Marcel Proust

tina a écrit:

GrandGousierGuerin a écrit:

@Tina : avec de tels commentaires, je souhaite que tu n'arrives jamais au bout de l'oeuvre de Proust  

Merci GGG, mais figure-toi qu'à la fin du cycle, je continue avec Tadié !
Après l'oeuvre, j'attaque le bonhomme !


 

Si tu as des livraisons directes de madeleines, tu me vois donc rassuré !

A défaut de madeleines, il nous reste des témoignages précieux de gens ayant approché Proust, dont Cocteau. Accessible facilement sur Youtube.
Cocteau raconte comment celui-ci n'arrivait pas à se relire et en riait éperdument, perdu entre ses centaines de feuillets, dans son lit. C'est curieux, car Kafka aussi riait de ses propres écrits. Il faudrait creuser cela.

Je cite Cocteau, qui parle de Proust et de la Recherche : "sa vie secrète est là, masquée de velours noir".

https://www.youtube.com/watch?v=YUgIknsSZ5o


PS : je me suis remise au thé, vous croyez que c'est l'influence proustienne ?

:intense reflex 

Seulement si tu trempes une madeleine dedans  

J'ai tout fini.

Je suis bouleversée.

tina a écrit:

J'ai tout fini.

Je suis bouleversée.

l 'atterrissage est très dur. J'ai eu le même sentiment.

@tina : mais reprend donc une petite madeleine  

Difficile de résumer ce qu'on ressent quand on referme le cycle, qui est amené à continuer à vivre en nous.
Un silence blanc...

Le dernier ouvrage, le temps retrouvé, dit tout dans son titre car Proust s'exprime directement et nous livre la conclusion de sa quête. Il a bâti une sorte d'homme éternel ("extra-temporel" comme il dit), qui, par ses souvenirs, échappe au temps car le temps intérieur est indépendant du flux temporel extérieur. Il ouvre donc la voie à toutes les grâces, à toutes les possibilités, à un infini miroitant. Proust a réussi, par la littérature, à arriver à la même vérité (terme que j'emploie à dessein) que la plupart des mystiques.

Avec des résonances platoniciennes, notamment quand il construit une théorie des Idées, certes différente car littéraire, mais visant à toucher un point central, évanescent et quasi inconnaissable. Sauf que lui a mis des mots dessus, et l'a transformé en musique via le jeu métaphorique, le rythme, le bercement.

On reste sans voix.


Inutile de tenter de résumer tout cela. Seul un écrivain de cette envergure peut capter l'invisible, l'indicible en nous laissant émerveillés par ce formidable partage qu'il nous offre car le lecteur est totalement impliqué, immergé dans son oeuvre.

Nous sommes en apnée pendant 2500 pages et nous sommes BIEN.

GrandGousierGuerin a écrit:

@tina : mais reprend donc une petite madeleine  

J'ai commencé et je dévore la biographie de Tadié.
Magistrale !
Il écrit avec une belle aisance et tout est pertinent, je n'en perds pas une miette ! Et attitude rare : il sait s'effacer pour laisser place aux faits. Point d'extrapolations donc, ni d'inventions fantaisistes ou de projections personnelles . Un véritable amoureux de Proust, doublé d'un grand professionnel. Chapeau ! D'ailleurs, je l'aime bien, cet homme. Son style tranquille et lettré me plait beaucoup.

En revanche, je déconseille vivement les niaiseries de Jean-François Revel, qui décidément, n'a rien compris à Proust. Dans ces cas là, il faut se taire ! C'est d'ailleurs incroyable de passer à côté de l'essentiel à ce point là. Il a écrit un pseudo-essai : "Sur Proust : Remarques sur A la recherche du temps perdu". Surtout ne lisez pas cette daube qui démontre en 150 pages que Proust, c'est du vent.

Pathétique...

Notez : en allant sur Wiki voir son parcours et en voyant le nombre de décorations reçues, j'ai bien vu qu'il fallait se méfier. Les récompenses "officielles" étant en général un gage de médiocrité et un simple certificat de flagornerie.

JEAN SANTEUIL


Un article concis en rapporte ici sa genèse : http://www.lexpress.fr/culture/livre/jean-santeuil_804636.html.


Il s'agit d'un ouvrage de quelques 800 pages, avec un jeune héros, Jean. La méthode narrative n'est pas du tout la même que dans la Recherche. Proust ne parle pas avec le "je". Il est encore dans la description classique.

