Patrick Modiano

UN PEDIGREE.

Modiano raconte les vingt et une premières années de sa vie, avec pudeur et distance. Il ne s'agit nullement d'une introspection, mais plutôt d'une exposition de faits qui s'enchaînent, sans atermoiement, sans ressentiment.

Il est essentiel de ne lire cette autobiographie qu'après avoir lu quelques-uns de ses romans, afin d'avoir en tête ses obsessions et son atmosphère romanesque. Sinon on passe à côté de détails qui n'en sont pas à la lumière de ses écrits.

Si Modiano ne s'était pas appelé Modiano, il y a fort à parier que ce livre n'aurait pas suscité l'intérêt d'un éditeur, tant il doit son existence à la profusion des écrits précédents. Un livre nécessaire pour lever le voile sur des zones d'ombre.

Spoiler:

Eve Lyne a écrit:

Il est essentiel de ne lire cette autobiographie qu'après avoir lu quelques-uns de ses romans, afin d'avoir en tête ses obsessions et son atmosphère romanesque. Sinon on passe à côté de détails qui n'en sont pas à la lumière de ses écrits.

moi je trouve qu'il donne ici la clé pour tous ses autres romans - et ce serait dommage de le lire avant d'autres romans de lui..

Eve Lyne a écrit:

Si Modiano ne s'était pas appelé Modiano, il y a fort à parier que ce livre n'aurait pas suscité l'intérêt d'un éditeur, tant il doit son existence à la profusion des écrits précédents. Un livre nécessaire pour lever le voile sur des zones d'ombre.

je parie avec toi sur le fait que ce livre n’a vu le jour à cause du nom de Modiano.. mais comme tu le dis – un livre nécessaire.. et du coup il doit faire partie d’une lecture Modiano

kenavo a écrit:

moi je trouve qu'il donne ici la clé pour tous ses autres romans - et ce serait dommage de le lire avant d'autres romans de lui..

Je suis 100% d'accord avec toi. Pour ne citer qu'un exemple, l'allusion fréquente au fameux panier à salade, "panier" plus ou moins obsessionnel suivant le roman. Ce qui est bien c'est que nous comprenons nos lectures précédentes, sans pour autant avoir besoin de relire.

kenavo a écrit:

je parie avec toi sur le fait que ce livre n’a vu le jour à cause du nom de Modiano.. mais comme tu le dis – un livre nécessaire.. et du coup il doit faire partie d’une lecture Modiano

Les autres romans sont des atmosphères. Celui-ci explique les atmosphères. Est-ce un travail de deuil de l'enfance ? Je ne suis pas convaincue. Son dernier roman Dans le café de la jeunesse perdue était dans les mêmes tonalités que les autres.

Eve Lyne a écrit:

Les autres romans sont des atmosphères. Celui-ci explique les atmosphères.

voilà qui est joliment dit...

DES INCONNUES.

Il s'agit d'un recueil de trois nouvelles, où trois femmes racontent un moment de leur vie, au sortir de l'adolescence, entre seize et vingt ans. Toutes trois rêvent d'une autre vie et tentent de fuir une enfance qu'elles jugent inintéressante. Chacune rencontre son "passeur".

On ne connaît pas les prénoms, encore moins les noms. On ne sait pas ce qu'elles deviennent.

La première héroïne croit rencontrer l'amour à Paris. La seconde cumule les petits boulots pour ne plus retourner au pensionnat. La dernière s'est laissée endoctriner.

Ce livre ne se distingue pas des autres. C'est l'univers habituel de l'auteur avec le thème omniprésent de la recherche de soi.

UN CIRQUE PASSE.

Le narrateur a dix-huit ans. Il vit à Paris, dans l'appartement laissé par son père, en compagnie d'un ami de celui-ci. Ses parents sont à l’étranger.
Un jour, il est interrogé dans un commissariat car son nom a été trouvé dans un agenda. Il rencontre alors Gisèle, une jeune femme de vingt-deux ans, qui elle aussi a été interrogée, mais dans le cadre d'une autre affaire. Gisèle s'installe le jour même chez le narrateur. Le lendemain, elle lui présente deux amis rencontrés récemment, qui apparaissent très mystérieux quoique sympathiques. Ces amis demandent un service : aller dans un café prévenir un homme qu'ils souhaitent voir dans leur voiture garée à proximité. Une fois le service rendu, les deux individus disparaissent. Le narrateur et Gisèle décident alors de fuir à Rome. Mais un accident survient.

Cette histoire se déroule sur une petite semaine. L'atmosphère est floue et glauque. Le style est dominé par les dialogues, ce qui rend la lecture très agréable. Tous les thèmes chers à Modiano sont présents, ce qui fait que les adeptes sont une nouvelle fois sous le charme de ce roman.

Si vous aimez l'ambiance modianesque, ce livre est pour vous.

