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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 18:51
Du côté de chez Swann, 2e partie: Un amour de Swann
De tous les modes de production de l'amour, de tous les agents de dissémination du mal sacré, il est bien l'un des plus efficaces, ce grand souffle d'agitation qui parfois passe sur nous. Alors l'être avec qui nous nous plaisons à ce moment-là, le sort en est jeté, c'est lui que nous aimerons. Il n'est même pas besoin qu'il nous plût jusque-là plus ou même autant que d'autres. Ce qu'il fallait, c'est que notre goût pour lui devînt exclusif. Et cette condition-là est réalisée quand - à ce moment où il nous fait défaut - à la recherche des plaisirs que son agrément nous donnait, s'est brusquement substitué en nous un besoin anxieux, qui a pour objet cet être même, un besoin absurde, que les lois de ce monde rendent impossible à satisfaire et difficile à guérir - le besoin insensé et douloureux de le posséder.
Un saut en arrière dans le temps à une époque antérieure à la naissance du narrateur qui est toujours discrètement présent même si Swann devient le personnage central. Et un narrateur d'autant plus omniscient qu'il ne peut donc que réinventer cet "amour" entre Swann et Odette à partir de récits rapportés ou imaginés.
Roman dans le roman qui explore les illusions de l'amour comme pure construction fantasmatique avec une subtilité impressionnante. L'originalité vient du fait qu'Odette n'est au départ pas du tout du goût de Swann. Il la trouve quelconque, ne la désire pas alors qu'il a beaucoup d'aventures qui lui dictent ses fréquentations (allant d'une maison à une autre pour approcher telle ou telle cuisinière, servante ou femme de chambre). C'est le portrait d'un grand esthète nourri de références picturales qui transforme tout ce qu'il contemple par associations d'idées. Je pense notamment à la géniale séquence où Swann pénètre dans les salons de la soirée Saint-Euverte en comparant les serviteurs à un tableau de Mantegna. Toute sa déambulation fusionne observations et références artistiques.
Ainsi il ne commence à accorder un véritable intérêt à Odette qu'à partir du moment où il peut l'identifier en partie à une oeuvre d'art, Zéphora, la fille de Jethro dans un tableau de Botticelli. Cette ressemblance lui conférant une aura inédite.
La fascination est complète lorsqu'il associe ensuite également Odette à la fameuse phrase musicale de la sonate de Vinteuil. Autre madeleine proustienne qui devient le symbole de cette idée presque esthétique de l'amour en guidant les premiers pas du désir puis en devenant plus tard le souvenir douloureux de ces premiers émois déjà éloignés. La façon dont Proust décrit cette alchimie entre la phrase musicale et le sentiment amoureux est magnifique. Cette sonate lui aurait été inspirée par plusieurs oeuvres:
Citation :
* La Sonate n° 1 pour violon et piano, op. 75 de Saint-Saëns (1885) que Proust trouvait cependant « « médiocre » » * L'enchantement du vendredi Saint dans l'opéra Parsifal de Wagner (1882) * La Sonate FWV 8 en la majeur de César Franck (1886) * Un Prélude de l'opéra Lohengrin de Wagner (1850) * La Ballade opus 19 pour Piano et Orchestre de Fauré (1881)
Le désir laisse place à un sentiment de possession, puis de jalousie, puis de rejet jusqu'à ce que l'illusion amoureuse s'éteigne... Mais on sait dès le départ que Swann et Odette se sont ensuite mariés et que le premier amour du narrateur, Gilberte, est leur fille! Toujours cette idée de retrouver ce temps perdu des émotions primordiales en dilatant ces instants pour en décrire toute la beauté et la fragilité en même temps que la grande part d'imagination et de fantasmes qui leur ont donné vie. Une vie comme un rêve éveillé.
Surprise de noter au passage qu'Odette est blonde et Swann roux et en partie dégarni! On est loin du couple Jeremy Irons/Ornella Mutti (quand même blonde) dans le film de Volker Schlöndorff
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 20:17
Du côté de chez Swann, 3e partie Noms de pays: le nom
Cette courte partie d'une quarantaine de pages est bien plus qu'une transition entre les 2 premiers volumes de La Recherche. Il permet à Proust de décrire les premiers émois amoureux d'enfance du narrateur envers Gilberte qu'il avait une première fois aperçue devant la maison de Swann dans Combray. Ces pages sur fond de Paris enneigé sont très belles comme toutes les descriptions qu'il donne du Bois de Boulogne en véritable peintre. C'est d'un grand raffinement et un régal de lecture.
