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| Jacqueline Harpman [Belgique] | |
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Auteur | Message |
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Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 15 Déc 2007 - 19:52 | |
| La vieille dame et moi
Etrange et savoureux récit que celui-ci dont ne déplore qu’une chose : qu’il ne soit pas plus long ! L’auteur nous raconte l’histoire d’une rencontre étonnante : elle se trouve dans son jardin en train d’écrire lorsqu’une dame d’un certain âge (plus de 80 ans nous apprendra le texte) apparaît de manière complètement incompréhensible sur une chaise longue en face d’elle. Passé le premier étonnement, commence alors un discours violent et emballant, un véritable réquisitoire de cette vieille dame contre notre auteur. Tout y passe, le moindre défaut, les plus intimes secrets, les comportements inavoués, etc. Embarrassante aventure que celle-ci qui veut qu’un autre vous mette à nu et ne vous accorde aucune concession sur les erreurs de votre vie. Magnifique texte avec cette apparition (est-ce un rêve ? La réalité ? La fin laisse planer le doute, cela ressemble à un songe, mais laisse des traces profondes dans l’esprit de Jacqueline Harpman) qui pourrait être notre inconscient révolté désireux de nous faire prendre conscience de ce qui est essentiel dans la vie. A travers le réquisitoire contre la narratrice, on apprend que celle-ci (comme presque chacun d’entre nous) s’inquiète avant tout de l’apparence que prend sa vie et de la manière dont elle l’a remplie. Accomplir de grandes choses, laisser des traces, se mentir de peur de reconnaître qu’on n’est pas parfait, voilà ce qui nous hante tous. Or finalement, le plus important est-il d’accomplir de grandes choses pendant sa vie ? N’est-ce pas plutôt d’être satisfait de sa vie, tout court, peu importe ce qui la compose. De même avec la personnalité. Ne vaut-il mieux pas savoir et accepter qu’on est un être minable ou méprisable ? Ou vaut-il mieux faire semblant d’être respectable et se voiler la face ? Un texte qui remet les choses à leur place et nous pousse à réfléchir. Lecture incontournable ! | |
| | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 15 Déc 2007 - 19:53 | |
| Le temps est un rêve
Psychanalyste de formation, Jacqueline Harpman se lance à corps perdu dans la littérature. Elle prend des risques mais n’en a cure. Elle n’hésite pas à se mettre en scène dans ses propres romans, nous dévoilant son intimité, nous présentant son mari et ses filles, ainsi que ses petites manies. Cette fois, dans son ouvrage, malgré un âge avancé, elle connaît une renaissance telle une madone italienne, fraîche et jolie, mais cette résurrection de la jeunesse a des effets pervers qu’elle aborde avec beaucoup d’humour. On en oublie que tôt ou tard, elle, comme nous, sera happée par la mort. | |
| | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 15 Déc 2007 - 19:54 | |
| Récit de la dernière année
Il est rare que je referme un livre en pleurant, ce fut le cas cette fois. Le "Récit de la dernière année" est celui d’une femme, Delphine Maubert, qui apprend peu après son cinquantième anniversaire, qu’elle a un cancer des poumons à un stade avancé et irréversible. De six mois à un an, voilà le délai et l’implacable vérité. Il se passe un peu de temps avant que le lecteur, et Delphine, apprennent la terrible nouvelle. Jacqueline Harpman brosse d’abord un portrait détaillé et riche de cette femme qui se cherche, qui arrive au chiffre symbolique de 50 ans avec une certaine appréhension, beaucoup d’interrogations mais aussi un puissant espoir, celui de continuer à vivre en croquant la vie à pleines dents, de vivre pour les autres mais aussi un peu pour elle. Un anniversaire qui provoque une longue introspection, un bilan, un peu à la manière de Françoise Lefèvre dans "Se perdre avec les ombres".
"On ne peut pas renouer avec soi-même. Chacun de nos âges est intact en nous et définitivement emprisonné dans les coffres scellés de la mémoire, le parfum furtif des madeleines est une imposture, juste une illusion qui passe et que l’on recherche en vain, jamais on ne retrouve la réalité des voix qui résonnent et des bras qui enlacent." (page 34)
Delphine Maubert apprend de la bouche du médecin de famille qu’elle va mourir. La franchise et la brutalité des propos de Letellier, cet homme qui de consultant qu’on ne voit pas vraiment deviendra le confident des dernières semaines, font mal. Mais Delphine Maubert ne semble pas réagir. L’information reste bloquée quelque part, elle reprend ses habitudes comme si de rien n’était, ment et se ment.
