fondamental sur le sujet écrit par un auteur entre deux tentatives de suicide, l'une ratée et la seconde réussie (si l'on peut dire). Il s'agit de "Récit secret" de Drieu la Rochelle. Certes, celui-ci met fin à ses jours pour des raisons politiques à la fin de la guerre, mais la "tentation" de suicide comme il dit est présente dans toute son oeuvre et l'a hanté depuis l'enfance. C'est une très belle analyse de ces personnes qui présentent une "fêlure de l'âme" qui les fait se tenir plus ou moins longtemps sur la corde raide. Certains passent à l'acte, d'autres non, il suffit souvent de peu. Ce n'est pas propre aux écrivains mais ceux-ci ont le pouvoir de poser des mots sur leur mal de vivre.

Le pouvoir des mots ? Pas toujours, pas souvent !  Beaucoup gardent le silence ou sombrent dans
l' alcoolisme ou la névrose.

Tout à fait. J'utilisais le terme "pouvoir" dans le sens de "faculté" mais c'est effectivement rare. C'est pourquoi j'ai tenu à souligner la tentative d'analyse de Drieu sur la question.

ArenSor a écrit:

bix229 a écrit:

ArenSor a écrit:

Il existe pour moi un texte fondamental sur le sujet écrit par un auteur entre deux tentatives de suicide, l'une ratée et la seconde réussie (si l'on peut dire). Il s'agit de "Récit secret" de Drieu la Rochelle. Certes, celui-ci met fin à ses jours pour des raisons politiques à la fin de la guerre, mais la "tentation" de suicide comme il dit est présente dans toute son oeuvre et l'a hanté depuis l'enfance. C'est une très belle analyse de ces personnes qui présentent une "fêlure de l'âme" qui les fait se tenir plus ou moins longtemps sur la corde raide. Certains passent à l'acte, d'autres non, il suffit souvent de peu. Ce n'est pas propre aux écrivains mais ceux-ci ont le pouvoir de poser des mots sur leur mal de vivre.

Le pouvoir des mots ? Pas toujours, pas souvent !  Beaucoup gardent le silence ou sombrent dans
l' alcoolisme ou la névrose.

Tout à fait. J'utilisais le terme "pouvoir" dans le sens de "faculté" mais c'est effectivement rare. C'est pourquoi j'ai tenu à souligner la tentative d'analyse de Drieu sur la question.

Le pouvoir d'écrire vient avec une responsabilité. Cette responsabilité n'est pas d'écrire ce qu'on doit écrire ou pas. Elle est d'écrire ce qui sort de nous. L'écrivain n'écrit souvent pas, mais écrit ce qu'il doit écrire. Ça vient sans doute avec le métier et la pratique.

Concernant la question de l'écriture chez les suicidés, je vois surtout pour le moment qu'écrire s'enfante dans la douleur. Il y a sûrement une part de joie qui se libère en écrivant, mais c'est souvent au prix de quelques difficultés de trouver l'expression juste.

Pour la question de la névrose, ce mal de l'âme est l'exutoire qui libère les passions inassouvies. Un autre terme serait la catharsis. Entre la névrose et la catharsis, l'écriture propose une manière de libérer la parole et de la mettre en actes dans une pièce qui se rejoue sans arrêt dans le drame intérieur entretenu par l'écrivain-e. L'alcoolisme est un peu le mal légalisé et toléré par la société, puisque l'alcoolique est répudié par le groupe. À ce trait, l'alcoolique est en littérature ce qu'on accepte bien volontiers comme manifestation folle et joyeuse comparativement à la perspective d'un suicide, plus abrupte.

Je viens tout juste de repasser devant le titre d'une autre nouveauté. Il s'agit de Suicide et politique. La révolte est-elle honorable? Le texte est signé de Lawrence Olivier.

Citation :

«Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux, disait Camus, c’est le suicide». Oui, mais il existe mille façons de parler du suicide et autant de se suicider. La mort volontaire n’est pas ce qu’on pense généralement. Elle ne se réduit pas à un acte choisi, à un événement précis. À preuve Charles Bukowski. Son existence s’apparente à un suicide lent, à un aller vers la mort qui s’accomplit chaque jour. Ce qu’on voit chez lui d’une manière évidente, c’est un «échapper à l’existence»: jeu, alcool, sexe, fainéantise, indifférence même à toute chose. Si l’existence n’est pas toujours facile, souvent absurde, Bukowski plus que Camus l’a montré. Mais on persiste à donner raison à celui-ci et non au premier. On continue de prétendre qu’il faut non pas abandonner, mais se révolter: là serait notre seule condition. En est-on sûr? Menée dans une perspective radicale — celle qui doute de tout sans compromis et sans aucun désir de proposer autre chose à ce qui est soumis à la question —, cette réflexion sur notre rapport à la mort et à l’existence répond à cette question.

Lien : http://www.editionsliber.com/catalogue.php?p=714

Il s'agit d'une analyse québécoise. Bien qu'il ne s'agisse pas au premier abord d'un suicide en bonne et due forme, il est intéressant de lire une analyse qui se penche sur le rapport des gens avec la vie.

COINCIDENCES: Merci pour cet ajout, JHB et cette "trouvaille".
J´aime quand un même nom revêt 2 visages et se trouve soudain relancé dans le temps, cette fois il ressemble à Coluche (le prof). Et la mémoire visuelle se doit de se dédoubler et de s´enrichir.
Même sensation d´amplification et de prolongement pour "Francis Bacon". Et quelques autres, mais rares.

Revenons au sujet:

Je ne sais pas où Pascal Quignard veut en venir, mais toute sa littérature est zebrée du thème du suicide.
Madeleine ( Tous les matins...) un tabouret et le noeud coulissant du lacet d´un soulier parce que Marais méprise le labeur de cordonnier.   Albucius rongé par la maladie qui opte pour un bol de lait empoisonné, "je crois que c´est aujourd´hui que j´ai décidé de mourir". Et l´introduction de la notion de nature: "La nature a donné aux êtres humains avec la vie, la possibilité de se séparer d´elle".
Boutès, le plongeur de Paestum, qui contrairement à Ulysse, le héros aux oreilles bouchées de notre pensée occidentale choisit, lui de plonger " Il est sorti de sa cache, il a démissionné de son poste. Il a quitté son rang. Il a escaladé les murs de la prison. Il a rejoint la spontanéité de la nature". Encore la nature...
Oui, je sais tout cela pour le doux chant des sirènes.
Mais ce que veulent soigner nos sociétés psychiatriques, les civilizations anciennes le considéraient comme courage.
Pascal Quignard n´est jamais aussi explicite que dans "La barque silencieuse". Un chapitre entier y est consacré, le XXVIéme, intitulé "De suicidio"
La conclusion- trop sévère- de la bouche des deux Sénèque:
"Nul ne peut se plaindre de la vie: elle ne retient personne".
Pascal Quignard l´adoucit :" Le suicide est la "mort vécue comme mourir" quand cette mort procède directement de la detresse originaire qui gîte au fond du corps." et hop, toujours la nature.