Les lèvres rouges (1971)
Ce n'est pas un film réussi de bout en bout mais comme il s'agit de mon premier film avec Delphine Seyrig, je vais tenter un commentaire.
Les lèvres rouges est un film de vampires qui se passe en Belgique (Ostende et Bruges, principalement) au début des années 70 et qui raconte un épisode fictif de la vie de la comtesse sanglante, alias Erzsébet Bathory.
Soutenu par un bande originale (François de Roubaix) qui colle parfaitement au rythme du film, celui-ci ce déroule entre l'amour voluptueux d'un jeune couple fraîchement marié et l'arrivée sulfureuse d'un couple de femmes atemporel. L'hôtel est vide et manifestement le jeune homme ment à sa jeune épousée. Ce qui est intéressant c'est justement que Kümel a choisi de donner à son personnage masculin, jeune anglais, un caractère trouble, angoissant, voire pervers qui effraie sa compagne et l'amène dans les bras de la comtesse, bien plus sûrement que les tentatives, parfaitement effrayantes, de cette même comtesse.
Si l'aventure peut sembler cousue de fil blanc, il n'en reste pas moins que la présence incroyablement hypnotique de Delphine Seyrig et le jeu trouble de John Karlen donne une vraie consistance à l'intrigue. Grâce à une modulation très efficace de sa voix, capable d'être tour à tour enjôleuse ou directive, Seyrig, enflamme le film et l'imagination du spectateur. Avec peu de moyens spectaculaires mais une lisibilité sauvageonne, Kümel parvient à donner au film une touche très personnelle et intime.
Les images figées par l'obscurité de l'hôtel d'Ostende, dans lequel le principal de l'intrigue se joue, ne force pas le trait d'un endroit qui serait pas nature effrayant, mais son aspect solide et solitaire, son imposante façade lui confère une massivité, une noblesse, une atemporalité qui convient parfaitement aux desseins de la comtesse.
Les costumes, dont les couleurs extrêmement basiques (rouge, blanc, noir) rappellent le traitement qu'en fait Peter Greenaway dans Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, parviennent à retenir la rétine dans une fixité qui éclabousse et le lamé argent que revêt la comtesse pour son dernier dîner en compagnie des deux jeunes mariés, imprègne longtemps l'imaginaire ; tout comme les légères taches de couleur (le vert-bleu sirupeux d'un verre, le rouge sanglant des ongles peints sur la blancheur d'une paume, la blondeur des chevelures dans la nuit noire, un foulard déposé sur une lampe Gallé), on sent que le réalisateur n'a pas voulu en faire des tonnes, qu'il choisit même parfois quelques subtilités pour éviter le film de genre.
Il faut enfin noter la valeur des seconds rôles, l'écervelée et la servante, le portier et le flic retraité, qui tous, à leur manière, donnent au film malgré leur présence attendue, une nuance elliptique souvent fascinante.
Au final, un chouette film, dont je retiens surtout l'ambiance et qui me donne envie de me plonger plus consciencieusement sur la carrière de Delphine Seyrig.
On remarquera au passage, la présence au générique d'une certaine Françoise Hardy, créditée à la direction artistique.