Maps to the starsA la surface
de ce film il y a un scénario volontairement caricatural
de série B qui recyclerait un certain nombre
de films antérieurs du réalisateur (Pattinson dans une version appauvrie
de son personnage
de Cosmopolis et réduit à une pure fonction érotique,
les films fantastiques ou horrifiques
de ses débuts,
les contaminations et mutations mentales
de ses derniers films sur le plan formel) et des fictions notamment lynchiennes (Queenie a évoqué Mulholland Drive et Mia Wasikowska pourrait être un clone
de Diane/Betty arrivant tout sourire et
de promesse à Hollywood avant
de tout dézinguer).
Série B qui elle-même évoque des films déchets remakes
de films
de genre médiocres antérieurs que
l'industrie hollywoodienne récupère et transforme à
l'infini... Il y a à partir
de ce moment
là une sorte
de contamination
de ces fictions sur
les personnages qui incarnent des stéréotypes volontairement outranciers, mutants, monstrueux et en connexion
les uns avec
les autres
de façon à la fois biographique (réitération des traumas incestueux, des épisodes d'incendie...) et quasi té
lépathique avec ce poème d'Eluard qui circule
de l'un à
l'autre comme un espoir d'évasion d'une prison mentale et aussi du scénario lui-même dont
les personnages semblent vouloir s'extraire.
Il y a dans ce film des phénomènes
de réitération et
de dédoublement qui montrent une sorte
de porosité entre le réel et
les fictions qui le contaminent. Lynch faisait ça à sa manière dans Inland Empire où le personnage joué par Laura Dern était un avatar se démultipliant à
l'infini et était chargé
de porter sur ses épaules
de pure projection mentale tous
les affects et traumas d'une jeune femme tourmentée.
Ce qui est très fort dans le film, comme vous
l'avez souligné (notamment Topocl), c'est que tout en incarnant des caricatures et des figures emblématiques
de stars hollywoodiennes hystériques, dépressives ou perverses, ces personnages acquièrent progressivement une densité quasi réelle et leur souffrance émerge
de ce magma
de clichés. Probablement par la contamination
de la poésie d'Eluard qui ouvre cet espace
de liberté qu'il exprime. Ces pantins se mettent à
lâcher le masque et à souffrir en même temps qu'on se prend
de compassion pour eux et que le film devient très émouvant.
La direction d'acteurs est géniale. Ils sont tous incroyables. Julianne Moore évidemment et Mia Wasikowska (une Alice au pays des sortilèges) mais aussi John Cusack et le fabuleux Evan Bird qui du haut
de ses 13 ans incarne un personnage hallucinant à la fois pervers et fragile.
Les décors aseptisés, comme à son habitude, créent une étrangeté qui souligne la monstruosité (en même temps que
l'humanité)
de ces personnages et la musique d'Howard Shore a une dimension onirique et planante qui nous enveloppe, tente
de panser
les plaies en même temps qu'elle inquiète.
Il y a encore plein
de choses dans ce film qui se regarde à différents niveaux. Je me suis régalé. Cronenberg est en pleine forme et il a trouvé un nouveau terrain
de jeu pour poursuivre ses explorations
de mutations mentales et corporelles. Dans A dangerous method c'était le langage et la pensée qui généraient des liens entre
les personnages et devenaient une matière quasi organique. Ici ce sont
les fictions hollywoodiennes abâtardies qui menacent
de les engloutir mais elles finissent par entrer en conflit avec la poésie. C'est cette dernière qui
l'emporte à la fin mais la liberté advient dans
l'effacement. J'ai adoré!