Le tout est précédé d'une réflexion sur l'importance des noms de choses, de lieux ou de personnes dans notre vie. Noms qui font parfois surgir des images et des représentations imaginaires encore plus fortes et durables que la réalité. Il voyage ainsi par la pensée de la fictive Balbec (probablement Cabourg) à Florence ou Venise dans des évocations somptueuses. La perspective même d'un voyage potentiel à la vision d'horaires de chemins de fer finissant par provoquer une émotion tellement violente que le médecin décide de l'en dispenser à sa grande tristesse. Comme si l'intrusion de la réalité devenait une menace presque insupportable tandis que l'imaginaire demeure un espace protecteur où tout peut être exploré, dans une perspective de rapport au monde quasi autistique.
Pour ceux qui voudraient entrer doucement dans La Recherche par la petite porte, ce passage est idéal.
Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n'étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors, le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.
Epi Escargote Zen
Messages : 14255 Inscription le : 05/03/2008 Age : 64 Localisation : à l'ouest
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 20:38
Ca fait du bien de lire tes commentaires Marko, tout revient en mémoire.
Marko a écrit:
Surprise de noter au passage qu'Odette est blonde et Swann roux et en partie dégarni!
Je l'ai toujours imaginée brune Odette, je trouve que le blond ne lui va pas du tout.
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 20:44
question idiote mais je profite du fait que Marko sorte à peine de sa lecture : faut-il lire absolument Du côté de chez Swann en intégralité ou Un amour de Swann se suffit à lui-même ? Parce que j'ai lu Un amour il y a quelques années, je voudrais y revenir pour ensuite lire les suivants mais je n'ai pas envie de courir après un exemplaire de Du côté... si on peut s'en "passer". Humpf, je me sens terriblement coupable de vouloir me 'contenter' d'un morceau de Proust...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 20:54
Ce serait dommage de te priver de "Combray" qui est vraiment le cœur de la Recherche. Un texte fabuleux qui m'a encore plus fascine que " Un amour de Swann ".
Epi Escargote Zen
Messages : 14255 Inscription le : 05/03/2008 Age : 64 Localisation : à l'ouest
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 21:03
Je dirais que oui, d'ailleurs il n'est pas rare qu'on se contente d'Un amour de Swann en laissant de côté le reste. Et d'ailleurs, je vais peut-être aussi le relire (pas le temps pour relire toute la Recherche malheureusement). Mais comme il fait partie d'un tout, c'est quand même mieux de lire Du côté de chez Swann en entier.
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 13 Sep 2011 - 21:21
merci Epi et Marko pour vos réponses contradictoires mais si Combray est à ce point fascinant et bien... je sais ce qu'il me reste à faire...
Scrat Invité
Sujet: Souvenir de Fac Mar 4 Oct 2011 - 10:15
MarcelProust "A la recherche du temps perdu" - cela me rappelle toujours le début de mes études en France: toujours un crayon et un dictionnaire à portée de main, je me suis bagarrer avec les 7 volumes. En fin de compte, je lui doit beaucoup à MarcelProust, car j'ai pu agrandir et mon vocabulaire et mes connaissances de grammaire française... Et ceci avec de plus en plus de plaisir, me régalant vraiment de sa capacité inégalée à observer et à décrire le comportement et la psychologie de l'être humain.
J'espère beaucoup "retrouver le temps" de renouveler cette lecture un jour!
Salutations de Minden en Allemagne à toutes et à tous. Jutta
MarcelProust "A la recherche du temps perdu" - cela me rappelle toujours le début de mes études en France: toujours un crayon et un dictionnaire à portée de main, je me suis bagarrer avec les 7 volumes. En fin de compte, je lui doit beaucoup à MarcelProust, car j'ai pu agrandir et mon vocabulaire et mes connaissances de grammaire française... Et ceci avec de plus en plus de plaisir, me régalant vraiment de sa capacité inégalée à observer et à décrire le comportement et la psychologie de l'être humain.
J'espère beaucoup "retrouver le temps" de renouveler cette lecture un jour!
Salutations de Minden en Allemagne à toutes et à tous. Jutta
As-tu connaissance de la traduction de Proust par Walter Benjamin. Il parait qu' elle est bonne...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Mar 4 Oct 2011 - 16:58
Scrat a écrit:
Et ceci avec de plus en plus de plaisir, me régalant vraiment de sa capacité inégalée à observer et à décrire le comportement et la psychologie de l'être humain.
