Abbas Kiarostami

kenavo a écrit:

et oui.. voilà le côté cruel de l'internet.. il fait oublier les distances puisqu'on se trouve à des secondes, parlant de faire des messages

mais en fait, je suis à 2 heures de toi.. et après le ciné, on aura même encore le temps d'aller manger des pastéis

Ça tombe bien j'ai toujours pas testé la pastelaria parisienne ! Ramènes-toi !

Marko a écrit:

traversay a écrit:

coline a écrit:

Un réalisateur et une comédienne que j'aime...Je compte bien faire l'impossible pour voir ce film.

J'ai beaucoup aimé mais attention, la moitié des spectateurs est partie avant la fin.

Et dès la première demi-heure dans la salle où j'étais. C'est bien dommage parce que le film décolle à partir de là justement en faisant surgir l'émotion derrière ce dispositif a priori artificiel.

Justement, je n'ai pas compris cette première demi-heure. C'est quoi l'intérêt? Je me suis sentie conne devant ce film et je n'aime pas ça. J'ai bien bien d'autres occasions pour ça. C'est très bien filmé, Juliette Binoche joue super bien (moins convaincue par les autres acteurs), elle est super belle et j'ai envie d'aller en Toscane pour mes prochaines vacances. Mais je n'ai pas compris et ça m'agace.

odrey a écrit:

[Justement, je n'ai pas compris cette première demi-heure. C'est quoi l'intérêt?

Kiarostami fait partie de ces artistes qui utilisent la banalité apparente du réel pour révéler beaucoup de choses sur la psychologie des êtres humains et leur organisation sociale. Dans son film Ten que j'évoque plus haut il se contente de filmer en champ contre champ une femme au volant d'une voiture et successivement différents passagers qui représentent toute la société iranienne. Ils disent des choses banales et anecdotiques mais à travers ces dialogues ont trouve énormément d'informations sur les relations hommes/femmes, les tabous sociaux, les tensions politique ou religieuses... C'est entre le documentaire, l'installation vidéo d'art contemporain et le cinéma (Kiarostami comme Lynch, Greenaway, Weerasetakhul, Tsai Ming Liang, Nuri Bilge Ceylan ou plein d'autres est un artiste qui utilise le cinéma comme la photographie, la peinture ou la vidéo pour exprimer des obsessions, une recherche formelle ou intellectuelle..).

Il est aussi fasciné par le rapport entre l'artifice et la réalité. Son film Shirin est sensé montrer une succession de visages de jeunes femmes iraniennes en train de regarder un film dans un cinéma. Film qu'on ne voit pas et dans lequel chacune projette ses émotions qu'il filme en gros plan. Sauf que ces femmes ne sont pas des spectatrices prises au hasard mais des comédiennes qui simulent ces émotions. On voit même Binoche surgir le temps d'un plan. Il s'intéresse à ce qui peut surgir de "vrai" à travers l'artifice. L'art étant un moyen de reproduire le réel en le sublimant.



Copie Conforme est à mon avis une tentative de faire surgir les émotions de la "vraie" Juliette Binoche à travers la comédienne en lui insufflant une énergie (il parle de graine qu'il veut faire germer dans cette interview au-dessus) et en lui faisant revivre des expériences émotionnelles personnelles antérieures forcément universelles à travers un rôle de cinéma. Et il pousse la mise en abîme en la faisant simuler cette histoire de couple après qu'une patronne de café lui ait dit qu'elle la croyait réellement en couple. Il est fasciné par ce vertige que provoque cette confusion du vrai et du faux. Ce qui nous bouleverse quand on regarde le visage de Binoche c'est qu'on a le sentiment que cette tristesse, cet espoir, cette colère sont "vraies" tout en sachant que c'est du jeu...

Il explore en même temps, comme Kubrick dans "Eyes Wide Shut" ou même Lars Von Trier dans "Antichrist", ce que c'est que le couple, ce mystère de l'illusion amoureuse souvent si éphémère, ce lent délitement qui plonge chacun dans son incompréhension mutuelle, ses désillusions et l'absurdité de sa vie. Et il le fait avec une sorte de douceur. C'est un voyage élégiaque où le monde extérieur "pittoresque" est vu comme à travers une scène de théâtre (entre des volets ouverts ou à travers une baie vitrée). C'est donc un film sur l'illusion de la réalité, des émotions, de la relation entre les êtres à travers une rêverie artistique à la fois triste et légère, anecdotique et profonde.

Et ces 20 premières minutes montrent à la fois le rapport de force entre l'homme et la femme, l'enfant et la femme, la rationalité et l'intuition, la sêcheresse intellectuelle et la sensualité. C'est le seul point où je n'adhére pas complètement parce que je ne crois pas à une telle dichotomie entre l'homme et la femme. Mais c'est peut-être plus vrai dans la société iranienne... Kubrick disait la même chose en associant l'univers masculin de Tom Cruise à ses peintures abstraites et géométriques en même temps qu'un imaginaire pauvre et limité, et l'univers féminin de Nicole Kidman à ces tableaux foisonnants de nature exubérante et à un imaginaire onirique plus libéré et épanoui. Je ne crois pas que ce soit une affaire d'homme ou de femme.