"Je crois que je suis confusément choquée par le peu d’émotion. Elle pose les questions qui s’imposent sur le délai, les souffrances, on ne la sent pas trembler. Tremble-t-on tout de suite ? N’est-il pas naturel qu’une sorte d’obscurité se fasse dans l’esprit ? Peut-être la voulais-je immédiatement transpercée comme ces héroïnes de jadis qui s’évanouissaient si gracieusement aux émotions fortes…" (page 57)
Puis un jour, elle décide tout de même qu’il faut annoncer la vérité à sa famille. Ce sera le drame, le choc silencieux. Douleur de Pauline, une femme de 77 ans qui croyait dur comme fer partir avant sa fille. Douleur d’une mère qui voit dépérir son enfant, peu importe qu’elle ait 10 ou 50 ans, elle demeure sa fille, sa chair, une partie de soi-même qui s’en va.
"Voilà que cela me fera vivre au-delà de ma fille. Elle sentit poindre la douleur, comme on devine une tornade qui dévastera tout. Ah si mon cœur pouvait s’arrêter là, d’un instant à l’autre, par pure bonté, pour m’épargner de passer par les jours à venir. Pourquoi ne suffirait-il pas qu’on le veuille et l’absurdité de vivre cesserait ?" (page 93)
Colère et révolte de la part de Mathilde, la fille de Delphine, qui interdit violemment le départ de sa mère, refuse qu’on lui vole toutes ces années à venir qu’elles auraient encore pu passer ensemble. Elle en veut à sa mère, elle se fâche, elle tempête… il est plus facile de s’en prendre à un être vivant qu’on a en face de soi que se bagarrer avec l’entité abstraite que constitue la Mort. Paul, le fils, futur médecin, est partagé et silencieux. Divisé entre la rigueur qui doit être celle d’un toubib face à la maladie et la mort et l’émotion qui l’envahit à l’idée de perdre sa mère dans quelques mois. Sa peine est aussi forte que celle de sa sœur ou de sa grand-mère, il l’extériorise cependant moins. Les semaines s’écoulent, Delphine ne sent rien venir, elle n’attend pas, elle vit comme si rien n’existait. Une petite voix pourtant est là, des pensées, des gestes… mais c’est surtout le comportement des autres et la présence désormais quotidienne de Letellier qui lui rappellent qu’elle ne sera bientôt plus de leur monde. Un jour c’est le choc. L’information est enfin parvenue à son cerveau et au central des émotions. Delphine s’effondre. Elle trouve bien entendu cela injuste, regrette le temps perdu, pleure devant ce qu’elle ne pourra jamais voir. Et là, elle commence à attendre. Une attente insupportable.
"J’ai cinquante ans et je vais mourir : ces mots-là désignaient deux états d’esprit qui lui semblaient incompatibles, car le premier implique d’inventer une nouvelle façon de concevoir son avenir et le second dit qu’il n’y a pas d’avenir. Elle aurait voulu en jeter un hors de soi, comment fait-on cela ? Elle se sentait double." (page 77)
Au fil des jours, sa santé décline. Jusqu’au grand départ. Qui aura lieu dans une belle dignité après un partage impressionnant et intense d’amour avec les siens. Comme si il fallait à tout prix tout se transmettre, raviver les souvenirs, en créer d’autres, dresser un portrait avant qu’il ne soit trop tard.