Ce qu'il dit des illusions de l'amour, de la vanité humaine, de l'attachement aux castes sociales, de l'évanescence des choses, de la solitude et de la mémoire est d'une richesse et d'une beauté complètement envoûtantes et d'un humour tellement attachant. Bravo pour l'avoir lu en français! Je m'imagine mal en faire autant avec Thomas Mann en allemand
Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
Sujet: Re: Marcel Proust Jeu 20 Oct 2011 - 16:52
Ca y est : j'ai fini mon commentaire sur ma première lecture de Proust. Commentaire qui ne sera pas à la hauteur de celui de Marko. Je vous le livre néanmoins humblement pour ce qu'il vaut.
Du Côté de chez Swann
Un livre en trois parties de longueurs inégales :
Combray : Le narrateur est jeune enfant. Combray est le petit village dans lequel il passe ses vacances d’été, le village de la tante Léonie (« tante au sens large, car la femme est la fille de sa grand-tante – la sœur de son grand-père maternel). Le narrateur, dont le nom n’est jamais mentionné, y souffre d’un manque affectif. Chaque soir à l’heure du coucher, il aspire au baiser maternel qui lui permettra de s’endormir. Mais les parents ne sont guère démonstratifs et le père s’emporte de cette sensibilité de son fils qu’il juge excessive. Soit un homme mon fils, écarte-toi des jupons maternels ! Ce que, justement, le narrateur se montre incapable de faire. L’idée même l’en rend malade. Combray, c’est le temps des vacances. Le temps des balades en famille. A partir de la maison de tante Léonie (madame Octave qui reste alitée depuis la mort de son mari) on peut partir, soit du côté de chez Swann (vers la plaine) ou du côté de Guermantes (vers la rivière – la Vivonne – et les boqueteaux). Deux côtés fort différents qui ont tout deux leurs attraits. Le côté de chez Swann, c’est l’amour, le passage obligé le long des grilles de la maison de Charles et de sa famille : la très belle et sulfureuse Odet de Crécy (épouse Swann) et Gilberte leur fille unique dont le narrateur s’entiche. Maison entourée des fameuses aubépines que le narrateur aime tant et sur lesquelles Marcel a écrit sa célèbre et magnifique tirade. Le côté de chez Swann, c’est aussi l’aspect charnel de l’amour, le côté de Mr Vinteuil et de sa fille aux amours lesbiennes. Le côté des femmes peu recommandables (et qui attire tant le narrateur). Le côté de Guermantes est à l’opposé. Sur le plan géographique d’abord, car pour aller se balader de ce côté-ci, on ne sort pas du jardin de Léonie par la même porte. Les Guermantes sont les châtelains de la région. Des gens fort riches qui ne viennent presque plus dans leur château. Cet éloignement les a rendus comme immortels aux yeux des riverains. Un mythe qu’on s’empresse de venir admirer béatement lorsqu’un membre de cette illustre famille daigne paraître (à l’église pour un office). Le côté de Guermantes est un côté plus élevé, plus mystérieux, aux antipodes des espérances terre-à-terre du côté de chez Swann. Lorsque la famille part de ce côté, chacun sait que le narrateur et ses parents rentreront tard. Car la promenade est bien plus longue et les entraine bien plus loin. Il n’est pas rare qu’on ne rentre qu’à la nuit. Dans ce cas, dès le retour, on se presse de monter rassurer tante Léonie avant même de songer à se changer. A côté de cette opposition « horizontale », une dichotomie « verticale » scinde la maison de tante Léonie en deux. Le rez-de-chaussée est l’endroit où la famille reçoit. C’est la vie de la maisonnée, l’aspect social, mondain de la famille. Charles Swann y fait de fréquentes apparitions, presque quotidiennes (son défunt père était un ami du grand-père). Le narrateur, jeune, est écarté : il doit manger rapidement afin de monter dans sa chambre et laisser « les grands » à leurs affaires. L’étage, lui, est une zone de solitude. La partie intime de la maison, celle dans laquelle on se repose et à laquelle les amis n’ont pas accès. Quand Swann rend visite à Léonie, celle-ci fait dire qu’elle repose, ou qu’elle réfléchie et qu’elle recevra ce dernier « plus tard ». L’étage est la zone dans laquelle le narrateur se morfond, seul, espérant follement que sa mère quitte les mondanités (ne serait-ce qu’un instant) pour venir lui dire bonsoir et l’embrasser. Espoir souvent déçu qui tient le narrateur éveillé, seul avec ses pensées. Cette première partie, à la campagne, est une critique sociale dans laquelle Proust décortique les différents « notables », notamment l’obséquiosité de Langredin, snobinard qui cherche par tous les moyens à attirer le regard des puissants.
