Mon dieu ! Un fil n'ayant que deux interventions remontant à 2007. Et pas encore supprimé
C'est révélateur d'une poésie considérée aujourd'hui comme désuète. Qui lit encore Saint-John
Perse ? Pourtant, il a bénéficié d'une immense renommée : prix Nobel, pléiadisé de son vivant (le premier, si je ne me trompe pas)... Il a enchanté mon adolescence. Dès que je le relis, je tombe à nouveau sous le charme de son vocabulaire rare et précieux (insupportable, diront certains), de son rythme ample.
"Palmes... !
Alors on se baignait dans l'eau-de-feuilles-vertes ; et l'eau encore était du soleil vert ; et les servantes de ta mère, grandes filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblais...
(Je parle d'une haute condition, alors, entre les robes, au règne des tournantes clartés.)
Palmes ! et la douceur
d'une vieillesse des racines... La terre !
alors souhaita d'être plus sourde, et le ciel plus profond, où des arbres trop grands, las d'un obscur dessein, nouaient un pacte inextricable.
(J'ai fait ce songe dans l'estime ; un sûr séjour entre les toiles enthousiastes.)
Et les hautes
racines courbes célébraient
l'en allée des voies prodigieuses, l'invention des voûtes et des nefs,
et la lumière alors, en de plus purs exploits féconde, inaugurait le blanc royaume où j'ai mené peut-être un corps sans ombre...
(Je parle d'une haute condition, jadis, entre des hommes et leurs filles, et qui mâchaient de telle feuille.)
Alors les hommes avaient
une bouche plus grave, les femmes des bras plus lents ;
alors, de se nourrir comme nous de racines; de grandes bêtes taciturnes s'ennoblissaient ;
et plus longue sur plus d'ombre se levaient les paupières...
(J'ai fait ce songe, il nous a consumés sans reliques.)"
"Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes, nous laisserez-vous un soir aux rostres de la Ville, parmi la pierre publique et les pampres de bronze ?
Plus large, ô foule, notre audience sur ce versant d'un âge sans déclin : la Mer, immense et verte comme une aube à l'orient des hommes,
La Mer en fête sur ses marches comme une ode de pierre : vigile et fête à nos frontières, murmure et fête à hauteur d'hommes - la Mer elle-même notre veille, comme une promulgation divine...
L'odeur funèbre de la rose n’assiégera plus les grilles du tombeau ; l'heure vivante dans les palmes ne taira plus son âme d'étrangère... Amère, nos lèvres de vivants le furent-elles jamais ?"
Il y a forcément des effets de mode en littérature, comme dans d'autres domaines, et je suis convaincu que Saint-John
Perse reviendra un jour sur le devant de la scène
(PS : dans la liste d'auteur, il est placé à
Perse, mais ne devrait-il pas plutôt être placé à Saint-John
Perse qui est son nom de plume ?)