Je vais lire vos commentaires plus tard, mais là faut que je dise : j'ai surkiffé ce film ! Il m'a rappelé une nouvelle de Kundera dont il faudra que je retrouve le titre !

WooHoo, me voilà de retour dans le monde merveilleux des salles obscures (et vu deux-trois bandes annonces qui m'ont donné envie de plonger le nez dedans!!!)

MerryHappy Queenie !

Bon alors mon petit avis à moi sur Copie conforme.

J'ai adoré ce jeu du vrai et du faux, ces moments où l'un se laisse entraîner par les indices, les souvenirs, les mots de l'autre. C'est souvent la femme, d'ailleurs, qui entraîne l'homme. Lui est assez passif, distant (à un moment elle le lui dit, il répond "Non ce n'est pas vrai", il enlève sa veste, ils sont dans une chambre d'hôtel, on se dit qu'il va un peu laisser se briser sa carapace... puis non)

J'adore l'idée que ce que nous sommes est en partie défini, créé, par le regard de l'autre. Qu'on n'est pas totalement maître de notre propre individualité, qu'on peut aussi se perdre à dépendre se laisser influencer par ce que l'autre attend de nous, mais qu'on peut aussi découvrir un pan de notre personnalité que l'on ne soupçonnait pas.

Le jeu des miroirs, comme en parle déjà Marko, lorsqu'on croise d'autres couples, d'autres images de couples, est extrêmement bien amené, et tellement parlant sur le thème de l'original (l'originel finalement : ceux qui savent garder la petite étincelle du début, la tendresse, l'amour, l'affection, le respect. Même s'il n'y a plus la passion, il y a encore de doux sentiments) contre la copie (ceux qui font semblant, qui tentent de se maintenir ensemble dans une illusion qui ne tient que grâce aux regards que les autres posent sur eux).

Juliette Binoche, vous l'avez dit, est lumineuse. Toute en fébrilité, en failles, en étouffement, en tentatives de se redresser, d'affronter, de comprendre, d'attacher l'autre, de le ramener.
J'ai été soufflée. Je ne la connais que peu au cinéma, elle ne m'a jamais laissé de souvenir marquant, mais là, je ne risque plus de l'oublier.

Lui, c'est vrai, Marko le dit, il est un peu trop monolithique parfois. Trop dans la caricature de l'écrivain beau gosse et maître de lui-même. D'ailleurs, je le voyais plus américain qu'anglais... peut-être pour le côté "poseur". Et sa tête m'a rappelée d'auteur comme Auster ou Irving.
(Avec sa petite mèche qu'il recoiffe deux-trois fois!)

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Le gamin joue comme un pied (sauf deux-trois phrases bien sorties, le reste c'est mal joué!), et ça casse beaucoup du propos du film dès le départ. Dommage. Toujours risqué de faire jouer un enfant. Là, c'est catastrophique.

Les décors sont évidemment sublimes, et c'est vrai que ça fait penser à Voyage en Italie et que ça donne envie d'aller passer quelques jours au fin fond de la Toscane.
Mais c'est drôle, ça fait aussi penser à ces petits villages tellement touristique, que même leur authenticité fait penser à un décor de pacotille, à une copie.

Tout est bien trouvé dans ce film, il m'en restera des traces très longtemps.

Et c'est à la nouvelle Le jeu de l'auto-stop dans Risibles amours de Kundera que ce film m'a fait penser : un couple s'invente un jeu où la femme serait l'auto-stoppeuse prise par un automobiliste, ils jouent sur l'attirance érotique de l'inconnu, et se retrouve rapidement pris au piège de leur jeu.

Queenie a écrit:

Le jeu des miroirs, comme en parle déjà Marko, lorsqu'on croise d'autres couples, d'autres images de couples, est extrêmement bien amené, et tellement parlant sur le thème de l'original (l'originel finalement : ceux qui savent garder la petite étincelle du début, la tendresse, l'amour, l'affection, le respect. Même s'il n'y a plus la passion, il y a encore de doux sentiments) contre la copie (ceux qui font semblant, qui tentent de se maintenir ensemble dans une illusion qui ne tient que grâce aux regards que les autres posent sur eux).

Très juste et une nouvelle strate sur ce thème de l'authentique et de la copie. Copie aussi par rapport aux expériences du passé qu'on voudrait rejouer ou dont on voudrait éviter le même écueil sans toujours y parvenir.