"C’est ainsi qu’elle s’engagea sur ce chemin qu’on parcourt une seule fois. Elle pensa qu’elle s’absorberait dans chaque pas, qu’elle ne perdrait pas un instant de cet ultime trajet." (page 246)
Dans ce récit, Jacqueline Harpman fait preuve d’une sensibilité alliée à une certaine impudeur de l’âme, qui suscite mon admiration. Comme souvent, elle emploie le procédé de parler à deux vois, la sienne mêlée à celle de Delphine Maubert. Elle raconte une fin de vie avec beaucoup de douceur et de force à la fois, elle dit les sentiments tels qu’ils sont, elle se glisse parfaitement dans la peau de celui qui va bientôt partir. J’ai retrouvé intactes des phrases jadis prononcées, des pleurs versés ou des angoisses jamais totalement éteintes. Merci Madame Harpman. Peu de livres s’ancrent aussi profondément en moi. | |
| | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 15 Déc 2007 - 19:55 | |
| La lucarne
Deux fortes présences dans ce recueil de nouvelles : l'écrivain et ses héros. L'écrivain que l'on sent à chaque page, révolté, rageur, désespéré, passionné face aux histoires qu'il raconte et dépendant de sa plume, de cette écriture qu'il n'arrive pas à abandonner, de ce récit qu'il veut à tout prix raconter. Oui, il y a cette présence invisible et pourtant si forte de Jacqueline Harpman au gré des mots, qui analyse chaque situation et la conduit à son extrémité, vers le point de non-retour. Est-ce sa formation professionnelle (psychanalyste) qui lui donne ce talent pour disséquer les choses sans pudeur et avec efficacité ? Sans doute un peu, beaucoup, elle met tout en lumière ou plutôt ici, elle éteint les lumières, les unes après les autres.
D'où la seconde présence très forte, celle des héros. Des femmes. Qui se battent avec elles-mêmes, avec la vie, avec leur entourage, avec leur condition sociale. Des femmes que l'on devine désespérées et victimes d'une situation qui les étouffe. Femmes de tous les jours, femme de l'imginaire collectif. On retrouve par exemple Antigone, Jeanne d'Arc ou la Vierge Marie. Chacune raconte la légende qu'on a forgé autour d'elles à leur manière, c'est leur version parfois bien différente de la nôtre. Sur ce point par exemple, le récit de Marie est bien plus sensible et réaliste que ce qu'on nous a appris dans les manuels du cours de religion. Antigone brille également par son désespoir lucide, par sa force de caractère, par le regard noir qu'elle porte sur l'inceste et la société qui entretient cet état de fait.
Chaque nouvelle, il y en a dix, représente une vision faussée de certaines réalités, ce que l'on voit par la lucarne. Mais la lucarne, c'est aussi l'inverse, l'histoire vue de l'autre côté, une autre version, une vision plus dramatique et aussi plus attachante. A travers ces cris et ces appels règne un sentiment confus et douloureux de frustration. A chaque fois, on ressent une impossibilité règnante, un désespoir, l'envie de faire quelque chose mais l'impossibilité de le réaliser. Constat amer porté par un récit vigoureux parfumé de quelques touches d'humour bienvenu, Jacqueline Harpman surprend une fois de plus. | |
| | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 15 Déc 2007 - 19:56 | |
| L'orage rompu
J'ai connu Jacqueline Harpman dans une meilleure forme, avec une plume plus en verve que cette fois. Cette histoire, c'est celle d'un huis-clos entre un homme et une femme, sur la ligne TEE (qui deviendra Thalys) Paris-Bruxelles. Trois heures de voyage, elle souhaite manger, il reste une seule place au wagon-restaurant en face de cet homme, elle s'installe. Cornélie revient des funérailles de son ex-mari, un homme qu'elle pensait ne plus aimer et dont les traces refont douloureusement surface. En face d'elle, Henri Guérin, un homme d'affaires à la vie bien rangée, homme tranquille à l'allure distinguée. La conversation s'engage, Cornélie se livre comme jamais, elle raconte ses souvenirs et ses fantasmes, ses histoires les plus intimes, comme sa première expérience sexuelle (une artériole qui se rompt, l'effusion de sang, une première fois qui sera la dernière avec ce garçon, Jacques), ses uniques émois lesbiens, son mariage, ses enfants, ses doutes, tout ce qu'elle conserve enfoui en elle depuis tant d'années. Le Clos-Vougeot aide à ces confidences, mais il n'y a pas que ça. Entre Cornélie et Henri, c'est l'alchimie, la fusion, la révélation des sens. En trois heures de voyage et de conversations, ils tombent en amour l'un pour l'autre, Henri lui propose de le suivre, de vivre leur folie toute entière, comme des amants s'il le faut, davantage encore si elle le souhaite. Mais voilà, Cornélie est une éternelle angoissée, apeurée à l'idée de prendre la moindre décision, malheureuse lors de son premier mariage et morte de peur à l'idée de souffrir à nouveau. Cornélie n'aime pas faire des choix, encore moins avancer vers l'inconnu. Elle a ainsi acquis de petites manies, comme choisir le premier plat qui lui plaît sur la carte, afin de ne jamais avoir à hésiter, consciente que ce sera une souffrance intolérable. Toute sa vie est bâtie sur ce mode. Il n'y a qu'avec les chiffres qu'elle s'entend (elle est statisticienne), car avec eux, tout marche droit.
