Je n'ai pas trouvé grand chose sur l'auteur:
Né
au Chili au milieu des années 50, Pedro Lemebel, qui est aussi cinéaste
et artiste plasticien, a publié depuis 1986 plusieurs chroniques sur la
culture underground à Santiago. JE TREMBLE,Ô MATADORLa Folle d’en Face, c’est un travesti, qui vit dans la capitale chilienne. Elle habite dans une maison sans prétention, dans un quartier populaire. Les voisins la connaissent et se moquent gentiment d’elle. Elle a apparemment la quarantaine bien que fréquemment, la considère comme une vieillarde avec un dentier : les quadragénaires seraient-elles toutes décaties à ce point ?!
Après des années de prostitution dans les quartiers glauques de la ville, La Folle d’en Face s’est rangée des voitures, par choix et par manque de clients sans doute. Depuis elle brode pour de riches clients, notamment une femme de général, en écoutant des chansons d’amour.
Car La Folle d’en Face rêve du grand amour, qu’elle rencontre par hasard en la personne de Carlos, beau jeune homme un peu secret. Et pour cause : nous sommes au Chili en plein pendant la dictature de Pinochet. Carlos fait partie de ceux qui ne se laissent pas faire. La Folle, tellement amoureuse, acceptera tout de cet homme dont elle ne sait rien, jusqu’à devenir un maillon important de la résistance anti-Pinochet.
Voilà un personnage vraiment attachant pourtant bien éloigné de la « normalité » ! J’ai en effet beaucoup aimé cette grande Folle un peu naïve et si féminine malgré son sexe véritable.
Elle est d’un romantisme échevelé et perdrait la tête pour son Carlos. Pourtant, on est loin du roman à l’eau de rose : l’écriture n’est pas crue, il n’y a pas de scène osées et dégoûtantes alors que le sujet aurait pu s’y prêter. Non, ce sont vraiment les sentiments qui dominent, des sentiments qui sont purement de l’amour et de l’admiration, et qui lui permettent de connaître une seconde jeunesse, de reprendre espoir en la vie.
Mais ce roman, outre une jolie histoire d’amour, dénonce la dictature chilienne. Car La Folle et Carlos ne sont pas les seuls protagonistes : il y a aussi Augusto Pinochet lui-même, qui cauchemarde sans cesse, craignant qu’on attente à sa vie et sa femme, intarissable et parfaite idiote. J’ai beaucoup aimé ce personnage et serais curieuse de savoir si la vraie épouse de Pinochet était aussi inconsistante.
D’ailleurs on va crescendo dans ce roman : au début, l’auteur nous dévoile La Folle et sa vie tranquille, puis peu à peu, introduit Madame Pinochet puis le dictateur ; les chapitres se font alors de plus en plus courts, haletants, jusqu’au dénouement.
La Folle ne rencontrera jamais Pinochet et sa femme mais y sera étroitement liée, sans vraiment le savoir.
Une lecture attrayante, originale, à la fois romantique et politico-historique qui m’a plue.
Deux petits bémols quand même : certaines envolées lyriques de l’auteur qui aurait mieux fait de s’abstenir, du genre « l’ondulante soie marine étendait sa cape de cobalt près du méridien du firmament». Tout ça pour désigner la mer et le ciel…J’ai bien saisi la volonté de l’auteur : mettre en exergue le romantisme de La Folle mais tout de même.
Et aussi l’alternance des pronoms personnels pour désigner La Folle : une fois « il », une fois « elle », qui fait qu’on peut parfois s’y perdre.