Mais l'intérêt de l'oeuvre réside dans les scènes décrites, qui annoncent les futurs motifs de la maturité : maladie enfantine, amour pathologique pour la mère, choix d'une carrière littéraire et refus de la famille, jeux aux Champs-Elysées, premiers émois et premiers doutes, etc...

Si on veut parler d'autobiographie, on le peut avec ce personnage qui symbolise à peu près sans fard l'ami Marcel. Il dit lui-même que "ce n'est pas un roman". C'est un ensemble de textes réunis autour du fil directeur de la vie de Jean, pâle reflet de notre futur Narrateur.

C'est à considérer comme une ébauche. Plutôt maldroitement écrite (voire mal écrite). Le style est lourd et sans personnalité. Nous mesurons ainsi le parcours exceptionnel qui a mené un écrivain en herbe au génie qu'on connaît.

Proust pose déjà les problématiques qui le hanteront, dont le temps, le souvenir. Pour l'instant, en termes simples, répétitifs, mais on sent qu'on a affaire à un FAUVE EN CAGE, qui tourne, qui rumine, qui attend l'ouverture de la porte.

Je ne pense pas cette lecture indispensable, d'ailleurs je ne l'achève pas. En revanche, elle est à consulter sur des points précis. A connaître et à conserver quand on aime cet incroyable auteur. C'est ce que sous-entend aussi Tadié (en préface chez Quarto), qui rappelle que les proustomanes ne la connaissent pas beaucoup.

Le fauve ne libèrera toute son énergie créatrice qu'après la mort de sa mère.

Bonjour, ravi d'avoir rencontré un club de Proustien. J'ai commencé la recherche il y a quelques mois. Je l'avais déjà lu il y a quelques années mais plutôt parce qu'il  fallait avoir lu Proust. Ce fut plutôt travail fastidieux qu'une découverte. Et au bout du compte je n'en ai rien tiré. Je crois qu'à l'époque je n'ai rien compris. Par contre, ma seconde lecture est magique. je n'en suis qu'à "un amour de Swann" et déjà les questions se bousculent.

Spoiler:

Et puis, il y a le style de l'auteur qui nous transporte hors de la fureur du monde moderne et nous force à prendre notre temps. Vraiment je suis heureux d'avoir repris cette lecture. Je n'ai pas lu tous vos commentaires car je veux faire d'abord mon propre chemin à travers la recherche Mais je les lirai.
bonne journée

tina a écrit:

Bref, j'étais persuadée que Proust était bi ou homo.
Et je me retrouve avec un sadique comme idole.
Cela m'a fait un choc.

allons, il ne faut pas croire tout ce que l'on raconte. Surtout lorsque l'on parle d'un génie et homosexuel en plus. Les gens sont des jaloux, des médisants et tuent ce qu'ils ne comprennent pas. Oublie ces histoires ridicules.
( il paraît que c'était des rats en fin de vie....)

j'ai fini "du côté de chez Swann" il y a quelques mois déjà et j'attaque à "l'ombre des jeunes filles en fleurs cet Après midi" . Premier livre : "autour de Mme Swann" je suis curieux de savoir comment va se dérouler le mariage après la conclusion de la partie 2 de "du  côté ..."

On va créer un club des Madeleines pour tous les nostalgiques et fans des souvenirs d' enfance !

Et d' aileurs, il y a un fil Souvenir souvenirs, pour eux...  

je crois que ce que j'aime chez Proust, mais je n'en suis pas encore sûr, c'est sa capacité à nous entraîner très loin dans le rêve, hors du monde tout en nous maintenant fermement au sol. Car même s'il dérive joyeusement dans l'inconscient il ne délire jamais. Il ne nous parle pas de Dieu, de métaphysique, de théories fumeuses sur l'existence, mais il nous parle d'amour de relations entre les hommes, la vraie vie quoi. A notre époque délirante, je trouve qu'il en devient même un précurseur pour les années à venir. Car franchement, cela ne peut pas durer comme cela, non ?

marc et cie a écrit:

je crois que ce que j'aime chez Proust, mais je n'en suis pas encore sûr, c'est sa capacité à nous entraîner très loin dans le rêve, hors du monde tout en nous maintenant fermement au sol. Car même s'il dérive joyeusement dans l'inconscient il ne délire jamais. Il ne nous parle pas de Dieu, de métaphysique, de théories fumeuses sur l'existence, mais il nous parle d'amour de relations entre les hommes, la vraie vie quoi. A notre époque délirante, je trouve qu'il en devient même un précurseur pour les années à venir. Car franchement, cela ne peut pas durer comme cela, non ?

Parce que la religion de Proust, si c'en est une, est basée sur l'expérience.