Eve Lyne tu baignesdans Modiano en ce moment!... Il faut dire que c'est bien agréable!...

coline a écrit:

Eve Lyne tu baignesdans Modiano en ce moment!... Il faut dire que c'est bien agréable!...

Je craque complètement sur l'ambiance. Je me sens en terrain connu, et pourtant à chaque fois je découvre de nouvelles informations qui complètent l'univers de Modiano. C'est comme une musique quon se passerait en boucle, sans jamais se lasser.

Eve Lyne a écrit:

Je craque complètement sur l'ambiance. Je me sens en terrain connu, et pourtant à chaque fois je découvre de nouvelles informations qui complètent l'univers de Modiano. C'est comme une musique quon se passerait en boucle, sans jamais se lasser.

je me retrouve dans ton enthousiasme.. et merci pour ces mots

DU PLUS LOIN DE L'OUBLI.

Jacqueline est le fil conducteur de ce roman. La première partie se passe à Paris, où le narrateur se souvient de sa rencontre avec Jacqueline, alors en couple avec Gérard. Tous les trois vivent de peu de choses et se cherchent. Les descriptions du Paris de l'époque sont détaillées.
Puis, le narrateur et Jacqueline partent à Londres, où ils passent également leur temps à errer. Cependant, le narrateur y découvre son désir d'écrire et se ébauche son premier roman. Ils rencontrent des personnes sympathiques mais énigmatiques, qui égaieront cependant leur quotidien de grisaille londonienne. Mais un jour, Jacqueline disparaît.
Commence alors la troisième partir qui se situe quinze ans après ce séjour à Londres. Là, contrairement aux deux parties précédentes, le narrateur se situe dans l'instant présent. De nouveau, il se cherche et se souvient de Jacqueline dont il tente de retrouver la trace.

C'est un roman sur la fuite et la rêverie. Les protagonistes rêvent leur vie, sans la vivre pleinement. Ils sont dans cette quête identitaire si chère à Modiano.

Le style est dépouillé, sans recherche stylistique particulière. L'ambiance reste floue, malgré les descriptions précises, des lieux d'errance avant tout. On sait peu de choses sur chaque personne rencontrée. Qui sont-elles ? Que veulent-elles ? Quels sont les liens qui les lient les unes aux autres ? Reste le charme nostalgique attachée à cette plume modianesque.

Il est difficile de citer des extraits car chaque phrase ne prend son sens qu'eu égard à celle qui la précède. C'est encore une fois une ambiance d'écriture et non une écriture percutante.

Eve Lyne a écrit:

DU PLUS LOIN DE L'OUBLI.

Il est difficile de citer des extraits car chaque phrase ne prend son sens qu'eu égard à celle qui la précède. C'est encore une fois une ambiance d'écriture et non une écriture percutante.

C'est très juste. Plus qu'aux mots, on s'attache à l'univers de Modiano.

coline a écrit:

C'est très juste. Plus qu'aux mots, on s'attache à l'univers de Modiano.

Plus je lis, plus ma vision globale de l'oeuvre s'enrichit. Chaque livre apporte un plus qui étoffe les connaissances acquises dans les précédentes lectures. On apprend à mieux connaître l'écrivain, avec ses peines, sa nostalgie. Il se livre, par petites touches, dans chaque écrit.
On garde le souvenir d'une ambiance passéiste et sensible. Mais je suppose que si l'on ne lit pas Modiano pendant plusieurs mois il est alors diffciile de résumer un roman en particulier tant ils se ressemblent tout en étant différents.

Pour tous les amoureux de cette plume modianesque, ces quelques verts de Verlaine témoignent parfaitement de ce qu'on ressent lors de chaque lecture :

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Eve Lyne a écrit:

coline a écrit:

C'est très juste. Plus qu'aux mots, on s'attache à l'univers de Modiano.

Plus je lis, plus ma vision globale de l'oeuvre s'enrichit. Chaque livre apporte un plus qui étoffe les connaissances acquises dans les précédentes lectures. On apprend à mieux connaître l'écrivain, avec ses peines, sa nostalgie. Il se livre, par petites touches, dans chaque écrit.

S'il n'y a pas de lassitude, c'est une bonne idée de lire dans la foulée plusieurs ouvrages (ou tous les ouvrages) d'un même auteur. Je l'ai fait une année pour Marguerite Duras.

coline a écrit:

S'il n'y a pas de lassitude, c'est une bonne idée de lire dans la foulée plusieurs ouvrages (ou tous les ouvrages) d'un même auteur. Je l'ai fait une année pour Marguerite Duras.

C'est ce qui fait le talent d'un auteur : ne pas lasser son public. J'ai également eu des coups de coeur très forts pour deux autres écrivains : Yasmina Khadra et Maxence Fermine.

Deux auteurs que je n'ai encore pas lus!