Pierre Michon

Lucretius a écrit:

Je trouve cette honte compréhensible, surtout de la part de bons écrivains, car les mauvais sont souvent trop inconscients pour comprendre en quoi ils sont écrasés.

C'est Jaccottet qui emploi ce terme"honte", j'y vois moins une honte qu'une grande modestie de la part d'un poète comme lui.

Lucretius a écrit:

pour qui a une véritable ambition artistique, cette distance avec les génies, qui persistera toujours malgré leurs mérites, peut être source de complexes.

Ce genre d'auteurs-là fait souvent référence aux "maîtres" qui leur ont donné l'envie et le courage d'écrire , leurs références, leur idéal d'auteur vers lequel ils veulent tendre...

Lucrétius a écrit:

Je ne dirais pas par exemple de Michon qu'il est un grand styliste, mais qu'il apporte à ses phrases un soin extrême. Mais ce soin se voit trop, on sent la sueur et le besogne.

Je le vois aussi comme un besogneux du style...qui ne fut certainement pas un acquis facile, d'emblée...Mais la besogne paie...Et le talent est là maintenant...de plus en plus évident...Je vois moins la sueur que la maîtrise.

Le Grand Prix du roman de l'Académie française, qui ouvre la saison des prix littéraires, a été décerné à Pierre Michon au troisième tour de scrutin pour son roman "Les Onze.

Et dire que je ne le connaissais même pas

C'est le moment Charperlipopette!

Pour connaître Michon, commence plutôt par les vies minuscules : celui-ci est très bien écrit, et ne donne moins l'impression que les autres, d'être un objet gratuit sorti de nulle part.

Lucretius a écrit:

Pour connaître Michon, commence plutôt par les vies minuscules : celui-ci est très bien écrit, et ne donne moins l'impression que les autres, d'être un objet gratuit sorti de nulle part.

Comme tu y vas!...

Mythologies d'hiver

Etrange objet que ce livre, j'ai du mal à lui assigner une catégorie. Nouvelles ? Contes ? Récits ? Mais en même temps certains textes se répondent, constituent une autre version des mêmes faits. Ce qui est certain, c'est que l'écriture est une véritable splendeur, au delà des mots, il y a un rythme, une fluidité, une sorte de musique. Récits de la vie des saints pour la plupart, mais des saints étranges, très hommes en fin de compte. Et comme si la foi n'était pas la question. La question est un moment vécu par ces femmes ou ces hommes, qui deviennent comme des moments d'éternité, de grâce, de beauté ineffable. Ils sont saisis dans ces moments qui sont le grand moment de leur vie, dans lequel leur essence est comme capturée. Une sorte d'enluminure. Et je pense que l'auteur a dû écrire de la façon dont on faisait les enluminures. Lente, patiente, minutieuse. Jusqu'à ce que chaque détail soit parfait, fignolé au maximum. Un moment délicat et subtile, une lecture difficile à oublier. Je relirai du Pierre Michon, c'est certain.

bix229 a écrit:

Oui, un artisan, je crois qu' il se considère ainsi.

Il est modeste, et ce sont ses pairs qui le considèrent eux-memes comme
un grand écrivain
Lui ne s' est jamais monté le bourichon...

Modeste - je m'étrangle ! , certainement pas.
Il n'y a qu'à lire les multiples entretiens qu'il a accordé avec complaisance à l'occasion de la sortie des Onze, pour lequel l'éditeur avait visiblement organisé une belle campagne publicitaire .
( Quand j'ai vu, à sa sortie, plusieurs exemplaires du dernier livre d'un auteur réputé élitiste en tête de gondole du super-marché Leclerc de la petite ville la plus proche de mon domicile, j'ai compris qu'un prix littéraire lui était destiné !)

Michon est un grand écrivain et j'ai adoré Les vies minuscules mais Les Onze ne sont pas, à mon sens, son meilleur livre, même si quasiment toute la critique l'a encencé, et parfois avec une révérence écoeurante...
Sur le Net , Nunzio Casalaspro a écrit un magnifique article sur son blog, ( Michon ou, le paradoxe du grand écrivain) qui va dans le même sens que celui, bien plus modeste, que j'ai moi-même écrit.

Malheureusement, le Michon des Vies minuscules, à l'écoute des petites gens au service desquelles il mettrait sa belle plume, n'est pas le vrai ( quelqu'un qui le connaît bien me l'a d'ailleurs confirmé ...)

Emmanuelle Caminade a écrit:

Michon est un grand écrivain et j'ai adoré Les vies minuscules mais Les Onze ne sont pas, à mon sens, son meilleur livre, même si quasiment toute la critique l'a encencé, et parfois avec une révérence écoeurante...
Sur le Net , Nunzio Casalaspro a écrit un magnifique article sur son blog, ( Michon ou, le paradoxe du grand écrivain) qui va dans le même sens que celui, bien plus modeste, que j'ai moi-même écrit.

Malheureusement, le Michon des Vies minuscules, à l'écoute des petites gens au service desquelles il mettrait sa belle plume, n'est pas le vrai ( quelqu'un qui le connaît bien me l'a d'ailleurs confirmé ...)