Trois heures de discussion, la naissance d'une passion dévorante, la question de tout quitter pour vivre cette folie et la réponse, tant attendue, tellement courue depuis les premières lignes. Comment Cornélie qui a peur de tout pourrait-elle partir ? Léger agacement devant cette fin inévitable, j'aurais espéré davantage. Ce roman ne m'a pas emballée. Il rassemble pourtant tous les éléments chers à Jacqueline Harpman, la narration à la première personne, l'impression grandissante quil s'agit d'une autobiographie, le portrait d'une femme tourmentée, l'aternance entre assurance et fragilité, une remise en question, un bouleversement final qui jamais ne se produit... Oui, tout était là mais la magie n'a pas opéré, trop plat pour moi. Un sourire cependant, l'évocation par deux fois de la ville belge dans laquelle je réside la moitié du temps, petite ville perdue sur une carte, dont jamais personne ne parle. Ce fut sans doute mon pincement au coeur, le reste m'a paru trop pesant. | |
| | | Livvy Main aguerrie
Messages : 530 Inscription le : 11/03/2010 Age : 46 Localisation : Belgique
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 20 Mar 2010 - 15:05 | |
| J'ai lu la Plage d'Ostende et Ce que Dominique n'a pas su. Je pense avoir lu d'autres titres, mais je n'en suis pas sûre. J'ai détesté le personnage de La Plage d'Ostende, à tel point que je l'aurais étripée si elle était apparue devant moi. | |
| | | Clemence Envolée postale
Messages : 111 Inscription le : 26/02/2010 Localisation : Haut Var
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Sam 20 Mar 2010 - 17:59 | |
| J'ai beaucoup aimé "La plage d'Ostende" au point d'y aller passer expressément un WE; idem pour une balade autour du lac de Genval ... Par contre, j'ai moins aimé "Du côté d'Ostende".... "L'orage rompu" m'a permis de revivre les mêmes émotions que celles ressenteis dans "La plage d'Ostende". Bonne lecture et joli printemps! | |
| | | Clemence Envolée postale
Messages : 111 Inscription le : 26/02/2010 Localisation : Haut Var
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Dim 5 Aoû 2012 - 20:54 | |
| Une date oubliée....
Jacqueline Harpman, ( née le 5 juillet 1929), a continué à écrire et à exercer ses activités de psychanalyste jusqu'à sa mort, le 24 mai 2012.
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| | | Clemence Envolée postale
Messages : 111 Inscription le : 26/02/2010 Localisation : Haut Var
| Sujet: Re: Jacqueline Harpman [Belgique] Dim 5 Aoû 2012 - 21:06 | |
| ... et pour la suite...."Moi qui n'ai pas connu les hommes."
Ce livre est resté longtemps sur l'étagère. Pourquoi? Je n'en sais rien....un titre un peu dérangeant, voire étrange....je ne sais.
Mais voilà, par une chaude journée, je me suis installée et j'ai lu...presque sans m'arrêter, comme absorbée dans cette première cage, à essayer de comprendre!
Comprendre la cause de cet enfermement Déceler les contenus des "passeuses" d'histoire , Imaginer où et comment Jacqueline Harpman a trouvé l'inspiration de ce roman, Haleter pour savoir quelle serait la fin....en résistant à l'envie d'aller à la dernière page...
je n'ai trouvé aucun point commun entre "La plage d'Ostende" (lue à une période particulière de ma vie) ...et "moi qui n'ai jamais connu les hommes" à une période pleine de sérénité...
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