C'est intéressant de lire vos analyses mais l'essentiel finalement est que chacun se fait son propre film, à partir des mêmes images, et en fonction de ses histoires d'amour et de couple personnelles. C'est un film qui peut être décortiqué dans tous les sens, il n'en reste pas moins une expérience intime avec le spectateur (ça a l'air évident comme ça, mais c'est de plus en plus rare dans le cinéma d'aujourd'hui où tout semble formaté y compris les émotions censées être ressenties de la même façon par les spectateurs, quelle horreur !), d'où d'ailleurs le rejet de certains qui n'en comprennent pas la finalité (ce ne sont pas des idiots pour autant, hein).
Ceux qui n'ont pas vu Une leçon d'amour de Bergman peuvent jeter un oeil sur ce film très singulier dans sa filmographie. S'il s'est souvent penché sur le couple dans tous ses états (à commencer par Scènes de la vie conjugale), il l'a rarement fait d'une façon aussi ludique et presque jubilatoire. Et c'est un avant-écho (?) passionnant à Copie conforme.

Je ne vous lis pas...je dois bientôt voir le film...j'ai hâte!...

Je n'ai pas détesté le film. J'ai trouvé la première partie surjouée, bavarde, artificelle (c'est peut-être fait exprès). Et je suis d'accord avec Queenie, le gamin joue mal. J'avais envie de lui foutre des baffes. J'ai beaucoup plus adhéré à la deuxième partie, celle où ils sont un couple. Là, c'est beau, touchant et Juliette Binoche est bluffante. William Shimmel est un peu effacé par elle tant elle illumine le film. Et c'est super bien filmé (dixit la fille qui n'y connais rien). Et les silences sont intéressants. Pas de musique, c'est bien. On en a pas besoin.

Je comprend qu'on adore. Mais je pense l'avoir vu dans de mauvaise condition. Je voulais voir un truc léger, pas prise de tête. On avait opté pour Greenberg mais il était en VF. Du coup, on s'est rabattu sur Copie Conforme sans trop savoir de quoi il en retournait. Pour le côté léger, on repassera.

Close up

Un jeune homme se fait passer pour un metteur en scène de cinéma pour pénétrer a l'intérieur d'une famille.


premier film que je découvre de ce réalisateur. Un film qui se présente de façon un peu rustique, en frôlant ou en se nouant avec le documentaire, la reconstitution (avec procès et tout et tout, pour ce fait divers très vrai). Malheureusement une bonne partie du film m'a échappée, pour cause de demi sommeil qui n'aide pas à lire les sous-titres pour et à suivre le film assez bavard, avec de nombreuses conversations filmées de façon assez statique. c'est dommage, parce qu'il me manque beaucoup d'éléments sur ce thème de l'apparence et du rôle, et de l'identité.

Dommage aussi parce qu'il y a des moments d'une suprême fluidité, comme la bombe aérosol qui dévale sa rue ou les déplacements dans la maison et bien sûr le suivi de la moto à la fin avec le son entrecoupé qui, bien qu'un peu outrancier, participe d'un état de grâce plus qu'appréciable.

Comme une envie d'y revenir...

animal a écrit:

Close up

Comme une envie d'y revenir...

Tu ferais bien...

Like someone in love


Enfin un film qui sort du lot en ce moment. Une épure d'une grande délicatesse qui touche à l'universel en racontant une histoire ténue et réduite au strict minimum. J'ai été envoûté par ces personnages, leur justesse, la beauté et la sobriété des moyens. Kiarostami ne peut plus tourner dans son pays mais le japon lui réussit bien.

Une jeune étudiante harcelée par son copain possessif et jaloux pathologique se transforme en Call Girl à l'occasion. Elle rencontre un soir un vieil écrivain et traducteur qui donne encore quelques conférences. Il vit seul dans un appartement rempli de livres, de photographies de son passé et de la reproduction d'un tableau lumineux dont il nous dit qu'il est la première oeuvre japonaise d'inspiration occidentale (Une belle jeune femme qui apprend à parler à un perroquet.... je n'ai pas trouvé d'image de ce tableau mais il est d'un certain Yazaki et date de 1900). De ce trio improvisé nait une histoire à la fois simple et pleine de richesse où rien n'est stéréotypé, ou chacun a ses paradoxes et ses faiblesses, jusqu'à une fin ouverte qui ne résout rien là où d'autres films en auraient fait une parabole morale plus convenue.



Certains trouveront peut-être qu'il se passe peu de choses mais la façon dont Kiarostami inscrit ses personnages dans cet espace urbain en prenant le temps de poser un cadre, de dilater une séquence, de capter l'atmosphère d'un lieu ou de laisser une émotion surgir offre un moment de cinéma magique et profondément touchant.



Coup de coeur de la rentrée!

Merci pour cet avis...ce nouveau Kiarostami me tente beaucoup et je vais sans doute le découvrir en début de semaine prochaine.