Un Amour de Swann : Dans cette seconde partie, sensiblement plus longue que la précédente, le lecteur change et de lieu et d’époque. Il quitte la campagne pour Paris et fait un bon en arrière de plusieurs années alors que le narrateur n’est pas encore né. Il poursuit néanmoins son récit, tel une voix off décrivant avec détachement une scène se déroulant sous yeux. On suit cette fois les pas de Charles Swann, dandy célibataire, riche et fort cultivé. Vie mondaine, de théâtres en salons, de la princesse des Laumes (de la famille des Guermantes) aux Verdurins. La première, parangon de raffinement, les seconds plus mesquins et envieux : leur clan est à la limite de la petite société sectaire qui se complait dans la médisance et la bêtise. C’est pourtant à eux que s’accoquine Swann qui délaisse par là même ses autres relations. Comportement dicté par son amour irraisonné pour la très belle Odette de Crécy, femme aux mœurs légères (une courtisane) qui se lassera rapidement de lui. Mais Swann qui se consume pour elle ne renonce pas. Il sombre dans le ridicule puis dans la folie. Ses connaissances rient tout d’abord – amicalement. Puis les critiques se font plus mordantes. On se moque, on parle dans son dos. Swann n’écoute pas, n’entend pas, tout à son obsession. Dans cette partie, une pièce musicale (la Sonate de Vinteuil) revient tel un leitmotiv. Petite phrase que Swann entendit longtemps auparavant sans en découvrir le nom et qu’il réentendit bien plus tard aux côtés d’Odette dans le salon des Verdurins. Réminiscence qui sera chargée d’érotisme au plus fort de sa liaison avec Odette puis de douleur lorsque celle-ci ne sera plus que cendre. Swann, dans les affres de la jalousie, finit néanmoins par se raisonner et se détacher d’Odette. Odette qu’il finira tout de même par épouser (mais cet épisode n’est pas relaté dans le livre) car le couple enfante Gilberte dont le narrateur tombe amoureux dans la première partie.
Noms de Pays : Le Nom : Troisième et dernière partie, beaucoup plus courte que les deux premières car elle ne s’étend que sur quelques dizaines de pages seulement. Le lecteur revient au présent, à la suite de la partie qui s’est déroulée à Combray. On retrouve le narrateur qui est rentré à Paris avec ses parents. Nous sommes en hiver et il nous parle de ses premiers émois amoureux pour Gilbert avec laquelle il joue aux Champs-Elysées saupoudré de neige. La Seine est gelée et la glace suffisamment épaisse pour permettre au tout Paris de se retrouver au milieu du fleuve. Swann et Odette ne semblent pas ravis que leur fille unique fréquente un membre de la famille à laquelle ils se trouvaient jadis liés. Ils laissent néanmoins les deux enfants à leurs jeux.
Proust, c’est avant tout un style très particulier. De longues phrases aux différentes propositions séparées par d’innombrables virgules. Phrases qu’il m’a souvent été nécessaire de reprendre pour retrouver le début de la proposition dont j’avais perdu le fil à la suite d’une longue digression en parenthèse. Une écriture particulièrement dense, aux paragraphes parfois interminables. Ecriture que j’ai trouvé très exigeante : il me fallait une très grande concentration pour parvenir à entrer dans ce texte assez difficile (mais pas autant que je l’avais toujours craint). Des retours en arrière ont parfois été nécessaire car je « décrochais » et lisais des phrases sans m’en apercevoir, sans en avoir conscience. Un style magnifique que j’ai beaucoup aimé lorsque je parvenais à m’immerger entièrement dans l’histoire (à l’occasion d’une longue période de calme absolu). Mais une lecture qui m’a laissé épuisé à la fin de ce premier tome et qui m’a empêché d’enchainer avec les Jeunes filles en fleur, dont j’ai remis la lecture à plus tard.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Lun 24 Oct 2011 - 17:29
Harelde a écrit:
Proust, c’est avant tout un style très particulier. De longues phrases aux différentes propositions séparées par d’innombrables virgules. Phrases qu’il m’a souvent été nécessaire de reprendre pour retrouver le début de la proposition dont j’avais perdu le fil à la suite d’une longue digression en parenthèse. Une écriture particulièrement dense, aux paragraphes parfois interminables. Ecriture que j’ai trouvé très exigeante : il me fallait une très grande concentration pour parvenir à entrer dans ce texte assez difficile (mais pas autant que je l’avais toujours craint). Des retours en arrière ont parfois été nécessaire car je « décrochais » et lisais des phrases sans m’en apercevoir, sans en avoir conscience. Un style magnifique que j’ai beaucoup aimé lorsque je parvenais à m’immerger entièrement dans l’histoire (à l’occasion d’une longue période de calme absolu). Mais une lecture qui m’a laissé épuisé à la fin de ce premier tome et qui m’a empêché d’enchainer avec les Jeunes filles en fleur, dont j’ai remis la lecture à plus tard.