Au Masque et la Plume, je me souviens que les avis étaient partagés...

C'est toujours amusant, la vraie personnalité de l'écrivain et celle qui semble transparaître. Quand ce ne sont pas les mêmes, on peut en conclure que c'est un vrai écrivain, non ?

Désolé, Emmanuelle Caminade, mais je continue à considérer Michon comme quelqu' un de modeste, ne serait-ce que par comparaison avec d' autres écrivains qui passent plus de temps sur les plateaux télé qu' à écrire.

Des entretiens ou des interviews, pas tellement non plus à ma connaissance, et mon métier m' a amené à consulter pas mal de revues littéraires.
En plus il a au moins quelque chose à dire et je n' ai rien trouvé d' immodeste dans ses propos.
Quand à sa personne et à sa vie je connais aussi des gens qui l' ont approché.
Comme quoi, nous n' avons pas les memes sources d' information.
Pour le reste, on est d' accord, c' est un grand écrivain...

La plupart du temps, moins on sait sur la vie d' un auteur et mieux c' est !

Vies minuscules

J’avais vraiment aimé Mythologies d’hiver et j’ai donc très rapidement enchaîné avec Vies minuscules, surtout que sur ce fil une unanimité semblait indiquer que c’était l’œuvre de Michon la plus réussie.

Cela a déjà été explicité précédemment, Pierre Michon raconte dans ce livre la vie de « petites gens » qu’il a connu, ou qui font partie de son histoire familiale, et cela faisant, il se raconte lui. Une construction originale, une écriture reconnaissable, bien à lui, ce livre avait à priori tout pour me plaire. Mais je n’ai pas été conquise, enfin pas complètement. Il y a eu des moments où je me laissais bercer par la musique de la langue, prendre au charme des personnages. Mais aussi des moments, dans lesquels j’avais l’impression que l’auteur en faisait vraiment « trop ». Trop dans ses phrases tellement travaillées, au vocabulaire peu courant. J’aime les belles écritures, les mots rares ne me gênent pas, au contraire. Mais le rythme d’une phrase, l’usage d’un mot doivent avoir une nécessité, une façon d’être qui est authentique, parce qu’elle est l’auteur, et qu’il ne peut transmettre cette part la plus essentielle de lui-même que de cette façon-là. Et par moment, j’ai eu la sensation que cette nécessité n’était pas vraiment présente, que peut être à force de la travailler, sa phrase, il dépassait par moments, pas tout le temps, juste à certains moments, la frontière entre l’authentique et la pose. Qu'à certains endroits il aurait du s'arrêter un peu avant, qu'à force de la triturer sa prose, il l'avait gâchée.

De la même façon, les petites gens qu’il dépeint sont attachants, mais ce qui m’a gêné à d’autres, c’est que finalement, dans certains passages, ils finissaient instrumentalisés, parce que le seul vrai sujet du livre, c’est quand même Pierre Michon, et les personnes qu’ils évoquent, elles sont là pour parler de lui finalement. Et ils auraient eu droit à leur livre à eux. Enfin, je trouve. Sentir Pierre Michon présent tout le temps, même quand il semblait parler pour d’autres m’a gêné, surtout vers la fin du livre. C’est peut être aussi pour cela que j’ai nettement préféré Mythologies d’hiver, livre dans lequel l’auteur s’efface derrière ses personnages complètement. Je crois que je n’ai pas éprouvé du tout de sympathie pour Pierre Michon, tel qu’il se dépeint dans Vies minuscules, et cela aussi m’a fait un peu décroché vers la fin.

Mais je comprends que ce livre puisse plaire, même si je ne partage pas, loin de là, l’admiration que certains ont pour lui. Et je n’exclue pas lire autre chose de lui, mais à condition que Pierre Michon ne soit pas trop présent comme personnage.

Les onze
J'ai fini ce livre et je suis incapable de donner un avis ! EN ce moment, à cause d'un retard au travail, je ne lis que fort tard, souvent après minuit. Pendant une quarantaine de pages, je n'ai rien compris, ni de quoi ça parlait, ni de qui. Par contre, le style, les phrases extrèmement bien construites me plaisaient bien.
Ensuite, le sujet c'est peu à peu éclairci, mais pas suffisamment pour mes pauvres neurones : donc c'est un livre sur un tableau du Louvres et au travers de ce tableau et de son peintre, sur la période de la terreur et sur les peintres et leur perception de l'histoire. Ca m'est apparu touffu et très présomptueux mais le style m'a quand même accroché, suffisamment pour finir ce roman !

"Michon chez les Parfumés"...

Une pensée me vient à propos de « Michon chez les Parfumés »…
Qu’elle ne blesse personne…C’est un petit coup de gueule…J’ai le droit ?...Je le prends...

On peut apprécier ou non de lire un auteur…Ca d’accord !...Et Michon comme tous les autres !…
Mais je regrette que des amateurs de littérature s’affolent devant un style travaillé, si rare qu’il touche à la perfection et ne se permet aucune facilité…
Qu’ils ironisent sur l’utilisation pourtant pertinente d’un vocabulaire qui est bien celui de la langue française, mais qui a déserté le langage courant…
Qu’ils montent tout de suite au créneau avec des mots comme « touffu », « présomptueux », « maniériste », « immodeste » et j’en passe…

Qui sommes-nous, petits lecteurs, pour juger aussi sévèrement un style quand les spécialistes de la langue, les savants dans leurs Universités, dans l’ombre donc, lui consacrent de nombreuses études et s’accordent à reconnaître les qualités éminemment littéraires des écrits de Pierre Michon ?

Il me semble que ces réactions viennent comme si, tout à coup, l’on se sentait insulté en tant que lecteur parce que l’auteur ne nous a pas prémâché quelque chose d’immédiatement digeste qui nous rassure sur nos qualités de lecteur éclairé.
Il nous a obligés-nous !- à un effort : d’attention, de concentration ou de réflexion…Nous n’avons pas forcément tout saisi tout de suite… Nous n’avons peut-être même pas, au final, tout saisi…Il nous a mené à ouvrir un dictionnaire…
Le salaud !...

Lâchons un peu…Ne nous sentons pas offensés ou humiliés…
Il est de ces auteurs qui nous élèvent, nous « cultivent » si nous sommes capables, de temps à autres (on ne peut pas lire tout le temps ceux-là) de se placer très modestement devant leurs textes qui ne nous livreront pas tout en une seule fois (l’Art ne livre jamais en une seule fois) et d’accepter humblementce qu’ils nous apportent , sans montrer les crocs, comme cela se fait parfois dans les cours d'école face au premier de la classe …
Pierre Michon est sans conteste aujourd'hui un des premiers de la classe littéraire...
Ce n'est pas moi qui le dit...J'éprouve seulement le désir de le rappeler, ou de le faire savoir...Il ne fait même pas partie de mes écrivains préférés (les sujets qu'il traite ne me touchent pas toujours) mais je suis éblouie devant sa maîtrise absolue du langage ...

Mais voyez plutôt...

"Rimbaud le fils" (extrait) :
"On dit que Vitalie Rimbaud , née Cuif , fille de la campagne et femme mauvaise , souffrante et mauvaise , donna le jour à Arthur Rimbaud .On ne sait pas si d'abord elle maudit et souffrit ensuite , ou si elle maudit d'avoir à souffrir et dans cette malédiction persista ; ou si anathème et souffrance liés comme les doigts de sa main en son esprit se chevauchaient , s'échangeaient , se relançaient , de sorte qu'entre ses doigts noirs que leur contact irritait ,elle broyait sa vie , son fils ,ses vivants et ses morts . Mais on sait que le mari de cette femme qui était le père de ce fils devint tout vif un fantôme, dans le purgatoire de garnisons lointaines où il ne fut qu’un nom, quand le fils avait six ans. On débat si ce père léger qui était capitaine, futilement annotait des grammaires et lisait l’arabe, abandonna à bon droit cette créature d’ombre qui dans son ombre voulait l’emporter, ou si elle ne devint telle que par l’ombre dans quoi ce départ la jeta ; on n’en sait rien. On dit que cet enfant, avec d’un côté de son pupitre ce fantôme et de l’autre cette créature du désastre, fut idéalement scolaire et eut pour le jeu ancien des vers une vive attirance : peut-être que dans le vieux tempo sommaire à douze pieds il entendait le clairon fantôme des garnisons lointaines, et les patenôtres aussi de la créature du désastre, qui pour scander sa souffrance mauvaise avait trouvé Dieu comme son fils pour le même effet trouva les vers ; et dans cette scansion il maria le clairon et les patenôtres, idéalement. Les vers sont une vieille marieuse. »

Coline, si tu me lis, j'emploie les mots "touffu" et "présomptueux" pour l'histoire que j'ai lu, pas pour le style qui au contraire m'a intéressé au plus haut point, pas loin de me fasciner. Seulement je n'ai pas su rentrer dans son histoire ; aucun jugement définitif sur cet auteur vers lequel je reviendrai sûrement, avec sans doute Les vies minuscules .
Après, pour ton coup de gueule, et bien il me fait plaisir, montrant que, quand un auteur nous tient à coeur, on ne lâche pas !

Je trouve ta réaction... étrange Coline.

Tu critiques les gens parce qu'ils donnent leur avis de leur lecture de Michon... jusqu'à dire, en gros, qu'ils n'ont juste rien compris parce qu'ils ont l'habitude de lire de la littérature prémâchée.

S'il parait présomptueux et maniériste à certains, n'ont-ils pas droit de le dire ? Ce n'est pas parce que Michon est reconnu, et qu'il est étudié par de grands spécialistes de la langue française qu'on doit être moins sévère. Sinon, alors censurons-nous tous sur tous les auteurs (ou la plupart).


Tu peux, évidemment, défendre le style de Michon, en dire toute ta passion... etc... mais pourquoi remettre en cause la valeur des avis négatifs ?

Je trouve important qu'ils existent, et on avait déjà débattu de cela, d'ailleurs (ici). Et tiens, c'était toi qui avais créé ce fil.