Je me souviens de la discussion autour du style de Marie N'Diaye qui adopte parfois également de longues phrases un peu sinueuses. Mais à côté de Proust c'est finalement très sobre. Un auteur qui écrirait comme lui aujourd'hui susciterait probablement pas mal de moqueries (Richard Millet s'y essaie un peu). La frontière est encore étroite entre la formidable beauté de ce flux de mémoire, qui choisit de prendre son temps, et la lourdeur potentielle de ces digressions incessantes qui font courir le risque de perdre le fil conducteur. Mais la difficulté du style s'arrête là finalement. Un auteur intimidant a priori mais qui raconte des choses très divertissantes sans que ce soit particulièrement ardu. On a l'impression qu'il cherche un compromis entre l'étude de la condition humaine d'un Balzac et les mémoires de Saint Simon qu'il admirait. Il y ajoute une réflexion passionnante sur les relations entre l'esprit et le temps. Certains parlent de l'influence de Bergson sur son oeuvre. Je tenterai un peu plus tard la lecture de Matière et Mémoire si ça n'est pas trop ardu... Nos amis philosophes sur parfum pourront peut-être nous éclairer.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Ven 30 Déc 2011 - 14:17
Je termine l'année avec la 1ère partie de "Le côté de Guermantes" en compagnie du jaloux Robert de Saint-Loup, de la courtisane aux 2 visages Rachel "quand du seigneur", de La fascinante Mme de Guermantes, de Mme de Villeparisis, et de l'émouvante grand-mère du narrateur bientôt mourante (quelles scènes géniales que la conversation au téléphone et les retrouvailles qui font apparaître la réalité photographique de sa vieillesse en contraste avec le souvenir affectif...). L'écriture y est plus que jamais hypnotisante. On se dit à chaque volume qu'on a encore monté d'un cran mais c'est que toute l'oeuvre est à ce niveau incroyable!
Et pour revenir à la question initiale de Shanidar... Je comprends maintenant qu'il faut tout lire dans l'ordre car on voit le narrateur grandir peu à peu et regarder le monde à travers des obsessions récurrentes (circulaires même) mais qui prennent une tonalité sans cesse changeante et de plus en plus subtile et complexe comme il en va avec l'expérience et la maturité (notamment quand il analyse le jeu de l'actrice La Berma). Et la lecture me semble de plus en plus fluide et évidente. ça se dévore comme un roman à suspens (va-t-il réussir à approcher Mme de Guermantes, que devient Albertine, quand le narrateur va-t-il réussir à commencer à écrire...?) et c'est d'une richesse sans fin.
J'attaque la 2e partie.
anagramme Agilité postale
Messages : 909 Inscription le : 29/08/2008
Sujet: Re: Marcel Proust Ven 30 Déc 2011 - 17:48
Un de mes passages préférés, c'est la description de la "baignoire" au théatre de la duchesse de Guermantes, avec ses tritons, ses danaides, ses corails, bref tout un monde marin... C'est drole, la maitresse, ne connaissant pas l'opéra de Halévy, ne comprend pas pourquoi le narrateur appelle Rachel comme ça.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Marcel Proust Ven 30 Déc 2011 - 18:15
Tout ce passage à l'opéra est impressionnant. Comme si le décor mythologique de la salle devenait le miroir de cette hiérarchie sociale ou trône la majestueuse Mme de Guermantes. il y a Constamment chez Proust des morceaux de bravoure littéraires sur les sujets les plus varies.